Athénée Théâtre Louis-Jouvet

187 billets passés du blog

saison 2008/2009

  • Last and least • Perspective




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    Après dix mois d’envois quotidiens, le blog de Clémence pour l’Athénée s’arrête pour les vacances et reprendra le lundi 28 septembre prochain!

    Ce n’est donc pas complètement la fin et je n’ai pas reçu de prix, mais je me permets tout de même un petit épisode remerciements. Merci:

    - à Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, qui a permis l’existence du blog, accepté une parole libre au sein de son théâtre et accessoirement qu’on le taquine parfois.
    - à toute l’équipe administrative de l’Athénée, qui a toujours été très coopérative et sincèrement charmante.
    - à tous les membres de l’équipe technique, qui ont accepté que je traîne dans leurs pattes avec mon appareil photo et mon carnet en répondant à mes questions avec beaucoup de bonne humeur, y compris dans les moments de montage les plus critiques.
    - aux ouvreurs, qui m’ont souvent signalé des scènes à photographier (le tout avec le sourire, évidemment).
    - aux artistes qui se sont prêtés au jeu et qui, par leur talent et leur créativité, sont pour beaucoup dans le contenu du blog.
    - à mes parents, sans qui je ne serais pas là (et à mon frère, sans qui je pourrais être là quand même mais bon).
    - à mon ordinateur et mon appareil photo, qui ne m’ont jamais lâchée même dans les moments les plus difficiles.
    - à l’inventeur de la caféine, à qui je dois beaucoup.
    - à mon lit, que je n’ai pas beaucoup vu cette saison mais à qui j’ai souvent pensé.
    - et bien sûr à vous tous, les lecteurs du blog, à qui j’écris spécialement tous les matins, qui sont l’objet de bien des interrogations (qui sont-ils? Que pensent-ils? Sont-ils plutôt thé ou café?) mais aussi d’attentes (quelqu’un viendra t-il me parler à la représentation de ce soir? Combien de commentaires aujourd’hui?), et dont le soutien et la présence sont évidemment essentiels.

    Concernant les résultats du petit sondage de la semaine dernière sur votre lecture du blog, sachez que vous êtes 32% à me lire au petit déjeuner, 37% en arrivant au travail, 26% en fin de journée et 5% en cas d’insomnie ou d’ennui profond (vous, les 5%, je vous retiens). Désolée à tous les retraités, étudiants, travailleurs à domicile, artistes, sans internet au travail, bref à tous ceux qui ne pouvaient pas vraiment répondre à ce sondage forcément restrictif.

    En prime, la dernière photographie de la saison : Thomas et Thomas faisant l’entretien des perches de la grande salle de l’Athénée.

     



    Merci encore à tous, bon été et à la saison prochaine!


  • Fenêtre sur cour • Coup de théâtre




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    Après dix mois d’envois quotidiens, le blog de Clémence pour l’Athénée s’arrête pour les vacances et reprendra le lundi 28 septembre prochain!

    Ce n’est donc pas complètement la fin et je n’ai pas reçu de prix, mais je me permets tout de même un petit épisode remerciements. Merci:

    - à Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, qui a permis l’existence du blog, accepté une parole libre au sein de son théâtre et accessoirement qu’on le taquine parfois.
    - à toute l’équipe administrative de l’Athénée, qui a toujours été très coopérative et sincèrement charmante.
    - à tous les membres de l’équipe technique, qui ont accepté que je traîne dans leurs pattes avec mon appareil photo et mon carnet en répondant à mes questions avec beaucoup de bonne humeur, y compris dans les moments de montage les plus critiques.
    - aux ouvreurs, qui m’ont souvent signalé des scènes à photographier (le tout avec le sourire, évidemment).
    - aux artistes qui se sont prêtés au jeu et qui, par leur talent et leur créativité, sont pour beaucoup dans le contenu du blog.
    - à mes parents, sans qui je ne serais pas là (et à mon frère, sans qui je pourrais être là quand même mais bon).
    - à mon ordinateur et mon appareil photo, qui ne m’ont jamais lâchée même dans les moments les plus difficiles.
    - à l’inventeur de la caféine, à qui je dois beaucoup.
    - à mon lit, que je n’ai pas beaucoup vu cette saison mais à qui j’ai souvent pensé.
    - et bien sûr à vous tous, les lecteurs du blog, à qui j’écris spécialement tous les matins, qui sont l’objet de bien des interrogations (qui sont-ils? Que pensent-ils? Sont-ils plutôt thé ou café?) mais aussi d’attentes (quelqu’un viendra t-il me parler à la représentation de ce soir? Combien de commentaires aujourd’hui?), et dont le soutien et la présence sont évidemment essentiels.

    Concernant les résultats du petit sondage de la semaine dernière sur votre lecture du blog, sachez que vous êtes 32% à me lire au petit déjeuner, 37% en arrivant au travail, 26% en fin de journée et 5% en cas d’insomnie ou d’ennui profond (vous, les 5%, je vous retiens). Désolée à tous les retraités, étudiants, travailleurs à domicile, artistes, sans internet au travail, bref à tous ceux qui ne pouvaient pas vraiment répondre à ce sondage forcément restrictif.

    En prime, la dernière photographie de la saison : Thomas et Thomas faisant l’entretien des perches de la grande salle de l’Athénée.

     



    Merci encore à tous, bon été et à la saison prochaine!


  • Et plus si affinités - interview! • Entretien




    Guillaume Bourgain est le secrétaire général de l’Athénée, c’est-à-dire qu’il coordonne la communication, les relations publiques, la presse, la billetterie et l’accueil; c’est vers lui que Patrice Martinet nous avait envoyée lorsqu’on lui avait posé la question soulevée par le slogan de la nouvelle saison que vous avez pu découvrir sur la brochure: qu’y a t-il dans l’air?

    «_ Ou, plus exactement, d’où vient cette phrase en couverture de la brochure, “il y a quelque chose dans l’air” ?
    _ Nous cherchions un fil conducteur pour guider la saison, et nous nous sommes aperçus que tous les spectacles programmés à l’Athénée à partir de septembre prochain témoignaient de la volonté de s’affranchir de quelque chose: des convenances dans Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne, d’un statut social dans Julie, d’une certaine éducation dans Les garçons et Guillaume, à table!, de clichés colonialistes dans Vénus, d’un poids familial et social dans Une Maison de poupées
    L’élaboration de ce slogan a en tout cas été un vrai travail d’équipe, car pour y réfléchir nous avons sollicité tout le monde à l’Athénée, et plus particulièrement Lola Gruber, qui est responsable de tous les contenus écrits, ou Malte Martin, notre graphiste.

    _ Le premier slogan auquel vous aviez pensé était “Et plus si affinités”, pourquoi?
    _ C’était une phrase qui renvoyait moins aux spectacles qu’à tous les “plus” que l’on a décidé de proposer au public pour la saison prochaine.
    Pour mettre en place toutes ces activités autour des spectacles, nous sommes partis de l’idée que les spectateurs comme les artistes disent se sentir bien dans ce Théâtre: c’est un lieu où l’on a plaisir à se retrouver, à tel point qu’un jour je me suis entendu dire “on verra ça à la maison” pour parler de l’Athénée! Nous avons donc souhaité continuer à tisser des liens avec le public au-delà du spectacle lui-même, c’était d’ailleurs déjà l’idée de ton blog, en construisant un parcours autour de chaque spectacle et en variant les propositions: chaque spectacle aura son “Entre nous” sous une forme différente.
    Il y a aura des tchats (ce sont des conversations par internet) avec certains metteurs en scène, des rencontres introductives avant le spectacle, des discussions avec les artistes après… Il y aura également des café-débats animés par Lola Gruber qui seront de vrais moments de réflexion autour de la programmation et de son lien avec l’actualité: le thème du débat sera établi environ un mois à l’avance et les invités viendront d’horizons très différents afin de conserver la liberté de ton spécifique de l’Athénée.
    Et nous continuons bien sûr à proposer des événements à l’extérieur, comme des concerts et rencontres à la FNAC, des débats à la Bibliothèque Nationale de France, des projections de films en lien avec les spectacles au cinéma Le Balzac… La programmation au Balzac est d’ailleurs plus dense que la saison qui vient de s’achever: il y aura cinq films la saison prochaine dont un avec un accompagnement musical en live!

    _ L’Athénée semble prendre un vrai virage allant vers l’échange avec le public : vous êtes confiants dans votre succès?

    _ Évidemment, on ne peut pas prévoir ce que cela va donner: le principe étant d’instaurer un échange détendu et libre, la relation qui se créera dépendra des interventions du public, des artistes, de nos partenaires… L’idée centrale est vraiment de se dire: puisque nous nous sentons bien ensemble, prolongeons le débat ! J’espère que nous arriverons à créer de vrais moments de rencontres où la parole pourra circuler entre tous.»

    Espérons donc que vous serez donc autant au rendez-vous sur les tchats, rencontres, débats, projections que vous l’avez été cette année! Bonne journée à tous.


  • Élémentaire, mon cher Jouvet (3) • Coulisses




    Je vous ai déjà parlé de la caverne d’Ali Martinet, le directeur de l’Athénée (ici et ). Voici aujourd’hui l’histoire d’un premier objet présent dans son bureau, le pupitre (la voiture rouge à ses pieds viendra après):

     

    Ce pupitre vient du Consulat général de France à Cluj-Napoca (ou Klausenburg)  en Transylvanie (Roumanie) qui a fermé ses portes dans les années 1948-49.
    Très francophile, la Roumanie accueillait sur son territoire un important réseau français mais, à l’arrivée au pouvoir du Parti Communiste, les relations diplomatiques avaient été rompues et les représentations françaises fermées à l’exception de l’ambassade de Bucarest.

    Les archives et divers objets du consulat de Cluj-Napoca sont donc repartis en France, et ce qui restait a été mis sous scellés dans le bâtiment ainsi devenu villa fantôme. Arrivé comme lecteur à l’université de Cluj-Napoca dans les années 1970, Patrice Martinet a décidé de s’employer à rouvrir la maison mystère.

    La détermination paye et le jeune professeur de l’époque réussit à soutirer l’accord nécessaire à la levée des scellés: c’est donc en compagnie du maire de la ville et de l’ambassadeur français que Patrice Martinet découvrit un lieu rempli de poussière où restaient encore un peu de mobilier, deux mille livres et un coffre-fort.
    Les livres ont été donnés à l’université de la ville après un tri minutieux par la censure et le mobilier vendu aux enchères: c’est à cette occasion que Patrice Martinet, voulant garder un souvenir de cette aventure, acheta ce pupitre à l’État français.

    À l’intérieur, il trouva un timbre sec qui permet de réaliser une empreinte sur papier selon un système de gaufrage et qui avait dû servir pour les passeports: le pupitre a donc sans doute été utilisé pour réaliser des papiers d’identité, et Patrice Martinet peut ainsi confectionner aujourd’hui des faux papiers émanant du défunt “consulat de France en Transylvanie”.

    Quant au coffre-fort, il n’a jamais pu savoir ce qu’il contenait, mais un bruit de verre suivi d’un écoulement de liquide alcoolisé à travers la porte le jour de son transport lui laisse penser qu’on a dû y cacher des bouteilles de vins et autres spiritueux…

    Bonne journée à tous.


  • Flash-forward - Interview! • Entretien




    Patrice Martinet porte la moustache, mange parfois des endives au jambon, aime beaucoup Beckett, ne regarde pas spécialement le sport à la télévision et ne sait pas qui a inventé le grille-pain.
    Mais comme c’est aussi le directeur de l’Athénée, il a beaucoup à nous dire sur la saison qui s’ouvrira en septembre prochain. Après le flash-back (ou analepse) de la semaine dernière, voici donc le flash-forward (ou prolepse) de cette semaine:


    «_ En quelques mots, quelle est la particularité de la saison 2009-2010 de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet?
    _ C’est une saison qui pérennise la présence de la musique et du théâtre musical à l’Athénée. Proposer autant de spectacles musicaux que théâtraux ayant été une expérience très positive, nous avons décidé de continuer cet effort -car il s’agit véritablement d’un effort, la programmation des spectacles musicaux étant d’une durée différente et les projets étant plus rares. Cette programmation à deux facettes est très satisfaisante pour les artistes et le public ne semble pas être déçu! Nous n’avons pas deux publics : une forte proportion des spectateurs circulent de la musique au théâtre, et c’était aussi ce qui nous intéressait.
    Nous changeons également de résidence musicale en passant du Quatuor Psophos à la pianiste Claire-Marie Le Guay. Mais au-delà des artistes, c’est aussi le concept même de la résidence qui se modifie! Le Quatuor Psophos répétait très souvent à l’Athénée et donnait régulièrement des concerts, tandis que Claire-Marie Le Guay travaille chez elle et prend beaucoup de temps pour faire découvrir la musique à des enfants: en plus des concerts à l’Athénée, il existe donc une activité pédagogique dans les écoles de très longue haleine que le public ne perçoit pas forcément mais qui permet d’instaurer une vraie relation avec le spectateur de demain.

    _ Quel est le spectacle qui ne devrait pas être là?
    _ Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau, qui est une exception consentie au metteur en scène Benjamin Lazar du fait de son talent: l’Athénée programmant des œuvres datant de la fin du 19e siècle à nos jours, une pièce du 17e siècle est un peu hors cadre…

    _ Le spectacle le plus risqué?

    _ Vénus, de Suzan Lori-Parks monté par Cristèle Alves Meira, mais pour des raisons plus politiques qu’artistiques: le texte raconte l’affaire embarrassante de la vénus hottentote dont la France n’a apparemment pas envie d’entendre parler…

    _ Le spectacle dans la continuité de l’histoire de l’Athénée?
    _ Sans hésiter, La Cantatrice chauve d’Ionesco dans la mise en scène de Jean-Luc Lagarce reprise par François Berreur. Jusqu’à la mort d’Eugène Ionesco en 1994, seul le Théâtre de la Huchette avait le droit de présenter La Cantatrice chauve à Paris. Mais une fois l’exclusivité levée, nous avons programmé le texte dans la mise en scène de Gábor Tompa: c’était quasiment une révolution de jouer cette pièce à Paris! Nous avons ensuite proposé une première fois le spectacle de Jean-Luc Largarce en 2007, puis La Cantatrice chauve en version opéra il y a quelques mois. L’Athénée en est donc à sa quatrième Cantatrice chauve, il s’agit presque d’un abonnement à cette œuvre…

    _ Le spectacle qui vous tient le plus à cœur?
    _ (Silence) Tous me tiennent personnellement à cœur, et je n’ai rien programmé pour remplir une case. Avoir plus de désirs que de possibilités, c’est un luxe!

    _ Le spectacle du retour?
    _ Les Garçons et Guillaume, à table!  de Guillaume Gallienne renoue avec le genre du monologue qui a triomphé à l’Athénée avec Fabrice Luchini, Philippe Clevenot, Philippe Caubère, Marcel Bozonnet ou Redjep Mitrovitsa: c’est un genre que l’on n’exploitait plus malgré nos succès en la matière et que l’on retrouve avec Guillaume Gallienne.

    _ Le metteur en scène le plus jeune?
    _ Cristèle Alves Meira pour Vénus. Elle a vingt-sept ans.

    _ Le plus vieux?
    _ Le plus expérimenté, je dirais plutôt, doit être André Wilms pour Le Père.

    _ L’Athénée a construit sa réputation sur les textes classiques. Quel est le classique de cette année?
    _ Peut-être Une Maison de poupées, d’Ibsen. Sauf que Nils Öhlund, le metteur en scène qui était aussi comédien dans Les Justes et Les Mains sales déjà donnés à l’Athénée, s’est véritablement emparé de la pièce et a vraiment quelque chose à en dire: c’est de toutes façons un texte dont on ne fera jamais complètement le tour…

    _ Et pour terminer, qu’y a t-il dans l’air?
    _ C’est Guillaume Bourgain, le secrétaire général de l’Athénée, qui a trouvé ce slogan pour la prochaine saison. Vous lui poserez donc directement la question!»

    Pour savoir ce qu’il y a dans l’air de la prochaine saison, cliquez ici!

    Bon lundi à tous.


  • Les dieux du stade (2) • D'hier à aujourd'hui




    Je vous parlais le 6 mars dernier du calendrier des dessous que le personnel de l’Athénée avait réalisé en 1997 et beaucoup m’avaient demandé, sur le blog ou en vrai, de vous permettre de voir ces photos.

    Grâce à l’autorisation gracieuse du photographe Fabien Calcavechia et des modèles dénudés de les publier, en voici deux, en attendant celles qui viendront la saison prochaine!

    Les deux personnes concernées travaillent toujours à l’Athénée, mais ne comptez pas sur moi pour en savoir plus sur leur nom ou leur fonction…

    © Fabien Calcavechia

     

    © Fabien Calcavechia



    Bon week-end à tous !


  • Et le strapontin d'or 2009 est attribué à... • Coulisses




    Vous vous souvenez peut-être qu’à la présentation de la saison 2009-2010 à l’Athénée, Benjamin Lazar, programmé pour Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé en mai-juin 2010, avait reçu le strapontin d’or 2008 pour sa précédente venue à l’Athénée pour L'autre Monde ou les états et empires de la lune. À l’époque, il n’avait pas pu venir le chercher, et c’est la raison pour laquelle il l’a reçu devant les spectateurs présents le 25 mai dernier.
    Le strapontin d’or 2009 a été lui aussi attribué à un absent cette année, mais refaisons une petite chronologie de la cérémonie…

    Inventé par Denis Léger en 2007, le strapontin d’or récompense le plus. Non, je n’ai pas oublié un mot, car le strapontin d’or se décerne selon des critères volontairement flous: chaque membre du personnel de l’Athénée vote pour la personne qu’il préfère, mais selon ses propres exigences.
    Pour les votants, le lauréat peut donc être le plus talentueux, le plus ennuyeux, le plus doué, le plus niais, le plus sympathique, le plus tyrannique, le plus travailleur, le plus bagarreur, le plus spirituel, le plus formel,… Chacun vote donc en son âme et conscience pour décerner la récompense suprême de l’Athénée.

    Lundi dernier avait lieu la fête de fin saison de l’Athénée où toutes les équipes présentes pour la saison passée sont invitées à venir se rencontrer ou se retrouver pour la soirée. C’est vers 21h que Denis Léger, directeur technique de l’Athénée, a invité toutes les personnes présentes dans le foyer bar à venir se rassembler dans la grande salle pour la remise du prix.

    Sur scène, le strapontin, vestige de la salle de l’Athénée avant sa rénovation, attendait son nouveau propriétaire.

    C’est après cinq minutes de suspense insoutenable que Denis Léger nous annonça que le strapontin d’or 2009 était décerné à….

     

    Thierry Bosc,
    l’acteur qui jouait Estragon dans En attendant Godot !


    Thierry Bosc étant malheureusement absent, c’est Bernard Levy, le metteur en scène du spectacle, qui est venu sur scène pour récupérer le strapontin, pendant qu’Alexandra Maurice, attachée aux relations publiques, arrivait à le joindre au téléphone.  Très ému, Thierry Bosc a remercié toute l’équipe en promettant de venir chercher son strapontin avec une bouteille de champagne.

    Le strapontin d’or a ensuite laissé la place à une piste de danse peu avare en effets sonores et lumineux…

     

    Qui sera le strapontin d’or 2010? La liste exhaustive des lauréats potentiels est sur le site de l’Athénée où vous trouverez tous les spectacles programmés pour la prochaine saison!

    Bon jeudi à tous.

     

    PS : le sondage sur votre lecture du blog est toujours actif ici, et vous pouvez toujours continuer à me dire si, entres autres, vous aimez les endives au jambon...


  • Le père éternel • D'hier à aujourd'hui




    Dans le bureau de la communication et des relations publiques de l’Athénée où officient Florence Cognacq, Églantine Desmoulins, Alexandra Maurice et Inès Slama se trouve un portrait de Samuel Beckett en grand format.

    En connaître la provenance me sembla d’abord être une mission facile, mais je pus rapidement constater que mes sources habituelles, à savoir Denis Léger (directeur technique), Dominique Lemaire (directeur technique adjoint) et Patrice Martinet (directeur de l’Athénée), séchaient complètement sur la question.
    Cela ne dérangeait manifestement pas Patrice Martinet que ce Samuel Beckett soit, pour le citer, comme “un père éternel dont on ignore l’origine”: pour ma part, étant du genre opiniâtre, je me transformai rapidement en Inspecteur Clémence pour élucider l’affaire ô combien cruciale.

    Un coup de téléphone à Danielle Le Stanc, ancienne responsable des relations publiques à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, m’apprit que le portrait était l’oeuvre de la photographe Brigitte Enguérand.
    Danielle Le Stanc avait pour habitude de constituer des vitrines autour des spectacles dans le bar de l’Athénée, et que c’est à l’occasion d’une pièce de Beckett qu’elle y avait accroché ce portrait.
    Elle m’apprit également que Samuel Beckett avait écrit une lettre à Josyane Horville, l’ancienne directrice de l’Athénée, qui lui avait proposé de venir à l’Athénée pour voir Fragments de théâtre I et II dont il est l’auteur: d’après Danielle Le Stanc, il avait poliment décliné l’invitation en prétextant, sans doute avec ironie, qu’il n’allait jamais au théâtre.

     

    © Brigitte Enguérand


    Si Danielle Le Stanc m’avait bien aiguillée (et mis l’eau à la bouche, et si cette lettre manuscrite de Samuel Beckett se trouvait encore dans les archives de l’Athénée?), elle ne m’avait pas donné le contexte du portrait: elle pensait bien à l’enterrement de Roger Blin, mais les faits remontant à presque vingt-cinq ans, une confirmation (et, accessoirement, une autorisation de publier cette photo sur le blog) s’imposait.

    Jointe elle aussi au téléphone, Brigitte Enguérand, en plus de me donner l’autorisation gracieuse de publier sa photo au carré (c’est-à-dire sa photo prise en photo par votre serviteur), m’apprit que le portrait avait été réalisé à l’occasion d’une rencontre personnelle avec Samuel Beckett au Théâtre du Rond Point.

    La réponse de Brigitte Enguérand ne me disait pas pourquoi Danielle Le Stanc avait pensé à l’enterrement de Roger Blin pour le contexte de ce portrait, ni si cette lettre manuscrite de Samuel Beckett se trouvait encore dans les cartons de l’Athénée.

    Ce fut l’occasion d’une fouille intégrale de l’année 1987 des archives du Théâtre, heureusement très bien classées par Ève Plichart, stagiaire à la Bibliothèque Nationale de France dépêchée à l’Athénée.

    Toute excitée à l’idée de peut-être dénicher une lettre manuscrite de Beckett, je fus un peu déçue de ne trouver que le double de la lettre que Josyane Horville lui avait fait parvenir: si cela peut vous consoler, sachez qu’à l’époque Samuel Beckett résidait au 38 du boulevard Saint Jacques dans le 14e arrondissement de Paris.

    La déception de ne pas retrouver cette lettre fut compensée par la découverte d’une autre photo de Samuel Beckett:

    ©Bernard Morlino

    Au dos figurait l’inscription manuscrite : “Samuel Beckett à l’enterrement de Roger Blin, le 27 janvier 1984” accompagnée du nom du photographe, Bernard Morlino.

    Contrairement à Brigitte Enguérand dont les coordonnées se trouvaient dans les fichiers de l’Athénée, contacter Bernard Morlino ne fut pas chose aisée, mais un mail un peu hasardeux envoyé sur un blog trouva vite une réponse. Si le monsieur donne aujourd’hui dans le journalisme sportif, il fut bien photographe de théâtre dans ces années-là avant d’y renoncer à la mort d’Antoine Vitez.

    Deux photos originales de Samuel Beckett et une promesse de lettre manuscrite: les archives de l’Athénée renferment sans doute de nombreux autres secrets.
    Quant à moi, comme dirait le personnage bien connu d’une pièce de théâtre bien connue d’un auteur bien connu qu’on associe souvent à Beckett, mon vrai nom est Sherlock Holmes.

    (Cette pièce de théâtre se joue d’ailleurs à l’Athénée l’année prochaine : pour découvrir la saison 09-10, cliquez ici!)

    Bonne journée à tous.


  • Nous avons les moyens de vous assister • Coulisses




    Contrairement à ce que l’on pourrait peut-être penser, assister le metteur en scène ne consiste pas à lui apporter du café et l'aider à porter ses paquets, mais il faut bien préciser que le mot prend, selon les équipes, des sens assez caractérisés.

    Au cours de la saison passée, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet a accueilli quelques pièces montées par des metteurs en scène assistés: avec En attendant Godot, Cosi fan tutte et La Cantatrice chauve, explorons cette fonction souvent cachée mais surtout très variée.

    La Cantatrice chauve - François Berreur

    François Berreur a mis en scène l’opéra La Cantatrice chauve donné du 30 avril au 3 mai à l’Athénée et présentera deux spectacles la saison prochaine: Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Largarce et La Cantatrice chauve d’Ionesco dont il reprend la mise en scène du même Jean-Luc Lagarce.
    Il faut dire que François Berreur a été très proche de l’auteur et metteur en scène disparu en 1995 et que leur collaboration s’est construite sur la durée, François Berreur étant parfois assistant de Lagarce sur certains spectacles.
    Chargé de l’organisation pratique de la mise en scène, François Berreur explique qu’il était là également en tant que regard extérieur, disant si ce qu’il voyait sur scène correspondait à la ligne que Jean-Luc Lagarce avait exprimée.
    François Berreur est ensuite passé de l’assistant au metteur en scène dans la continuité: au décès de Jean-Luc Lagarce, il a achevé la mise en scène de Lulu d’après Wedekind que celui-ci avait commencée sans avoir le temps de la terminer. Grâce à François Berreur, Lulu dans la mise en scène de Jean-Luc Lagarce a ainsi été créé en décembre 1995 à… l’Athénée.

    La Cantatrice chauve - Gilda Cavazza

    L’assistant passé metteur en scène n’a pas perdu l’habitude de travailler à plusieurs, et Gilda Cavazza a été son assistante sur l’opéra La Cantatrice chauve. Sortant d’une expérience d’assistanat avec un autre metteur en scène, elle a pu nous donner deux points de comparaison.
    Sur ce spectacle précédent, il s’agissait d’une tâche assez complète où elle réfléchissait autant à la dramaturgie, au jeu, à la scénographie ou aux comédiens, ayant un rôle artistique même si les idées qu’elles soumettaient n’avaient peut-être pas la légitimité d’un véritable collaborateur artistique.
    Ce qui l’a plus marquée dans La Cantatrice chauve reste le rapport au lieu même de l’Athénée: étant dans un lieu extérieur n’appartenant pas au metteur en scène, il s’agissait non seulement de faire la jonction entre les équipes techniques et artistiques mais aussi de prendre en charge les trois hiérarchies différentes créées par cet accueil, à savoir la compagnie théâtrale, l’orchestre Lamoureux et l’Athénée.
    De même, le temps très court de la création a poussé l’équipe artistique a être extrêmement rapide et efficace, d’autant que l’équipe technique de l’Athénée a vite eu besoin d’éléments précis.
    Pendant les répétitions, sa tâche était d’observer et ensuite, après les répétitions, d’aller faire part de ses impressions essentielles à François Berreur concernant des points techniques, dramaturgiques ou visuels; il s’agissait donc d’un travail d’observation et de réflexion sur le travail en cours, sans que Gilda Cavazza se définisse pour autant comme un regard extérieur.
    Hors du temps des répétitions, Gilda Cavazza prenait en charge l’organisation technique, logistique et humaine de la mise en scène, comme l’élaboration des différents plannings, la gestion de problèmes techniques ou encore la réception des costumes (entre autres nombreux exemples!) : véritable pont communiquant, Gilda Cavazza faisait le lien entre tous les membres de l’équipe.
    Malgré la diversité de ces expériences d’assistanat à la mise en scène, Gilda Cavazza n’estime pas pour autant qu’il s’agit d’un métier si flou: selon elle, l’assistant a toujours un rôle précis même s’il existe différents types d’assistants et différents processus par rapport à la création qui peuvent varier d’un metteur en scène à l’autre, voire d’un spectacle à l’autre, y compris des spectacles créés par la même équipe. Si le début est souvent incertain et que l’assistant doit d’abord être aux aguets pour comprendre où se situe exactement sa place, son rôle est rapidement défini et ses tâches très concrètes.
     

    Cosi fan tutte - Marie-Édith Le Cacheux

    Pour Cosi fan tutte qui s'est joué à l'Athénée du 31 mars au 4 avril, le metteur en scène Yves Beaunesne s'est adjoint les services de Sophie Petit et Marie-Édith Le Cacheux, toutes deux désignées comme "assistantes à la mise en scène", mais chacune dans deux rôles bien distincts, d'autant qu'Yves Beaunesne avait également choisi un collaborateur artistique à la mise en scène, Jean Gaudin.
    Sophie Petit et Marie-Édith Le Cacheux étaient dans un rapport de complémentarité, la première ayant une grande expérience de l’opéra là où la seconde vient plutôt du milieu théâtral, toutes deux aux côtés d’Yves Beaunesne, metteur en scène de théâtre travaillant de plus en plus à l’opéra.
    Sophie Petit prenait en charge la notation de la mise en scène et l’établissement des plannings de répétition avec une relation directe avec le metteur en scène et les chanteurs, tandis que Marie-Édith Le Cacheux avait surtout un rôle technique de mémoire des répétitions, prenant des notes sur la partition de Cosi fan tutte au fur et à mesure de l’avancée du travail.
    Marie-Édith le Cacheux ne se revendique donc pas comme une collaboratrice artistique, se voyant davantage comme un régisseur chargé de faire le lien entre Yves Beaunesne et ses autres collaborateurs comme le costumier, les décorateurs ou l’orchestre, d’organiser les répétitions et d’accompagner le metteur en scène au quotidien dans son travail.

    Sur Cosi fan tutte, Marie-Édith Le Cacheux cumulait également son rôle d’assistante à la mise en scène avec d’autres fonctions: responsable de la logistique de la tournée de Cosi fan tutte (il s’agit alors d’organiser la tournée au niveau très pratique des voyages, réservations d’hôtel ou des relations avec les salles accueillant le spectacle), elle était également chargée du surtitrage de l’opéra où il s’agit de saisir sur le logiciel de surtitres la traduction française du livret de Da Ponte et d’assurer sa projection au fur et à mesure du spectacle pendant la représentation.
    (Et nous ne pouvons donc que lui souhaiter d’avoir pu prendre des vacances après Cosi fan tutte)

    En attendant Godot - Jean-Luc Vincent

    Jean-Luc Vincent était à la fois dramaturge et assistant aux côtés du metteur en scène Bernard Levy sur En attendant Godot qui s'est joué à l'Athénée en mars dernier.
    Le dramaturge désigne souvent l'auteur de textes de théâtre, mais dans notre cas il s'agit du deuxième sens que l'on donne au mot : autrement dit, le dramaturge est l'intellectuel de l'équipe qui, aux côtés du metteur en scène, travaille avant les répétitions sur le texte, l'étudie, l'analyse et prend en charge les recherches historiques, biographiques, littéraires (et caetera) à effectuer pour compléter la réflexion sur la mise en scène. Véritable caution intellectuelle, il contribue évidemment à la création artistique du spectacle.

    Pendant les répétitions dont il avait conçu le calendrier, Jean-Luc Vincent assistait Bernard Levy et tenait une sorte de journal des répétitions où il prenait tout en note: mémoire de l'équipe, il aidait les acteurs à reproduire de jour en jour les scènes selon le travail effectué la veille mais était également le garant du respect du texte qu'il suivait toujours des yeux. Intervenant peu pendant le travail avec les acteurs, il discutait toujours beaucoup avec Bernard Levy hors du temps de répétitions.


    Pour la saison 2009-2010 de l’Athénée, d’autres assistants à la mise en scène viendront contribuer aux nombreux spectacles théâtraux qu’offre l’Athénée: pour les découvrir, cliquez ici!

    Bon mardi.


  • Flash-back • Pleins feux




    La saison 2008-2009 de l’Athénée s’est terminée avec Les Mains sales et Les Justes (ou Les Mains justes, pour ceux qui voudront aller plus vite), mais vous souvenez-vous des spectacles qui ont habité l’Athénée et ce blog depuis septembre dernier?
    Flash-back (ou analepse, pour ceux qui préfèrent éviter les anglicismes) très subjectif:

     

    Le texte oublié sur le banc de Rêve d’automne
    de Jon Fosse mis en scène par David Géry.



    «Il y a quelque chose qui pourrait toucher à la pornographie dans l’opéra.»
    Paul-Alexandre Dubois, le metteur en scène de L’Opéra de quatre notes de Tom Johnson en entretien sur le blog.

    Extrait du Tribun/Finale de Mauricio Kagel mis en scène par Jean Lacornerie:
    «La police, c’est vous!»

     

    La seule photo que j’avais réussi à prendre de Claus Peymann/Sik Sik,
    le spectacle double de Carlo Cecchi.

     

    «Si tu veux essayer de plaire à tout prix, tu pleures dès que tu en entends un tousser dans la salle! Si je peux te donner un conseil : pense à ta grand-mère et fais une œuvre!»
    Céline Sallette, actrice dans après la répétition d'Ingmar Bergman mis en scène par Laurent Laffargue, à des étudiants en art venus voir le spectacle.

     

    Le Magazine, l’émission de Lionel Esparza diffusée sur France Musique en direct de l’Athénée à l’occasion des voix d’Olivier Messiaen.

     

    «Cette compagnie est un véritable collectif, une troupe où on travaille dans le sens de l'œuvre et non dans celui des individualités. C'est un dialogue constructif où tout le monde va dans la même direction.»
    Jean-Philippe Salerio, le metteur en scène de l’opérette La Cour du Roi Pétaud, en entretien sur le blog.

     

    Les bouts de bois que l’on frappe l’un contre l’autre dans
    La Puce à l’oreille de Georges Feydeau mis en scène par Paul Golub pour faire un bruit de claque.

     

    Les enfants partant du premier concert de Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l’Athénée: un deuxième concert a suivi, et vous pourrez la retrouver l’année prochaine!

     

    Le lustre magnifique de l’opéra Les Enfants terribles de Jean Cocteau et Philip Glass mis en scène par Paul Desveaux.

     

    «Dans En attendant Godot, chaque réplique ouvre mille portes…»
    Patrick Zimmermann, comédien dans En attendant Godot de Samuel Beckett mis en scène par Bernard Levy, en entretien sur le blog.



    La traduction française de la morale de Cosi fan tutte, l’opéra de Mozart et Da Ponte mis en scène par Yves Beaunesne et dirigé par François Bazola:
    «Heureux celui qui, malgré les ennuis, arrive à prendre la vie du bon côté…»

     

    Chantal et Gérard: c’est le prénom des deux spectateurs qui, après avoir vu Riders to the Sea de Ralph Vaughan Williams d’après John Millington Synge à l’Athénée, ont décidé de se rendre sur les îles d’Aran où se déroulait l’action de l’opéra.

    Un concentré (et une sélection!) des effets sonores que l’on pouvait entendre dans La Cantatrice chauve, un opéra de Jean-Philippe Calvin d’après Eugène Ionesco mis en scène par François Berreur.
    (Retrouvez la vidéo ici sur YouTube)

     


    «À quel monde meilleur rêvez-vous? Et comment allez-vous le construire?»
    étaient les questions posées pour le cinquième forum de discussion des jeunes organisé par l’Athénée: le 15 mai dernier, quatre cents lycéens ont ainsi pu débattre à l’Athénée avec Daniel Cohn-Bendit, François Durpaire, Susan Georges et Bruno Rebelle.

     

    Après trois ans de résidence et quatre concerts cette saison à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, le Quatuor Psophos tire sa révérence avec le concert de clôture, Brahms/Strauss, dans le décor des Mains sales.



    «Le théâtre de l’engagement, c’est peut-être vouloir défendre le texte dans un monde où les paroles sont sommées de laisser la place à l’image, où le fond cède à la forme. Mais quand il n’y a plus de paroles, c’est le début de la barbarie! C’est ce que nous combattons.»
    Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Mains sales de Jean-Paul Sartre et des Justes de Camus, en entretien sur le blog.

    La troupe des Justes d’Albert Camus mis en scène par Guy-Pierre Couleau salue pour sa dernière représentation à l’Athénée.

    Le public de la présentation de la saison 2009-2010 de l’Athénée commençant à sortir du théâtre: si vous n’avez pas pu y assister, cliquez ici pour découvrir les spectacles que vous propose l’Athénée à partir de septembre prochain!

     

     

    Et vous, qu’avez-vous retenu de cette saison 2008-2009 de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet? Pour nous le dire, cliquez ici et laissez un commentaire sur le blog!

    Bon début de semaine à tous.


    PS : des commentaires au billet de jeudi se sont ajoutés pendant le week-end, promis, je vous réponds aujourd’hui! Le sondage sur votre lecture du blog est toujours actif.

     


  • En visite - interview! • Entretien




    En journée, lorsque sa grande salle n’est pas occupée par des répétitions, montages, filages techniques, balances et autre maintenance, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet accueille régulièrement des groupes de visiteurs venus découvrir ses coulisses et son histoire, et il n’est pas rare de croiser des petits groupes en train de déambuler entre le hall d’entrée et la scène.

    Ils sont venus à plus de quatre cents depuis début janvier à l’Athénée (soit environ soixante-dix par mois), le plus souvent en groupes constitués par des professeurs du primaire au lycée, des comités d’entreprises, des clubs de sortie, des associations culturelles ou des agences de tourisme.

    Auparavant, c’étaient les directeurs techniques ou les chargés de relations publiques de l’Athénée qui se chargeaient de conduire ces visites.
    Mais devant la charge de travail représentée, l’Athénée a décidé il y a quelques années de confier cette tâche aux conférenciers spécialisés de l’entreprise Visitez autrement, qui organise des visites de nombreux théâtres parisiens ou de l’Opéra Garnier, mais aussi de musées, monuments nationaux, brasseries ou encore des passages couverts (entre autres).


    Rencontre avec Thibault Manchon, son directeur et fondateur
    :

    « _ Comment vous est venue l'idée de proposer des visites de théâtres?
    _ Je suis un passionné de techniques de scène. Depuis l'adolescence, une de mes passions consiste à construire des modèles réduits de salles de spectacle. Lumières, sons, machines à fumée... tout est employé pour reproduire à petite échelle la magie du théâtre.
    En 2000, l'idée m'est spontanément venue de faire partager cette passion au plus grand nombre : les visites guidées de coulisses étaient nées !
     
    _ Quel est le contenu de la visite de l’Athénée?

    _ L'Athénée est un théâtre dont l'histoire, avec l’Eden Théâtre en particulier, les personnalités et la fibre artistique sont un vrai vivier pour conduire une visite passionnante à bien des égards. Aussi le guide aborde-t-il l'histoire (et les tribulations!) de l'Eden Théâtre, le quartier légendaire de l'Opéra où il est construit et l'édification de l'Athénée dans un des jardins d'hiver de l'Eden.
    Le parcours de la visite permet ensuite d'évoluer au sein du théâtre, côté salle et côté coulisses. L'occasion est offerte de parler de l'architecture propre à l'Athénée, mais aussi de la scénographie et des techniques et métiers du spectacle.
    Dernier volet abordé lors de la visite: la programmation et la personnalité portés par les choix artistiques de la direction.
     
    _ Qui sont vos clients?
    _ Les visiteurs de l'Athénée couvrent un panel fort large : des groupes scolaires en quête d'initiation aux comités d'entreprise, des associations aux agences de voyages, des entreprises désireuses d'offrir des visites insolites aux visiteurs de passage, avec (comme Tintin…) un passeport de 7 à 77 ans pour entrer en coulisses ! »


    Les visites ont lieu toute l’année sur réservation et sont accessibles aux personnes venant individuellement comme aux groupes. Merci à Thibault Manchon et Bénédicte de Landtsheer et bonne journée à tous!


    PS : je remercie tous ceux d’entre vous qui ont pris la peine de répondre au sondage et de laisser un commentaire au billet d’hier: moi qui ai promis de répondre à chacun, au vu des textes souvent très drôles et inspirés (ou tout simplement gentils) que vous m’avez laissés, j’ai du travail pour ce matin…
    Les retardataires sont acceptés et sondage comme commentaires restent ouverts jusqu’à la semaine prochaine!


  • Peut-on savoir qui vous êtes? • Coup de théâtre




    L’angoisse de la blogueuse

    Ce blog quotidien pour l’Athénée existe depuis septembre: vous êtes sept mille inscrits à recevoir mon billet tous les matins, mais seule une proportion d’entre vous me donne des signes de vie.

    (J’en profite d’ailleurs pour vous rappeler que vous ne pouvez pas répondre au mail que vous recevez: l’adresse d’où je vous écris ne peut réceptionner les emails, et pour me contacter il faut aller sur le blog où sont publiés tous mes billets afin d’y laisser vos commentaires)

    Bref disais-je, avouons-le, ne pas vraiment savoir qui vous êtes alors que je vous écris tous les jours depuis neuf mois a son petit côté bizarre.
    Certains d’entre vous m’ont parfois demandé qui j’étais, mais je ne vous ai rien demandé de mon côté. Aujourd’hui, c’est à votre tour de vous dévoiler!

    Questions au choix...

    Êtes-vous abonné à l’Athénée?
    Portez-vous la moustache?
    Êtes-vous plutôt théâtre, opéra ou musique?
    Aimez-vous les endives au jambon?
    Qui est votre auteur de théâtre préféré?
    Quel âge avez-vous?
    Travaillez-vous dans le milieu culturel?
    Êtes-vous déjà venu à l’Athénée?
    Regardez-vous le sport à la télévision?
    Avez-vous déjà lu Schopenhauer, et si oui, pensez-vous comme lui que l’amour n’est qu’un subterfuge de la nature destiné à perpétuer l’espèce humaine? 
    Êtes-vous secrètement amoureux de moi? (Ou de Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée)
    Qui a inventé le grille-pain?


    …mais surtout, un petit sondage!

    Pour commencer, vous pouvez répondre au sondage mis en ligne sur le blog en cochant la case correspondant à votre réponse à la question suivante: généralement, quand lisez-vous le billet que je vous envoie chaque matin? Au petit déjeuner, en arrivant au travail, en fin de journée, en cas d’insomnie, d'ennui?


    Mode d’emploi

    Pour apporter vos précisions, répondre à mes autres questions et/ou me donner tous les renseignements que vous jugerez nécessaires, il vous suffit de vous rendre sur le blog et de répondre au sondage à votre droite puis de laisser (ou non) un commentaire en-dessous du billet d’aujourd’hui!
    Je réponds systématiquement à tous vos commentaires.

    Pitié!

    J’espère que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour rompre mon angoisse existentielle, continuelle et insupportable de devoir écrire à tout un tas de gens dont je ne sais rien alors que mes parents, eux, m’ont toujours dit de ne JAMAIS parler aux inconnus.


    Merci

    Merci d’avance à ceux qui prendront le temps de répondre au sondage ou de me laisser un commentaire sur le blog, et bonne journée à tous!


  • Les Justes à l'endroit (2) • Pleins feux




    Achevons mon processus de deuil de la fin de la saison 2008-2009 à l’Athénée avec la suite et fin des photos prises des coulisses pendant la dernière représentation des Justes d’Albert Camus mis en scène par Guy-Pierre Couleau:

    Nils Öhlund, qui mettra en scène Une Maison de poupées d’Ibsen en mai 2010 à l’Athénée.

    Frédéric Cherboeuf et Flore Lefebvre des Noëttes.

    La dernière entrée en scène d’Anne Le Guernec.

    Anne Le Guernec, Xavier Chevereau, François Kergourlay et Gauthier Baillot.

    Sous le regard du metteur en scène Guy-Pierre Couleau dont on distingue l’épaule et le profil en premier plan,
    François Kergourlay, Frédéric Cherboeuf, Gauthier Baillot, Nils Öhlund, Michel Fouquet, Flore Lefebvre des Noëttes, Xavier Chevereau
    et Anne le Guernec saluent le public.

     

    Pour ceux d’entre vous qui n’habitent pas à Paris, sachez que l'équipe de Guy-Pierre Couleau continue sa tournée la saison prochaine! Quant à la saison 2009-2010 de l'Athénée, elle est disponible ici.

    Bon mercredi!


  • Les Justes à l'endroit (1) • Pleins feux




    Après les photos de l’envers de la dernière des Justes, voici, en deux fois, quelques photos du spectacle pour ceux qui n’ont pas eu la chance de le voir, toujours vues des coulisses…

     

    Anne Le Guernec, François Kergourlay et Gauthier Baillot
    dans l’écran qui permet de suivre la pièce dans le foyer des comédiens.

    François Kergourlay et les bras de Frédéric Cherboeuf.

    Anne Le Guernec.

    Frédéric Cherboeuf, Gauthier Baillot et Anne Le Guernec.

     

    Pris dans la fumée,
    le dos de Gauthier Baillot et les mains d’Anne Le Guernec.

     

    La suite en images sera pour demain! Bonne journée à tous.


  • Les Justes à l’envers • Coulisses




    La dernière représentation des Justes a eu lieu samedi soir, terminant dans le même temps la saison 2008-2009 de l’Athénée.

    Voici quelques photos prises dans les coulisses pendant la représentation:

    Liza, habilleuse à l’Athénée, et Anne Le Guernec, l’interprète de Dora.

    On le sait, Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Mains sales et des Justes, n’est pas vraiment un garçon sinistre.

    Anne Le Guernec, l’interprète de Dora.

    François Kergourlay, l’interprète de Boria, Marie-Noëlle Bourcart, régisseure générale à l’Athénée, et Nils Öhlund, l’interprète de Skouratov.

    Nils Öhlund, l’interprète de Skouratov, et Marie-Noëlle Bourcart, régisseure générale à l’Athénée.

    Gauthier Baillot, l’interprète de Stepan, et François Kergourlay, l’interprète de Boria.

    Le reflet de Michel Fouquet, l’interprète de Foka.



    Frédéric Cherboeuf, l’interprète de Kaliayev.



    Nils Öhlund, l’interprète de Skouratov, regarde la représentation par écran interposé avant d’entrer en scène.


    Vous aurez demain Les Justes à l’endroit, mais toujours vus des coulisses...

    La saison de l’Athénée est terminée, mais vous pouvez déjà découvrir les spectacles de l’année prochaine et réserver vos places ici !

    Bon lundi.


  • Mais on est samedi ? • Coup de théâtre




    Je vous poursuis jusque dans votre week-end, mais c’est pour la bonne cause: ce soir, c’est la dernière des Justes d’Albert Camus, et aussi la dernière de toute la saison 2008-2009 de l’Athénée.

    Terminons donc la saison (et la semaine) dans la bonne humeur avec ces quelques photos d’un filage technique: pour régler les projecteurs, les techniciens ont besoin d’une doublure lumière, c’est-à-dire une personne présente sur scène pour remplacer les comédiens.
    Ce jour-là, les remplaçants en question n’avaient manifestement pas très envie de rester debout à attendre…

    Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène, rampe aux pieds de Marie-Noëlle Boucart, régisseure générale.
    Quelques secondes plus tard, il répondra très sérieusement au téléphone: “Non, je suis vraiment très pris en ce moment, je ne peux pas vous voir avant octobre.”

    Vous aviez déjà aperçu la silhouette de Laurent Schneegans, le créateur lumières des Mains sales et des Justes : le voici en compagnie de Marie-Noëlle Bourcart en train de jouer scène après scène tous les personnages des Justes.
    Et comme on le voit, les comédiens n’ont pas beaucoup de souci à se faire question concurrence…


    La saison se termine donc aujourd’hui avec une représentation des Justes à 15h suivie de la dernière à 20h, mais le blog continue jusqu’à la fin du mois de juin! À lundi.


  • Entre-deux • Coulisses




    Pendant le spectacle, que font les acteurs pendant qu’ils ne jouent pas?

    Ils changent de costume s’il y a lieu, attendent quelques minutes en coulisses en regardant le spectacle, et ont parfois des activités moins conventionnelles.
    Dans les coulisses, voici ce que nous ont dit hier soir quelques acteurs des Justes et des Mains sales pendant la représentation des Justes :


    “_ Je lis un bouquin, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes.
    _ Tu vas entrer en scène et toi, juste avant, tu lis un thriller…
    _ Oui. Dans le rôle que j’interprète dans Les Justes, je n’ai pas besoin d’être en lien avec ce qui s’est passé avant.”

    “_ J’apprends le chinois écrit, alors pendant Les Mains sales je m’entraînais à tracer les idéogrammes tout en écoutant les retours. Pour Les Justes, j’ai moins de temps, surtout que je dois changer de costume, alors je papote, je regarde ce qui se passe…”

    “_ Je fume un cigare. Sur Les Mains sales j’avais même le temps de jouer au tarot avec Olivier, Michel, Xavier et Stéphane.”

    “_ Mais qu’est-ce que c’est ???
    _ Ça, c’est un jeu d’échecs électronique! J’y joue en attendant, et puis c’est tout petit, c’est pratique en tournée. Sinon je lis, souvent…
    _ C’est ça que tu lis en ce moment? Les Contes de la Bécasse de Maupassant?
    _ Oui, j’aime bien. Ce sont des histoires courtes. Mais dans l’ensemble j’écoute les retours, surtout. J’écoute tout le temps.
    _ Tu n’as pas peur de manquer ton entrée?
    _ Non, parce que je me prépare suffisamment à l’avance. Pour moi comme pour les autres, je ne veux pas prendre le risque d’arriver en retard.”

    “_Quand le spectacle est encore frais, j’aime bien parler de ce qu’on vient de jouer avec les autres acteurs à chaud, dans les coulisses, entre deux scènes. Sinon, ce que je fais dépend des spectacles mais, pour un spectacle donné je me rends compte que c’est quasiment la même chose à chaque représentation: qu’au même moment tu vas aux toilettes même si tu n’as pas envie, que tu croises la même personne dans les coulisses à la même heure… Pendant Les Mains sales, je retournais de temps en temps en loge, parfois j’avais juste le temps de monter et de redescendre d’ailleurs. Et une fois que je suis dans ma loge, je ne fais rien, en fait. C’est juste quelques minutes, le temps de me retrouver un peu…”

    On n’a pas posé la question à celle qui reste en coulisses pendant tout le spectacle à écouter, très concentrée, et qu’on n’a pas voulu déranger, et à ceux qui n’ont manifestement que le temps de changer de costume en trombe entre leurs scènes.

    Pour voir ces acteurs côté scène, il vous reste trois représentations des Justes : ce soir et demain à 15h et 20h! Bon vendredi...


  • Juste une photo • Pleins feux




    De dos, Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Justes, s’entretient avec des membres de l’équipe technique et artistique avant la première d’hier soir.

    On devine les pointes acérées de la scénographie que Raymond Sarti a imaginée pour Les Mains sales et pour Les Justes, ou plutôt devrais-je dire les scénographies, car beaucoup de choses ont changé depuis Les Mains sales, et pas seulement le décor.

    Pour découvrir la théorie de l’engagement alliée à l’écriture épurée de Camus et clore la saison 2008-2009 de l’Athénée, c’est cette semaine jusqu’à samedi! Exceptionnellement, deux représentations auront lieu samedi à 15h et 20h.

    Bonne journée à tous et à demain.


  • "Il faut imaginer Sisyphe heureux" • Perspective




    Dans la mythologie grecque, Sisyphe, pour avoir défié les Dieux, doit amener un rocher au sommet d’une colline: las, juste avant de parvenir à son but, le rocher redescend invariablement la pente, et Sisyphe est condamné à reproduire sa pénible tâche à l’infini.

    Albert Camus, l’auteur des Justes que vous pourrez voir à l’Athénée à partir de ce soir, publie en 1942 un essai intitulé Le Mythe de Sisyphe. La vie vaut-elle la peine d’être vécue? L’existence humaine est absurdité, mais la lucidité face sa propre condition peut aider l’homme à donner un sens à son destin. La révolte est le seul moyen de vivre dans un monde absurde, et c’est parce que l’homme se bat qu’il existe.

    Sisyphe, lui, ne se révolte pas: il répète la même tâche jour après jour sans jamais arriver à son but. Pourquoi faut-il alors l’imaginer heureux, selon Camus? Parce que Sisyphe trouve son bonheur dans l’accomplissement même de son action, et non dans son achèvement: les moyens justifieraient la fin, en somme.
    Sisyphe est peut-être le “travailleur inutile des enfers”, mais son rocher lui appartient. La tâche est peut-être dure, mais elle est aussi joyeuse. Il n’atteint peut-être jamais son but, mais le seul fait d’aspirer au sommet suffit à son bonheur.

    Après Les Mains sales de Sartre à l’Athénée, retrouvez la même équipe artistique sur Les Justes de Camus ; dans Le Mythe de Sisyphe, Camus nous apprend donc que l’important est surtout le chemin à parcourir: alors suivez le metteur en scène Guy-Pierre Couleau et toute son équipe dans leur aventure à la fois difficile et joyeuse vers un théâtre d’art et d’engagement. C’est à l’Athénée à partir de ce soir et jusqu’à samedi.

    Bon mercredi!


  • Tout le monde dit I love you - Interview • Entretien




    Gauthier Baillot joue le rôle de Hoëderer dans Les Mains sales qui vient de se terminer, et de Stepan Fedorov dans Les Justes qui commence demain à l’Athénée.


    «_ Tu m’as étonnée quand je suis passée dans les coulisses hier: il était 19h55, la représentation allait commencer, et tu étais encore dans le foyer des comédiens pas maquillé ni habillé…
    _ Mon personnage n’entre pas dès le début, j’ai donc un peu de temps supplémentaire… Mais c’est vrai que je ne vois pas la nécessité de prendre beaucoup de temps avant la représentation. J’avais également étonné un régisseur sur une autre pièce: pendant la représentation, on discutait tranquillement en coulisses lorsque je suis entré sur scène sans aucune transition, en ayant à peine terminé la phrase que j’étais en train de lui dire. Quand je suis revenu à côté de lui juste après, il était tout blanc! Je n’ai pas tellement besoin de m’isoler, sauf peut-être pour les premières représentations.
    En revanche, je demande toujours à ce qu’il y ait des retours assez forts en loge pour que je puisse entendre ce qui se passe sur scène pendant que je me prépare : je sais qu’à tel moment je dois être habillé, puis à telle scène que je dois être maquillé… Me préparer au lieu d’attendre d’entrer en scène sans rien faire me permet aussi de me mettre dans le rythme du spectacle: je veux faire en sorte qu’il n’y ait pas d’arrêt entre ma préparation et mon entrée en scène, et parfois j’arrive à être assez synchronisé pour descendre de ma loge et entrer directement en scène sans patienter dans les coulisses… Cela crée une forme d’adrénaline et, au niveau du jeu, me permet de partir de moi-même.

    _ Tu as donc l’impression de partir de toi-même lorsque tu joues Hoëderer? Encore une fois tu m’étonnes, parce que sur scène tu es absolument méconnaissable…
    _ Tu trouves? Oui, c’est vrai que j’ai remarqué que souvent, les gens ne me reconnaissent pas. Je pense par exemple à un petit garçon qui était passé pour demander des autographes à toute la troupe, et qui était passé plusieurs fois devant moi sans avoir l’air de se rendre compte que j’avais joué dans la pièce qu’il venait de voir… Je n’ai pourtant pas du tout pensé à faire une composition ou à me rendre méconnaissable.
    Ce sont les situations présentes dans le texte de Jean-Paul Sartre qui font les personnages: voir Hoëderer traverser l’histoire de manière si précise et forte en fait un personnage mûr dans l’écriture elle-même. Il y a une force tranquille chez Hoëderer qui est véritablement appelée par le texte: c’est tellement bien écrit que cela donne inévitablement une force à l’acteur qui le joue.
    C’est pour cela que le texte serait difficile à couper: il y a une suite d’étapes nécessaires pour construire le personnage. L’acteur fait une sorte de voyage, et son regard s’aiguise d’une scène sur l’autre. Il y a l’étape où il trouve les photos de Hugo dans sa valise, puis celle où il découvre Jessica cachée sous la table… Tout cela dessine peu à peu Hoëderer: c’est un rôle où l’on peut arriver à vide, où je n’ai pas eu conscience de travailler une maturité parce qu’elle est là sans moi, dans la pièce elle-même.
    On parle beaucoup de Hoëderer avant qu’il apparaisse pour la première fois, ce qui lui confère un crédit avant même qu’on l’aie vu! C’est pour cela que c’est quitte ou double: à son arrivée, le public pourrait être déçu, et c’est là que les partenaires sont essentiels, parce qu’ils jouent aussi ce qu’on est. Hoëderer entre en demandant pourquoi on le dérange et arrête net la discussion animée qui se tenait. Alors que Georges, Slick et Hugo en étaient quasiment à en venir aux mains, ils s’immobilisent soudainement et semblent se retrouver comme des enfants pris en faute: s’ils continuaient comme si Hoëderer n’était pas entré, j’aurais beau jouer l’homme autoritaire, charismatique et mûr, on n’y croirait pas du tout!
    L’autorité chez Hoëderer se joue, mais elle se cultive donc surtout chez les autres: cela se prend dans le regard de ses partenaires de jeu, comme beaucoup d’autres choses d’ailleurs. C’est sans doute pour cela que je n’ai pas l’impression d’avoir fait une composition: le personnage de Hoëderer a une maturité sans que j’aie eu tellement besoin de lui donner, et il n’y a pas besoin de démontrer quoique ce soit.

    _ Cela rejoint ce que disait Nils Öhlund qui me parlait d’économie de moyens, estimant qu’il fallait se dépouiller de beaucoup de choses pour jouer un personnage…
    _ Effectivement, je crois qu’il ne faut pas vouloir prouver quelque chose et ne pas se dire “pourvu que les spectateurs voient bien qu’il est en colère, pourvu qu’ils voient bien qu’il est troublé”, etc. J’ai joué dans une pièce de Lars Norén qui nous a dit un jour “faites en sorte que les gens n’en sachent pas plus sur vos personnages à la fin qu’au début”.
    On voudrait toujours expliquer quelque chose, mais non seulement les spectateurs ne sont pas tous obligés de ressentir la même chose, mais en plus c’est lorsqu’on se dépouille qu’on va à l’essentiel, qu’on ressent plus de choses et que l’on est disponible à l’autre. C’est particulièrement vrai pour Les Mains sales où le texte est très copieux. Plus on se dépouille et plus, paradoxalement, les spectateurs et les partenaires voient de choses.

    _ Avant toi, j’ai interviewé Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Justes et des Mains sales, Anne Le Guernec, qui joue Jessica dans Les Mains sales et Dora Doulebov dans Les Justes, et Nils Öhlund qui joue Hugo dans Les Mains sales et Skouratov dans Les Justes: vous m’avez tous spontanément et longuement parlé de l’importance des partenaires de jeu et de la nécessité de travailler ensemble.

    _ Guy-Pierre Couleau est un vrai chef de troupe et, dans ses spectacles, il y a une vraie notion d’équipe et de partage. Tu sais, lorsqu’on est acteur, on travaille vraiment avec ce qu’on est nous personnellement, et la scène devient ainsi un endroit sensible de l’humain: c’est une mise à nu face à l’autre, et autrui devient plus important que soi-même. Chacun travaille pour l’autre, et ce sont vraiment les autres qui te donnent leur force. Chaque maillon est important, chacun sert l’histoire et sert également le parcours de l’autre. Cet esprit de troupe vient de Guy-Pierre Couleau et des comédiens qu’il a choisis…
    Je sens la même chose pour Les Justes où je suis arrivé bien après tout le monde: j’ai dû reprendre le rôle de Stepan en quatre jours en remplaçant Sébastien Bravard et j’ai joué Les Justes pour la première fois après seulement une générale! Les autres acteurs avaient déjà joué la pièce et auraient pu être indifférents à la difficulté que cela représentait pour moi: or, sentir que c’était délicat pour moi les déstabilisait tout autant!
    Un acteur en difficulté perturbe tout l’ensemble, comme un caillou que l’on jette dans l’eau et qui crée une onde: cela montre que tout le monde est à l’écoute et, le jour de ma première des Justes, j’ai eu le sentiment que c’était une première pour tout le monde! Tout le monde était avec moi. Guy-Pierre Couleau nous avait dit: “quelque part c’est mieux, vous êtes tous au même endroit”.

    _ Puisque Les Justes d’Albert Camus mis en scène par Guy-Pierre Couleau commence demain, peux-tu me parler du personnage de Stepan?

    _ Stepan fait partie du groupe de terroristes, et c’est le plus radical. Lorsqu’Ivan Kaliayev renonce à lancer la bombe parce qu’il risquerait de tuer des enfants, Stepan n’est pas d’accord: il aurait tué les enfants sans problème et n’a absolument pas peur de se salir les mains!
    Mais le plus intéressant, c’est d’essayer de comprendre cette radicalité: son argumentaire peut être recevable lorsque l’on sait qu’il a été emprisonné et torturé et que sa femme s’est suicidée parce qu’elle ne supportait pas de le voir subir tous ces sévices… Comme Hugo dans Les Mains sales de Sartre, son choix politique provient en partie de son vécu, de l’intime. On pourrait croire qu’il n’a aucun cœur, alors qu’il a justement une énorme faille! Par vengeance, il tuerait tout le monde…»


    J’ai quitté Gauthier Baillot juste au moment où la représentation des Mains sales commençait: évidemment, il n’était ni maquillé ni habillé…

    Pour voir Stepan Fedorov essayer de tuer tout le monde dans Les Justes, c’est à partir de demain soir à l’Athénée!
    L’équipe artistique est quasiment la même que pour Les Mains sales, avec toutefois quelques petits changements: souhaitons donc la bienvenue à Frédéric Cherboeuf, et bon vent à Olivier Peigné et Stéphane Russel.

    Bonne journée à tous.


  • C'est de la bombe • D'hier à aujourd'hui




     

    L’explosion graphique a diminué entre Les Justes donné en 2007 à l’Athénée dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau et la reprise du même spectacle en 2009.

     

    Mais en résonance avec Les Mains sales de Sartre, Camus fait éclater la philosophie de l’engagement et embarque le théâtre dans la radicalité.

    Pour suivre l’équipe artistique des Mains sales et voir ou revoir Les Justes d’Albert Camus dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau (strapontin d'or 2007!), c’est à l’Athénée à partir de mercredi!

    Bon lundi.


  • Les mots et les choses • Pleins feux




    Curieux genre que l’autobiographie, qui n’a qu’un seul mot pour désigner des écrits fort différents puisque par définition personnels: Les Mots, que Jean-Paul Sartre publie en 1964 après l’avoir élaboré pendant plus de dix ans, est un récit de l’enfance de l’écrivain et philosophe divisé en deux chapitres, “lire” et “écrire”.

    Car c’est surtout son rapport aux livres que Jean-Paul Sartre retrace, faisant le deuil de la prétendue singularité de sa personnalité, qu’il juge factice. Rétrospectivement, le culte qu’il a voué à la littérature lui apparaît comme un leurre et sa vocation d’écrivain comme une imposture: il aurait confondu les mots avec la réalité et serait devenu écrivain pour faire plaisir à son grand-père.

    Si Jean-Paul Sartre entend dresser un bilan à la manière d’un Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions, on ne peut s’empêcher de se poser la question de la sincérité de cette autocritique où point la mauvaise foi, confirmée par le ton souvent ironique et la distanciation comique.
    En fait, plus Jean-Paul Sartre entend démonter la supercherie qui l’a conduit à la littérature en essayant de nous faire croire qu’il est un homme ordinaire et plus on ne peut s’empêcher de sourire en pensant aux écrits magistraux qu’il a engendrés, comme L’Être et le Néant, La Nausée, Les Mains sales, Critique de la raison dialectique ou Situations.

    Mais Jean-Paul Sartre se méfie des mots, et c’est surtout ce soupçon qu’il met en scène dans son autobiographie, à la manière d’un tableau bien connu de Norman Rockwell:

     

     

    Norman Rockwell, Triple autoportrait, 1960

    Autrement dit, Jean-Paul fait se rejoindre passé et présent et réalise une mise en abyme où, dans le même temps, il regarde sa vie, écrit sur lui-même et se regarde en train d’écrire: “j’ai passé beaucoup de temps à fignoler cet épisode et cent autres que j’épargne au lecteur” ou “aujourd’hui, 22 avril 1963, je corrige ce manuscrit au dixième étage d’une maison neuve”, écrit-il par exemple. Renonçant à la chronologie, il conteste le genre autobiographique de l’intérieur et déconstruit la culture aliénante qui serait la sienne en mettant la littérature en danger.

    Règlement de comptes avec son passé et bilan d’une vocation d’intellectuel, Les Mots a aussi une portée politique. Au-delà d’une psychanalyse, il s’agit ainsi de dénoncer la littérature en la ramenant à ce qu’elle est, c’est-à-dire seulement des mots, tout en désacralisant sa fonction d’écrivain.

    La littérature est alors démystifiée au profit de l’action et de l’engagement, et l’on ne peut s’empêcher de voir en filigrane le personnage de Hugo dans Les Mains sales à la lecture de ce parcours d’écrivain: rédacteur du journal du Parti, Hugo, l’intellectuel, le gosse de riches, ne rêve que d’action concrète. Contrairement à Jean-Paul Sartre, il ne peut accepter qu’il pourrait “commenc[er] sa vie comme [il] la finir[a] sans doute: au milieu des livres”…

    Pour suivre les tentatives de Hugo d’échapper à ce qu’il est et découvrir comment Jean-Paul Sartre a intégré sa réflexion aux
    Mains sales, il vous reste trois représentations de la pièce dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau: ce soir et samedi à 15h et 20h!

    L’Athénée confronte ensuite la philosophie de l’engagement de Jean-Paul Sartre à celle d'Albert Camus en vous proposant une reprise des Justes de Camus, un spectacle donné en 2007 à l’Athénée, déjà dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau… Les représentations auront lieu du 3 au 6 juin prochains.

    Bon week-end à tous.


  • Derrière les barreaux • Pleins feux





    Entre indépendance et aliénation, dans Les Mains sales de Jean-Paul Sartre les personnages se débattent et les idées se libèrent.

    Dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau, Les Mains sales est encore à l’Athénée pour quatre représentations: ce soir, demain et samedi à 15h et 20h.

    Bon jeudi !

     


  • Hors saison • Coulisses




    Je vous montrais hier le côté pile de la présentation de saison 2009-2010 de l'Athénée, voici le côté face pour ceux qui n’étaient pas là!
    Chaque artiste est venu(e) présenter son spectacle aux côtés de Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, avec une petite surprise pour Benjamin Lazar et un duplex téléphonique pour Richard Brunel.



    Gerold Schumann pour Minetti de Thomas Bernhard.



    Par-dessus l’épaule de Nils Öhlund, François Berreur pour La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco et Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce.


    Antoine Gindt pour l’opéra The Rake’s Progress de Stravinsky.


    Vus de la régie, Philippe Nicolle et Loïc Boissier de la compagnie les Brigands pour l’opéra-bouffe Au temps des croisades de Claude Terrasse.


    Vu de la régie, Matthew Jocelyn pour Julie, un opéra de Philippe Boesmans d’après Mademoiselle Julie de Strindberg.


    Guillaume Gallienne pour Les garçons et Guillaume, à table!



    Cristèle Alves Meira pour Vénus de Suzan Lori-Parks.


    La voix de Richard Brunel pour Dans la Colonie pénitentiaire, un opéra de Philip Glass d’après Franz Kafka.


    Dans l'écran situé en régie, Nils Öhlund, comédien dans Les Mains sales actuellement représenté à l’Athénée et futur metteur en scène d’Une Maison de Poupées d’Ibsen.



    Après avoir présenté Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau, Benjamin Lazar reçoit son strapontin d’or pour son dernier passage à l’Athénée à l'occasion de son spectacle L’autre monde ou les états et empires de la lune.
    Le strapontin d’or est l’une des plus hautes distinctions de l’Athénée, et vous en entendrez reparler à l’occasion du strapontin d’or 2009!

     


    La pianiste Claire-Marie Le Guay pour sa résidence musicale qui continue après avoir bien commencé cette année!

    Certains se sont plaints de ne pas avoir vu à quoi je ressemblais, me conseillant de joindre une photo de moi à mes billets: ma mégalomanie ne va pas jusque là, mais les petits curieux qui chercheront sur le blog où sont publiés tous les billets que vous recevez depuis septembre pourront au moins se rendre compte que oui, je suis une vraie personne, non je ne suis pas un cabinet de communication de dix employés, et non je ne porte pas les lunettes et la barbe comme Patrice Martinet.

    Hier soir, le tchat avec Patrice Martinet, le directeur du théâtre, a bien eu lieu sur le site de l’Athénée et a inauguré la nouvelle saison interactive 2009-2010! Pour la découvrir en détail, cliquez ici.

    Les Mains sales de Jean-Paul Sartre mis en scène par Guy-Pierre Couleau (strapontin d'or 2007 pour Les Justes repris à l'Athénée la semaine prochaine) continue jusqu’à samedi! Bon mercredi...


  • Hors scène • Coulisses




    Certains d’entre vous étaient à l’Athénée hier soir entre 18h30 et 21h pour découvrir la saison prochaine avec Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, et les artistes programmés.
    Vous avez pu écouter les artistes parler, mais voici tout ce que vous avez forcément manqué :

     

    Guillaume Bourgain, le secrétaire général de l’Athénée
    (et donc responsable des relations publiques et de la communication), veille en coulisses.

     

    Il est bientôt rejoint par Florence Cognacq, attachée à la communication.

     

    Devant eux, Inès Slama, stagiaire en relations publiques et communication, s’occupe des images projetées à l’écran.

    Au foyer-bar, le buffet qui vous sera offert après la présentation se prépare.


    Patrice Martinet entre en scène, la présentation de saison commence!

    Cet après-midi, en attendant le billet de demain qui vous offrira un petit aperçu de la présentation de saison (cette fois côté scène), vous pourrez discuter en direct avec Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, de la saison prochaine!
    Pour cela, pas besoin de vous déplacer ni de téléphoner: le tchat de l’Athénée (tchat = messagerie instantanée, ou mails plus rapides, ou conversation téléphonique par écrit) vous permet de poser toutes vos questions par écrit et d’en avoir la réponse instantanément par Patrice Martinet lui-même!
    Pour cela, connectez-vous sur le site de l’Athénée entre 17h et 18h, inscrivez votre pseudonyme, envoyez toutes vos questions, lisez celles des autres et découvrez les réponses…

    Les Mains sales mis en scène par Guy-Pierre Couleau reprend ses droits ce soir, il vous reste encore jusqu’à samedi pour le voir! Bon mardi.

     


  • Hors-jeu - Interview ! • Entretien




    Nils Öhlund est l’acteur qui interprète Hugo dans Les Mains sales de Jean-Paul Sartre qui se joue en ce moment à l’Athénée dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau. Conversation dans sa loge avant une représentation :

    «_ Tu as l’air fatigué…
    _ Oui, il y a Les Mains sales bien sûr, mais je m’occupe en plus de la production d’Une Maison de Poupées d’Ibsen que je mettrai en scène l’année prochaine : on le jouera à l’Athénée en mai 2010, d’ailleurs.

    _ Puisque la présentation de la saison 2009-2010 de l’Athénée a lieu ce soir à 18h30, parlons un peu de Maison de Poupées... Pourquoi avoir voulu mettre ce texte en scène?

    _ J’ai toujours voulu faire de la mise en scène. Comme pièce, je voulais choisir quelque chose de personnel, réalisable et en fonction d’acteurs précis, et je suis tombé sur ce texte qui constituait le terrain le plus proche de moi, d’autant qu’il rappelle mes origines scandinaves... J’ai un rapport très personnel à ce texte tout comme aux acteurs que j’ai choisis: tout se connecte, et il y a pour moi une nécessité de le monter, de raconter tout cela. Quand tu montes un Shakespeare, tu es plus ou moins obligé de te projeter: là, je suis dans quelque chose d’intime qui concerne la famille, le mensonge, le compromis… C’est une sorte de chronique de la vie conjugale, pour plagier Bergman…
    Être acteur et metteur en scène sont deux choses intimement liées  pour être metteur en scène je me nourris de mon parcours d’acteur, et j’essaie de creuser l’art du jeu en faisant de la mise en scène. Cela fait vingt ans que je fais du théâtre, et l’on pourrait croire qu’on accumule beaucoup de choses, alors qu’en fait il faut en lâcher beaucoup, se dépouiller… Je préfère me rendre disponible pour le spectateur, qu’il soit attiré par la part de mystère plutôt que de lui donner trop de signes: cela passe par du micro-travail, c’est de la dentelle, mais si le jeu est incarné et juste, tout se voit. Finalement, sur scène, les choses les plus fabriquées, les plus grosses, sont peut-être les moins visibles. Pour moi, il ne faut pas vouloir capter les regards: juste se laisser regarder plutôt que vouloir être regardé...

    _ On te parle souvent de ton physique en tant qu’acteur, non? Ce n’est pas gênant?
    _ C’est ça, remets-en une couche! Cela fait forcément plus plaisir qu’une lycéenne me dise que je suis beau à une rencontre que l’inverse, mais je ne me raccroche pas du tout à cela, pas du tout… J’ai mis quinze ans à accepter d’avoir un physique de jeune premier.
    Mais ce qui est important, c’est Hugo, mon personnage dans Les Mains sales : l’essentiel chez lui, c’est sa jeunesse, sa sincérité, et je ne voulais pas passer à côté de cela. J’ai donc renoncé à lui donner la maturité que je peux avoir. L’émotion de Hugo, il faut qu’elle jaillisse à mon corps défendant.
    Tu sais, souvent, les émotions fortes qu’on éprouve dans la vie, c’est quand on est touché sur une partie de notre enfance, quand l’enfant qu’on a gardé en nous est ébranlé : c’est notre socle. Hugo est un garçon pas encore fini, il est en construction, et il le dit qu’il est entre la jeunesse et l’âge d’homme, et il est même embarrassé par sa jeunesse… J’ai donc travaillé en allant contre ce que je suis ou ce que je prétends être, en allant vers la jeunesse…

    _ Justement, tu pourrais expliquer un peu comment tu as concrètement travaillé le rôle de Hugo dans Les Mains sales?
    _ Sur la proposition de Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène, qui sait avoir ce genre d'intuitions très forte, j’ai appréhendé le rôle de Hugo par l’humour et la légèreté -ce qui est également lié à sa jeunesse, d’ailleurs. Il y a tout un travail secret d’appropriation pour faire rencontrer mon expérience avec celle du personnage afin de lui donner chair. Je passe par des choses intimes : c’est ma petite tambouille… Mais ce n’est pas si difficile car c’est un garçon qui aimerait être aimé et qui se bagarre pour cela. C’est Anne Le Guernec, qui joue Jessica, qui le faisait remarquer: Hugo est aimé par Olga, Jessica, Hoëderer et Louis, mais il croit que personne ne l’aime. Et si ce n’est pas si difficile de comprendre ce mécanisme, c’est aussi parce que c’est un ressort de l’acteur fondamental: se mettre devant cinq cents personnes et vouloir être aimé… (Silence) Comment tu vas faire pour réécrire un entretien construit avec tout ce que je te dis?

    _ Moi aussi j’ai ma petite tambouille… Disons en tout cas que je ferai cette retranscription très rapidement, pour toujours avoir ta voix dans ma tête. Et donc, puisqu’on parlait de ton physique en tant qu’acteur puis de l’appropriation du personnage de Hugo, est-ce que tu pourrais expliquer comment tu as construit physiquement le personnage ?

    _C’est l’intérieur, dont je viens de te parler, qui contamine l’extérieur… Cela passe par le costume, la position, des attitudes.. C’est tout un travail de composition, mais je ne préfère pas parler de ce genre de petits détails parce que j’ai peur que le public ne voie plus que cela après avoir lu cet entretien. Le costume réalisé par Laurianne Scimemi est important, il donne un côté petit étudiant anglais à Hugo.
    Il m’a vraiment fallu accepter ma jeunesse pour ce personnage, là où Gauthier Baillot, à mon avis, assoit son jeu pour révéler la maturité de Hoëderer! Nous avons le même âge, et pourtant nos personnages doivent avoir un rapport père/fils. C’est aussi le regard de mon partenaire qui crée mon personnage : le regard que Gauthier et moi nous portons l’un sur l’autre crée cette différence d’âge et ce rapport de filiation…

    _ Dans l’entretien qu’il m’a accordé, Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène, semblait très touché par ce rapport de troupe que vous avez réussi à créer…

    _ Oui, je pense que Guy-Pierre est touché par notre engagement sur le plateau, par notre investissement sur un projet qui venait de lui. Tout ce qu’on fait, c’est pour être moins seul: c’est pour cela que c’est très émouvant quand tout un groupe d’acteurs est sur scène pour ta pièce, pour prolonger ton propre rêve…

    _ Tu trouves vraiment que tout ce qu’on fait, c’est pour être moins seul?
    _ Oui, dans toute notre relation à l’autre, on est en mouvement pour rencontrer l’autre, toujours… Peut-être que la bataille, c’est aussi le même mécanisme d’ailleurs…

    _ Et le théâtre, est-ce un combat?

    _ Le théâtre est une bataille contre la facilité, et monter une production est un combat contre les a priori. La scène est un lieu d’action avec des situations et des corps qui agissent et réagissent. C’est pour cela que je préfère le mot d’acteur à celui de comédien: l’expression “jouer la comédie” sous-entend pour moi qu’on revêt quelque chose d’extérieur à soi, comme on enfile un costume ; moi, je préfère la notion d’acte. Mais je ne dirais pas que jouer est une bataille : il y a beaucoup de moments magiques, ces instants ténus où tu es parfaitement en accord avec tes partenaires, où tu es juste au même endroit qu’eux, disponibles pour eux, dans l’écoute absolue de l’autre…

    _ Et là, si tu arrives à l’Athénée une heure et demie avant la représentation, c’est pour voir les autres?
    _ Oui, je suis là pour prendre contact avec les gens, pour savoir ce qu’ils ont vécu depuis la dernière représentation…  On se reconnecte pour s’apprêter à vivre la même chose. C’est bien que cela vive avant et après, je n’aime pas que chacun arrive et reparte de son côté, que cela soit pour mes partenaires de jeu comme pour le public. C’est aussi pour cela que je fais volontiers les rencontres avec des spectateurs, que je reste au bar du théâtre après la représentation… Je ne veux pas que le théâtre soit un produit de consommation, et pour moi la rencontre est nécessaire. Lors des discussions avec les spectateurs, je ne suis pas là pour faire un cours théorique sur Jean-Paul Sartre: j’ai autant à apprendre d’eux, j’ai envie de savoir ce qui leur a plu ou déplu… Ces rencontres ne me coûtent pas du tout, au contraire!

    _ Qu’est-ce qui est le plus important pour toi, dans Les Mains sales?

    _ Tout est relié, c’est difficile d’isoler quelque chose… Le plus important pour moi, c’est un parcours, une évolution, une transformation. Du point de vue de l’enjeu politique de la pièce, Jean-Paul Sartre s’attache à montrer ce qu’il y a d’intime dans l’engagement : nos convictions sont aussi liées à l’intime, à l’enfance, aux névroses..
    C’est ce qui est intéressant chez Hugo: c’est lorsque Hoëderer le touche dans ce qu’il a d’intime qu’il passe à l’acte. Mais ce qui ressort peut-être chez Hugo également, c’est qu’on lui a fait confiance et qu’il a l’impression de trahir, de faillir. Comme j’ai fait beaucoup de sport en équipe, j’ai envie de te parler de rugby: c’est comme si Hugo avait supplié pendant tout le match qu’on lui donne le ballon, et que, au moment où on lui passe enfin, il manque l’essai, ou il le réalise en-dehors des règles. Il n’est pas à la hauteur de la responsabilité qu’on lui a donnée. C’est le petit gringalet qui veut absolument qu’on le prenne dans l’équipe…»


    Ce soir à 18h30, venez découvrir les spectacles que l’Athénée accueillera à partir de septembre prochain
    : Nils Öhlund sera sur scène pour présenter sa Maison de Poupées, évidemment entouré de Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, et des autres artistes programmés.
    La présentation aura lieu dans la grande salle et sera suivie d’un petit buffet!

    Et demain, vous pourrez discuter de la saison avec Patrice Martinet via le nouveau tchat de l’Athénée
    : messagerie instantanée qui permet de converser par écrit en temps réel, le tchat sera disponible sur le site internet de l’Athénée demain de 17h à 18h!

    Les Mains sales reprend demain jusqu’à samedi, et laissera ensuite la place aux Justes de Camus
    interprété par la même équipe.

    Bonne journée...


  • Théâtre, théâtre, vous avez dit musique? (2) • Pleins feux




    Cela fait plusieurs années que l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet vous offre une programmation mêlant théâtre, opéra et musique de chambre.

    En résidence à l’Athénée depuis trois ans, le Quatuor Psophos clôt son aventure demain avec un concert autour de Johannes Brahms et Richard Strauss.

    Leur précédent concert avait eu lieu dans le décor d’En attendant Godot de Samuel Beckett mis en scène par Bernard Levy : et en observant Marie-Noëlle Bourcart régler les projecteurs du spectacle, on pouvait entendre de loin la violoniste Bleuenn Le Maitre répétant le Quatuor n°2 de Béla Bartók que le Quatuor Psophos allait interpréter devant vous quelques jours plus tard

    Aperçu d’une minute en son et en image :

    Si vous ne pouvez pas lire la vidéo, cliquez pour aller sur Youtube.



    Pour continuer à lier théâtre et musique et assister au dernier concert de la résidence du Quatuor Psophos, rendez-vous à l’Athénée demain à 15h!
    Dans le décor des Mains sales, elles interpréteront le sextuor à cordes extrait de Capriccio et les Métamorphoses de Richard Strauss ainsi que le Sextuor à cordes n°2 de Johannes Brahms.
    Elles inviteront pour l’occasion le violoncelliste Jens-Peter Maintz, l’altiste Vladimir Mendelssohn et le contrebassiste Benjamin Berlioz (le nom des deux derniers invités n’est pas une blague).

    La musique de chambre continue de s’installer à l’Athénée avec la résidence de Claire-Marie Le Guay, sans oublier le théâtre des Mains sales qui se joue jusqu’au 30 mai!
    Lundi, vous pourrez découvrir la musique et le théâtre de la nouvelle saison de l'Athénée : rendez-vous à 18h30 dans la grande salle!

    Bonne journée.

    PS : le cinquième Salon du Théâtre et de l'Édition Théâtrale ouvre aujourd'hui à la Foire Saint-Germain, place Saint-Sulpice à Paris!
    Vous avez jusqu'à dimanche pour visiter le stand de l'Athénée, et demain à 16h, Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Mains sales, sera présent pour lire des textes de Simone de Beauvoir et François Perrier.


  • La dame de cœur - Interview • Entretien




    Anne Le Guernec est l’interprète de Jessica dans Les Mains sales -c’est l’actrice que les lycéens de la rencontre du mardi 12 mai trouvaient “vraiment bien”.
    Entretien à la cuisine de l’Athénée, pendant qu’Anne prend son dîner avant une représentation avec d’autres comédiens du spectacle :


    «_ Est-ce que tu pourrais m’expliquer comment tu as travaillé le personnage de Jessica?
    _ J’ai commencé par lire beaucoup de choses sur Jean-Paul Sartre, et en particulier la biographie écrite par Annie Cohen-Solal: j’ai découvert son parcours, sa personne, l’enfant qu’il a été, les femmes qui l’ont captivé en plus de Simone de Beauvoir, comme sa mère, Dolorès, les femmes qu’il a aimées…
    Dans Les Mains sales, Jessica est un très beau personnage de femme, aussi complexe que ceux de Hugo ou Hoëderer. Ce qui m’a le plus touchée, c’est sans doute la dimension de jeu qu’il y a chez elle et qui n’empêche pas la profondeur: c’est une belle métaphore des actrices… Elle a beaucoup de profondeur, et en même temps pas la même manière d’appréhender la réalité: ce passage entre le jeu, la vie et la réalité ressemble un peu à ce qui se passe au théâtre. Hugo est sans doute comme cela, il a doit avoir l’impression d’être dans une comédie…
    Dans Les Mains sales, il y a d’ailleurs une grande palette qui va de l’humour à la tragédie, et Jean-Paul Sartre se met dans tous ses personnages: Hugo serait l’un de ses petits élèves, Hoëderer serait lui-même avec sa maturité et dans toute sa compréhension du monde… Il s’est mis dans tous les personnages, c’est pour cela que cette pièce est incroyable!

    _ Dans l’entretien qu’il m’a accordé, Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène de la pièce, me parlait des propos phallocrates qu’il y aurait dans Les Mains sales: qu’est-ce que tu en penses?

    _ Non, pour moi Jean-Paul Sartre est tout sauf misogyne: a priori, la pièce pourrait l’être de manière très vague, au détour d’une ou deux répliques, mais il faut penser au contexte! À l’époque où il écrit Les Mains sales, les femmes n’ont pas encore le droit de vote en France: c’est donc assez logique que Jessica n’ait pas d’avis politique construit, mais cela n’empêche pas qu’elle s’y intéresse! Elle a une grande intelligence, c’est juste qu’elle n’a pas les cartes en main: et ça, c’est vraiment lié à l’époque de la pièce…
    Mais Jessica a aussi un avis sur sa propre vie, elle pousse Hugo à parler, elle l’écoute, elle l’éveille à la connaissance des choses. Elle apprend vite, et d’ailleurs sa posture, qui est de ne pas avoir d’avis, est déjà une position, puisque ne pas choisir c’est déjà faire un choix. Et elle a quand même des intuitions…. Bon, c’est vrai que ce n’est pas Simone de Beauvoir… Mais elle est loin d’être idiote, et on sent qu’elle a la tendresse de Sartre. (Bref silence) Ou alors, c’est moi qui me suis monté tout cela… Je pensais d’ailleurs que les spectateurs réagiraient davantage à ces propos misogynes, mais peut-être voient-ils tout de suite le second degré.

    _ Donc lorsque dans la pièce, il est dit qu’Olga est une femme de tête là où Jessica serait une femme de cœur, cela te paraît juste?
    _ Oui, je me reconnais là-dedans, sauf qu’il y a aussi du cœur chez Olga et de la tête chez  Jessica… Disons que ce sont deux archétypes qui ont leurs nuances. Mais c’est vrai que cette définition de femme de cœur m’a beaucoup plu: c’est beau d’aimer, et c’est beau d’interpréter un personnage qui aime…

    _ Est-ce à dire que la thématique principale des Mains sales serait l’amour et la guerre, comme me le disait Guy-Pierre Couleau?
    _ Non, pour moi cela serait plutôt la Politique (avec un grand P) et l’individu: comment le projet politique et le parcours personnel peuvent-ils se concilier? La grande histoire et la petite histoire se frottent, et dans le contexte politique et historique s’insèrent des gens qui se désirent, qui s’aiment, qui ont un sexe…

    (Autour de nous, les acteurs et techniciens vont et viennent en discutant joyeusement)

    _ J’ai l’impression que vous avez réussi à créer une véritable troupe, non?

    _ Oui, j’ai fait du théâtre parce que j’avais envie d’appartenir à un groupe, ce qui n’est pas le cas dans le cinéma où on est beaucoup plus seul. Mais il ne s’agit pas pour autant d’appartenir tout le temps à la même famille!

    _ Il reste un peu moins d’une heure avant la représentation, qu’est-ce que tu vas faire d’ici-là?

    _ Me pomponner, essentiellement! Je pense à la représentation aussi… Remarque, j’y pense beaucoup pendant la journée et les jours de relâche, c’est peut-être maintenant que je vais arrêter d’y penser!

    _ Et qu’est-ce que tu fais pendant tout le début de la pièce où tu n’apparais pas mais où tu es obligée d’attendre derrière la toile de fond?
    _ Je les écoute jouer. C’est un endroit très confortable, et j’aime beaucoup les écouter…»


    Pour écouter jouer Anne Le Guernec et le reste de la troupe, vous avez jusqu’au 30 mai! L’équipe reprendra ensuite en juin Les Justes de Camus.

    Samedi à 15h, le quatuor Psophos termine sa résidence de trois ans à l’Athénée par un concert rassemblant Brahms et Strauss.

    Et toujours samedi mais à 16h, Guy-Pierre Couleau lira des textes de Simone de Beauvoir et François Perrier à propos des Mains sales au Salon du théâtre et de l’édition théâtrale place Saint Sulpice à Paris.
    L’Athénée a son stand sur ce salon qui aura lieu demain, samedi et dimanche: venez rendre visite à Églantine Desmoulins, Alexandra Maurice et Inès Slama, de l’équipe relations publiques et communication de l’Athénée !

    Bonne journée !


  • Question pour un champion (2) • Coup de théâtre




    Mettant l’accent sur la notion de responsabilité de l’individu, je peux être chrétien ou athée. La notion de subjectivité m’est essentielle, et pour moi l’angoisse est le révélateur de la condition humaine.

    Chez Kierkegaard, j’ai un lien avec la transcendance divine même si l’homme reste maître de ses choix éthiques, philosophiques et religieux.
    Chez Heidegger, j’ai un rapport avec la mort, l’angoisse existentielle étant considérée comme indépassable.


    Chez Sartre, qui est le philosophe par qui on me définit le plus souvent, je suis pensé en relation avec la contingence de l’existence qui rend possible la liberté humaine mais empêche de croire en Dieu : condamné à être libre, l’homme est livré à lui-même et ne peut avoir de valeurs a priori.

    Je replace l’homme dans sa temporalité en lui permettant de se définir et d’élaborer un projet par rapport à ce qui n’est pas, ce qui n’est plus ou ce qui n’est pas encore. Dans ma conception, l’homme est responsable de ce qu’il est et, par ses choix, engage également l’humanité toute entière : à chaque seconde, l’homme invente l’homme, et il n’y a pas de nature humaine pré-définie.

    Philosophie de l’action et de l’engagement, je définis l’homme par ses actes et considère que l’homme naît d’abord et se définit ensuite : le choix est ainsi constant et inévitable.

    Parce que je considère l’homme comme une fin et une valeur supérieure, j’ai été défini comme un humanisme dans une conférence restée célèbre que Jean-Paul Sartre donne en 1945 pour répondre aux critiques sur L’Être et le Néant.

    Visible en filigrane dans Les Mains sales actuellement représenté à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, je donne un but à l’existence de l’homme et suis souvent synthétisé dans la formule «l’existence précède l’essence». Je suis? Je suis?


  • Décomposée • Pleins feux




    Laurent Schneegans, créateur des lumières pour Les Mains sales, a vérifié chaque effet avant de laisser son bébé à l'Athénée:

    Après le relâche d'hier, Les Mains sales de Jean-Paul Sartre mis en scène par Guy-Pierre Couleau reprend ce soir à l'Athénée: pour découvrir à quoi ressemblent exactement les lumières, vous avez jusqu'au 30 mai! Bonne journée...


  • Et vous, à quoi rêvez-vous? • Perspective




    Vendredi dernier a eu lieu le cinquième forum de discussion jeunes organisé par l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Autour des spectacles En attendant Godot, Les Mains sales et Les Justes, plus de quatre cents lycéens étaient invités à réfléchir à deux questions: à quel monde meilleur rêvez-vous? Et comment allez-vous le construire?

    Aujourd'hui prise en charge par toute l'équipe communication et relations publiques de l'Athénée et plus particulièrement par Alexandra Maurice, chargée des relations avec le public scolaire, l’idée est venue il y a quelques années de Dorothée Burillon, alors secrétaire générale de l’Athénée : dégager des questions posées par la programmation et travailler de longue haleine avec des professeurs et intervenants pour permettre à des jeunes d’y penser pendant plusieurs mois en nourrissant leur réflexion de spectacles vus à l’Athénée.
    Sur des thèmes comme les rapports entre filles et garçons, le statut des femmes, l’engagement politique ou les nègres d’aujourd’hui, il s’agit pour ces jeunes de développer une pensée tant individuelle que collective en liant le théâtre à des problématiques d’ordre politique ou social.

    Cette année donc, à quel monde meilleur rêvaient nos lycéens? Grâce à leurs professeurs et à un dossier pédagogique réalisé par l’Athénée en partenariat avec la revue Philosophie magazine, le forum a pu aborder les notions d’utopie, d’altermondialisme, de révolution, d’écologie, d’engagement ou d’action politique.
    Forts de leurs questions et de leurs raisonnements, nos jeunes en provenance des lycées André Malraux de Gaillon, Romain Rolland de Goussainville,  Fontenelles de Louviers, Henri Matisse à Montreuil-sous-Bois, Paul Bert, Condorcet et Jules Ferry de Paris et du lycée international de Saint-Germain-en-Laye sont venus rencontrer Daniel Cohn-Bendit, François Durpaire, Susan Georges et Bruno Rebelle pour deux heures vendredi 15 mai 2009 à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

    Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe des Verts-EFA au Parlement européen, a d’abord fait une courte introduction présentant les thèmes du débat en s’attardant sur des questions d’écologie, d’émigration, de solidarité et de respect avant de laisser la parole aux intervenants.

    Bruno Rebelle est ancien directeur de Greenpeace France et aujourd’hui responsable de la coordination des actions de Greenpeace International.
    Pour lui, on ne peut pas promettre un avenir meilleur. La crise écologique, l’implication d’enjeux écologiques, sociaux et politiques et le risque de l’inaction ou du repli identitaire ne devraient pas cependant empêcher le rêve collectif.
    Le changement est possible, et il est reste nécessaire de trouver le rêve qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. En cela, la prise de conscience écologique est, à son sens, essentielle.

    Susan George est membre du conseil scientifique d’Attac.
    Elle a rappelé la différence entre altermondialisme et antimondialisme en prenant soin de préciser qu’Attac appartient à la première mouvance : il s’agirait de changer la mondialisation actuellement dominée par les banques et les entreprises, tout en rappelant qu’il ne fallait pas avoir d’illusions sur la démocratie au niveau mondial. De son point de vue, des organisations comme le Fonds Monétaire International et l’Organisation Mondiale du Commerce règnent comme des super-ministères où le citoyen n’aurait pas sa place.
    Le changement est un travail de longue haleine qui, selon elle, doit respecter des principes de non-violence pour des raisons éthiques et stratégiques : elle a enfin appelé à l’union pour aller vers des progrès qui finissent par changer le monde petit à petit.

    Historien, enseignant et chercheur, François Durpaire est venu aborder la question de l’homme providentiel.
    Avec la victoire d’Obama, les États-Unis pourront-ils se remettre à espérer? Alors que, d’après lui, les Américains ne croyaient plus en rien, Obama est le sujet d’un culte de la personnalité qui l’aurait transformé en figure du messie. C’est l’Amérique post-raciale, c’est-à-dire qui ne pense plus en termes de races, qui aurait voté pour lui.
    Son statut de sauveur ne le rendrait pas pour autant démagogique, et il pourrait au contraire s’appuyer sur sa popularité pour réformer la société nord-américaine.

    Les lycéens ont ensuite pu poser leurs questions aux intervenants, provoquant ainsi un débat d’une heure et demie modéré très courtoisement par Daniel Cohn-Bendit, s’improvisant pour l’occasion professeur en gestion de micro («on ne t’entend pas, fais comme si tu étais une chanteuse!» puis, vers la fin, pour faire plus court:  «La chanteuse!!!»). Questions (et réponses) choisies:

    «_ Notre société traverse une crise violente: en Grèce, aux Antilles, on a vu des jeunes être en tête de la contestation. Pourquoi en métropole les mouvements étudiants ne sont-ils pas moteurs? Aussi, pourquoi les révoltes de banlieue ne débouchent-elles pas sur des collectifs (ou autre organisations)?»
    Pour François Durpaire, aucun homme politique n’a compris les émeutes de 2005. Pour lui, il s’agit d’une révolution ethnique et non sociale, liée à la ségrégation raciste qui existerait de fait en France.
    Susan George interprète quant à elle les émeutiers de 2005 comme des gens demandant à ce que la démocratie fonctionne aussi pour eux.

    «_ Peut-on être menacé en France par un régime totalitaire?»
    Pour Bruno Rebelle, oui, sans aucun doute. Nous serions même déjà menacés par ce régime totalitaire…

    «_ Est-il possible d’imaginer aujourd’hui un combat politique qui ne soit pas mené par une logique “d’idéal extrême” comme l’ultralibéralisme, le communisme, et aujourd’hui “l’ultra écologie”? »

    _ Pour Bruno Rebelle, “l’ultra” implique une idéologie simple là où le monde reste extrêmement complexe : pour lui, il faut sortir de “l’anti” et croiser des faisceaux.

    «_ Pourquoi une entreprise peut-elle délocaliser pour polluer ailleurs et moins cher?»
    Parce que, expliquent Susan George et Bruno Rebelle, il n’existe pas de régulation, mais il peut tout de même y avoir des freins. Le consommateur a en particulier son rôle à jouer pour mesurer ce qu’il y a comme sang, comme sueur et comme pollution dans ce qu’il achète.

    Aux dernières questions posées à la suite par manque de temps et demandant, en vrac: s’il n’était pas urgent de faire la révolution, si nos intervenants choisiraient la liberté, l’égalité ou la fraternité, si une troisième guerre mondiale était probable et si rêver à un monde meilleur n’était pas une démarche personnelle (est-il possible et souhaitable de rêver tous de la même chose?), nos intervenants ont proposé une réponse globale en forme de conclusion .

    Susan George a réaffirmé qu’en matière de changement, il y avait urgence, et qu’il fallait rêver à haute et intelligible voix avec d’autres. Sur la révolution, elle a demandé à ce qu’on lui indique où étaient le tsar à renverser et le Palais d’Hiver à prendre, rappelant ainsi que l’adversaire n’était pas si évident à trouver…
    Des trois valeurs françaises, elle choisirait la fraternité, indiquant que pour elle, la solidarité était primordiale pour réduire les inégalités, et a terminé sur la nécessité de construire un héritage pour ceux qui viendraient après nous.

    François Durpaire a choisi d’insister sur l’histoire de la France qui ne fonctionnerait que par des cycles révolutionnaires, rappelant que le mot révolution signifiait aussi, presque paradoxalement, “retour sur soi-même”. Lui aussi mettrait l’accent sur la fraternité tout en rappelant l’existence du mot sororité : hé oui, les femmes sont là aussi...
    Sur la probabilité d’un conflit mondial, il a indiqué que la question ne le faisait pas sourire, connaissant l’influence de la crise économique de 1929 sur le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Comme Susan George, il aimerait bien qu’on lui indique quel  est le tsar à renverser, et a enfin exhorté les jeunes à se battre pour participer à la vie publique partout où elle se trouve.

    Bruno Rebelle a distingué l’urgence de la précipitation en estimant que le facteur déclenchant du changement serait la crise écologique dans ses convergences avec la crise sociale. La valeur principale reste également la solidarité pour lui, afin que nous puissions vivre ensemble et que les pays en voie de développement aient leur place. Avec la crise, il a beaucoup été question de richesse et de bien-être : pour lui, la rencontre de l’autre, la culture et l’échange sont pourtant d’autres moyens de penser le bonheur.

    Daniel Cohn-Bendit a enfin conclu sur l’impossibilité de penser la société et le changement sans le respect de l’autre avant de clore le débat : enfin, de le clore officiellement, car avec Daniel Cohn-Bendit et François Durpaire en haut et Susan George et Bruno Rebelle en bas, la discussion continuait à tous les étages de l’Athénée…

     

    Et vous, à quel monde meilleur rêvez-vous?
    Sur ces questions de projet et d’action politiques, vous pouvez aller voir Les Mains sales
    de Sartre mis en scène par Guy-Pierre Couleau actuellement à l’Athénée jusqu’au 30 mai. Bonne journée !


  • J'aime beaucoup ce que vous faites • Pleins feux




    Mardi soir, deux classes de lycéens sont venues assister à la représentation des Mains sales et, grâce aux bons soins d’Alexandra Maurice de l’Athénée, ont ensuite pu rencontrer trois comédiens, Nils Öhlund, Anne Le Guernec et François Kegourlay. Extraits du dialogue très décontracté qui a eu lieu :

    « _ Anne va arriver dans quelques minutes.
    _ Super, elle était vraiment bien!
    _ Vous aussi vous êtes trop beau!

    _ Donc elle, elle joue bien, et moi je suis juste beau, d’accord, merci…
    _ Non mais vous êtes les deux!»

    «_ Ça vous fait mal tous les soirs quand vous tombez au moment de vous faire tirer dessus ?
    _ Non, sinon je ne le ferai pas…»

    «_ Alors, ça vous a touché, ému, ennuyé?…
    _ Non c’était pas ennuyeux, par contre parfois c’était compliqué!
    _ Quand ils discutent des alliances politiques autour du bureau de Hoëderer par exemple? Est-ce que vous pourriez essayer de me résumer les enjeux de cette scène ?
    (Très long silence)
    Je crois qu’on est mal partis.»

    «_ Finalement, pourquoi Hugo tue-t-il Hoëderer? C’est par jalousie ou c’est vraiment politique?
    _ Ce n’est pas vraiment de la jalousie vis-à-vis de sa femme : finalement il est surtout touché que Hoëderer l’ait trahi! D’après vous, quels sont les rapports entre Hugo et Hoëderer?
    (Plusieurs en choeur) _ Père et fils !
    _ Voilà, c’est cela : finalement Hugo avait aussi trouvé une figure paternelle chez Hoëderer.
    _ Et Hugo, est-ce qu’il regrette d’avoir tué Hoëderer ?
    _ Oui, il l’a tué par réaction, pas vexation, mais n’explique pas vraiment son geste : c’est terrifiant d’avoir, en quelque sorte, tué son propre père! C’est un idéaliste qui réagit au mensonge
    _ C’est compliqué…
    _ Mais heureusement que c’est compliqué, parce que si ce n’était pas compliqué, il n’y aurait pas de pièce!»

    «_ Je ne comprends pas le personnage de Jessica, elle est bête et en même temps non…
    _ Elle est effectivement naïve, mais cette naïveté lui donne du bon sens. Elle s’amuse avec lui.
    _ Pourquoi?
    _ Toi, qu’est-ce que tu en penses?
    _ Mais j’en sais rien !
    _ Mais tu es spectatrice toi, tu peux avoir un avis!»

    «_ J’ai trouvé qu’il y avait des moments drôles, alors ce n’est pas une pièce vraiment comique…
    _ Oui, c’est quelque chose que Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène, a vu très vite : le texte de Jean-Paul Sartre va finalement vers des effets assez comiques, mais cela surprend toujours les gens, et moi le premier! J’apprenais mon texte en me disant “Jean-Paul Sartre c’est sérieux, le texte c’est du lourd”, puis Guy-Pierre m’a annoncé que cela devrait être drôle…
    _ Et comment crée-t-on des situations drôles?
    _ Ah ça, c’est Jean-Paul.. L’humour est déjà dans le texte, il ne faut juste pas chercher à être plus malin que l’auteur…
    _ Qu’est-ce qui vous a fait rire, par exemple ?
    _ Quand ton personnage n’arrive pas à fouiller Jessica!
    _ D’ailleurs, pourquoi les gardes du corps en veulent à Hugo?
    _ D’être un gosse de riche, de ne jamais avoir eu faim.
    _ Et quand Hugo parle de se respecter, qu’est-ce que cela veut dire?
    _ Il considère que les situations sont humiliantes dans le monde et qu’il faut s’engager pour changer le monde, par respect de soi. Alors que les gardes du corps eux, parlent seulement d’arrêter d’avoir faim. Mais Hoëderer réunit les deux en expliquant que ne plus avoir faim c’est aussi du respect de soi, que l’engagement politique réunit l’intime et les principes...»

    «_ Au final, quel est le message de Jean-Paul Sartre?
    _ Qu’il y a des buts à atteindre et qu’il faut se salir les mains pour y arriver, faire des compromis.»

    «_ Quand Hoëderer et Jessica s’embrassent, c’est un vrai baiser ou un baiser de cinéma?
    _ C’est un vrai baiser de cinéma…»

    Cet après-midi, d’autres lycéens seront à l’Athénée, mais pour un autre genre de rencontre : je vous raconterai lundi en quoi consiste le forum de discussion organisé par l’Athénée pour la cinquième année consécutive…

    Les Mains sales
    de Jean-Paul Sartre monté par Guy-Pierre Couleau continue ce week-end! Bon vendredi...


  • Accessoiriste! • Pleins feux




    Si vous avez déjà vu Les Mains sales à l’Athénée, vous avez dû constater par vous-mêmes que le plateau est constellé de petits accessoires : suivons donc Jean-François Perlicius (ou Jeff Perli), régisseur plateau du spectacle, dans ce qu’il appelle «la mise» (ou la préparation du plateau), et faisons avec lui ce qu’on nomme «une conduite» (ou un récapitulatif).

    «Le décor est en vrac à la fin de chaque représentation ; il faut donc remettre tous les soirs :
    - les deux fauteuils, en pensant à remettre la toile qui est arrachée pendant le spectacle

    Ici, c'est Marie-Noëlle Bourcart,
    régisseur général à l'Athénée, qui s'en charge.

    - la machine à écrire
    - les valises de vêtements
    - les vêtements disposés sur le lit et plus particulièrement la veste avec les photos dans une poche et le revolver dans l’autre
    - le soutien-gorge sur le barreau du lit

    - la robe de chambre dans l’armoire.


    Côté accessoires, il y a sur ce meuble :

    - des verres
    - des tasses
    - une carafe de cognac
    - un verre d’eau ajouté pour Anne Le Guernec, qui joue Jessica et qui passe un moment derrière le rideau avant son entrée en scène. Le tout est lavé après chaque représentation, évidemment.


    Il faut préparer avant le spectacle :

    - une petite poche de faux sang dont Gauthier Baillot, qui joue Hoëderer, se sert à la fin : c’est un liquide spécialement conçu pour le théâtre que j’enferme dans un petit peu de cellophane et que je cache dans un coin du décor

    - le thé à la menthe qui fait office de cognac
    - du café que je laisse en loge et que les comédiens viennent chercher pendant la représentation
    - des faux billets et une lampe torche que les comédiens viennent également prendre pendant le spectacle.


    Il y a également des interventions pendant la représentation :
    - tirer les coups de feu. Les pistolets utilisés par les acteurs ne tirent pas réellement pour éviter que les douilles tombent sur le plateau : un technicien est donc en coulisses pour tirer des balles à blanc en même temps que les comédiens font le geste. On se cale surtout sur le texte pour être complètement synchronisés.
    - produire la fumée au moment du lancer de grenade
    - monter la toile de fond par deux fois
    - retirer les deux fauteuils
    - ranger les accessoires et vêtements que les comédiens sortent de scène au fur et à mesure.

    En résumé, il faut être extrêmement vigilant, rester toujours très attentif, se tenir prêt à réagir en cas de problème et ne rien oublier…»


    La rencontre portant sur l’engagement chez Sartre et Camus a bien eu lieu hier soir à la Bibliothèque nationale de France
    .

    Concernant le sondage sur le théâtre engagé, la question n’a pas l’air de beaucoup vous passionner au vu de la faiblesse du nombre de réponses obtenues, à croire que l’engagement est devenu une denrée rare. Une majorité se dégageait toutefois pour dire que le théâtre engagé existait toujours, mais de manière différente.

    Les Mains sales de Jean-Paul Sartre dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau continue à l’Athénée : vous avez jusqu’à fin mai!

    Bonne journée !


  • Dites-le avec des fleurs • Pleins feux




    Lundi soir, Claire-Marie Le Guay donnait un concert où on a pu l’entendre aux côtés du Quatuor Mandelring et du contrebassiste Stéphane Logerot pour des œuvres de Mendelssohn, Chopin et Thierry Pécou, venu sur scène pour expliquer son Machines désirantes, variances qui était donné en création mondiale à l’Athénée.

    Mais quelques heures plus tôt a eu lieu le même concert, en version raccourcie et devant un public un peu différent : 350 enfants que Claire-Marie Le Guay avait déjà vus la semaine dernière lors d’une rencontre dans leur école.

     

    L’une de ces classes avait tenu à venir offrir quelques roses à Claire-Marie Le Guay en coulisses, et a ensuite eu l’occasion, sur l’idée d’Alexandra Maurice, chargée des relations avec le public scolaire à l’Athénée, de visiter une partie des bureaux.

    Pour des questions de respect du droit à l’image des personnes mineures, je ne vous mets que les photos ratées (celles où on ne voit rien) :

    Les enfants accompagnés de leurs institutrices remettent leurs fleurs à Claire-Marie Le Guay dans le foyer des comédiens.

    Quinze enfants débarquant à l’improviste dans son bureau : Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, a dû se demander ce qui lui arrivait.
    Extrait d’un dialogue :
    «_ Vous étiez vraiment jeune sur cette photo !!!!
    _ Euh… C’est Louis Jouvet, là.»

    Les enfants sont ensuite montés à l’étage au-dessus pour visiter le bureau de l’équipe relations publiques et communication où officient Guillaume Bourgain, Florence Cognacq, Églantine Desmoulins, Alexandra Maurice et Inès Slama.

    Malheureusement, à ce stade de la visite, mes photos sont très nettes avec tout un tas de petites bouilles certes très souriantes, mais souvent de face. Pour vous consoler, voici un autre extrait de dialogue :
    «_ C’est qui le vieux monsieur là?
    _ Patrice Martinet dans vingt ans, pourquoi?»
    (Non, ça c’était simplement dans mon imagination, Alexandra Maurice ayant, dans toute sa droiture, dit la vérité sur ce portrait de Samuel Beckett, sur lequel je reviendrai d'ailleurs bientôt.)

    Claire-Marie Le Guay continuera sa résidence à l’Athénée l’année prochaine : quant au Quatuor Psophos, il termine la sienne le samedi 23 mai ! En attendant, Les Mains sales continue jusqu’au 30 mai.

    Ce soir, rendez-vous à la Bibliothèque nationale de France pour un débat réunissant Guy-Pierre Couleau, Michel Contat et Didier Salas sur le thème de l'engagement politique et littéraire chez Sartre et Camus: rendez-vous à 18h30 au 2 rue Vivienne, dans le 2e arrondissement de Paris!
    Vous pouvez toujours répondre au sondage d'une question sur le théâtre engagé en allant sur le blog.

    Bon mercredi...


  • Éloge de la fidélité - Interview ! • Entretien




    Souvenez-vous : Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène des Mains Sales de Jean-Paul Sartre et des Justes d’Albert Camus, nous parlait jeudi des divergences entre ces deux auteurs. Nous nous étions arrêtés au moment où il s’apprêtait à continuer sur leurs différences stylistiques:


    « _ Et bien au niveau du vocabulaire par exemple, Jean-Paul Sartre utilise un vocabulaire du quotidien qui semble daté et qui peut sembler parfois phallocrate alors que nous sommes à l’époque où les femmes viennent d’acquérir le droit de vote et que le personnage de Jessica accède vraiment à une sorte d’éveil. Tandis qu’Albert Camus a des mots plus choisis et d’un registre plus soutenu.
    L’un comme l’autre ont écrit pour des actrices, mais de manière très différente : Camus écrit le personnage de Dora pour Maria Casarès qui a été résistante à ses côtés. Les Justes est ainsi une écriture à chaud qui témoigne d’une époque immédiatement après l’avoir vécue et qui soulève des questions qui ne sont pas encore résolues : c’est vraiment écrit juste après la guerre! Maria Casarès est en outre une grande tragédienne très connue… Sartre, lui, écrit le rôle de Jessica en pensant à Marie Olivier, qui est une actrice protéiforme que l’on a un peu oubliée aujourd’hui. Elle a été l’amoureuse de Sartre et a créé beaucoup de ses pièces. Cela en dit beaucoup sur les choix stylistiques de Sartre et Camus car, au fond, on écrit en partie les rôles en fonction des interprètes…
    Ces deux rôles féminins sont d’ailleurs pivots dans les deux pièces : dans Les Justes, Dora traverse toute l’histoire et prend son destin en main, elle fabrique l’instrument de la révolte et de la révolution à venir. Jessica elle, dans Les Mains sales, impose son destin : elle tente d’influencer le destin qu’on lui impose et travaille au profit de la vie. Le trajet intérieur de Jessica est exactement le trajet de la pièce elle-même : de la comédie on passe à la tragédie. Ces deux personnages sont extraordinaires.

    _ Puisque nous disions que Sartre et Camus ne sont pas datés, en quoi les pièces Les Justes et Les Mains sales nous parlent-elles encore aujourd’hui ?
    _ Les deux pièces nous parlent encore aujourd’hui de l’engagement, et réfléchissent à la fois sur les limites et les moyens de l’action politique : comment s’engager, comment aimer (ou non) la justice? C’est vraiment une question très actuelle, et il faut encore aujourd’hui des gens qui se battent pour faire respecter la justice et l’imposer! Regardez en France aujourd’hui, le nombre de gens qui attendent qu’on leur rende justice et les injustices commises : l’affaire d’Outreau, par exemple…

    _ Ou de Julien Coupat, peut-être…

    _ Voilà! Nous sommes dans la lignée des textes de Sartre et Camus… Au moment où nous montions Les Justes en 2007, j’avais entendu parler un avocat d’Action Directe : on se serait cru chez Camus! Chez Sartre, il y a également la question de la conscience et du choix devant le compromis: on cherche à respecter l’idée, à élaborer une stratégie pour faire triompher ses idées ; cela appartient à toutes les époques! La question centrale chez Camus, c’est l’amour et la révolte. Chez Sartre, c’est l’amour et la guerre. Ce sont des thèmes qui n’appartiennent à aucune époque en particulier!

    _ Je regardais le décor en train de se monter tout-à-l’heure:  les lignes brisées et les arêtes acérées sont très présentes, est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi?

    _ J’ai travaillé avec Raymond Sarti pour la scénographie. Nous avons d’abord conçu le décor des Justes en 2007 puis on l’a repris en le transformant pour Les Mains sales, dans le but de pouvoir jouer les deux pièces à la suite, en diptyque.
    Les brisures viennent de l’idée de verticalité, de murs infranchissables, d’une prison. Ces arêtes sont comme la lame d’un couteau… Dans Les Mains sales, le sol est un peu plus grand que pour Les Justes pour permettre des mouvement horizontaux très rapides de mobilier.
    Raymond Sarti a ajouté des dents sur le plancher qui sont comme des morsures du texte vers le public, même s’il ne sait pas forcément expliquer comment il a eu cette idée! Je vois ces dents également comme un étau, un peu comme dans le début de Confessions d’un enfant du siècle de Musset où un renard pris dans un piège décide de se ronger la patte pour s’en libérer, quitte à avoir trois pattes au lieu de quatre pour le restant de sa vie… Ici, c’est l’étau d’une époque dont il faut s’échapper.
    On a cherché à traduire la souffrance, la brûlure de Camus et Jean-Paul Sartre qui vivent avec la barbarie de leur époque : n’oublions pas que nous sommes à la sortie de la seconde guerre mondiale!
    Ce contexte est d’ailleurs très intéressant, même si on l’oublie pendant Les Mains sales car il n’y a pas vraiment de référence directe, hormis une fois, très frappante, où l’on cite Hitler. Pourtant, la pièce est censée se dérouler en 1943! C’est pour cette raison que j’ai tenu à recontextualiser Les Mains sales en projetant au début du spectacle des images d’archives avec la voix de Jean-Paul Sartre lisant un extrait de La République du silence, qui parle des résistants. C’était important à mon avis de redonner cette datation, c’est ce qui nous permet d’entendre la pièce aujourd’hui…

    _ Vous parliez au début de notre entretien d’un travail militant avec les acteurs, est-ce que vous pourriez préciser?

    _ Ce diptyque, c’est surtout un travail d’équipe. Être un intermittent du spectacle, c’est surtout être un travailleur précaire : ces artistes sont sans arrêt au chômage! C’est réellement une situation fragilisante tant au niveau moral qu’affectif ou social. Mon travail, c’est de trouver l’adhésion du public sur ces textes-là : je pensais que Les Justes n’intéresserait personne, je ne savais pas si cela aurait du succès et au final, cela fait trois ans qu’on le joue! Les acteurs et techniciens sont derrière moi sur ce projet, et sont vraiment à fond : ça c’est de l’engagement, vous voyez?
    Le théâtre de l’engagement, c’est peut-être vouloir défendre le texte dans un monde où les paroles sont sommées de laisser la place à l’image, où le fond cède à la forme. Mais quand il n’y a plus de paroles, c’est le début de la barbarie! C’est ce que nous combattons.
    (Silence)
    Pour moi, c’est un peu émouvant de parler de tout cela...
    (Silence)
    J’ai vécu d’autres aventures, mais Les Justes que l’on joue depuis trois ans, aujourd’hui couplé aux Mains sales, ce n’est pas une aventure que l’on rencontre à chaque fois… (Silence)
    Depuis le début des Justes, j’ai pris la direction du Centre Dramatique Régional de Colmar, où j’ai une mission de création vraiment fondamentale à défendre en ce moment! Je vais essayer d’amener ce groupe d’acteurs à venir travailler là-bas, avec moi.

    _ C’est difficile de maintenir une troupe de théâtre, aujourd’hui?
    _ Oui, c’est vraiment difficile.
    (Silence)
    Comme tous les gens du spectacle vivant, j’ai été très touché par la réforme du régime de l’intermittence du spectacle, et très triste des propos déconsidérants qui ont été tenus sur la profession, et qui témoignaient souvent d’une méconnaissance totale du métier d’acteur, de danseur… J’ai travaillé comme acteur moi-même, d’ailleurs mon premier spectacle en tant qu’acteur professionnel a eu lieu à l’Athénée!

    _ Qu’est-ce que c’était?
    _ L’Indien cherche le Bronx, d’Israël Horowitz, dans la salle Christian Bérard. L’acteur est vraiment au centre du travail. J’appartiens à une génération de metteurs en scène qui ne considère pas que le metteur en scène est supérieur aux acteurs. Je regarde beaucoup les acteurs et le texte. J’adore le texte. (Silence)
    Lorsqu’on a joué Les Justes il y a deux ans à l’Athénée, l’accueil était si extraordinaire… Je voulais absolument revenir à la même période, c’était tellement bien. On a créé Les Justes en janvier 2007 à la Scène nationale de Gap, et on l’a joué en mai suivant à l’Athénée. Pareil pour Les Mains sales qu’on a créé en janvier dernier dans cette même scène nationale de Gap et que l’on rejoue en ce mois de mai à l’Athénée…
    (Silence)
    Peut-être que d’une certaine manière, l’engagement c’est la fidélité, en fait…
    (Silence)
    Vous savez, ma fille aussi s’appelle Clémence…»


    Les Mains sales reprend ce soir à l’Athénée après le double concert de Claire-Marie Le Guay d’hier. Les Justes reviendra ensuite en début juin.
    Et, évidemment, je félicite Hervé qui a enfin trouvé l’utilité de notre objet de mardi dernier!
    Le sondage sur l’engagement reste actif sur le blog jusqu’à la rencontre de demain à la Bibliothèque nationale de France, cliquez ici pour y répondre.

    Bonne journée !


  • Claire-Marie est gaie • Pleins feux




    Bonjour à tous,

    Et bienvenue dans le monde merveilleux du blog de l’Athénée - Théâtre Louis Jouvet.

    Comment c’était les vacances, chez vous? Ici, ça fait un petit moment que nous sommes sur le retour et l’équipe administrative, les artistes et les femmes (ou hommes, d’ailleurs) de ménage s’activent pas mal pour vous accueillir.

    Parlons hygiène donc, parce que mine de rien, la moquette, ça tache -surtout quand 53925 spectateurs la foulent en une saison. Nous sommes en plein toilettage avant la rentrée, et ça aère dur du côté des loges! (ou comment constater que les chaises, ça fait aussi de très jolis cale-portes)

    Ne vous inquiétez pas, tout sera revenu en ordre pour les débuts de Rêve d’automne : la moquette sentira bon, les chaises reprendront leur place et les aspirateurs seront dans les placards. En revanche, les portes des loges s’amuseront toujours à se rabattre dans vos genoux au moment où vous vous y attendrez le moins (avouez que c’est quand même drôle quand ça arrive à quelqu’un d’autre).

    Bonne journée et à demain !




  • Casse nette • Pleins feux




    Les Mains sales de Jean-Paul Sartre dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau a commencé hier à l'Athénée. Dans la seconde partie de son entretien (la première partie est ici), Guy-Pierre Couleau nous évoquera le décor qu'il a conçu avec Raymond Sarti : cela parlera brisures, arêtes, cassures et morsures...

    J'ai donné un indice pour notre objet mystère de mardi et laisse actif le sondage sur le théâtre engagé sur le blog jusqu'à la semaine prochaine !

    Les Mains sales continue jusqu'au 30 mai.
    Lundi Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l'Athénée, donnera un concert autour de Felix Mendelssohn, Thierry Pécou et Frédéric Chopin.
    Mercredi aura lieu à la Bibliothèque nationale de France un débat sur l'engagement politique et littéraire de Jean-Paul Sartre et Albert Camus.

    Bon week-end prolongé avec Les Mains sales à l'Athénée et à lundi pour retrouver Claire-Marie Le Guay !


  • Guerre et amour - Interview • Entretien




    Guy-Pierre Couleau est le metteur en scène des pièces Les Justes de Camus et Les Mains sales de Jean-Paul Sartre, présentées en diptyque à l’Athénée à partir de ce soir.

    «_ Y a t-il une différence entre théâtre militant et théâtre engagé?

    _ Vous attaquez sec avec vos questions, vous!… J’ai envie de dire qu’il y a une différence, oui. Dans notre diptyque, nous sommes dans le théâtre de l’engagement. Je n’ai pas d’engagement politique plus que cela mais j’ai une conscience citoyenne dans ma vie de tous les jours et surtout dans ma vie d’artiste : ce diptyque, c’est militer pour un certain type de travail et d’esthétique. C’est surtout militer pour un travail de troupe.
    Je fais le distingo entre théâtre engagé et militant car j’ai le sentiment de mettre en scène un théâtre de l’engagement, mais d’être militant dans mon travail avec les acteurs : la situation des artistes du spectacle vivant est si fragilisée… Avec beaucoup de chance et surtout l’adhésion du public, ce diptyque est l’occasion pour nous de militer pour le travail en équipe ainsi que pour la défense du sens.

    _ On dit souvent que Jean-Paul Sartre et Albert Camus sont des auteurs datés, êtes-vous d’accord?
    _ On le dit souvent, oui, parce qu’il sont dans une période d’écriture pré-beckettienne où l’on s’interroge peu sur la forme pour plutôt se concentrer sur le fond -ce qui ne veut pas dire d’ailleurs qu’il n’y a pas de fond chez Beckett ! Donc le vrai enjeu de monter Camus et Sartre, c’est de convoquer leur pertinence d’aujourd’hui et révéler par le corps la pertinence de ces deux pensées. On pose souvent la question de savoir si Sartre et Camus sont datés, mais beaucoup d’écrivains d’aujourd’hui se réfèrent à eux, c’est donc qu’ils sont finalement très actuels : l’influence de ces deux génies est vraiment vivante et très forte, et la forme théâtrale qu’ils ont adoptée n’est pas plus datée qu’une autre.
    Camus lui, se réfère à la tragédie classique et plus particulièrement à Corneille : c’est vraiment le style qu’il a choisi. Sartre, en revanche, est très impressionné par Brecht et influencé par le cinéma, qui est un art très contemporain! D’ailleurs, il est mort en 1980, pas si longtemps avant Bernard-Marie Koltès…

    _ On parle régulièrement des différences entre Sartre et Camus, quels sont leurs points communs ?
    _ Ils se ressemblent du point de vue de leur engagement, même si c’est cela qui, au final, les fait diverger… Ils sortent de la seconde guerre mondiale avec la volonté de défendre l’idée de justice et possèdent une grande conscience politique : cette question de la conscience les rapproche directement.
    La problématique au cœur de ces deux pièces est véritablement la problématique de résistance. C’est manifeste dans Les Justes, également dans Les Mains sales même si cela y apparaît différemment, et c’est justement là qu’est sans doute leur principale divergence : Camus a été résistant et directeur de la revue résistante Combat, là où Sartre, lui, pour reprendre les mots de Camus, s’est “endormi sur le fauteuil de l’histoire”...
    Sartre le dit d’ailleurs dans Les Mains sales par une réplique de Hugo qui explique que tout ce qu’il sait faire, c’est écrire : Sartre est incapable de tenir un fusil, et sa seule arme sont les mots… Vous voyez, vous me posez la question de leur ressemblance, et on tombe tout de suite sur leurs divergences...

    _ On a parlé de leurs différences en terme d’engagement politique, qu’en est-il en ce qui concerne l’écriture?
    _ Jean-Paul Sartre ne semble pas vouloir se censurer sur la longueur de ses pièces : à ce sujet, il y a d’ailleurs une anecdote célèbre où Pierre Brasseur avait demandé à Jean-Paul Sartre de réduire la pièce Kean : en réponse, il lui avait envoyé une version qui faisait le double! Il y a une vraie volonté d’écrire sans limite chez Jean-Paul Sartre, là où Albert Camus épure beaucoup ses textes. C’est d’ailleurs très visible sur les épreuves de ses livres où l’on peut voir qu’il raye beaucoup de choses pour ne conserver que l’essentiel.
    Comme je vous le disais, il écrit en référence à Corneille, et Les Justes se rapproche d’ailleurs de Polyeucte : les deux pièces ont la même façon de témoigner à l’intérieur de ce qui se passe à l’extérieur. Jean-Paul Sartre utilise en revanche une toute autre approche en reprenant le flash-back, qui est une technique de cinéma, pour Les Mains sales. Le procédé est diamétralement opposé!
    Au niveau stylistique, Camus est dans le classicisme dans le sens où il organise les choses, alors que Sartre a une écriture plus baroque : il y a une inclusion permanente d’une chose au milieu d’une autre, et l’histoire d’amour se double d’une histoire de guerre. L’amour et la guerre sont très contrastés, et j’ai envie de dire qu’au niveau dramaturgique, c’est très efficace. De même, dans Les Mains sales, il y a toujours du drame dans la comédie et de la tragédie dans le burlesque. Sartre veut échapper à la classification dans un genre ou dans un autre là où Camus assume complètement d’écrire une tragédie. Je pourrais continuer très longtemps sur le sujet…

    _ Mais cela ne me pose aucun problème que vous continuiez!…»



    Pour continuer avec Guy-Pierre Couleau, vous pouvez allez voir Les Mains sales à l’Athénée à partir ce soir, ou attendre quelques jours pour lire la suite de l’entretien sur le blog, ou les deux.

    Bon jeudi !

     

    PS : personne n'a encore trouvé à quoi servait le mystérieux objet proche du lustre de la grande salle de l'Athénée, je vous laisse encore un peu chercher...
    Quant au sondage sur le théâtre engagé, il reste actif sur le blog en attendant le débat sur l'engagement chez Sartre et Camus qui aura lieu mercredi prochain à la Bibliothèque Nationale de France!


  • Engagez-vous, qu’ils disaient…. • Pleins feux




    Les Justes d’Albert Camus, Les Mains sales de Jean-Paul Sartre : deux visions différentes de l’engagement politique dans un diptyque mis en scène par Guy-Pierre Couleau présenté à l’Athénée à partir de demain.

    Raison et sentiments, crime et châtiments et assassinat dérisoire chez Sartre, ferveur et sacrifice, devoir et révolte et désespoir de causes chez Camus : le crime politique et les formes de l’engagement se questionnent sur scène et le débat entre deux écrivains opposés se mène en littérature.

    C’était le climat artistique et politique de la France d’après-guerre :  mais d'après vous, existe-t-il encore un théâtre militant aujourd’hui ?

    Répondez au sondage sur le blog (en colonne de droite) : le choix de réponses est malheureusement limité, aussi n’hésitez pas à développer votre analyse en commentaire !

    Bon mercredi et à demain pour la première des Mains sales de Jean-Paul Sartre mis en scène par Guy-Pierre Couleau.


  • Tête d'ampoule • La corde verte du lapin qui siffle




    Si vous êtes déjà venus à l’Athénée, vous connaissez le lustre de la grande salle : mais avez-vous un jour remarqué les deux petits objets suspendus de chaque côté ?


    D’en bas, on ne peut pas les voir : leur contemplation est le privilège de ceux qui ont pris leur place au paradis… Devinerez-vous ce que c’est et surtout leur utilité précise ?

    Vous pouvez proposer vos réponses en laissant un commentaire à ce billet, en attendant Les Mains sales de Jean-Paul Sartre mis en scène par Guy-Pierre Couleau qui commence jeudi! Bon mardi.


  • Ça se produit • Perspective




    La création française de La Cantatrice chauve, l’opéra de Jean-Philippe Calvin composé sur le texte d’Eugène Ionesco, s’est terminée hier à l’Athénée dans la mise en scène de François Berreur et la direction musicale de Vincent Renaud avec l’orchestre Lamoureux.

    Comme je vous l’expliquais mardi dernier, il existe plusieurs types de contrats liant l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet aux artistes qu’il programme. Exceptionnellement, La Cantatrice chauve est une coproduction du Théâtre et de l’orchestre Lamoureux avec la compagnie de François Berreur, Les Intempestifs.
    On l’a dit, monter une production est une tâche très lourde que l’Athénée réalise extrêmement rarement. La Cantatrice chauve a en fait bénéficié de circonstances particulières que Patrice Martinet, directeur de l’Athénée, nous a détaillées :

    «_ L’opéra a d’abord été créé en 2006 à Covent Garden à Londres dans une version qui ne satisfaisait pas entièrement son compositeur, Jean-Philippe Calvin, qui a décidé d’en réécrire une version définitive. Une fondation liée à une grande banque britannique avait souhaité soutenir le projet d’une nouvelle création de l’œuvre, et cette nouvelle production de La Cantatrice chauve devait se jouer à Londres et à l’Athénée qui devait accueillir le spectacle selon ses habitudes, en coréalisation.

    Malheureusement, la crise financière étant intervenue entre-temps, la fondation décida de se retirer du financement du projet : seulement, pour l’Athénée comme pour l’orchestre Lamoureux, les dates étaient déjà programmées!
    Annuler un spectacle prévu et annoncé  auprès du public paraissait impossible, d’autant que l’Athénée et l’orchestre Lamoureux tenaient au projet : faire découvrir Jean-Philippe Calvin, brillant compositeur français paradoxalement très connu en Grande-Bretagne et aux États-Unis mais moins en France et accompagner l’orchestre Lamoureux dans un projet artistique original et ambitieux ont ainsi été le moteur d’une aventure de longue haleine. L’orchestre Lamoureux a donc travaillé main dans la main avec l’Athénée et la compagnie Les Intempestifs pour trouver des partenaires souhaitant s’associer au projet.

    La Cantatrice chauve
    a ainsi reçu le soutien exceptionnel de la New York University in France, qui a associé son quarantième anniversaire au centenaire d’Eugène Ionesco. Pour les quatre-vingts ans de Tom Bishop, ancien directeur de cette université, professeur très attaché à la culture française et ami de l’Athénée, le cadeau d’anniversaire du comité des amis de Tom Bishop fut une représentation de La Cantatrice chauve à l’Athénée...
    Le projet a également obtenu l’aide de la SPEDIDAM et de l’ADAMI, deux organismes qui veillent aux droits des artistes-interprètes, ainsi que du Fonds de Création Lyrique initié par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques pour soutenir la création contemporaine en opéra, théâtre musical et comédie musicale et qui, outre la SACD, réunit le Ministère de la Culture, l’ADAMI et le Fonds pour la Création Musicale. La Cantatrice chauve devrait aussi bénéficier du soutien de la ville de Paris.

    Nous espérons que La Cantatrice chauve pourra être programmée ailleurs : c’est un spectacle avec une vingtaine de musiciens et de jeunes chanteurs qui est certes plus important qu’une pièce de théâtre mais beaucoup plus léger qu’un opéra : nous militons pour que ces petites formes lyriques aient leur place, car elles permettent de rendre l’opéra accessible à un public plus large

    Souhaitons donc longue vie à cette Cantatrice chauve et la bienvenue aux Mains sales de Jean-Paul Sartre qui arrivent à l’Athénée dès jeudi dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau !

    Bon lundi


  • Chauve qui peut ! • Entretien




    (J’ai fait ce jeu de mots pourri à l’insu de mon plein gré)

    Entretien avec François Berreur

    François Berreur est le metteur en scène de l’opéra La Cantatrice chauve représenté à l’Athénée jusqu’à dimanche. Conversation au foyer-bar du théâtre une heure avant la répétition générale :

    «_ Vous avez été le collaborateur de Jean-Luc Lagarce qui avait lui-même monté une Cantatrice chauve créée en 1991 et reprise à l’Athénée en 2007 : est-ce que cela a une signification particulière pour vous de travailler une nouvelle fois sur ce texte?
    _ C’est Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, qui m’a sollicité pour faire cette mise en scène. Cela ne me dérange pas de retravailler sur La Cantatrice chauve après ma collaboration avec Jean-Luc Lagarce : au moins, je connais bien le texte… C’est de toutes façons le travail de beaucoup de metteurs en scène, de monter des textes que plein d’autres metteurs en scène ont monté avant vous. Je pense en tout cas avoir mis en place un univers vraiment différent du spectacle de Jean-Luc Lagarce. Enfin je crois, peut-être que non, en fait!

    _ C’est votre première mise en scène d’opéra : est-ce que c’est difficile de passer du monde théâtral au monde lyrique?
    _ C’est surtout un plaisir, et quelque part c’est même plus facile : je suis toujours très attentif au rythme de mes spectacles, et dans l’opéra tout est déjà mesuré dans le temps grâce à la musique! Mais mentalement, c’est globalement la même chose, avec simplement davantage d’indications. Il faut rentrer dans deux univers, celui de l’auteur, Eugène Ionesco, et du compositeur, Jean-Philippe Calvin ; je me suis d’ailleurs beaucoup appuyé sur les différences entre le livret et la pièce.
    Mais le rapport entre la pièce, le livret, la musique et la mise en scène sont vraiment différents : la pièce et l’opéra sont des choses définitives alors que la mise en scène est éphémère, et j’espère que d’autres monteront cet opéra après moi !

    _ Je crois que c’est la question du langage qui est, pour vous, au cœur de La Cantatrice chauve, est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi?

    _ Oui, à mon avis le texte d’Eugène Ionesco est une pièce de rupture sur le langage, et le point central est vraiment l’uniformisation du discours. Le langage est complètement déconstruit jusqu’à un certain moment où cela ne fonctionne plus et que cela éclate : à la fin, on assiste à une véritable explosion de la langue où la sociabilité n’est plus possible.
    Mais la pièce est également une mise en abyme théâtrale, car elle garde son sens même lorsqu’elle est censée ne plus en avoir : la langue théâtrale est visible même lorsqu’elle est déconstruite…
    La musique composée par Jean-Philippe Calvin va d’ailleurs dans ce sens en faisant quelques références musicales, en se rapportant à quelque chose que l’on connaît pour tout destructurer ensuite.

    _ J’imagine que le décor et les lumières du spectacle s’inscrivent dans la même idée?
    _ Oui, le canapé et la table basse proviennent d’une marque d’ameublement célèbre : on connaît tous ces meubles, soit qu’on ait les mêmes chez soi, soit qu’on les ait vus chez ses voisins ou ses amis. Il n’y a rien de particulier dans ces objets qui plaisent à tout le monde, et tout le monde a ou pourrait avoir les mêmes : c’est le degré zéro de la décoration, et la scénographie blanche renforce cette uniformisation.
    Il n’y a rien d’autre sur scène, parce que la pièce est comme un univers mental dans lequel on voyage : on se retrouve dans l’esprit de Monsieur Smith ou Monsieur Martin apprenant une langue étrangère, et l’imagination y occupe une grande place. Lorsqu’on apprend une langue, car cela été le point de départ d’Eugène Ionesco pour écrire La Cantatrice chauve, on imagine des personnages qui se mettent à parler et ont une vie propre, mais on a une vision très basique de leur existence. Et dans le spectacle, cette pensée devient réelle : les personnages sont interchangeables, la bonne récite un poème qui nous propulse sur une scène de music-hall… Ce qu’on imagine est réalité !»

    Laissez libre cours à votre imagination pour les deux dernières représentations de La Cantatrice chauve qui se joue à l’Athénée encore ce week-end, et bon premier mai!


  • On nous cache des choses • Pleins feux




    Hier soir, Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l’Athénée, offrait un mini-récital suivie d’une rencontre à la Médiathèque musicale de Paris. Organisé par Églantine Desmoulins de l’Athénée en partenariat avec la Médiathèque, l’événement prépare le concert que Claire-Marie Le Guay donnera à l’Athénée le 11 mai : vous en entendrez donc reparler très vite!

    La Cantatrice chauve commence quant à elle ce soir à l’Athénée pour trois représentations. Il y a des choses dissimulées dans la salle, et voici ce que l’on pouvait trouver en fouinant un peu pendant les répétitions :



    Dans l’une des loges, derrière le panneau de surtitrage, se cachent quelques percussions : il faut dire que la fosse d’orchestre de l’Athénée est parfois trop petite pour contenir tous les musiciens nécessaires.


    D’ailleurs, dans la loge d’en face, les surtitres se préparent…



    Un étrange cylindre de métal perforé, normalement caché dans les cintres au milieu des projecteurs, a été descendu le temps de le remplir : de quoi, d’après vous ?


    J’ai comme qui dirait l’impression que le spectacle va être mis en boîte.



    Pour découvrir l’opéra composé par Jean-Philippe Calvin sur la pièce d’Eugène Ionesco, rendez-vous ce soir, samedi et dimanche à l’Athénée! Bonne journée...


  • La chauve s'affiche • D'hier à aujourd'hui




    “L’Athénée est en passe de devenir la nouvelle Huchette!” nous disait un lecteur, Jean-Claude, en commentaire d’un de nos billets sur La Cantatrice chauve : il ne croyait pas si bien dire, car si l’Athénée est encore loin du Théâtre de la Huchette à Paris qui joue La Cantatrice chauve et La Leçon d’Eugène Ionesco depuis 1957, ce n’est pas la première fois que l’anti-pièce se retrouve à l’affiche de l’Athénée :

    Mise en scène de Gábor Tompa - 2000

     

    Mise en scène de Jean-Luc Lagarce - 2007

     

    Opéra composé par Jean-Philippe Calvin
    Mise en scène de François Berreur
    Direction musicale de Vincent Renaud - 2009

     

    Pour paraphraser Jean-Philippe Calvin dans l’interview qu’il nous a accordée vendredi dernier, le mariage entre l’Athénée et la cantatrice semble être heureux : nous aurons tout le temps de voir s’il sera vraiment durable…

    En attendant le long terme (et non pas quelqu’un d’autre, qu’on a déjà attendu à l’Athénée en mars dernier), vous avez trois représentations pour découvrir la cantatrice qui chante : La Cantatrice chauve, opéra de Jean-Philippe Calvin d’après Ionesco, se joue à l’Athénée dans la mise en scène de François Berreur et avec l’orchestre Lamoureux dirigé par Vincent Renaud demain, samedi et dimanche.

    Je vous rappelle que vous pouvez aller écouter un mini-récital gratuit de Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l’Athénée, à la médiathèque musicale de Paris ce soir à 19h ! Plus d’informations ici.

    Bon mercredi!


  • Ça se contracte • Perspective




    Une salle qui programme un spectacle dispose de plusieurs solutions juridiques pour établir le contrat qui va les lier : les principales sont la cession, la coréalisation et la production.

    Le contrat de (co)production

    Dans le cadre d’un contrat de production, le théâtre (souvent en lien avec d’autres salles de spectacle, et cela s’appelle alors un contrat de coproduction) prend en charge le financement du spectacle, est parfois l’employeur des artistes et récupère intégralement les recettes de billetterie.
    Il est un partenaire privilégié des artistes de la naissance du projet à sa réalisation, est l’un des piliers du spectacle et a la responsabilité de son montage technique et financier : il faut ainsi trouver l’argent nécessaire, maîtriser le budget, prendre en charge les démarches administratives, trouver des dates de tournée, accompagner les artistes, se positionner comme employeur, en bref faire en sorte que le projet se crée autant artistiquement que techniquement ou humainement. Dans certaines grosses structures disposant d’un atelier décors et/ou costumes, les éléments du spectacle sont même fabriqués par le théâtre ou l’opéra en question.
    Produire un spectacle relève donc d’un réel engagement sur la durée, d’un investissement financier et humain ainsi que d’une prise de risque importante : car si le producteur récolte les recettes, il est aussi redevable des éventuelles pertes.

    Le contrat de cession

    Le contrat de cession est plus simple : une compagnie représente les artistes du spectacle. Employeur des artistes, la compagnie monte le projet au niveau financier, artistique et technique et le propose aux salles comme, si vous me permettez l’expression, un produit fini, ou un spectacle clé en main.
    La salle qui désire programmer un spectacle l’achète à un montant fixé par la compagnie et qui lui permettra de couvrir les charges engagées pour les décors, costumes, droits d’auteurs ou salaires mais rarement de faire des bénéfices, pour des raisons de coûts déjà élevés pour un théâtre mais également de statut, les compagnies étant la plupart du temps des associations à but non lucratif.
    Le théâtre paye donc un montant forfaitaire correspondant au coût global du spectacle et récolte les recettes de billetterie. Il se doit de fournir une salle en état de marche, c’est-à-dire avec le plateau technique et le personnel nécessaire au montage, démontage, chargement et déchargement ainsi qu’à l’accueil du public.
    Lorsqu’un théâtre programme un spectacle selon ce mode contractuel, l’engagement financier et humain est moindre que dans le cadre de la production, mais l’équilibre financier via les recettes de billetterie doit être évidemment maintenu.
    Attention, il s’agit bien d’un contrat de cession du droit d’exploitation, c’est-à-dire que le théâtre a le droit d’exploiter le spectacle pour un nombre donné de représentations mais que celui-ci ne lui appartient pas.

    Le contrat de coréalisation

    La coréalisation a une définition plus floue qui varie selon les contrats et se rapproche de la cession. La compagnie est considérée comme le producteur, la salle de spectacle comme l’organisateur.
    Avec ce type de contrat, les risques sont globalement partagés entre producteur et organisateur, le prix de vente du spectacle n’étant pas fixé de la même manière que pour le contrat de cession :  ici, la compagnie perçoit une rémunération proportionnelle aux recettes. En pratique, on établit à l’issue des représentations un décompte des recettes et le partage a lieu selon les pourcentages prévus par le contrat, par exemple 60% pour la compagnie (qui n’obtiendra donc pas d’autre rémunération) et 40% pour la salle -les pourcentages sont donnés à titre purement indicatif.
    Il y a souvent un minimum garanti pour le producteur, c’est-à-dire que si le pourcentage des recettes à reverser à la compagnie n’atteint pas un montant minimum, la salle de spectacle est obligée de donner à la compagnie le dit montant afin de lui permettre de couvrir un tant soit peu ses frais.


    L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet utilise le contrat de coréalisation pour les spectacles qu’il programme, à l’exception notable de La Cantatrice chauve dont il est coproducteur avec l’orchestre Lamoureux et la compagnie des Solitaires Intempestifs.
    Je vous expliquerai prochainement pourquoi et vous souhaite, en attendant, un beau mardi !

    La Cantatrice chauve commence jeudi et, en attendant, vous pouvez aller écouter Claire-Marie Le Guay, pianiste en résidence à l’Athénée, pour un mini-récital gratuit à la médiathèque musicale de Paris demain à 19h ! Plus d’informations ici.


  • Essayons • Pleins feux




    Jean-Philippe Calvin, le compositeur de l’opéra La Cantatrice chauve, nous l’expliquait dans l’entretien de vendredi : il a utilisé des effets électroacoustiques pour modifier les voix afin de renforcer le côté absurde de l’œuvre.
    Quelques lecteurs m’ont témoigné en privé de leur intérêt pour ces fameux effets en me demandant à quoi ils pouvaient ressembler.

    Voici donc, précédé d’un court passage de l’opéra interprété en répétition par l’orchestre Lamoureux, un petit aperçu de ces effets électroacoustiques.

    Il s’agit d’essais sonores effectués lors des répétitions que j’ai détachés de leur contexte musical et mis bout à bout sur des photos prises lors d’essais lumières.
    Je remercie donc au passage Jean-Philippe Calvin d’avoir accepté que je malmène ainsi sa partition...

    Comme d'habitude, si vous ne pouvez pas visionner la vidéo, vous pouvez la lire sur YouTube.


    Pour transformer l’essai
    et découvrir la musique de Jean-Philippe Calvin dirigée par Vincent Renaud et mise en scène par François Berreur sur un texte d'Eugène Ionesco, c’est à l’Athénée pour trois représentations qui auront lieu jeudi, samedi et dimanche!

    Bon lundi.


  • La cantatrice chante - interview ! • Entretien




    Entretien avec Jean-Philippe Calvin

    Jean-Philippe Calvin est le compositeur de l’opéra La Cantatrice chauve tiré de la pièce du même nom d’Eugène Ionesco et qui commence jeudi prochain à l’Athénée.

    «_ Eugène Ionesco a écrit une “anti-pièce”. Votre Cantatrice chauve est-elle un anti-opéra ?
    _ C’est effectivement une anti-pièce dramatique et musicale par sa structure inhabituelle, sa construction en continuum et ses moments complètement anarchiques. C’est d’ailleurs parce que la pièce exige une certaine fantaisie musicale que j’ai utilisé la technologie électroacoustique qui apporte une dimension dramatique à l’œuvre.

    _ Justement, j’ai entendu ces effets électroacoustiques en répétition, mais est-ce que vous pourriez les décrire un peu pour que les lecteurs du blog s’en fassent une idée ?
    _ Je n’utilise l’électroacoustique que pour les voix et non pour l’orchestre, et m’en sert de deux manières. Il s’agit tout d’abord d’amplifier certaines voix, sans aucun autre traitement, pour que l’on ait parfois l’impression qu’il y a un choeur en coulisses alors qu’il n’y a que les chanteurs solistes.
    Mais la technologie électroacoustique sert également à accompagner l’absurde, et plus particulièrement pour la scène du pompier et le final. Il y a vraiment un traitement de la voix qui est modifiée pour transformer un baryton-basse, dans le cas du pompier, en soprano, en chien ou en coq selon ce qui est dit dans le texte : les effets spéciaux accentuent l’absurdité de la pièce, comme pour le final où le son des voix est spatialisé, c’est-à-dire répercuté dans toute la salle. À la fin, les personnages explosent, et il s’agit d’obtenir cette explosion par des moyens sonores : la pièce commence doucement et se termine dans le déchaînement…

    _ C’est à cette explosion que correspondent les signes sur la partition?
    _ Oui, c’est cela, c’est une partition graphique avec une notation graphique sur un temps proportionnel. Dans la dernière scène, tout est pris en charge par l’électroacoustique, et ce que vous avez vu sur la partition correspond au mélange entre l’électronique et l’acoustique.

    _ J’aurais sans doute dû commencer par là, pourquoi avoir composé un opéra à partir de La Cantatrice chauve ?
    _ J’ai toujours eu une fascination pour Ionesco en général en tant qu’auteur, et pour tous ses écrits. La Cantatrice chauve est un beau titre pour un opéra d’ailleurs, d’autant que cette cantatrice ne chante pas et même n’existe pas!… Quant au projet de composition lui-même, il a commencé à germer il y a dix ans lors d’une dispute  amicale avec l’écrivaine américaine Susan Sontag qui me soutenait que les pièces d’Eugène Ionesco n’étaient pas adaptables en musique, alors que je défendais justement le contraire. J’ai attendu d’acquérir davantage de maturité en tant que musicien pour proposer le projet à l’Opéra Royal de Covent Garden, à Londres. On m’a répondu qu’il était original, d’autant que le comique est rare dans la musique contemporaine! Nous avons fait une version mélangeant français et anglais qui a été créée en novembre 2006 à Covent Garden.

    _ L’aspect théâtral de la musique est important, pour vous?

    _ Oui, pour moi la musique peut avoir une grande puissance dramatique, et j’essaie toujours de donner un côté théâtral à mon œuvre : pour moi, ce que je compose est autant musical que théâtral, et j’aime que les musiciens ne fassent pas que jouer de leur instrument. C’est pour cela que j’utilise beaucoup les expressions faciales et corporelles des interprètes, y compris dans un solo pour trompette, par exemple!

    _ Pourquoi ne pas avoir souhaité diriger La Cantatrice chauve, et comment se déroule votre collaboration avec Vincent Renaud, le chef d’orchestre? Vous n’avez pas envie d’intervenir tout le temps pendant les répétitions?

    _ Je trouve toujours très délicat de diriger sa propre œuvre. Je préfère laisser Vincent Renaud le faire et prendre du recul pour écouter l’opéra que j’ai composé. Diriger moi-même serait vraiment risqué pour l’orchestre, parce qu’en tant que compositeur, je connais trop bien l’œuvre, je m’attarderais sans doute sur des détails. J’ai parfois envie d’intervenir —parfois je le fais, d’ailleurs! Mais je fais confiance à Vincent Renaud avec qui j’ai de toutes façons beaucoup travaillé sur la partition avant le début des répétitions avec l’orchestre Lamoureux.
    Je fais également entièrement confiance à François Berreur, le metteur en scène, et notre collaboration se passe très bien. On dit souvent que la relation entre compositeur et metteur en scène est comme un mariage : pour nous, c’est un mariage très heureux…»

    Pour voir le beau mariage de l’opéra La Cantatrice chauve, c’est à partir du jeudi 30 avril à l’Athénée pour trois représentations! Bon week-end.


  • Face ou pile ? • Pleins feux




    Après les répétitions de La Cantatrice chauve vues hier côté scène, voici aujourd’hui le côté salle !

    Les deux directeurs techniques de l’Athénée, Denis Léger et Dominique Lemaire, passent régulièrement pour s’assurer que tout se déroule bien.

    À gauche, admirez le joli marcel de Dominique Lemaire, aperçu fugacement avant sa disparition sous une chemise à motifs (parce que le directeur technique adjoint de l’Athénée n’est pas vraiment du genre à porter des chemises blanches à rayures gris clair, mais nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler).

    Gilda Cavazza, l'assistante du metteur en scène de La Cantatrice chauve, François Berreur, intervient peu pendant les répétitions mais observe tout avec attention.

     

    Assis au premier plan, Stefan Tiedje, responsable de la réalisation électronique (à gauche), et Jean-Philippe Calvin, compositeur de l’opéra (à droite), tanguent comme un seul homme en prenant des notes.

    De dos, le directeur musical, Vincent Renaud, dirige les chanteurs présents sur scène pour cette répétition avec piano seul.

     

    Plus tard, place à la répétition avec l’orchestre Lamoureux : Vincent Renaud dirige pendant que Jean-Philippe Calvin, le compositeur, veille et se tient disponible en cas de questions.



    François Berreur, le metteur en scène, circule régulièrement entre salle et plateau.

    On l’a vu hier dirigeant les chanteurs, le voici lors d’une pause en train de parler des effets lumières avec Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général placée en régie au premier balcon (et malheureusement trop dans le noir pour se laisser prendre en photo).

     

    La même chose, sauf qu’après les effets lumière, François Berreur et Marie-Noëlle Bourcart sont passés à l’effet boule.



    La Cantatrice chauve, opéra composé par Jean-Philippe Calvin à partir de la pièce d’Eugène Ionesco, commence à l’Athénée jeudi prochain dans la mise en scène de François Berreur et la direction musicale de Vincent Renaud!

    Bonne journée et à demain.


  • Pile ou face ? • Pleins feux




    La Cantatrice chauve, pièce d’Eugène Ionesco transformée en opéra par le compositeur Jean-Philippe Calvin, s’est installée à l’Athénée pour sa création française.

    Les répétitions entrent dans leur dernière ligne droite, et voici ce que l’on pouvait trouver hier côté face :




    Stéphanie Varnerin, Franck Lopez, Éléonore Lemaire et Sébastien Obrecht, les chanteurs interprétant les couples Smith et Martin, répètent pendant que Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général, continue ses essais lumières.





    À gauche, le metteur en scène François Berreur dirige nos quatre chanteurs





    pour se consacrer ensuite à Thomas Dear, qui joue le rôle du capitaine des pompiers.





    À partir de 19h, ce sont les solistes de l’Orchestre Lamoureux qui répètent sous la direction de Vincent Renaud…




    … tandis que six chaises avec pupitres attendent que les chanteurs arrivent pour la suite de la répétition.


    Vous vous en doutez, les répétitions ne se passent pas que sur scène, et il y a également du beau monde dans la salle : vous découvrirez demain les répétitions côté pile, en attendant la première de La Cantatrice chauve qui aura lieu jeudi prochain!

    Bon mercredi.


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (7) • La corde verte du lapin qui siffle




    Originaire de la marine où j’occupe un rôle dans l’orientation de la voile, je porte un nom à ne pas forcément prononcer à proximité des jeunes oreilles. Qui suis-je ?

    À l’Athénée, les répétitions de La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco mise en musique par Jean-Philippe Calvin et mise en scène par François Berreur continuent avant la première qui aura lieu le 30 avril !

    Bon mardi.


  • Sur des charbons ardents (2) • Coulisses




    Bonjour à tous après cette semaine de pause!

    Du côté de l’Athénée, après Riders to the Sea qui s’est terminé le 11 avril dernier, l’opéra continue sur sa lancée : vous connaissez sans doute La Cantatrice chauve, pièce d’Eugène Ionesco dont nous avons tous plus ou moins entendu les “c’est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith!”, “nous habitons dans la même chambre et nous dormons dans le même lit, chère Madame. C'est peut-être là que nous nous sommes rencontrés!” et autres “L'expérience nous apprend que lorsqu'on entend sonner à la porte, c'est qu'il n'y a jamais personne.”

    À partir du 30 avril, l’Athénée vous propose une production inédite : La Cantatrice chauve en version opéra! Composé par Jean-Philippe Calvin sur la pièce d’Ionesco, il sera mis en scène par François Berreur. Les répétitions ont déjà commencé, mais il faudra patienter un peu avant que je vous en dévoile le décor...

    En attendant et pour répondre à la demande de l’une des lectrices de ce blog, j’ai nommée Patricia, voici le décor et les musiciens d’un autre opéra donné à l’Athénée, Cosi fan tutte, vus du fameux gril dont je vous avais parlé en mars dernier.

     

    Est-il utile de vous préciser que, n’aimant pas spécialement la sensation du vide, je n’en menais pas large en prenant ces photos?

    Après Cosi fan tutte et Riders to the Sea, le fil lyrique continue à se dérouler à l’Athénée, et les musiciens de l’ensemble PhilidOr que vous voyez à gauche sur la première photo ont depuis laissé la place à ceux de l’Orchestre LamoureuxPour assister à la création mondiale de l’opéra La Cantatrice chauve, c’est à partir de la semaine prochaine à l’Athénée !

    Bonne journée...


  • Vacances to the Sea • Pleins feux




    Il reste encore deux représentations de Riders to the Sea !

    Pour ceux qui iront le voir ce soir ou demain, voici un petit avant-goût du spectacle en version montage technique ou répétitions (et pour ceux qui l’ont vu hier ou avant-hier, appelons ça un rappel).



     

    Pour découvrir Riders to the Sea, vous pouvez vous rendre à l’Athénée ce soir ou demain !

    Le blog prend une semaine de vacances pour vous revenir le lundi 20 avril avec les répétitions de La Cantatrice chauve, un opéra de Jean-Philippe Calvin sur la pièce d’Eugène Ionesco qui sera donné à l’Athénée pour trois représentations du 30 avril au 3 mai.

    Joyeuses Pâques à ceux qui les fêtent et à dans une semaine !


  • Riders to the chant • Entretien




    Entretien avec Jacqueline Mayeur

    Jacqueline Mayeur interprète le rôle de Maurya, la mère, dans Riders to the Sea : lorsque l’opéra s’ouvre, Maurya a déjà perdu son mari, son beau-père et cinq fils en mer. Interview à quelques minutes de la première :

    “_ Maurya est-il un rôle de tragédienne?

    _ Oui, et c’est très agréable, d’ailleurs : je n’ai jamais l’impression de chanter ou de jouer, mais vraiment de vivre ce rôle! La porte s’ouvre et je suis Maurya, ce n’est que lorsque je m’allonge à côté de mon fils mort que Jacqueline se réveille.

    _ Qu’y a-t-il de particulièrement difficile dans l’interprétation de ce personnage?
    _ C’est difficile nerveusement, du fait que c’est un drame. Jouer quatre soirs de suite n’est pas évident, car il faut retrouver une émotion nouvelle chaque jour! Ce qui est important pour moi, c’est de garder une émotion intacte et de toucher les gens qui nous écoutent : il faut renouveler chaque soir son interprétation en fonction de l’air que l’on respire et des choses que l’on vit…

    _ Christian Gangneron, le metteur en scène, me disait que Riders to the Sea n’était pas un opéra triste : êtes-vous d’accord?
    _ Je nuancerais tout de même un peu : tout le début est triste et Maurya est dans la douleur car on commence sur la perte d’un fils.  Dans cette société-là, sur ces îles-là et à cette époque-là, les filles sont moins importantes, car elles sont surtout vouées à se marier et à avoir des enfants. À la fin de l’opéra, Maurya n’a plus de raison de vivre car même si elle a tout perdu, elle a réalisé son destin, le but de sa vie étant de mettre au monde et élever des garçons. Elle accepte finalement son sort et le prend de manière positive.

    _ Vous parliez des îles d’Aran, y êtes-vous déjà allée?
    _ Non, malheureusement. À la création de Riders to the Sea, nous avons beaucoup étudié ces îles, j’ai vu le documentaire L’Homme d’Aran de Robert Flaherty, mais je ne m’y suis pas rendue. Si on reprend l’opéra, on ira peut-être là-bas!

    _ Pourquoi les deux opéras de Vaughan Williams, Riders to the Sea et The Pilgrim’s Progress, sont-ils si méconnus en France?
    _ Il y a beaucoup de choses méconnues, et c’est souvent quand les artistes meurent que les œuvres se révèlent. Vaughan Williams a été un peu éclipsé par Benjamin Britten ou Edward Elgar, mais le grand succès que l’on rencontre avec Riders to the Sea montre que les spectateurs sont très heureux de découvrir ces œuvres moins célèbres…

    _ C’est rare, des rôles de femmes vraiment intéressants à l’opéra, non?
    _ Il y en a! Je pense en particulier à Carmen de Georges Bizet ou à The Medium de Gian Carlo Menotti... Ce sont des femmes de caractère comme Maurya, même si elle ne résiste pas vraiment à sa vie. L’année dernière, nous avions créé, toujours avec la compagnie Arcal et la mise en scène de Christian Gangneron, Les Sacrifiées, un opéra de Thierry Pécou sur un livret de Laurent Gaudé : c’était l’histoire de trois générations de femmes algériennes confrontées à des situations terribles. Ce qui est bien avec la musique contemporaine ou méconnue, c’est que nous avons la possibilité de créer des personnages que personne  n’a interprétés avant nous et de les faire vivre pour la première fois…

    _ Nous évoquions la langue particulière de Synge avec Christian Gangneron : a-t-elle été difficile à appréhender, pour vous?
    _ Oui et non, car la langue va très bien avec la façon de chanter. J’y ai vraiment trouvé du plaisir, les sonorités sont plus ouvertes, moins pointues que l’anglais.

    _ Étiez-vous déjà venue à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet?

    _ C’est la première fois que j’y joue, mais je suis déjà venue en tant que spectatrice. La première fois que j’y suis allée, j’étais au conservatoire! La salle est magnifique, et le contraste entre les dorures du théâtre et l’austérité du spectacle risque d’être saisissant…”

    Pour découvrir Jacqueline Mayeur, Elsa Levy, Sevan Manoukian, Patrice Verdelet, le choeur Thibaut de Champagne et l’orchestre du Grand Théâtre de Reims dans Riders to the Sea mis en scène par Christian Gangeron et dirigé par Jean-Luc Tingaud, c’est à l’Athénée jusqu’à samedi! Bon jeudi...


  • The Riders' Progress • Pleins feux




    Avec l’interview de Christian Gangneron hier matin, vous avez pu vous familiariser avec Riders to the Sea côté artistique : avec cette petite vidéo de moins de deux minutes, découvrez le côté technique!

    C’était hier, et le montage du spectacle battait son plein, car il faut ajuster le décor et les lumières à chaque théâtre : vous verrez sur cette vidéo que chaque projecteur doit être installé à une place précise et réglé en fonction du décor, de la taille de la scène ou de la place du public, et vous entendrez quelques scies et perceuses installant le décor ou l’adaptant à la scène de l’Athénée.

    Ceux qui ne voient pas la vidéo peuvent cliquer ici pour aller sur le blog ou pour aller sur YouTube. Si on vous propose d'installer le logiciel Flash, dites oui !

    Pour découvrir le décor au complet et l’ambiance lumineuse très particulière (et très différente de ce que l’on peut voir sur cette vidéo) de Riders to the Sea, c’est à partir de ce soir et jusqu’à samedi à l’Athénée! Bonne journée...


  • L'opéra tragique - interview ! • Entretien




    Entretien avec Christian Gangneron

    Christian Gangneron est le metteur en scène de l’opéra Riders to the Sea qui commence demain soir à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet :

    _ Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu dans Riders to the Sea, qui est une pièce de John Millington Synge mise en musique par Ralph Vaughan Williams?
    _ C’était un véritable coup de foudre. Cela me semble difficile de ne pas avoir de choc en écoutant cet opéra : comme il n’est pas connu, ce n’est pas toujours évident de convaincre  le public de venir le découvrir, mais les spectateurs sortent tous en état de choc.
    C’est réellement un opéra à part, très puissant et extrêmement ramassé : il dure trente-cinq minutes (aux représentations à l’Athénée, il sera précédé de Songs of the Travel, des poèmes de Robert Louis Stevenson mis en musique par Ralph Vaughan Williams), et il n’y a ni un mot ni une note de trop!  Cela arrive comme des embruns dans le visage, c’est vivifiant au sens fort du mot.

    _ Riders to the Sea montre des personnages habitant sur les îles d’Aran, au large de l’Irlande, et plus particulièrement une famille dont les hommes se noient en mer. Est-ce une nouvelle forme de tragédie?
    _ Oui, et en ce sens je m’inscris en faux par rapport à Steiner lorsqu’il parle de mort de la tragédie : certes, peut-être que les conditions favorables au développement de ce genre ont disparu, mais Steiner ne parle pas de Synge dans son livre La Mort de la tragédie… Il y a pourtant une place pour le renouveau de la tragédie et Synge en a été le pionnier. Ce qui a miné l’esprit de la tragédie, c’est sans doute le triomphe des idéologies religieuses ainsi que l’idée de progrès : mais la ruine de ces idéologies, autant politiques que religieuses, associée aux questions sur l’absence de salut et de progrès, a réinstallé le tragique.
    Riders to the Sea est une tragédie du quotidien, sans roi et sans reine, pour détourner le titre d’un film : il n’y a pas de héros, pas de démesure, pas de faute. Il y a tragédie car on dépasse l’état psychologique et social d’une situation historique déterminée pour se sentir appartenir à la race des mortels. On est confronté à la mort et à des choses terrifiantes, mais c’est une forme de paix qui se dégage à la fin.

    _ En cela, le phénomène de catharsis, ou purification de l’âme par la tragédie, existe bien dans Riders to the Sea ?
    _ Oui, il y a une catharsis, incontestablement : malgré la présence de la mort et les événements épouvantables qui surviennent, les spectateurs se sentent apaisés en sortant. Ce n’est pas triste! À travers l’horreur, les personnages purgent le ressentiment qu’ils pouvaient avoir et trouvent enfin le repos, et parvenir à cette acceptation apaisée est justement la fonction principale de la tragédie!
    À partir du quotidien difficile de ces gens habitant sur des confettis perdus au large de l’Irlande, cultivant une terre hostile et mangeant des bouts de poissons pourris lorsque la mer est trop mauvaise pour aller pêcher, Riders to the Sea nous propose une leçon de vie incroyable.
    L’esprit de l’œuvre dépend étroitement du lieu même des îles d’Aran qui fascinent énormément : Synge s’y est rendu sur les conseils du poète Yeats, Robert Flaherty en a fait un documentaire magistral, Nicolas Bouvier en a tiré des récits de voyage magnifiques… Il y a une fascination pour la force de vie admirable des habitants de ces îles, et l’amour des gens du peuple est trop rare dans la littérature occidentale pour que l’on puisse se permettre de passer à côté…

    _ Y a-t-il une connivence entre le genre de la tragédie et celui de l’opéra?
    _ Oui, et d’ailleurs l’opéra est né, avec Orfeo de Monteverdi, du désir de retrouver les conditions de représentation de la tragédie grecque! Il s’agissait de revenir aux sources, de recréer ce genre : et en cherchant la tragédie grecque, on a trouvé l’opéra, un peu comme Christophe Colomb a débarqué aux Amériques en visant les Indes…

    _ Est-ce que vous pourriez expliquer ce qu’est le keening?
    _ Oui, c’est effectivement essentiel dans Riders to the Sea. Le keening est un chant de deuil traditionnel : lorsque l’on retrouve un homme noyé, les femmes de l’île se rassemblent et chantent des lamentations sans texte : ce sont des chorals sans mots, juste des syllabes. Il y a une grande solidarité entres les habitants des îles d’Aran, et la catharsis passe par la prise en charge ritualisée et communautaire de la mort d’un individu. Dans la pièce de Synge, il y a un choeur pour le keening, mais c’est impossible à réaliser au théâtre! Vaughan Williams a mené un réel travail d’ethnomusicologue et a retranscrit ces chants de pleureuses dans son opéra.

    _ Qu’y a-t-il de caractéristique dans la langue de Synge?
    _ Elle nous a posé problème, et il nous a fallu travailler avec des comédiens irlandais connaissant à la fois l’anglais et le gaélique pour qu’ils nous aident à sentir les spécificités, les couleurs et la rythmique de la langue de Synge qui a eu le génie de se servir des images et des couleurs d’une langue populaire pour en faire une langue poétique.
    La traduction française que Françoise Morvan a fait de la pièce est superbe et nous a également beaucoup aidé : d’origine bretonne, elle a vécu la période où, parce qu’il était interdit de parler la langue bretonne, celle-ci a été incluse au français qui a été déformé et restructuré par une syntaxe et des images qui viennent du breton. C’est une langue qui s’est faufilée dans une autre, exactement comme chez Synge qui intègre le gaélique à l’anglais. Grâce à l’aide des deux comédiens irlandais, les chanteurs de Riders to the Sea ont vraiment vu comment donner une force et du sens aux récitatifs, ces passages chantés très proches de la parole. En se réappropriant le gaélique, c’est toute la violence de l’océan qui apparaît, mais aussi la violence de la vie.”

    Riders to the Sea dans la mise en scène de Christian Gangneron et la direction musicale de Jean-Luc Tingaud commence demain à l’Athénée, tenterez-vous la découverte? Bon mardi.


  • Le zootrope (3) • Coulisses




    Lorsqu’il y a des opéras à l’Athénée, comme Cosi fan tutte la semaine dernière et Riders to the Sea à partir de mercredi, les chanteurs ont la plupart du temps la possibilité de suivre le chef d’orchestre par écran interposé : disposé dans un coin de la scène, il permet aux artistes d’être ensemble sur la musique sans avoir besoin de lorgner sans arrêt du côté de la fosse.

    Voici donc à quoi ressemble François Bazola, directeur musical de Cosi fan tutte, découvert jeudi par ses légendes photographiques improvisées et ici en répétition, sur ce petit moniteur : à partir de mercredi, c’est Jean-Luc Tingaud qui prendra sa place pour Riders to the Sea !

     

     

    Je vous rappelle que l’Athénée organise une projection du documentaire L’Homme d’Aran de Robert Flaherty en partenariat avec le cinéma Le Balzac : c’est ce soir à 20h en présence de l’équipe du spectacle!
    Quant à l’opéra Riders to the Sea, il dure une heure et se joue de mercredi à samedi à l’Athénée . Bonne journée!


  • Documentons-nous • Pleins feux




    Les îles d’Aran sont un archipel au large de l’Irlande : vierges de végétation, battues par les vents, on a du mal à imaginer que des hommes aient choisi de s’installer sur ce qui était au départ inhabitable. Six cents kilomètres de murets de pierre parcourent l’île pour la protéger des vents et les terres ne sont devenus cultivables qu’après l’action acharnée de l’homme.

    Robert Flaherty est considéré, avec Dziga Vertov, comme le créateur du documentaire : c’est un peu ainsi que le cinéma a commencé, les frères Lumière ayant choisi de capter de courts instants de réel, même un peu arrangés, pour les premiers films de cinéma comme La Sortie de l’usine Lumière à Lyon ou L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat.

    Une vingtaine d’années après les frères Lumière et leur invention du cinéma, Robert Flaherty tourna plus de 18 000 mètres de pellicule lors de deux ans passés dans une famille esquimau pour en filmer la vie quotidienne : en 1922, Nanouk l’Esquimau, commandité par une marque de fourrure, sort sur les écrans et invente pleinement le genre du documentaire.

    En parfaite empathie avec les gens qu’il filme, Flaherty tient non pas à proposer le regard que lui porte sur ses sujets mais bien à restituer le regard que Nanouk et sa famille portent sur eux-mêmes : en d’autres termes, que le film ne porte pas sur la vision du cinéaste mais qu’il rende compte au plus juste du combat de l’homme contre la nature.

    C’est toujours dans cette idée d’aborder l’harmonie (ou le désaccord) entre l’humain et son milieu naturel que Flaherty se rend deux ans, de 1932 à 1933, sur les îles d’Aran pour y tourner L’Homme d’Aran, considéré encore aujourd’hui comme l’un des plus grands documentaires de l’histoire du cinéma : les hommes y luttent chaque jour pour leur survie dans un milieu hostile et Flaherty invente l’anthropologie cinématographique.

    Moins de cinq ans plus tard, John Millington Synge écrit la pièce à l’origine de l’opéra Riders to the Sea qui commence la semaine prochaine à l’Athénée : il a vécu trois ans sur l’une des îles d’Aran et y situe l’action de Riders to the sea. Pêcheurs perdus en mer, tempête et rochers sont au cœur de l’opéra qui évoque avec intensité la violence des conditions de survie sur ces îles à la fois impitoyables et féeriques.

    Lundi soir à 20h, vous pourrez voir au cinéma Le Balzac, dans le 8e arrondissement de Paris, l’immense Homme d’Aran de Flaherty : faites d’une pierre deux coups et découvrez des extraits de Riders to the sea interprétés avant la projection par l’équipe du spectacle...

    L'opéra Riders to the sea commencera mercredi à l’Athénée dans la mise en scène de Christian Gangneron et la direction musicale de Jean-Luc Tingaud : le spectacle dure une heure, et des extraits et photos sont disponibles sur le site de l’Athénée.

    Bon week-end avec Cosi fan tutte à l’Athénée et à la semaine prochaine pour L’Homme d’Aran et les débuts de Riders to the Sea !


  • Cosi fa Bazola • Entretien




    Entretien avec François Bazola

    On aurait pu interroger François Bazola, directeur musical de Cosi fan tutte, sur ses études au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, sa collaboration avec William Christie à l’ensemble des Arts Florissants, sa direction de l’Ensemble PhilidOr ou sa carrière de baryton-basse.

    On a préféré prendre en photo quelques éléments du décor de Cosi fan tutte pour le laisser en écrire les légendes :

     

    «Don Alfonso appelle ses complices pour qu’ils fassent retentir l’appel militaire afin de faire croire que nos deux héros partent à la guerre : c’est le début de la machination…»

     

    «Cosi fan tutte est un vrai travail d’équipe : 15 musiciens dans la fosse tous les soirs pour une équipe de 24 au total pour assurer toute la tournée, 9 chanteurs dont 6 par représentation, sans compter le reste de l’équipe technique et artistique! C’est une très belle équipe et c’est un réel plaisir de travailler avec eux.
    Quant à l’inscription “trinity” au-dessus de la photo… La Sainte Trinité de Cosi fan tutte pourrait être Da Ponte, le librettiste, Mozart, le compositeur, et  peut-être  Constance, sa femme.»

     

    «La Grande-Bretagne est un pays étonnant : très respectueuse des traditions, la société britannique cultive pourtant beaucoup la transgression. Cela a été notre démarche : dépoussiérer l’opéra, l’adapter, mais sans le trahir…
    Quant au poème à côté, je me rends compte que je ne l’ai jamais lu! Le titre, “Eternity”, rappelle l’universalité du génie de Mozart comme la pérennité du propos de Cosi fan tutte qui porte sur les sentiments et la trahison amoureuse, des sujets qui nous parlent toujours : c’est nous, tout cela…»

     

    «En tant qu’artistes, nous cherchons toujours à viser au centre : le centre, c’est ce qu’il y a au fond de nous, mais c’est également le cœur du public. Il faut viser juste, et j’espère que l’on arrive à donner ce que nous avons à nos spectateurs!»

     

    «J’aimerais bien que ces gens, que je ne connais pas et que je ne connaîtrai jamais, aient un jour le bonheur d’entendre Cosi fan tutte

     

    «Cosi fan tutte est une partie d’échecs où Don Alfonso contrôle à la fois les blancs et les noirs, tout comme Mozart et Da Ponte nous dominent!»

     

    «C’est là que les personnages de Cosi fan tutte mettent tout leur barda : on ne fait que remplir notre armoire pendant toute notre vie, et on l’ouvre plus ou moins selon les gens que l’on rencontre.»

     

    «On essaie d’oublier le savoir et la mémoire au moment où il faut donner l’émotion au public!»

     

    «Les six ampoules seraient les personnages tandis que la boule au centre pourrait représenter Mozart et Da Ponte : je les cite tous les deux car ils avaient une relation de travail particulière, d’autant que Mozart possédait un grand sens du théâtre.»

     

    «Ce buste représente Épicure. “ Fortunato l’uom che prende ogni cosa pel buon verso”, c’est la morale finale de Cosi fan tutte : heureux celui qui, malgré les ennuis, arrive à prendre la vie du bon côté…»

     

    Continuez à prendre la vie du bon côté avec Cosi fan tutte jusqu'à samedi.
    L'Athénée accueille ensuite à partir de mercredi l'opéra Riders to the Sea, composé en 1937 par le compositeur britannique Ralph Vaughan Williams à partir d'une pièce de John Millington Synge : des photos et extraits du spectacle sont disponibles sur le site de l'Athénée!

    Bonne journée...


  • Coulisses d’avril • Coulisses




    Le décor de Cosi fan tutte qui a commencé hier soir à l’Athénée est bien trompeur : il suffit de quelques lampes bien placées, de repères blancs collés et d’un raccord lumières en cours pour que le collège anglais côté scène se transforme en repère psychédélique côté coulisses…




    Pour vous aider à comprendre ce que vous voyez, sachez qu’il y a, en vrac : un escalier aux marches fluorescentes, plusieurs portes dérobées, des flèches pour se repérer, des guirlandes en guise de rampe et des tapis rouges accidentés.

    Bon mercredi 1er avril et à bientôt à l’Athénée pour Cosi fan tutte de Mozart mis en scène par Yves Beaunesne avec une direction musicale de François Bazola : les représentations ont lieu jusqu’au 4 avril et laisseront ensuite la place à un autre opéra, Riders to the sea.


  • Toutes les mêmes - interview • Entretien




    Entretien avec Yves Beaunesne

    L’opéra Cosi fan tutte de Mozart commence ce soir à l’Athénée dans la mise en scène d’Yves Beaunesne et la direction musicale de François Bazola. Interview téléphonique avec le premier en fin d’après-midi d’un dimanche ensoleillé :

    «_ Cosi fan tutte, avec ses histoires d’amoureux qui se travestissent pour éprouver la fidélité de leur fiancée, est-il un léger marivaudage où se déroule le jeu de l’amour et du hasard ?
    _ Cosi fan tutte relève de Marivaux, mais pas vraiment du marivaudage… Je suis parti du sous-titre, “l’école des amants” : l’histoire débute sur un pari complètement stupide lancé par Don Alfonso qui veut montrer à deux jeunes hommes que leurs fiancées ne sont pas fidèles, en poussant chacun à essayer de séduire la compagne de l’autre. Ce qui se passe ensuite est plutôt tragique.
    L’école est celle du libertinage, c’est-à-dire ce sport qui consiste à multiplier les partenaires, à ne manquer aucune occasion, la dernière personne rencontrée étant toujours la plus belle. On pourra dire que la nouveauté ici est que le libertinage n’est plus incarné d’abord par des hommes mais par des femmes. Mais la désinvolture est partagée autant par les unes que par les autres, et ce sont quand même les hommes qui acceptent un pari fumeux. Les femmes suivront leur inspiration, la fièvre de jouer, "un certain picotement dans les veines" et non un réflexe d’orgueil.
    Don Alfonso se pose en maître à penser misogyne et presque terroriste : il souhaite transmettre un “enseignement” qui est de l’ordre de la douleur personnelle et cherche par tous les moyens à montrer à ces jeunes hommes qu’ils se trompent sur la fidélité des femmes. Son cynisme va bien au-delà de la leçon ou de l’apprentissage : loin de toute bienveillance envers ses “élèves”, il s’emploie davantage à déconstruire leur univers qu’à les faire progresser…
    Il entraîne en outre la servante, Despina, dans cette expérience destructrice, sans lui expliquer ce dont il retourne exactement. Ce qui rattache encore Cosi fan tutte à Marivaux, c’est notamment la dimension sociale, le rapport entre maîtres et valets, et le travestissement.

    _ Lors de la présentation de saison en juin dernier dont la vidéo est disponible sur le site de l’Athénée, vous aviez parlé d’une expérience personnelle qui vous a marqué et à laquelle vous reliez Cosi fan tutte
    _ Oui, j’étais dans un lycée de garçons catholique de gauche, et nous avions fait tout un week-end à la campagne dans un monastère où se trouvait également un groupe de jeunes filles. Cela a été deux journées assez folles où nous avons été plongés dans l’eau bouillante alors que nous nous trouvions depuis des années dans l’eau tiède de nos familles bien-pensantes : à notre retour, l’un de mes camarades s’est suicidé… Il y a effectivement pour moi des réminiscences de cette expérience d’un week-end dans ma mise en scène de Cosi fan tutte.
    Tout y est jeu et travestissement, et on ne sait pas du tout si les couples se recomposent à la fin! Les hommes semblent découvrir le désir multiple et les femmes l’amour profond. C’est aussi, par le biais du personnage de Don Alfonso, la vengeance d’un adulte sur la jeunesse, la volonté de leur faire connaître la trahison et de leur faire perdre leurs illusions.
    La musique elle-même suscite l’infidélité, puisque le premier couple est formé par une mezzo-soprano et un ténor, le deuxième par une soprano et un baryton, alors qu’une mezzo irait mieux avec un baryton et une soprano avec un ténor... Les voix autant que les caractères initiaux sont donc difficiles à mettre ensemble, et rien n’indique que tout rentre dans l’ordre à la fin : la dissymétrie est-elle la garantie du bonheur ? Je n’en sais rien…Mais lorsqu’il leur révèle le complot, Don Alfonso ne leur demande qu’une chose : s’embrasser et se taire.
    Il y a d’ailleurs une certaine divergence d’intention entre le livret de Da Ponte, très cynique, et la musique de Mozart qui s’interroge sur le caractère éphémère de l’amour - on peut d’ailleurs relier Cosi fan tutte à une lettre qu’il avait écrite à sa femme et où il l’interpellait sur la fidélité : cette contradiction entre texte et musique donne sa modernité et sa richesse à l’opéra et empêche toute fin univoque…

    _ Puisque l’on parle de musique, pourquoi décider de représenter Cosi fan tutte en version de chambre?
    _ C’est une idée de Pierre-François Roussillon, directeur de la Maison de la Culture de Bourges et excellent clarinettiste, ancien musicien professionnel : il a eu l’intuition de s’inspirer de la composition orchestrale de la Gran Partita que Mozart a écrite juste avant Cosi fan tutte. L’idée était donc de refaire l’orchestration de Cosi fan tutte en suivant celle de la Gran Partita afin de retrouver la couleur baroque de la musique de Mozart mais aussi de marier instrumentistes et chanteurs : l’orchestre n’étant désormais composé que d’instruments à vent, tout le monde est dans le souffle… D’autre part, au niveau de la démocratisation culturelle, cela réduit les coûts et permet ainsi à de nombreux théâtres d’accueillir pour une fois de l’opéra.

    _ Le titre peut se traduire par “ainsi font-elles toutes”, ou “toutes les mêmes” : pourquoi ne faire référence qu’aux femmes ?

    _ Ce titre est une réplique de Don Alfonso : son propos est misogyne, mais celui de Mozart et Da Ponte ne l’est pas! Cosi fan tutte a même quelque chose de féministe où les femmes demandent pardon pour leurs erreurs, ce dont les hommes sont incapables… On y voit l’initiation forcée de ces jeunes filles, victimes de la violence d’une société menée par les hommes, et le comique de l’opéra renforce d’ailleurs cette cruauté. Les femmes ont du mal à se faire leur place, mais leur sensibilité dépasse largement celle des hommes, dans l’opéra.
    Cela m’a conduit à mener un vrai travail d’acteur avec ces chanteurs, à leur demander un grand investissement pour qu’ils puissent donner à la fois la sincérité (l’intimité de l’amour, la désillusion) et la théâtralité (le travestissement) de Cosi fan tutte.

    _ Votre parcours n’est pas banal, puisque vous avez obtenu deux agrégations, l’une de droit et l’autre de lettres, avant de vous tourner vers le théâtre…
    _ En tant que fils obéissant d’un avocat, j’ai voulu faire plaisir à mon père en faisant du droit. Et en tant que petit-fils d’un instituteur, j’ai voulu faire plaisir à mon grand-père en faisant des lettres. Puis est venu le moment de me faire plaisir en faisant du théâtre… »


    Pour voir Cosi fan tutte à l’Athénée, c’est jusqu’à samedi.
    L’Athénée accueillera ensuite un autre opéra abordant différemment la question de la fidélité : Riders to the sea, de John Millington Synge et Ralph Vaughan Williams mis en scène par Christian Gangneron. Bon mardi !


  • Sur des charbons ardents • Coulisses




    Lorsque j’ai pris cette photo, le gril de l’Athénée était vide de toute présence humaine et servait à soutenir les décors et projecteurs d’En attendant Godot.

    En théâtre, le gril n’a en effet pas grand chose à voir avec le supplice, hormis pour les personnes atteintes de vertige : il s’agit d’un plancher à claire-voie situé au-dessus de la scène, comme un faux plafond, et qui sert à fixer les projecteurs et les éléments de décor.
    Sur cette photo, je suis dessus, et si l’on regardait à mes pieds, on apercevrait la scène quatorze mètres plus bas…

    En attendant Godot
    s’est terminé samedi, et les techniciens de l’Athénée s’activent actuellement sur ce gril (et en-dessous. Et autour. Partout, en fait.) pour préparer les représentations de Cosi fan tutte de Mozart mis en scène par Yves Beaunesne dans la direction musicale de François Bazola.

    À demain donc, pour le début de deux semaines d’opéra à l’Athénée : après Cosi fan tutte qui commence demain, Riders to the sea prendra la relève dès le 8 avril!


  • Adieu Godot • Pleins feux




    Nous nous le demandions avec Patrick Zimmermann hier, Garlan Le Martelot joue-t-il l’enfant, ou l’ange, ou le messager, ou… dans En attendant Godot ? L’étrange petit personnage au chapeau melon n’aura pas fini d’intriguer, mais si encore c’était la seule zone d’ombre du texte de Samuel Beckett...

    Gilles Arbona et Garlan Le Martelot


    En attendant Godot
    de Samuel Beckett dans la mise en scène de Bernard Levy assisté de Jean-Luc Vincent se termine samedi : la lumière s’éteindra définitivement sur Vladimir et Estragon (et “nous autres”) à l’Athénée, mais se rallumera à Oullins, Saint Valery en Caux, Niort, Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Tarbes, Reims, Petit Quevilly et Grenoble en tournée.

    Thierry Bosc et Gilles Arbona


    À partir de mardi, l’Athénée accueillera Cosi fan tutte de Mozart dans la mise en scène d’Yves Beaunesne et la direction musicale de François Bazola. Bon vendredi et bon week-end!


  • Interview - Lucky, Pozzo, Beckett, Godot, Dieu et nous autres • Entretien




    Entretien avec Georges Ser et Patrick Zimmermann

    19h un soir de représentation, je vais toquer à la loge hétéroclite du facétieux Georges Ser, qui interprète Lucky dans En attendant Godot :


    «_ Une interview? Pas de problème, il faut juste que tu saches que je suis un peu ensuqué…
    _ Ensuquoi?
    _ On ne dit pas ça en Franche-Comté?
    _ J’habite à Dijon, ce n’est pas en Franche-Comté, c’est en Bourgogne!
    _ C’était juste un piège pour savoir où tu habitais, je t’ai bien eue! Ensuqué, ça veut dire que je suis un petit peu faible, un peu dans le brouillard, si tu préfères…

    _ Tu m’as l’air assez en forme quand même… Pourquoi Lucky porte t-il une veste à paillettes? Est-ce pour mettre en avant le côté music-hall qu’il peut y avoir dans le texte de Beckett?
    _ C’est peut-être à Elsa Pavanel, la créatrice des costumes, et Bernard Levy, le metteur en scène, qu’il faudrait poser la question! Ce que je peux te dire, c’est que l’on s’est dit que Lucky était quelqu’un qui avait beaucoup vécu, qu’il avait traversé le monde et qu’il avait été danseur : d’où les chaussons de danse et la veste avec quelques paillettes…

    _ Quelle sont les difficultés principales du rôle de Lucky?

    _ Il est pénible physiquement et le texte est difficile à apprendre. Pour le monologue, j’ai commencé à le lire et à le relire dès que Fin de Partie a été terminé [spectacle donné à l’Athénée en 2006 avec quasiment la même équipe artistique et parti ensuite en tournée jusqu’en avril dernier]. Je le lisais simplement, je me suis mis à l’apprendre ensuite.
    Là, je continue à le travailler pendant la journée et à le réciter dans le métro, comme un musicien fait ses gammes avant son concert du soir! Le personnage vit en moi hors des représentations…

    _ Comment un comédien peut-il appréhender un monologue comme celui de Lucky ?
    _ Je suis passionné par ce personnage, mais je ne savais pas par quel bout le prendre. Dans les mises en scène que j’ai vues, Lucky était une sorte d’hystérique qui débitait son monologue à toute vitesse, le transformant en performance. Bernard Levy voulait trouver un sens à ce que ce type dit, ne pas en faire un maniaque qui éructe mais plutôt quelqu’un qui étouffe tellement il veut raconter une histoire, d’autant qu’il a aussi des pertes de mémoire.
    Nous avons donc pris le texte en cherchant ce que pouvait signifier chaque phrase : les spectateurs ne perçoivent pas forcément tout le sens, mais l’important est qu’ils sentent qu’on leur raconte quelque chose même s’ils ne savent pas quoi. Et c’était essentiel pour nous en tant qu’artistes de donner un sens à ce monologue.

    _ J’imagine que le sens de ce monologue est trop complexe pour l’épuiser en trois minutes, mais pourrais-tu donner une ou deux clés pour mieux le comprendre?
    _ Dieu est très présent dans ce monologue : il y a l’idée que même si l’on croit en l’existence d’un Dieu, l’homme ne grandit pas. On peut aussi lire en filigrane que, même s’il ne se manifeste pas, Dieu est là.
    Il est important de préciser aussi que le personnage de Lucky a un sens, qu’il reste digne malgré la maltraitance qu’il subit : face à ce qu’on lui inflige, il a choisi l’impassibilité et la dignité. On peut relier tout cela à la guerre, d’autant qu’il parle beaucoup de pierres, ce qui renvoie pour nous aux ruines dues aux destructions. C’est pour évoquer cela et aussi rappeler l’accent yiddish que je prenais à un moment dans Fin de Partie que j’ai décidé de prononcer le bout de phrase “les flammes, les pleurs, les pierres” en yiddish : ces mots sont d’ailleurs les mêmes en yiddish et en allemand…
    Et tout cela, c’est le génie de Beckett, est entrecoupé de choses drôles sans signification particulière. Relevons par exemple les noms qu’il donne aux pseudo-scientifiques dont il parle : Fartov et Belcher. To fart en anglais signifie péter, et to belch, roter. Ces scientifiques s’appellent donc Péteur et Roteur... »

    Je passe ensuite à la loge d’à côté pour parler à Patrick Zimmermann qui joue Pozzo, le partenaire (bourreau?) de Lucky:


    « _ Gilles Arbona, qui interprète Vladimir, me disait que le personnage de Pozzo véhiculait l’histoire, qu’est-ce que cela  vous évoque ?
    _ On ne se tutoyait pas, hier?

    _ Je suis très vieux jeu. Gilles Arbona, qui interprète Vladimir, me disait que le personnage de Pozzo véhiculait l’histoire, qu’est-ce que cela t’évoque ?
    _ Je dirais qu’à part l’enfant joué par Garlan Le Martelot (et encore...), tous véhiculent l’histoire. Le couple Pozzo-Lucky est un "accident" qui intervient dans l’histoire d’Estragon et Vladimir, et Vladimir se met même à vouloir jouer à Pozzo et Lucky, comme s’il y avait une sorte d'universalité dans ce couple. Mais les témoins, les révélateurs de l’histoire sont surtout, pour moi, Vladimir et Estragon.

    _ Que représente ce couple Pozzo-Lucky, et pourquoi est-il universel, à ton avis?

    _ Ce n’est pas une fable simpliste opposant opprimeurs et opprimés : Beckett va au-delà de ça pour faire de ce couple un véritable pan de l’humanité qui dépeint aussi nos manières d’être, et peut-être y a-t-il du Pozzo et du Lucky en chacun de nous.
    Et il y a quelque chose de cosmique dans ce que Pozzo dit : à peine nés, nous sommes déjà morts, le même jour, le même instant, les femmes accouchent à cheval sur une tombe. C’est en fait le constat terrifiant de l'insignifiance de la vie, cela rejoint ce que dit Estragon lorsqu’il annonce qu’il ne veut plus respirer : mais ne plus respirer, c’est la mort! Le temps n’est rien et la vie est ailleurs… Mais ce n’est que l’un des milliers de fils que l’on peut tirer d’En attendant Godot !

    _ On ne va pas pouvoir tous les passer en revue, mais y aurait-il un autre de ces fils dont tu aimerais parler?
    _ Le texte écrit par Lola Gruber dans le programme de salle de l’Athénée est très beau et remet en jeu la question de Dieu : je pense aussi que c’est un point important. Beckett a dit que s’il avait voulu parler de Dieu, il aurait appelé sa pièce En attendant Dieu et non En attendant Godot, mais c’est peut-être de la mauvaise foi… On dit toujours que la pièce ne parle pas de Dieu parce que Beckett s’en défend, mais ce n’est pas parce qu’il s’en défend que c'est vrai !
    On pourrait aussi lire la pièce sous l’angle de "l'usage" qu'on fait de Dieu (et non sous l’angle de Dieu lui-même, en fait). Les hommes ont tout de même décidé qu’il existe un Dieu qui nous surpasse, qui nous est supérieur et qui détient un pouvoir sur nous! C’est une sorte d’aliénation, qui prévoit même l'idée de punition… À un moment, Estragon propose d’arrêter d’attendre Godot, et Vladimir répond qu’il les punirait : ils s’imposent donc l’aliénation d’attendre quelqu’un qui les punirait s’ils arrêtaient d’attendre, et qui est tellement envahissant qu’ils pourraient l’attendre pendant cinquante ans.
    Godot est-il une invention de Vladimir et d’Estragon? Une invention de tous les hommes? N'est-ce pas de “nous autres”, c’est-à-dire de l’humanité, qu'il s’agit ? D’où cette notion de "l'usage" que l’on fait de Dieu… Et on en fait un usage plutôt désastreux, non ?…

    _ Si l’on continue cette hypothèse, le personnage d’enfant interprété par Garlan le Martelot est-il un ange?

    _ Non, pour moi, ce personnage est un messager, mais pas un ange : il semble bien humain et raconte que Godot bat son frère, qu’il ne sait pas lui-même s’il est heureux… De même, quand Vladimir lui demande de quelle couleur est la barbe de Godot, il répond “je crois qu’elle est blanche” : il le croit ! Mais il l’a vu Godot, ou non? En tout cas, si je suis convaincu que ce personnage n’est pas un ange, le fait que cela soit un enfant reste mystérieux pour moi…. Dans En attendant Godot, chaque réplique ouvre mille portes…»


    Je pourrais continuer la polémique en disant que cette fois, c’est Patrick Zimmermann qui est peut-être de mauvaise foi : après tout, le diable étant un ange déchu, il pourrait aussi bien être le frère battu dont cet enfant parle... Il est certain en tout cas que, à propos d’En attendant Godot, la discussion pourrait continuer longtemps.
    Elle continue d’ailleurs, puisqu’à la lecture de ce paragraphe avant parution du billet, Patrick Zimmermann m’écrivit :


    «Ah bon ? De mauvaise foi ? Mais ce n'est pas parce que je n'en ai pas parlé que je le conteste... Je trouve, au contraire, ton idée très intéressante, celle de cet ange déchu qui s'appelait Lucifer (celui qui porte la lumière !). Cela pose même des questions : si l'on chasse celui qui éclaire, pour quoi serait-ce, sinon pour obscurcir ? Je nous sens mal partis…»


    Je ne sais pas si nous somme mal partis, mais en tout cas, En attendant Godot est bientôt fini : pour découvrir ou redécouvrir le texte dans la mise en scène de Bernard Levy, vous avez jusqu’à samedi!
    L’Athénée accueillera ensuite l’opéra de Mozart Cosi fan tutte. Bonne journée!


  • Sortez les masques à gaz ! • Coup de théâtre




    Les habitants du 24 rue de Caumartin ont dû se demander ce que faisaient ces énergumènes en masque à gaz dans la cour qu’ils partagent avec l’Athénée : c’était en fin février, les représentations d’En attendant Godot n’avaient pas encore commencé et l’heure était encore aux répétitions et créations.

    (c) Florence Cognacq

    Vous reconnaîtrez donc peut-être, sur un cobaye bien dévoué, le costume que porte Patrick Zimmermann au deuxième acte d'En attendant Godot en train de subir un traitement accéléré de vieillissement en spray.

    Les photos sont de Florence Cognacq, attachée à la communication à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

    Il reste encore cinq représentations d’En attendant Godot dans la mise en scène de Bernard Levy à l’Athénée… Bonne journée !


  • Sortir de l’ombre • Pleins feux




    Nous verrons bientôt en vidéo qu’une fois la création des lumières réalisée pour un spectacle, de nombreux ajustements sont nécessaires au fil des représentations.

    Pour En attendant Godot de Samuel Beckett mis en scène par Bernard Levy, c’est Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général à l’Athénée, qui s’en charge, et l’arbre et son ombre subissent alors les rotations d’un soleil bien artificiel : le tour du cadran en quelques minutes, en somme.

    Mais ceux qui ont vu ou lu la pièce savent que l’arbre finit par se laisser aller à la lumière du printemps : quelques feuilles apparaissent, et vous avez jusqu’à dimanche pour les voir sur les branches !

    Bon mardi !


  • Théâtre, théâtre, vous avez dit musique? (2) - Résultats du Psophosondage • Pleins feux




    Jean Lacornerie, qui a mis en scène Le Tribun / Finale en octobre dernier à l’Athénée, nous disait dans une interview sur ce blog que la musique se met en scène au même titre que le théâtre : samedi, le concert Vienne Budapest du Quatuor Psophos accompagné de Nils Moenkemeyer avait lieu au milieu du décor d’En attendant Godot et venait ainsi confirmer ses dires.

    Devant l’arbre sec et en contrebas d’une route, Mozart, Bartók et Brahms prenaient une dimension particulière, et l’on pourrait s’amuser à imaginer le même concert donné au pied de l’escalier rouge de La Cour du Roi Pétaud (avec, en invité surprise, Flannan Obé passant dans son costume de Cupidon un tantinet psychédélique), dans les fourrures et coussins de La Puce à l’oreille ou sous les flocons de neige des Enfants terribles.

    Le prochain concert du Quatuor Psophos sera le dernier de leur résidence à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet et aura lieu le 23 mai, dans le décor des Mains sales mis en scène par Guy-Pierre Couleau.
    Sartre mis en musique par Strauss et Brahms, on le verra, ce n’est peut-être pas si iconoclaste : du refus d’appartenir à un mouvement de pensée musicale de Brahms au cri de désespoir des Métamorphoses d’un Strauss dévasté par la seconde guerre mondiale, les questions autour de l’engagement politique posées par Les Mains sales dans l’immédiat après-guerre apparaissent peut-être comme une interrogation nécessaire.

    Le résultat du sondage lancé le 12 mars dernier montre d’ailleurs que vous êtes un tiers à estimer que la particularité la plus frappante du Quatuor Psophos est sa collaboration avec d’autres artistes venant de la musique ou du théâtre ; un deuxième tiers met en avant le caractère jeune et féminin de ses interprètes, et le dernier pense que les Psophos sont avant tout des musiciennes de très haut niveau.
    À cette proportion parfaite s’ajoute la personne (oui, il n’y en a qu’une, et elle se reconnaîtra peut-être!) qui rappelle que le Quatuor est effectivement engagé dans la lutte contre le SIDA dans l’océan indien en donnant des concerts dont les recettes sont intégralement reversées à des associations locales de prévention.

    En attendant Godot
    entame sa dernière semaine de représentation à l’Athénée avant de partir en tournée ! Bonne journée...


  • "Ne perdons pas notre temps en vains discours." - Interview ! • Entretien




    Entretien avec Thierry Bosc et Gilles Arbona

    Avant une représentation d’En attendant Godot, je passe quelques minutes dans la loge de Thierry Bosc, qui joue Estragon dans le spectacle (et accessoirement conserve quelques effets de Superman).

    «_ Georges Ser, qui tient le rôle de Lucky, m’a dit que vous aviez déjà joué dans un En attendant Godot ?
    _ Oui, je jouais Vladimir, le rôle tenu aujourd’hui par Gilles Arbona, dans la mise en scène de Claude Yersin en 1982-1983 à la Comédie de Caen : Jean-Claude Frissung jouait Estragon, Jacques Zabor faisait Pozzo et Lucky était joué par Jacques Brylant.
    On a repris la pièce en 1986 avec la même distribution excepté Jacques Zabor qui, pris par une spectacle monté par Gérard Desarthe (qui, d'ailleurs, a lui-même joué Lucky dans une mise en scène de Godot par Luc Bondy et est venu voir notre spectacle en tant qu'ami de Georges Ser, l'interprète de Lucky), a été remplacé par Jean-Pierre Bagot.
    Jacques Zabor avait joué Vladimir dans une autre production aussi, mais il a eu la délicatesse de ne pas m'en informer pendant les répétitions.  La grande classe, ce Zabor! Il est décédé brutalement il y a peu… En tout cas, comme vous le voyez, c’est une vraie pièce à transmission!

    _ En attendant Godot est grosso modo composé de deux couples : Vladimir et Estragon d’un côté, Lucky et Pozzo de l’autre. Après avoir joué Vladimir, qu’est-ce que cela fait de jouer l’autre ?
    _ Je suis très content que l’on m’ait demandé de jouer Estragon. Je devais d'abord jouer Pozzo, mais après quelques essais, Bernard Levy, le metteur en scène, a décidé de garder le même couple que dans le Fin de Partie joué en 2006 à l’Athénée. Je trouve ça génial de pouvoir passer de l’autre côté. Cela m’était arrivé une autre fois, sur Le Roi Lear de Shakespeare où j’ai joué le duc de Cornouailles dans la mise en scène de Langhoff puis Gloucester dans celle d’Engel.
    Il y a vraiment un grand plaisir à plonger dans le personnage d’en face mais il y a aussi deux grosses difficultés : déjà, je connais maintenant la pièce quasiment par cœur, et j’avais donc tendance à dire les répliques de Gilles Arbona pendant les répétitions… Ensuite, j’ai fait des cauchemars sur le thème de “je n’arriverai jamais à faire aussi bien que Jean-Claude Frissung”, qui jouait Estragon dans la mise en scène de Yersin. Du coup, j’ai très peur qu’il vienne voir le spectacle! Beaucoup d’autres acteurs, comme Jean-Paul Roussillon par exemple, ont joué Estragon : mais c’est surtout mon ancien partenaire qui me fait peur…»


    Thierry Bosc m’accompagne ensuite au bout du couloir où il me laisse aux bons soins de Gilles Arbona qui interprète le rôle de Vladimir (et range très bien sa loge).


    « _ Était-ce difficile de reprendre un rôle que Thierry Bosc a tenu il y a vingt-cinq ans?
    _ Non, ce n’était pas très dur, et cela m’a permis de lui demander comment il avait interprété certains passages. La seule difficulté qu’on a eue, c’est qu’il disait mes répliques : il arrivait et il faisait mon texte! En attendant Godot est de toutes façons un texte passionnant à jouer pour un acteur…

    _ Pourquoi ?
    _ En attendant Godot est le plus grand texte du 20e siècle, c’est une cosmogonie des sentiments et du monde qui parle de la littérature, de l’état du monde, de la guerre, des charniers… Le Godot que l’on attend, c’est tout à la fois : les croyances, l’attente, l’autre, l’ennui, le temps qui passe… Il y a différents niveaux de jeu!
    Cela commence comme un drame psychologique, puis on évoque l’histoire et la mémoire pour passer au couple.
    L’arrivée de Pozzo qui véhicule l’histoire et parle du temps qui passe permet d’effleurer, aussi avec le personnage de Lucky, les questions du pouvoir, de la confrontation et de la dépendance. Le jeune garçon qui arrive après tout un passage où l’on se croit au music-hall fait le lien entre le plateau et le reste du monde.
    Ensuite se pose le problème de la vérité et du mensonge, de savoir si les personnages étaient là hier ou non… C’est important pour Vladimir, il essaie de vivre, d’exister, il croit en Godot et il veut qu’on lui dise qu’il existe réellement. Alors qu’Estragon, à ce moment-là, parle de ses chaussures.
    On pénètre enfin dans le monde de l’improbable avec une parodie totale de l’accident, mais l’angoisse perce vite derrière ce numéro de clown : quoi faire, comment, quand, avec qui, et pour quelles conséquences? Les gens qui croient que les choses arrivent les unes après les autres ne peuvent sans doute pas comprendre ce texte…

    _ Vous pensez que c’est pour cela qu’avant de voir votre spectacle, j’étais toujours passée à côté d’En attendant Godot malgré mes multiples tentatives?
    _ Vous étiez peut-être un peu jeune! Quand je pense qu’En attendant Godot est régulièrement étudié dans les lycées, cela m’ennuie un peu car, comme Racine, Beckett est un écrivain de la maturité… C’est une écriture d’une poésie absolue qui évoque la probabilité de la vie : tout est mort mais tout doit continuer! “Humain trop humain” de Nietzsche, “être ou ne pas être” de Shakespeare, c’est aussi du Beckett…
    En attendant Godot est une grande métaphore de la vie, mais très allusive : c’est aussi  pour cela que ce n’est pas facile à comprendre. La destinée est incertaine, et il n’y a pas de début, ni de milieu, ni de fin : la vie est improbable, même s’il est évident qu’on se forge notre destin et que nous ne sommes pas innocents devant notre propre devenir.
    Beckett est vraiment l’un des plus grands dramaturges de l’histoire du théâtre : une fois qu’on a joué Beckett, Tchekhov, Brecht et Shakespeare on peut rentrer chez soi! Je disais qu’il y avait du Shakespeare dans Beckett, mais il y a aussi du Tchekhov dans l’ennui vécu par les personnages… Il y a une grande vacance de l’âme et du physique : “nous nous ennuyons ferme, c’est incontestable…” »


    Demain à 15h, le Quatuor Psophos jouera son concert Vienne Budapest en compagnie de l'altiste Nils Moenkemeyer dans les décors d'En attendant Godot qui continue jusqu'au 28 mars. Bonne journée!


  • Sur la même longueur d’ondes • Perspective




    D’après une dépêche de l’Agence France Presse parue mardi 17 mars dernier, une étude de chercheurs de l'Institut Max Planck de Berlin et de l'Université de Salzbourg aurait établi que les cerveaux de musiciens jouant ensemble seraient sur la même longueur d’ondes.

    Réalisée avec des guitaristes de jazz, l’étude germano-autrichienne publiée par le journal BMC Neuroscience a ainsi montré que “les actions inter-personnelles coordonnées sont précédées et accompagnées par une activité électrocérébrale semblable” pour citer Ulman Lindenberger, l’un des auteurs : autrement dit, les électroencéphalogrammes des cerveaux des musiciens interprétant ensemble le même morceau sont quasiment identiques quand ils jouent et juste avant de commencer à jouer.

    On imagine donc que les quatre musiciennes du Quatuor Psophos seront sur la même longueur d’ondes pour leur concert Vienne Budapest de samedi à 15h qui réunit Brahms, Bartók et Mozart.
    On peut en tout cas présumer que les cerveaux d’acteurs jouant dans la même pièce connaissent le même phénomène, et j’attends avec impatience d’éventuelles études sur les électroencéphalogrammes de spectateurs écoutant le même concert ou regardant le même spectacle…

    L’équipe de l’Athénée était, elle, sur la même longueur d’ondes que la majorité des Français en votant en faveur de la grève d’aujourd’hui : la représentation d’En attendant Godot prévue ce soir est donc annulée, mais vous pourrez vérifier que vous êtes sur la même longueur d’ondes que la mise en scène de Bernard Levy jusqu’au 28 mars…

    Bon jeudi!


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (6) • La corde verte du lapin qui siffle




    Je suis sûre que certains d’entre vous trouveront encore le moyen d’en savoir plus que moi sur cet objet dont je ne connais finalement que l’utilité de base. C’est à vous!


    En attendant Godot
    dans la mise en scène de Bernard Levy continue jusqu’au 28 mars, et le quatuor Psophos sera là samedi à 15h pour leur concert Vienne Budapest!

    Bon mercredi à tous !


  • Dans le secret des dieux • Pleins feux




    Pour En attendant Godot actuellement à l’Athénée, tous les comédiens bénéficient d’une loge individuelle et l’investissent comme il leur plaît.

    Chacun a l’art et la manière de se recréer un bout de foyer, mais tous possèdent le point commun d’y avoir disposé au moins un cadeau qu’on leur a fait : les petites attentions des proches ou moins proches sont sans doute importantes avant de jouer... Tour d’horizon en plan large de leurs petits jardins secrets :

    L’épure de Gilles Arbona


    La bibliothèque de Thierry Bosc.

    Pour comprendre la référence au slip de Superman, il faut venir voir le spectacle. Mais rassurez-vous, il n’est PAS dans le spectacle (le slip, pas Thierry Bosc).

     

    L’amour veille sur Garlan le Martelot.

     

    George Ser décolle des affiches dans la rue (et c’est un scandale).

     

    J’ai manifestement interrompu Patrick Zimmermann alors qu’il se préparait avant de jouer.



    Je vous laisse détailler les multiples petits objets. Pour voir leurs propriétaires en vrai, il vous reste jusqu’au 28 mars à l’Athénée !

    N’oubliez pas que vous pourrez fêter la Saint Patrick au théâtre après la représentation d’En attendant Godot  de ce soir !

    J’en profite ainsi pour souhaiter leur fête à Patrice Martinet, directeur de l’Athénée, Patricia Mitaine, comptable principale, Patricia tout court qui m’a laissé un commentaire hier sur le blog, et bien sûr tous les Patrick et Patricia qui nous lisent aujourd’hui. Bon mardi...


  • Irish Plays • Pleins feux




    Beckett, Saint Patrick, Synge : il y a au moins trois Irlandais à l’Athénée -sans compter ceux qu’il y a parmi les spectateurs, vous vous en doutez : d’ailleurs, que ceux-ci n’hésitent pas à se manifester, de préférence en anglais (croire que je maîtrise le gaélique serait vraiment se leurrer…)


    Samuel Beckett, vous connaissez : l’auteur d’En attendant Godot est régulièrement programmé à l’Athénée, et présentement jusqu’au 28 mars dans la mise en scène de Bernard Levy.


    Saint Patrick, vous avez sans doute une petite idée : ordonné évêque en Gaule au 5e siècle, Patrick évangélisa l’Irlande et y organisa l’Église. Sa vie est l’objet de nombreux mythes difficiles à vérifier, mais toujours est-il qu’il est aujourd’hui le saint patron de l’Irlande dont la date de la fête nationale a été fixée le jour de la sienne.
    La Saint Patrick est ainsi l’objet de joyeuses festivités célébrées par les Irlandais du monde entier, et vous avez sans doute en tête des images de trèfles à trois feuilles, vêtements verts, chopes de bières ou bouteilles de whisky irlandais.

    La Saint Patrick est le 17 mars, c’est-à-dire demain : l’Athénée ne pouvait pas accueillir une pièce de Samuel Beckett sans fêter sa patrie, aussi ceux qui viendront voir En attendant Godot demain soir auront-ils le privilège de se faire offrir quelques surprises et de fêter l’Irlande au bar à l’issue de la représentation!


    Sur John Millington Synge enfin, vous en savez peut-être un peu moins : l’auteur du Baladin du monde occidental a également écrit Cavaliers de la mer, adapté en musique par le compositeur britannique Ralph Vaughan Williams.
    Pour voir le théâtre musical de  Riders to the sea mis en scène par Christian Gangneron, rendez-vous à l’Athénée dans trois semaines !


    Bonne veille de Saint Patrick, et à demain!

     


  • À l’ombre des jeunes filles en fleurs • Pleins feux




    «Estragon : _ Combien de temps va t-il falloir le charrier encore? [...] On n’est pas des cariatides

    Certes, qu’ils soient obligés de soutenir Pozzo pour qu’il reste debout ne fait pas de Vladimir et Estragon des cariatides, mais cela n’empêche pas celles de l’Athénée de continuer à veiller…

    En attendant Godot dans la mise en scène de Bernard Levy continue à l’Athénée, mais ne manquera pas de laisser une petite place au quatuor Psophos le 21 mars

    Bon vendredi et bon week-end.


  • Psophosondage • Pleins feux




    Composé de Lisa Schatzman et Bleuenn Le Maitre aux violons, Cécile Grassi à l’alto et Ève-Marie Caravassilis au violoncelle, le quatuor Psophos est en résidence à l’Athénée depuis 2006.

    Dans dix jours aura lieu leur concert Vienne Budapest où elles joueront avec l’altiste Nils Moenkemeyer des œuvres de Bartók, Beethoven et Brahms.

    (Je précise d’ailleurs au passage que ce samedi 21 mars, en plus d’être le jour du concert, est également celui du printemps, de ma fête et de l’anniversaire d’Églantine Desmoulins, attachée aux relations publiques à l’Athénée, mais je m’égare.)

    Vous n’avez peut-être pas encore écouté le quatuor Psophos (et si c’est le cas, il est encore temps de vous rattraper : comme vous l’avez vu, ce  21 mars il y aura beaucoup de choses à fêter) mais vous en avez sans doute entendu parler : quelle est l’image que vous en avez?

    Dites-le nous grâce au sondage mis en place sur le blog!

    NB : les problèmes que certains avaient connu sur le précédent sondage devraient être résolus...


    Bon jeudi à tous, en n’oubliant pas qu'En attendant Godot continue !


  • L'humanité, c'est nous, que ça nous plaise ou non • Pleins feux




    Vous avez peut-être déjà vu cette phrase lancée par les nouvelles affiches de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet depuis lundi : “à cet endroit, en ce moment, l'humanité, c'est nous, que ça nous plaise ou non”.


    Tirée d’En attendant Godot de Samuel Beckett, la phrase a été choisie par l’équipe de l’Athénée après mûre réflexion, en ignorant évidemment que le Centre Dramatique National de Normandie à l’époque dirigé par Éric Lacascade l’avait aussi utilisée pour lancer sa saison 2001-2002 —sans avoir programmé de pièce de Beckett pour autant, d’ailleurs.

    Certes, c’était il y a presque huit ans et c’était à Caen : à l’époque cependant, la phrase m’avait marquée sans que j’aie pu identifier d’où elle provenait, mais apparemment assez pour que je m’en souvienne des années après.

    En contexte

    Rappelons que cette phrase est très drôle dans son contexte : tombé au sol, Pozzo  devenu aveugle demande à ce qu'on lui tende la main pour l'aider à se relever.

    Au lieu d'accomplir ce geste simple, Vladimir commence par estimer qu'il ne faut pas perdre son "temps en vains discours" pour aussitôt s'interroger longuement sur l'opportunité de secourir Pozzo, estimant entre autres que "l'appel que nous venons d'entendre, c'est plutôt à l'humanité tout entière qu'il s'adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité, c'est nous, que ça nous plaise ou non."

    Rien ne m'étonne

    Pour Jean-Luc Vincent, assistant du metteur en scène Bernard Levy sur En attendant Godot en cours à l'Athénée, le choix de cette phrase pour une affiche de théâtre n'a rien d'étonnant :

    "Le théâtre est précisément le lieu où l'on peut s'interroger sur ce qu'est être un homme et où il reste des bouts d'humanité. La scène est ainsi une image du monde, et cette métaphore est très présente dans En attendant Godot où Samuel Beckett rappelle régulièrement que l'on est sur un plateau de théâtre : le monde entier est une scène, et le théâtre donne à voir le monde…"


    Pour ceux qui n’auraient pas encore vu l’affiche, rendez-vous dans le métro parisien ou, plus simplement, sur le site de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet. En attendant Godot continue jusqu’au 28 mars! Bon mercredi.


  • Batterie de photographes - extrait vidéo ! • Pleins feux




    La semaine dernière, des photographes (des vrais, du genre à prendre des photos mieux que les miennes), se sont retrouvés au Théâtre pour une séance spéciale organisée par Estelle Laurentin, chargée des relations presse pour l'Athénée, à l’occasion d’une répétition d’En attendant Godot.

    Pourquoi une séance spéciale, me demanderez-vous? Et bien parce que si les photographes ne prennent pas forcément beaucoup de place, leurs appareils font, eux, beaucoup de bruit.

    La preuve en son et en image pour cette petite vidéo de cinquante secondes qui vous permettra d'entendre le son d'une demi-douzaine de photographes en action face à un spectacle en répétition. Sur scène, les acteurs Gilles Arbona et Thierry Bosc :

    (ceux qui ne voient pas la vidéo peuvent cliquer ici pour aller sur YouTube.
    Et si une petite barre apparaissant en haut de votre fenêtre vous propose d'installer Flash, dites oui.)


    Les représentations d’En attendant Godot sans cliquetis continuent
    jusqu’au 28 mars ! Bon mardi.


  • Le nœud du problème • La corde verte du lapin qui siffle




    Lier la conversation

    Dans le foyer des comédiens de l’Athénée, on trouve quelques accessoires au nom qu’il est interdit de prononcer ainsi qu’un livre sur les nœuds auquel les techniciens peuvent se référer lorsqu’il y a des choses à attacher.
    Si je voulais (j’ai bien dit “si”), je pourrais donc apprendre à faire des nœuds de franciscain, de capucin, de cul de porc, de tête de Maure, de voleur, de gueule de raie, de jambe de chien, d’amoureux, de cuiller sur fil double, de tortue, de cravate, de paquet cadeau ou de scoubidou.

    Sauf qu’une conversation avec Denis Léger et Dominique Lemaire, les directeurs techniques de l’Athénée qui m’ont déjà tout appris question thermomètres à confiture et brigadier (et je ne parle pas des interrupteurs de fin de course), m’apprit que seuls quelques nœuds pouvaient servir au théâtre :

    Sac de nœuds

    «Dominique Lemaire : _ Il y a l’allemande, ou nœud de Cabestan, qui est le plus courant. Il tient bien et a une bonne résistance au tirage.
    Denis Léger : _ D’ailleurs on dit toujours “faire une allemande” en parlant de ce nœud, jamais “faire un nœud allemand”.

    Dominique Lemaire reste toujours lié à son sujet : _Ensuite il y a le tour mort avec deux demi-clés qu’on utilise très souvent. Il est très répandu en marine d’ailleurs… Après tu as le nœud plat, c’est le truc que personne ne réussit.
    Denis Léger : _ Quand tu rates un nœud plat, ça s’appelle un nœud de vache.

    Moi : _ Donc un nœud de vache, ce n’est pas vraiment un nœud ?
    Dominique Lemaire maîtrise très bien l’art de l’enchaînement : _ Non, puisqu’on vient de te dire que c’était un nœud plat raté! Il ne tient pas du tout.
    Moi : _ Pourquoi lui a t-on donné un nom spécial alors, si c’est juste un nœud plat raté ?
    Denis Léger semble avoir la gorge nouée : _ Parce que… Hum.

    Dominique Lemaire sait couper le fil de la conversation quand il le faut
    : _ On ne t’a pas parlé du nœud de chaise, très utile en théâtre aussi, mais extrêmement difficile! C’est la grenouille qui sort de la mare, fait le tour du chêne et replonge dans la mare.
    Denis Léger sait relier chaque question difficile à un fait beaucoup plus explicite : _ Ou c’est le serpent qui sort du puits, fait le tour de l’arbre et revient dans le puits.

    Devant la tête de poisson mort que je devais sans doute faire, Dominique Lemaire s’est employé à me faire une démonstration du fameux nœud de chaise qui, effectivement, pour être bien réalisé, nécessite des moyens mnémotechniques du genre de ceux énoncés ci-dessus.

    Joindre les deux bouts

    Denis Léger : _ Avec un sujet sur les nœuds, le danger c’est de rester attaché au problème. C’est vrai que, pour écrire tous les jours, tu es souvent sur le fil, mais pas guindée pour autant! En tout cas, tu es une blogueuse attachante.
    Dominique Lemaire : _ Oui, mais on a du mal à s’en défaire…»


    Après le relâche de ce soir, En attendant Godot reprend le fil de ses représentations demain ! Bon lundi à tous.


  • Les Dieux du stade (1) • D'hier à aujourd'hui




    Vous connaissez sans doute la mode des calendriers dénudés, mais saviez-vous que le personnel de l’Athénée fut précurseur en ce domaine auquel nous sommes aujourd’hui presque habitués ?

    En 1997, alors qu'il est question de faire des travaux dans les dessous du théâtre, le personnel technique a cette idée souterraine: faire un calendrier des dessous de l'Athénée dans un esprit calendrier de routier -sous la scène en sous-vêtements, si vous préférez.
    Après avoir réussi à convaincre le reste des employés (ce qui, on l'imagine, ne fut pas chose aisée) il est décidé de ne pas le dire tout de suite à Patrice Martinet, directeur de l’Athénée.

    Le calendrier s’élabore ainsi en cachette avec le photographe de l’Athénée Fabien Calcavechia et, le jour où Patrice Martinet découvrit l’œuvre de ses employés, il décida de leur faire la surprise de s’y ajouter (sous une forme un peu différente, faut pas rêver).
    Le calendrier fut envoyé à certains contacts de l’Athénée : tutelles, services culturels, partenaires, théâtres et collectivités reçurent donc l’étrange objet, et quelque chose nous dit qu’il a dû beaucoup faire parler…

    Si vous êtes sages et que les personnes concernées l’acceptent, des photos viendront peut-être.
    D’ici-là, bon vendredi, bon week-end, et n’oubliez pas qu’En attendant Godot continue après la première qui a eu lieu hier !


  • On n'attend plus que vous • Pleins feux




    En attendant Godot de Samuel Beckett mis en scène par Bernard Levy commence ce soir à l’Athénée !

    Ces derniers temps, l’heure était encore aux petits ajustements :

    L’ancien foyer bar envahi de tout le matériel nécessaire aux lumières.

     

    Assis à leur table dans la salle, Bernard Levy et son assistant Jean-Luc Vincent prenaient encore des notes lors des dernières répétitions.

     

    De temps en temps, Jean-Luc Vincent se levait pour aller parler aux comédiens de plus près, et parfois s’attardait :



    L’homme qui murmurait à l’oreille des chaussures.


    Jean-Noël De Marcovitch, régisseur général de l’Athénée, et Sébastien, régisseur sur le spectacle, s’amusent une dernière fois avec le pistolet à colle.



    Les tables de travail sont aujourd’hui parties et la salle est prête à vous accueillir !


    À ce soir à l’Athénée pour la première d’En attendant Godot ! Bon jeudi.

     


  • L’Athénée se tape l’affiche (2) • D'hier à aujourd'hui




    Puisque nous avions constaté le 9 février que les affiches semblaient vous intéresser, je vous propose aujourd'hui de continuer notre voyage dans les années 1980 entrepris le 10 décembre dernier.

    L’Athénée n’a pas toujours privilégié le texte sur ses affiches, mais le changement et la surprise, si. Reprenons donc où nous nous étions arrêtés en saluant encore une fois l'abnégation de Dominique Lemaire, directeur technique adjoint de l'Athénée, qui a pris toutes les photos.

     



    Octobre 1987 : dans un commentaire en date du 10 décembre, un lecteur dénommé Antoine nous posait des questions sur l’ancien logo de l’Athénée en s’en moquant légèrement : cher Antoine, vous voilà donc servi en grand format !



    Février 1988 : tout le monde devrait savoir qu’il faut enlever son chapeau à l’intérieur, même les bustes.



    Avril 1988 : pour les débats qui ont lieu entre des gens aussi divers qu’Anne Alvaro, François Berléand, Charles Berling, Evelyne Didi ou André Engel afin de promouvoir les rencontres entre artistes et souligner la volonté d’indépendances des comédiens membres de l’APA (Acteurs Producteurs Associés), l’Athénée en vient à l’épure.



    Septembre 1988 : humour et cruauté.



    Janvier 1989 : ou comment résumer l’esthétique des années 80.

     

    En attendant Godot partage une affiche noire, blanche et rose avec Cosi fan tutte et Riders to the Sea que vous verrez dès la semaine prochaine dans le métro. Quant aux représentations, elles commencent demain! Bon mercredi.


  • En répétant Godot - interview • Entretien




    Entretien avec Jean-Luc Vincent


    Jean-Luc Vincent est le dramaturge et assistant de Bernard Levy, metteur en scène d'En attendant Godot de Samuel Beckett qui commence après-demain à l'Athénée.



    "_ Les répétitions ont commencé il y a deux semaines à l'Athénée, comment se déroulent-elles ?
    _ Très bien! Nous répétons depuis début janvier et sommes très contents de pouvoir travailler avec le décor et surtout dans le Théâtre : le lieu même de l'Athénée est pour nous très important, car la hauteur de la cage de scène donne une impression d'immensité et la sensation que les personnages sont un peu perdus au milieu d'un décor qui reste abstrait malgré la route et l'arbre. Le plateau de l'Athénée n'est pas très large, donc cette immensité est vraiment verticale

    _ Bernard Levy et vous avez créé un Fin de partie du même Samuel Beckett en septembre 2006 à l'Athénée : pourquoi revenir avec En attendant Godot ?

    _ Il s'agit de prolonger un travail commencé sur Fin de Partie, avec l'idée de jouer les deux ensemble un jour sous forme de diptyque.
    L'équipe artistique sur les deux spectacles est d'ailleurs quasiment la même : outre Bernard Levy et moi, on retrouve Christian Pinaud aux lumières, Giulio Lichtner au décor, Elsa Pavanel aux costumes et les comédiens Gilles Arbona, Thierry Bosc et Georges Ser rejoints par Garlan Le Martelot et Patrick Zimmermann sur En attendant Godot.
    Nous avons déjà parcouru Beckett ensemble et il nous paraissait intéressant d'articuler ces deux pièces : dans En attendant Godot, l'écriture de Beckett nous semble plus hétérogène, un peu plus folle que dans Fin de partie où le texte est resserré et très exigeant dans l'économie de gestes et de paroles.
    Mais il y a des correspondances entre les deux pièces, et dans les deux cas Beckett semble avoir tout pensé et tout pris en compte : la question est maintenant de savoir quelle est la liberté à  prendre par rapport à ce qu'il a écrit, car souvent il suffit de le suivre pour parvenir à l'évidence.
    Nous avons en tout cas tracé des parallèles entre les deux spectacles : par exemple, le sol blanc de Fin de Partie devient noir pour En attendant Godot, et les deux pièces commencent par une projection d'un extrait du texte sur un tulle blanc pour évoquer ce passage du texte à la scène.

    _ En attendant Godot a été énormément mis en scène et a donné lieu à beaucoup de débats, études et fantasmes : que signifie monter ce texte une nouvelle fois aujourd'hui?
    _ Pour tout vous avouer, je n'ai jamais vu de mise en scène d'En attendant Godot de ma vie! Beckett a lui-même monté sa pièce, donc nous avons choisi de travailler avec ses notes de mise en scène où l'on peut voir qu'il a lui-même coupé des passages dans son texte : encore une fois, cela pose la question de la liberté que l'on peut prendre par rapport aux texte original...
    En ce qui nous concerne, nous ne cherchons pas à faire du nouveau pour faire du nouveau : le texte se réinvente de lui-même et il s'agit de le suivre au plus près. Mais la façon dont Beckett a envisagé sa mise en scène nous éclaire beaucoup sur certains points de ses pièces.
    Il faut aussi savoir être vigilant, car En attendant Godot est devenu un classique dont on a plus des images qu'une idée précise : on a tous des visions de chapeaux melon et de vagabonds dans la tête, et il est intéressant de voir comment ces clichés ont resurgi au cours de notre travail, comment ils résonnent et quelles sont les traces qu'ils ont laissés.
    En fait, le texte prend son actualité au moment où il est incarné par des acteurs sur le plateau, et c'est très plaisant de voir les choses se mettre en place.

    _ En attendant Godot est-il un texte qui ne raconte rien ?
    _ C'est souvent l'idée qu'on a de cette pièce, qui parle pourtant du rapport au temps et à la mémoire : pour nous, les personnages sont confrontés à un temps qui passe sans qu'ils puissent le maîtriser ou en avoir des souvenirs, et ils doutent en permanence de leur histoire et de ce qu'ils ont vécu. Cette perte dans le temps et dans l'espace semble être une parabole qui nous parle de la condition humaine, et également de l'amitié.
    Mais il ne faut à mon avis pas oublier que sur le plateau se racontent également des choses concrètes où les personnages ne savent pas ce qu'ils ont fait et ce qu'ils vont faire…"


    Pour attendre Godot, vous aurez du 5 au 28 mars ! Bonne journée à tous.


  • En attendant les costumes • Coulisses




    En attendant Godot de Beckett monté par Bernard Levy commence dans trois jours à l’Athénée, et les répétitions qui ont lieu depuis deux semaines au Théâtre s'intensifient pour la dernière ligne droite...

    L’atelier couture situé au dernier étage de la partie administrative de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet est pour l’instant relativement calme, mais les créations d’Elsa Pavanel assistée de Séverine Thiebault vont occuper pour trois semaines cette grande pièce ensoleillée où officie régulièrement Liza, que nous avions déjà croisée le 6 octobre et le 31 décembre derniers.

    Bon lundi à tous.


  • Cachez ce vert... • La corde verte du lapin qui siffle




    Abus de pouvoir et second degré

    Nous parlions le 13 novembre dernier du poids des superstitions dans le milieu du théâtre, et c’est en commentaire à ce billet qu’une lectrice dénommée Cécile me demandait plus de précisions sur la superstition entourant la couleur verte.

    Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, ayant récemment lâchement profité de sa supériorité hiérarchique pour m’interdire de monter sur le plateau à cause de mon pull vert pomme, je me suis dit qu’il était temps d’analyser ces croyances empêchant la blogueuse de base de laisser libre cours à ses instincts vestimentaires.

    L’avenir de la recherche en question

    Force est de constater que je ne suis pas tout à fait sûre de la véracité de ce que je vais vous livrer : le domaine de la superstition étant par définition peu enclin à la rationalisation,  des recherches, même minutieuses, ne suffisent pas toujours à élucider ce genre de questions !

    Déjà, si le vert est considéré comme pouvant porter malheur dans les théâtres français, c’est par exemple le jaune en Espagne et le violet en Italie : les Italiens et Espagnols ont sans doute de très bonnes raisons de craindre ces couleurs, mais en ce qui concerne la France j’ai trouvé de très nombreuses explications plus ou moins farfelues.


    Critique de la raison pure

    - La plus répandue consiste à affirmer que Molière portait un costume vert lorsqu’il est mort sur scène : le problème, c’est qu’en fait ce costume était peut-être jaune. Doit-on craindre les deux couleurs? (et par là-même encore rétrécir les possibilités de ma garde robe ?)

    - On parle également souvent des Mystères, ces représentations médiévales portant sur la religion et les mythes où le personnage du traître Judas aurait souvent été vêtu de vert.

    - Le vert étant aussi la couleur de l’émeraude, il aurait hérité de sa mauvaise réputation due à sa grande fragilité et sa tendance à facilement se rayer.

    - Certains estiment encore que l’éclairage au gaz, introduit dans les théâtres au début du 19e siècle en France (1822 à l’Opéra Garnier, très exactement), n’aurait pas mis en valeur les tons verts. N’ayant bizarrement pas de lampe à gaz chez moi, je ne peux pas vérifier ce que cela donne à côté de mon pull vert pomme.

    - Enfin, une explication concerne l’oxyde de cuivre, vous savez, cette couche de vert qui couvre le cuivre pour lui permettre de mieux résister aux attaques de l’air.
    L’oxyde de cuivre aurait été utilisé comme teinture au Moyen-Âge alors qu’il est extrêmement nocif en cas de contact avec la peau et de surcroît instable en présence d’humidité (et donc de sueur). De nombreux comédiens auraient donc été intoxiqués par leur propre costume teinté de cette manière.
    L’explication paraît rationnelle, malheureusement mes recherches (y compris dans des traités de chimie, admirez l’abnégation) ne m’ont pas permis d’établir que ce vert-de-gris ait pu servir à teindre des vêtements: il est sûr qu’il était courant en peinture ou en poterie avant d’être abandonné à cause de sa haute toxicité et de son instabilité, mais aucune occurrence trouvée, en tout cas de mon côté, pour la teinture de tissu!
    Y a t-il un spécialiste de l’industrie textile médiévale parmi vous ?

    Le mot de la fin

    Puisque nous parlions d’absurde il y a quelques jours, concluons sur une devise des Shadoks : s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.


    Cela n’empêchera évidemment pas Godot de vous attendre à l’Athénée à partir de jeudi prochain, car inutile de vous dire que les répétitions battent actuellement leur plein.
    À après après-demain !


  • Les petits objets de Denis Léger (3) • Coulisses




    Cela faisait longtemps que nous n’avions pas fréquenté le bureau de Denis Léger, directeur technique de l’Athénée et collectionneur hétéroclite, détenteur d’une animalerie variée et d’un buste que l’on a grâce à vous identifié.

    Denis a récemment récupéré un drôle d’objet : devinerez-vous son utilité? C’est peut-être un peu difficile, et je pourrai donner quelques indices en commentaire de ce billet à ceux qui me le demanderont !

    Bon jeudi à tous, et n’oubliez pas qu’En attendant Godot commence dans une semaine !


  • C'est absurde ! • Pleins feux




    "Je ne comprends pas pourquoi on a parlé d'absurde pour définir Samuel Beckett" déclarait Bernard Levy, metteur en scène d'En attendant Godot qui se jouera bientôt à l'Athénée, pendant une répétition.

    Jean-Luc Vincent, son assistant, s'interroge aussi sur la pertinence de ce terme aujourd'hui :
    "Il y de l'absurde dans la présence même de ces personnages perdus au milieu de nulle part, c'est sûr, mais ce qui se passe sur le plateau est loin de l'être autant! Les personnages sont très construits, peuvent être incarnés, ce ne sont pas seulement des figures. Le terme d'"absurde" est très utile pour établir des distinctions littéraires, sans doute nécessaires, et a eu du sens dans les années 1960 par rapport à tout un contexte intellectuel, mais il regroupe aujourd'hui des écritures complètement différentes. Chez Beckett, l'absurde ne me semble pas être si présent que cela."

    À l'origine
    Utilisé pour définir la littérature d'Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Albert Camus, Harold Pinter, Arthur Adamov ou parfois Jean Genet, le terme de "théâtre de l'absurde" a été forgé au début des années 1960 par le critique et écrivain Martin Esslin dans son livre éponyme.

    Ces auteurs ont pourtant peu en commun, et l'on peut alors suivre l'avis de Roger Blin, le créateur de la première mise en scène d'En attendant Godot, lorsqu'il parle plus d'une "connivence avec l'époque" que d'un rapprochement esthétique : le monde de l'après-guerre est incertain et le théâtre se reconstruit en fonction de son temps.

    Vain, illogique, insensé?
    Chez ces auteurs, tout est pensé et finement élaboré : rien d'incohérent donc dans leurs pièces, mais peut-être quelque chose qui tient de l'expression presque métaphysique de la misère humaine, de la défaite du langage, de la mise en avant des faiblesses humaines et peut-être au final de leur exorcisme.

    Le refus de Beckett de donner une interprétation de sa pièce couronne d'ailleurs cette impression diffuse d'inquiétante étrangeté, pour reprendre l'expression d'un psychanalyste bien connu. Il faut dire qu'à l'origine, l'absurde désigne ce qui est dissonant : l'étymologie du terme joue peut-être un grand rôle dans sa survie...

    À suivre
    Vous pourrez lire d'ici quelques jours une interview de Jean-Luc Vincent en attendant Godot qui arrivera (ou non) à partir du 5 mars à l'Athénée, sans oublier, puisqu'on parle d'absurde, La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco transformée en opéra par Jean-Philippe Calvin qui se jouera du 30 avril au 3 mai !

    Bonne journée...


  • Agatha Ruiz de l'Athénée • Entretien




    Entretien avec Agatha Ruiz de la Prada

    19h30, j'ai rendez-vous avec Agatha Ruiz de la Prada avant la représentation à laquelle elle assiste : j'ai peur de ne pas la reconnaître mais elle se détache rapidement de la foule dans sa tenue rose et rouge -et comme pour ma part, j'étais en turquoise, j'imagine qu'elle n'a pas eu trop de mal à me trouver non plus.

    Agatha Ruiz de la Prada a créé les costumes des ouvreurs cette année à la demande de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet et sur une idée d'Amandine Gougeon, directrice du développement : d'après elle, les créations d'Agatha étaient faites pour l'Athénée (à moins que ce soit l'Athénée qui était faite pour Agatha) et à écouter l'enthousiasme et la gentillesse de la créatrice espagnole on se dit que ces deux-là se sont effectivement bien trouvés.


    "_ C'est la première fois que vous concevez des costumes d'ouvreurs pour un théâtre, qu'est-ce qui vous a plu dans l'Athénée ?
    _ J'aime énormément ce théâtre : il est tout petit et d'une beauté incroyable… D'ailleurs, on sent que Pierre Bergé, le collaborateur d'Yves Saint Laurent, a été le directeur de cette maison pendant longtemps : normalement, il y a toujours un cendrier un peu moche ou une machine à café poussiéreuse quelque part. À l'Athénée, rien n'est laid! Je suis vraiment tombée amoureuse de ce théâtre et également de sa communication, très réussie, toute en noir et blanc avec juste ce point fuschia… Et Amandine Gougeon a été tellement agréable! De toutes façons, après avoir découvert et visité le théâtre avec Patrice Martinet, le directeur, j'étais prête à dire oui à tout ce qu'ils me demanderaient!

    _ Comment avez-vous travaillé pour créer les costumes des ouvreurs et ouvreuses?
    _ Je voulais vraiment réfléchir à ce que l'Athénée représentait, et pour moi ce théâtre est le symbole de l'alliance entre classicisme et modernité, du jeu entre ancien et nouveau. Je ne suis pas là pour faire du commerce, ce n'est pas la question, mais bien pour mettre ce théâtre en valeur sans pour autant oublier le côté pratique de ces vêtements : les ouvreurs et ouvreuses sont des gens qui travaillent, donc il fallait que je leur conçoive des vêtements faciles à porter afin que cela soit à la fois fonctionnel et gai…

    © Gérard Cambon
    Agatha Ruiz de la Prada et Aline, directrice de salle. En second plan, de gauche à droite : Anne, Jean-Damien, Lucas, Janie, Mahmadou, Juliette, Hugo, Xavier et Amanda.

    _ Amandine Gougeon me disait qu'elle avait pensé à vous tout de suite et que vous êtes la seule créatrice qu'elle ait contactée cette année…
    _ C'est gentil! C'est vrai que le point fuschia que l'on retrouve dans tout le graphisme de l'Athénée se rapproche vraiment du cœur rose qui apparaît dans beaucoup de mes créations depuis le début. Et il faut dire aussi que j'ai déjà travaillé pour le monde du théâtre, en créant des costumes pour des spectacles : par exemple, j'ai conçu les décors et costumes du Chat Botté qui commence le 18 mars à l'Opéra de Lausanne -on organise d'ailleurs une soirée de gala en faveur de l'enfance le jour de la première, juste avant le spectacle. Ne plus faire que des costumes pour des spectacles, cela me plairait!

    _ Vous venez souvent à l'Athénée?
    _ J'aimerais venir davantage, mais je suis souvent en voyage… J'aime aller au théâtre de toutes façons, mais mes créations sont comme mes enfants, je veux les voir régulièrement et vérifier que tout cela marche bien."


    Je dois tout de même mettre fin à un mythe sur la beauté absolue de l'Athénée : en cherchant bien, on peut y trouver une photocopieuse même pas décorée à la feuille d'or, et aussi une tasse avec la tête de Marge Simpson.

    En attendant Godot
    de Samuel Beckett dans une mise en scène de Bernard Levy est en répétition à l'Athénée depuis la semaine dernière :  les représentations commencent le 5 mars! Bon mardi.


  • Prenez la porte - le blog change! • Coulisses




    Entretien avec Agatha Ruiz de la Prada

    19h30, j'ai rendez-vous avec Agatha Ruiz de la Prada avant la représentation à laquelle elle assiste : j'ai peur de ne pas la reconnaître mais elle se détache rapidement de la foule dans sa tenue rose et rouge -et comme pour ma part, j'étais en turquoise, j'imagine qu'elle n'a pas eu trop de mal à me trouver non plus.

    Agatha Ruiz de la Prada a créé les costumes des ouvreurs cette année à la demande de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet et sur une idée d'Amandine Gougeon, directrice du développement : d'après elle, les créations d'Agatha étaient faites pour l'Athénée (à moins que ce soit l'Athénée qui était faite pour Agatha) et à écouter l'enthousiasme et la gentillesse de la créatrice espagnole on se dit que ces deux-là se sont effectivement bien trouvés.


    "_ C'est la première fois que vous concevez des costumes d'ouvreurs pour un théâtre, qu'est-ce qui vous a plu dans l'Athénée ?
    _ J'aime énormément ce théâtre : il est tout petit et d'une beauté incroyable… D'ailleurs, on sent que Pierre Bergé, le collaborateur d'Yves Saint Laurent, a été le directeur de cette maison pendant longtemps : normalement, il y a toujours un cendrier un peu moche ou une machine à café poussiéreuse quelque part. À l'Athénée, rien n'est laid! Je suis vraiment tombée amoureuse de ce théâtre et également de sa communication, très réussie, toute en noir et blanc avec juste ce point fuschia… Et Amandine Gougeon a été tellement agréable! De toutes façons, après avoir découvert et visité le théâtre avec Patrice Martinet, le directeur, j'étais prête à dire oui à tout ce qu'ils me demanderaient!

    _ Comment avez-vous travaillé pour créer les costumes des ouvreurs et ouvreuses?
    _ Je voulais vraiment réfléchir à ce que l'Athénée représentait, et pour moi ce théâtre est le symbole de l'alliance entre classicisme et modernité, du jeu entre ancien et nouveau. Je ne suis pas là pour faire du commerce, ce n'est pas la question, mais bien pour mettre ce théâtre en valeur sans pour autant oublier le côté pratique de ces vêtements : les ouvreurs et ouvreuses sont des gens qui travaillent, donc il fallait que je leur conçoive des vêtements faciles à porter afin que cela soit à la fois fonctionnel et gai…

    © Gérard Cambon
    Agatha Ruiz de la Prada et Aline, directrice de salle. En second plan, de gauche à droite : Anne, Jean-Damien, Lucas, Janie, Mahmadou, Juliette, Hugo, Xavier et Amanda.

    _ Amandine Gougeon me disait qu'elle avait pensé à vous tout de suite et que vous êtes la seule créatrice qu'elle ait contactée cette année…
    _ C'est gentil! C'est vrai que le point fuschia que l'on retrouve dans tout le graphisme de l'Athénée se rapproche vraiment du cœur rose qui apparaît dans beaucoup de mes créations depuis le début. Et il faut dire aussi que j'ai déjà travaillé pour le monde du théâtre, en créant des costumes pour des spectacles : par exemple, j'ai conçu les décors et costumes du Chat Botté qui commence le 18 mars à l'Opéra de Lausanne -on organise d'ailleurs une soirée de gala en faveur de l'enfance le jour de la première, juste avant le spectacle. Ne plus faire que des costumes pour des spectacles, cela me plairait!

    _ Vous venez souvent à l'Athénée?
    _ J'aimerais venir davantage, mais je suis souvent en voyage… J'aime aller au théâtre de toutes façons, mais mes créations sont comme mes enfants, je veux les voir régulièrement et vérifier que tout cela marche bien."


    Je dois tout de même mettre fin à un mythe sur la beauté absolue de l'Athénée : en cherchant bien, on peut y trouver une photocopieuse même pas décorée à la feuille d'or, et aussi une tasse avec la tête de Marge Simpson.

    En attendant Godot
    de Samuel Beckett dans une mise en scène de Bernard Levy est en répétition à l'Athénée depuis la semaine dernière :  les représentations commencent le 5 mars! Bon mardi.


  • Ça fait des lustres • Coup de théâtre




    Le blog de Clémence pour l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet fête aujourd'hui son cent unième billet : cela ne fait que cinq mois finalement, bien peu pour un théâtre qui existe depuis plus de cent dix ans...


    L'Athénée mériterait d'ailleurs que l'on compte vraiment ses lustres, d'autant plus que les spectacles qu'il accueille en rajoutent : La Puce à l'oreille mise en scène par Paul Golub avait discrètement amené le sien du 15 janvier au 7 février derniers,


    mais on sent que Les Enfants terribles mis en scène par Paul Desveaux ne jouent pas exactement dans la même cour…


    Pour contempler cette suspension que, ne cherchez pas, vous ne pourrez jamais caser dans votre salon, il vous reste deux représentations : Les Enfants terribles se jouent encore ce soir et demain avant de partir à Besançon !

    Le cent deuxième billet attendra le lundi 23 février :

    le blog de l'Athénée fait une pause d'une semaine pour revenir un peu changé! En attendant, bon vendredi 13 et bonnes vacances à ceux qui en prennent...


  • Jean Glass et Philip Cocteau • Pleins feux




    Jean Cocteau est né la même année que Charlie Chaplin, Philip Glass celle où George Gerswhin est mort.

    Jean Cocteau connaît le succès dès ses dix-neuf ans, Philip Glass renie toutes les partitions qu'il a composées dans sa jeunesse.

    Jean Cocteau est bouleversé par la création du Sacre du Printemps de Stravinski à Paris dans la chorégraphie de Nijinsky, Philip Glass puise son inspiration dans des voyages en Inde, en Afrique et en Asie Centrale.

    Jean Cocteau s'engage volontairement comme ambulancier dans l'armée française lors de la première guerre mondiale, Philip Glass reste très méfiant à l'égard de la politique de son pays et s'associe par exemple avec le poète Allen Ginsberg pour créer une fresque au vitriol des États-Unis des années 50 à 80 intitulée Hydrogen Jukebox.

    Jean Cocteau est à la fois poète, romancier, dramaturge, dessinateur, essayiste, scénariste, dialoguiste et réalisateur, la musique de Philip Glass est autant jouée dans les salles de concerts qu'utilisée pour des publicités ou composée pour le cinéma.

    Jean Cocteau collabore beaucoup avec Christian Bérard, également décorateur et costumier de Louis Jouvet, Philip Glass n'est pas un habitué de l'Athénée fondé par ce dernier.

    Jean Cocteau est mort d'une crise cardiaque le jour où l'on vendait aux enchères la bibliothèque d'André Gide, Philip Glass adapte trois de ses œuvres en musique une trentaine d'années plus tard : Orphée, La Belle et la Bête et Les Enfants terribles.

    Pour découvrir la dernière dans la mise en scène de Paul Desveaux, c'est à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet jusqu'à samedi! Bon jeudi.


  • Ombre et lumière • Pleins feux




    Les Enfants terribles de Philip Glass et Jean Cocteau dans une mise en scène de Paul Desveaux a commencé hier soir à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

    La lumière était l'objet de toutes les attentions lors des répétitions, nous rappelant un certain Kelvin et ses confitures découverts avec Denis Léger et Dominique Lemaire, directeurs techniques de l'Athénée, lors de L'Opéra de quatre notes.

    Pour voir les enfants terribles en pleine lumière, il reste encore quelques places à saisir avant samedi !

    Bon mercredi.


  • C'est terrible • Entretien




    Entretien avec Stéphane Petitjean


    Vous connaissez peut-être déjà Philip Glass, compositeur américain né en 1937 et auteur  d'une œuvre colossale où l'on peut citer Einstein on the Beach, Hydrogen Jukebox, la musique des films The Hours et Les Animaux amoureux ou Glassworks.
    Vous pourrez découvrir à partir de ce soir à l'Athénée Les Enfants terribles, l'opéra qu'il a composé à partir de l'œuvre de Jean Cocteau du même nom.

    Stéphane Petitjean est l'un des trois pianistes des Enfants terribles avec qui on a pu parler entre sa représentation à l'Odyssud de Blagnac, près de Toulouse, et ses répétitions à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet.


    "_ La musique de Philip Glass a-t-elle quelque chose de particulier pour un pianiste ?
    _ Glass compose une musique très fluide avec son style propre qui, même si elle est plutôt simple techniquement, présente des difficultés. La particularité des Enfants terribles reste l'enchevêtrement de ces trois pianos où, lorsqu'on joue, on ne peut pas distinguer la partie que l'on joue soi-même des deux autres. C'est une musique très envoûtante qui permet de se laisser aller à un état assez inhabituel en concert, en tout cas pour moi. Dramatiquement, Les Enfants terribles est un opéra très réussi où la musique est très cohérente par rapport à son sujet.

    _ Puisque les trois parties de piano sont mêlées les unes aux autres, j'imagine que vous n'avez jamais travaillé séparément?

    _ Il y avait effectivement peu d'intérêt à répéter chacun de son côté : nous travaillons ensemble depuis le tout début.

    _ Jouez-vous sur scène ou dans la fosse ?

    _ Nous sommes sur scène, derrière les chanteurs, sauf qu'eux ne nous voient pas et n'ont pas de retours vidéo ! Cela renforce la concentration de tous et nous oblige à beaucoup d'attention : nous formons un vrai groupe, avec un rapport très fusionnel et un sens du collectif assez intense. Nous avons une grande complicité et nous regardons beaucoup. Et d'être sur scène nous permet de nous sentir vraiment intégrés au spectacle, on fait partie du décor…

    _ Est-ce difficile pour vous de jouer sur un piano électronique ?
    _ Philip Glass a précisé que Les Enfants terribles pouvait être interprété avec des pianos électroniques ou acoustiques, et nous avons choisi les pianos électroniques essentiellement pour faciliter la tournée : c'est bien moins encombrant! Un pianiste n'est jamais vraiment ravi de jouer sur un piano électronique, mais passé cette première impression, il s'agit surtout d'apprivoiser le piano : c'est un travail personnel que chaque pianiste fait avec tous les pianos quels qu'ils soient."


    Pour un petit aperçu des Enfants terribles dans la mise en scène de Paul Desveaux, vous pouvez consulter un extrait vidéo sur le site de l'Athénée. Pour une vision intégrale, vous avez quatre représentations à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet! Le spectacle s'en va ensuite au Théâtre Musical de Besançon avant, peut-être, une nouvelle tournée…

    Bon mardi !


  • Nous afons les moyens de fous faire parler • Perspective




    La magie de la technologie nous permet de savoir combien il y a de visiteurs sur ce blog mais aussi comment ils s'y retrouvent : beaucoup d'entre vous arrivent en provenance directe de leur boîte mail où ils reçoivent quotidiennement les billets, certains ont simplement tapé l'adresse du blog dans leur navigateur internet, d'autres ont cliqué sur un lien du site internet de l'Athénée, d'autres encore arrivent par des moteurs de recherche type Google ou Yahoo search.

    Ces derniers ont le plus souvent écrit "blog clémence", "blog athénée" ou les titres des spectacles et des artistes présents à l'Athénée.
    D'autres, plus rares, ont tapé "clémence à poil" et ont dû être déçus de tomber sur ce blog où, ne cherchez pas, je n'apparais qu'habillée (et vu qu'une jeune chanteuse a l'impudence d'avoir le même prénom que moi, j'imagine que c'était elle, l'objet des recherches, ou alors j'ai beaucoup d'admirateurs secrets).
    Dans la catégorie des déçus, il y a sans doute également ceux qui cherchaient "petit ours brun fait du ski" (si si, il y a un lien avec moi, il est ici), "plan d'un zootrope" (le rapport est ) ou "divertissement anti-pascalien" (là, par contre…).
    Il y a également des requêtes plus précises qui ont pu être satisfaites sur le blog, comme "machin pour frapper les trois coups", "origine des applaudissements", "spectateurs qui toussent" ou  "relation actrice metteur en scène".

    Mais finalement, beaucoup de requêtes portent sur les affiches de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, que cela soit "affiches Athénée" ou les phrases qu'elles lançaient, comme "À chaque fois on s'embrasse et puis y a rien de fait", "Nous allons attaquer le mur de l'intimité" ou "La Police, c'est vous !" : ces affiches vous interpellent donc manifestement, aussi seriez-vous sans doute intéressés de savoir comment ces phrases ont-elles été choisies...

    Cela sera l'objet d'un prochain billet : en attendant, bon lundi et, vu que La Puce à l'oreille est finie, à demain pour le débuts des Enfants Terribles!


  • Tournel, Brontis, toujours les pizzas et moi. • Entretien




    Entretien avec Brontis Jodorowsky

    Rappelez-vous, nous avions laissé hier David Ayala, comédien dans La Puce à l'oreille, à sa quête de pizzas. C'est dans le foyer des comédiens que nous trouvons Brontis Jodorowsky, interprète du rôle de Tournel dans la pièce, en train de dîner lui aussi.

    "_ J'ai vu que tu prenais beaucoup de photos pendant les répétitions…

    _ Je n'en prends pas tant que cela. Disons que j'aime bien faire des petits reportages des pièces dans lesquelles je joue pour garder un souvenir et surtout, bien sûr, pour alimenter le futur musée Brontis Jodorowsky qui ouvrira évidemment après ma mort. Je garde également toutes mes affiches de spectacle dont mes enfants ne sauront sans doute pas quoi faire… Je nous ai photographiés, David Ayala et moi, dans le miroir, mais mon ego en a pris un coup : on se sent toujours plus beau de l'intérieur que ce qu'on est en fait à l'extérieur…

    _ Je ne sais pas, je crois qu'il y a aussi des gens qui se sentent moches de l'intérieur…
    _ Moi, ça serait plutôt le contraire. Un jour, j'ai pris le public en photo en moment des saluts mais, finalement, je me suis trouvé un peu cavalier, comme si je commettais un sacrilège dans ce monde du théâtre où le rituel est important. Tu sais, un peu comme tous ces touristes qui font la queue pendant des heures pour passer devant La Joconde et qui, une fois arrivés devant, la regardent à peine, ne pensant qu'à la prendre en photo : autant acheter une carte postale!  (David Ayala arrive avec deux pizzas) Tu as pris une Margarita?
    David Ayala : _ Non, j'ai pris au saumon. Elle a une drôle de tête cette pizza d'ailleurs, elle est presque pornographique...
    _ Arrête, je crois que Clémence est en train de noter tout ce qu'on dit.

    _ Ce n'est pas grave, ce n'est pas la première fois qu'un artiste de l'Athénée me parle de pornographie. J'ai vu ces petites planches de bois dans les coulisses, pourquoi s'appellent-elles Taloche et Grosse Baffe ?

    _ Ce sont les bouts de bois que l'on claque l'un contre l'autre au moment où le personnage d'Olympe Ferraillon joué par Brigitte Boucher se prend quelques baffes…

    _ Tu as travaillé sur la gestuelle du chien pour interpréter Tournel, pourquoi?
    _ Pour plusieurs raisons : tout d'abord, Tournel est le meilleur ami de Chandebise comme le chien est le meilleur ami de l'homme. Ensuite, les personnages de La Puce à l'oreille sont tous pris dans des carcans et des conventions sociales, ce sont des personnages qui jouent eux-mêmes un personnage et cela me semblait important de le souligner. Enfin,  Feydeau travaille beaucoup sur la langue et la prononciation : et comme on a dans La Puce à l'oreille le personnage de Camille qui ne peut pas prononcer les consonnes, il y a dans La Main passe un personnage qui ne parle qu'en aboyant, parce que sa mère a couché avec un lévrier! Feydeau va jusque-là dans ces espèces de spasmes qui font ressortir la nature animale de ses personnages! Quant à Tournel, il est dans un rapport de possession quasi-animale par rapport à Raymonde Chandebise...

    _ En fait, tu as un petit accent étranger qu'on ne remarque pas du tout sur scène…

    _ Je travaille pour qu'il ne s'entende pas justement !
    David Ayala en train de manger sa pizza :
    _ Tu as un accent, toi ?
    _ Apparemment il s'entend surtout lorsque je suis en train de manger un sandwich. En fait ma mère est française, mon père est chilien et je suis né au Mexique, donc j'ai commencé par l'espagnol.
    _ Et tu as un nom qui a plutôt l'air de venir de Russie ou d'Europe de l'est…
    _ Et alors, j'ai le droit d'être né au Mexique quand même !

    _ Comment appréhendes-tu tes personnages ?
    _ J'espère que chaque rôle soit une rencontre où, comme dans la vie, tu vas vers quelqu'un pour apprendre à mieux le connaître. Pour moi, il faut essayer de connaître le personnage sans a priori ni opinion préconçue.

    _ Je crois que tu fais de la mise en scène aussi?
    _ Oui, là je monte Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, qui sera représenté les 3 et 5 avril au Théâtre Musical de Besançon. Nous commençons les répétitions bientôt : j'espère que cela sera bien… (Stanislas de la Tousche, interprète de l'oncle Baptistin, saisit à ce moment-là le micro pour annoncer à toute l'équipe qu'il tient à nous faire partager une pensée de Francis Scott Fitzgerald, l'auteur de L'étrange Histoire de Benjamin Button, et annonce que "notre vie est définie par des opportunités manquées".) J'en ai une mieux, tirée de La Chaise vide de Rabbi Nachman de Breslau chez Gallimard : "Trouver la joie véritable est sans doute ce qu'il y a de plus difficile sur le chemin spirituel. Si la seule façon de vous rendre heureux est de faire quelque chose de stupide, faites-le."

    _ Cela sera donc le mot de la fin…
    _ Oui, c'est de toutes façons l'heure d'aller me laver les cheveux.
    _ Tu te laves les cheveux avant chaque représentation?
    _ Évidemment, c'est Tournel! Tournel est impeccable, Tournel prend soin de lui, Tournel est nickel chrome, Tournel se lave les cheveux, se brosse les dents et se met de la crème pour les mains avant chaque représentation!"

    La Puce à l'oreille se joue jusqu'à demain à l'Athénée et part ensuite en tournée à Creil, Vélizy-Villacoublay, Bourg en Bresse, Draguignan, Châtenay-Malabry, Le Creusot, Sète, Colombes, Arras, Montluçon, Oyonnax et Le Mans.

    La semaine prochaine, place aux Enfants Terribles de Jean Cocteau et Philip Glass pour quatre représentations !


  • Chandebise, Poche, David, les pizzas et moi. • Entretien




    Entretien avec David Ayala

    David Ayala est le comédien principal de La Puce à l'oreille actuellement représentée à l'Athénée dans la mise en scène de Paul Golub : méconnaissable lorsqu'il passe du rôle de Monsieur de Chandebise à celui du valet Poche, il est encore physiquement différent dans la vie au point qu'on pourrait presque ne pas le reconnaître en le croisant dans les escaliers de l'Athénée :

    "_ Oui, Chandebise et Poche sont extrêmement dissemblables : Chandebise est un financier un peu bling-bling et très bien coiffé là où Poche est un homme à la marge, une sorte de Boudu sauvé des eaux qui arrive toujours comme un chien dans un jeu de quilles. C'est vraiment un défi pour un acteur, mais cela s'est finalement fait assez facilement.

    _ C'est vrai que Chandebise a des goûts bling-bling, il n'y a qu'à regarder les tableaux qu'il met dans son salon…

    _ ça? C'est un Jean-Michel Basquiat!
    _ Ah? Hem oui bon voilà voilà voilà, ce n'était pas marqué dessus en même temps, changeons de sujet : tu connais Paul Golub, le metteur en scène, depuis longtemps?
    _ Oui, il a été mon professeur en 1990 dans le cours Acting in English de l'École du Passage. Et il a été lui-même l'élève de Patrice Martinet, le directeur de l'Athénée : c'est assez drôle, toute cette histoire de filiation et de transmission sur ce projet…

    _ Tu as été professeur toi-même?
    _ Oui, beaucoup, mais moins maintenant. La pédagogie n'est pas ce que je préfère, et maintenant que je m'occupe de la compagnie La Nuit Remue, j'ai beaucoup moins de temps à y consacrer. C'est une compagnie pour laquelle je suis metteur en scène, mais j'ai également en charge la production et la diffusion des spectacles : on en a créé onze en treize ans, c'est donc beaucoup de travail.
    Nous jouons notre prochain spectacle, Scanner, du 2 au 21 mars au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis : c'est une sorte de non-spectacle déambulatoire qui dénonce le spectacle selon la définition qu'en donne Guy Debord, c'est-à-dire la société sous l'emprise capitaliste dans laquelle on vit. Cela me prend beaucoup de temps de m'occuper à la fois de la mise en scène, de la gestion, de la logistique et de la communication, même si j'ai heureusement des gens qui m'aident! Mais à côté de cela, Feydeau est une récréation…

    _ Jouer La Puce à l'oreille est donc une détente pour toi? Pas de fatigue, pas de trac?
    _ La fatigue si, bien sûr, elle existe, et La Puce à l'oreille est une récréation épuisante. Mais j'ai beaucoup de plaisir à jouer, il y a une magie Feydeau qui crée une sorte de contamination du rire qui est très agréable. Quant au trac, je l'ai eu, mais malheureusement ce n'est plus le cas maintenant.

    _ Malheureusement?
    _Oui, quelque part c'est gênant cette anémie en trac : je rentre en scène comme je pénètre dans mon salon! Enfin je te rassure, mon salon n'a pas la même déco que celui de Chandebise. J'ai davantage peur en faisant de la mise en scène, c'est sûr…

    _ Pourquoi tu as plein de bagues aux doigts? Tu en as combien, d'ailleurs?
    _ J'en ai six. Chacune correspond à un souvenir, un voyage, une personne… Mais je les enlève évidemment pour jouer !

    _ Et à part enlever tes bagues, tu as d'autres rituels avant une représentation?
    _ Pas vraiment. Je m'habille, je me prépare, je fume, je raconte des conneries : faire des blagues c'est ma forme d'échauffement, je veux que la représentation soit vivante. À ceux qui font du yoga, je m'amuse à dire en passant que cela ne sert à rien, un peu comme Edward Bond qui disaient aux acteurs qui s'échauffent : "it's useless"…

    Cédric, responsable du bar de l'Athénée où nous nous trouvons avec David, se passionne peut-être secrètement pour le yoga puisqu'il demande :
    _ Il y a des acteurs qui font du yoga avant de jouer?
    _ Non, pas sur La Puce à l'oreille. Mais après tout chacun ses rituels! Lorsque les comédiens demandaient à Edward Bond ce qu'il fallait donc faire pour s'échauffer, il répondait : "It's a secret…". (Son téléphone sonne) Oui, je vais chercher les pizzas et j'arrive! (Il raccroche) Tu m'excuses, je vais devoir y aller, enfin si tu n'as pas d'autres questions bien sûr. En fait, mon échauffement de ce soir, c'est d'aller chercher des pizzas."


    L'histoire des pizzas ne s'arrête pas là : pour la suite du diptyque, rendez-vous demain!


    Et pour voir David Ayala et toute la troupe de La Puce à l'oreille, vous avez jusqu'à samedi… Bon jeudi.


  • Le sondage et ses résultats • Perspective




    La semaine dernière, je vous posais une question sur votre vision de la grève, inaugurant ainsi le sondage sur le blog.

    Sur les 7000 inscrits que vous êtes, 120 personnes ont répondu dans les proportions suivantes : 46% se sont prononcés en faveur de la grève des théâtres en indiquant faire la grève eux-mêmes, 27% étaient également en faveur de la grève des théâtres mais sans être grévistes eux-mêmes, 24% se sont déclarés contre la grève de manière générale et enfin 3% ont affirmé être contre la grève des théâtres.

    Les personnes approuvant la grève sont donc au nombre de 73% selon ce mini-sondage, ce qui, étrangement, s'approche très étroitement des résultats obtenus par les enquêtes menées selon des méthodes sans doute plus scientifiques que les nôtres : un sondage CSA estime les sympathisants à 69%, et pour l'IFOP, ils sont évalués à 75%.

    Chers répondants, vous étiez donc assez peu au regard du nombre de personnes qui reçoivent ce billet tous les jours, mais finalement très représentatifs de la population française : vous ne l'avez pas fait exprès, mais bravo tout de même.

    La Puce à l'oreille joue ses dernières représentations cette semaine : après, place aux Enfants Terribles !

    Bonne journée à tous.

    PS : puisqu'on parle de sondages, n'hésitez pas à répondre à celui lancé par le blog Images de danse sur la place de la critique de spectacle: ses sept questions sont ici.


  • La Puce dans le décor • Pleins feux





    Dans La Puce à l'oreille, le décor de théâtre se défait et la bourgeoisie du début du 20e aussi.

    À l'Athénée, c'est jusqu'à samedi!

    Bon mardi


  • Oui, je le vœux. • Coulisses




    Depuis samedi, on n'a théoriquement plus le droit de se souhaiter la bonne année : ce qui me fait penser que vous vous souvenez sans doute de la phrase choisie cette année par l'Athénée, "Rien ne va plus, faites vos vœux", mais que vous ne savez peut-être pas comment elle a été trouvée.

    Le Théâtre ne paye pas encore d'attachés à la communication uniquement chargés de trouver des slogans de carte de vœux, et les propositions ont été glanées parmi le personnel : parmi les différentes idées de pluie de deux mille chiffre "9", de Cantatrice qui vœux des cheveux et autres "Théâtre, musique, vous avez dit 2009?", c'est la proposition de Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général, qui a fait l'unanimité.

    Les techniciens sont souvent des gens de l'ombre mais comme vous l'avez remarqué avec les tribulations de Dominique Lemaire et Denis Léger, directeurs techniques, ou les petits cailloux de Jean-Noël de Marcovitch, régisseur général (et encore, sur lui on ne vous dit pas encore tout, mais j'ai un dossier sur la question), ceux de l'Athénée sont plutôt du genre piliers de la maison -et sources quasi-inépuisables d'idées pour le blog d'ailleurs.

    Bonne journée à tous les techniciens de l'Athénée et d'ailleurs, et bonne année (tant pis pour l'interdiction) à tous!

    PS : quelque chose me dit que vous pourrez  encore (re)voir la carte de vœux de l'Athénée ici...


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (5) • La corde verte du lapin qui siffle




    J'ai des faux airs de moine templier, mais loin de moi l'idée d'évoquer quoique ce soit de sacré. Je ne suis pas tout plat comme la photo a l'air de le suggérer et ai même tendance à franchement peser. Devinerez-vous mon utilité?

    Du côté de l'Athénée, après la journée de grève nationale, La Puce à l'oreille reprend dès aujourd'hui. Sur le blog, le sondage sur la grève reste actif jusqu'à ce soir, n'hésitez pas à venir cocher une case!

    Bon week-end à tous.


  • Alors, on grève ? • Perspective




    Que pensez-vous de cette grève? Répondez au sondage sur le blog de l'Athénée !

    En effet, une grève dans les secteurs publics et privés a été lancée de manière unitaire par huit syndicats français afin de protester contre la politique économique menée par le gouvernement de Messieurs Sarkozy et Fillon.

    Les revendications principales sont au nombre de cinq : donner la priorité aux emplois, améliorer le pouvoir d'achat des salariés, orienter la relance économique vers l'emploi et le pouvoir d'achat, préserver les garanties collectives (en particulier la loi sur le travail dominical ou sur le temps de travail) et réglementer la finance internationale.

    Comme vous l'avez remarqué puisque je vous écris (je sais que vous êtes observateurs), j'ai décidé de ne pas faire la grève du blog de l'Athénée.
    Que cela ne vous trompe pas, la représentation de ce soir de La Puce à l'oreille est bien annulée, comme dans beaucoup d'autres théâtres français!

    Je profite de cette journée de débat pour inaugurer le sondage sur le blog : une seule réponse est à donner, et pour ceux qui souhaitent développer il reste toujours la possibilité d'écrire des commentaires en bas de ce billet! (suivez les liens juste en-dessous)

    Bonne journée !


  • Bruits de couloir • Pleins feux




    Conversations avec les comédiens de La Puce à l'oreille en traînant dans les loges :

    "_ Qu'est-ce que vous faites avant le spectacle, à part, comme maintenant, lire un livre en mangeant une banane?
    _ Et bien, je lis un livre en mangeant une banane."

    "_ J'ai pris des photos de votre loge, j'espère que cela ne vous dérange pas…
    _ Je ne vois pas ce qu'elle a de spécial, mais non, cela ne me dérange pas… C'est parce que c'est le bazar, c'est ça?"

    "_ Vous avez une loge plus grande que les autres, vous deux : c'est parce vous avez les premiers rôles?
    _ Oh non, on n'a pas des rôles importants nous.
    _ T'as pas un rôle important, toi? Non mais attends, moi ok, je suis le valet, mais toi, tu es le docteur!
    _ (silence) Bon de toutes façons, qu'est-ce que c'est un rôle important, tu peux me le dire ?"

    " _ Cela ne vous dérange pas d'être à deux dans une loge ?
    _ Non, on se connaît déjà bien. Par contre, j'amène souvent de la musique, et j'arrive jamais à savoir si ça le gêne. Cela te gêne, alors?
    _ (silence) Non.
    _ Et bien voilà! C'est comme avec la thérapie de couple, il suffisait d'être avec une tierce personne pour engager le dialogue."

    "_ Ce qui est bizarre avec la salle de l'Athénée, c'est qu'on a l'impression que le public est tout près."

    "_Je vous préviens, ce soir j'ai une amie qui vient, et elle est très bruyante quand elle rigole au théâtre.
    _ Ok, donc si on entend rien, ça veut dire que c'est nul. Merci, tu me rassures avant de jouer."

    "_ C'est qui?
    _ Aaaaah vous m'avez fait peur, je ne pensais pas trouver quelqu'un allongé dans le noir dans l'atelier costumes!
    _ C'est pas grave, mais c'est qui?"

    "_ Vous n'arrivez que maintenant, vous?
    _ Parce qu'on se vouvoie?
    _ Tu n'arrives que maintenant, toi?
    _ Oui, je n'entre en scène qu'après une demi-heure de représentation, et je préfère ne pas être là trop tôt sinon j'ai vraiment le trac."

    "_ Tu nous excuses, comme on joue bientôt, on n'est pas très bavards…"

    La Puce à l'oreille continue jusqu'au 7 février, mais veuillez bien noter qu'en raison du mouvement de grève de la majorité de l’équipe de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet et de l’équipe artistique de La Puce à l’oreille, la représentation de demain est annulée.

    Bonne journée !


  • La musique à l'oreille • Pleins feux




    Ils étaient bien là hier après-midi pour le concert de l'apprenti-mélomane de la pianiste Claire-Marie Le Guay : quatre cents cinquante-six enfants très sages et leurs quatre-vingts-dix accompagnateurs (très sages aussi).

    Le seul moment où ils ont fait un peu de chahut a été à l'heure du départ : pas besoin de beaucoup de concentration pour enfiler son blouson, d'autant que le concert appelait manifestement à beaucoup de commentaires.

    Un long chapelet de gentils mouflets s'est ensuite longuement égrené dans le Square de l'Opéra Louis-Jouvet.

    Touchés par la lumière (à moins que j'extrapole à partir d'une photo surexposée, peut-être), nos apprentis mélomanes ont ensuite laissé la place aux spectateurs plus grands du concert du soir.


    Le désordre amoureux de La Puce à l'oreille reprend ses droits à partir d'aujourd'hui : vous pouvez y amener vos petits, mais à votre charge ensuite de répondre à leurs petites questions sur les choses de la vie…

    Bon mardi !


  • J'aime beaucoup les enfants • Pleins feux




    Les enfants étaient bien sages samedi dernier à la FNAC des Ternes à l'occasion de la rencontre avec la pianiste Claire-Marie Le Guay.


    Pour la résidence qu'elle entame à l'Athénée, Claire-Marie Le Guay a en effet choisi de mettre en place, en partenariat avec l'équipe du Théâtre, le projet de l'apprenti-mélomane. Après avoir rencontré Claire-Marie Le Guay la semaine dernière, les quatre cents cinquante enfants sensibilisés vont donc venir cet après-midi pour un concert à l'Athénée.

    Si vous n'êtes pas un enfant de moins de douze ans, vous pouvez venir ce soir à 20h. Vous pourrez y entendre un beau jeu de miroirs entre les œuvres de Haydn, Mozart et Liszt et surtout, si ce n'est déjà fait, découvrir la musique de Thierry Escaich.

    Il faut dire que ce compositeur contemporain né en 1965 n'est pas tout-à-fait un artiste comme les autres. Refusant de se construire un style prédéfini, Thierry Escaich écrit ainsi une musique extrêmement personnelle et inclassable.

    Il a composé spécialement pour ce concert des Études baroques que vous découvrirez ce soir en création mondiale : baroques, parce que ces études sont ce qui reste en Thierry Escaich après avoir écouté des Chorals de Bach, une sorte de surimpression d'aujourd'hui sur de la musique d'hier...

    La musique est une vaste histoire de filiation, de correspondances et surtout de transmission : c'est pour cela que Claire-Marie Le Guay et l'équipe de l'Athénée affronteront aujourd'hui quatre cents cinquante enfants âgés de six à onze ans.
    Saluons-les d'avoir le courage de leurs ambitions et, honnêtement, souhaitons-leur quand même bonne chance…

    À ce soir pour ceux qui seront là, et à bientôt pour La Puce à l'oreille qui continue jusqu'au 7 février. Bon lundi à tous!


  • En face à face • Perspective




    Vous connaissez déjà le quatuor à cordes Psophos, qui honore l'Athénée de sa présence musicale depuis octobre 2006 : vous allez bientôt apprendre à connaître Claire-Marie Le Guay, pianiste également en résidence à l'Athénée pour deux ans à partir de lundi prochain.

    Demain, vous pourrez la rencontrer à 16h à la FNAC des Ternes (Paris 17e) avant son premier concert qui aura lieu à l'Athénée lundi soir, lui-même suivi d'une discussion informelle avec ceux qui le souhaiteront.

    Les rencontres entre artistes et public me paraissent toujours un moment étrange et, tout comme les tousseurs, on peut faire plusieurs catégories de spectateurs rencontreurs :

    - le passif tendance timide maladif, qui aurait un tas de questions à poser, a le cœur qui bat pendant toute la rencontre à l'idée de lever la main et, parce qu'il a trop hésité, finit par se faire arrêter par un "bon, je vois qu'il n'y a plus de question".

    - le passif tendance je n'ai pas assez confiance en moi, qui ne cherche même pas de question à poser et préfère écouter ce que les autres ont de sans doute beaucoup plus intelligent (croit-il) à faire remarquer.

    - l'étudiant qui aimerait se lancer dans une carrière artistique et qui pose essentiellement des questions d'orientation, espérant souvent obtenir la recette miracle qui lui permettra d'entrer dans le cercle de la profession.

    - le néophyte, qui vient souvent pour la première fois et s'est décidé à poser toutes les questions qui l'ont taraudé, préférant passer pour un naïf pendant dix minutes plutôt que de repartir sans avoir rien compris. S'attire parfois les ricanements du rencontreur suivant :

    - le passionné très spécialiste, qui a lu le programme, le dossier de presse et la biographie de l'artiste et entend bien donner longuement ses impressions avant de faire semblant de poser une question.

    - le passionné très expert qui a regardé tout le spectacle avec un œil professionnel et pose une question concise et ramassée (aussi appelée "la question qui tue") à moitié pour avoir la réponse et à moitié pour provoquer.

    - le poil à gratter qui, le voulant ou non, met les pieds dans le plat et pose la question qui, pour une raison ou une autre, fait bondir la moitié du public et parfois l'artiste aussi : concerne surtout les questions qui mettent au jour une faiblesse (ou supposée comme telle) du spectacle ou de l'artiste.


    Quelle que soit la catégorie à laquelle vous appartenez, j'espère que les deux rencontres de demain et lundi avec Claire-Marie Le Guay seront animées et vous souhaite à tous une belle journée...

     

    PS : je suis toujours preneuse de photos de Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, version années 70...


  • Wanted : cheveux • Coulisses




    Nous avons appris avec beaucoup de surprise que Paul Golub, metteur en scène de La Puce à l'oreille actuellement en représentation à l'Athénée, avait eu Patrice Martinet comme professeur de français à New York en 1972.

    Le professeur et l'élève se sont ensuite retrouvés par hasard à une représentation du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare mis en scène par l'élève il y a douze ans, en Corrèze.

    Impressions des intéressés :

    Patrice Martinet : "_ Il portait un uniforme qu'il devait détester, et il était extrêmement sage. Je ne devais pas être très convaincant en professeur de français puisqu'il n'a pas continué dans les lettres"

    (Allons Patrice, pas de fausse modestie, il a quand même émigré en France où il fait du théâtre, ce n'est pas exactement comme s'il s'était lancé dans la contrebande)


    Paul Golub
    : "_ Alors que je n'ai habituellement pas un souvenir très net de mes professeurs, je me rappelle très bien les cours de Patrice Martinet, et j'ai gardé une très bonne impression de lui.
    C'était quelqu'un de très ouvert qui demandait à ses élèves de diriger la classe à sa place pendant une heure à sa place alors qu'on avait onze ou douze ans…
    Et vous saviez qu'à l'époque, il avait les cheveux longs?"

    Inutile de vous dire que depuis cette révélation fracassante, je suis prête à payer quiconque pourrait me donner une photo de Patrice Martinet version beatnik. À vos archives!

    Bon jeudi...


  • Viva l'Italia • D'hier à aujourd'hui




    Après tout, pourquoi rester dans un bureau pour travailler alors qu'on a une jolie salle juste à côté…

    Bon, en vrai, Églantine Desmoulins, attachée aux relations avec le public, et Guillaume Bourgain, secrétaire général, étaient dans la salle avant le début des représentations de La Puce à l'oreille pour déterminer s'il y avait des places à condamner : nous l'avons déjà évoqué, le théâtre à l'italienne pose quelques problèmes pratiques et si l'Athénée ne peut pas garantir une visibilité parfaite à tous ses spectateurs, il peut au moins faire en sorte que vous en voyiez le maximum.

    Une fois le décor mis en place et les répétitions commencées, l'équipe de l'Athénée arpente donc la salle de l'orchestre aux balcons et s'installe à votre place pour vérifier que vous ne paierez pas votre billet pour voir un bout de parquet.

    Mais ne rêvez pas, ce qui fait le charme de l'Athénée, c'est aussi d'essayer de deviner ce que l'on ne peut pas voir sur les côtés…

    Bonne journée!


  • "À chaque fois on s'embrasse et puis y a rien de fait" • Entretien




    Entretien avec Paul Golub

    Ancien comédien pour le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, Paul Golub est le directeur du Théâtre du Volcan Bleu et metteur en scène de La Puce à l'oreille de Feydeau actuellement joué à l'Athénée. Conversation mâtinée d'un très léger accent américain :


    Le rire et ses petites contrariétés

    "_ J'ai été surprise de voir que vous aviez créé des spectacles appartenant à des genres plutôt sérieux, avec des auteurs comme Shakespeare, Edgar Allan Poe, Vercors ou Federico Garcia Lorca, ainsi que des auteurs contemporains tels que Marc Dugowson, Koulsy Lamko ou Mohammed Kacimi. Comment en êtes-vous arrivé à monter du Feydeau?
    _ J'ai aussi monté des comédies, avec Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare ou des farces de Molière, mais c'était il y a longtemps, c'est vrai. J’avais un besoin presque physique de revenir à la comédie et au rire : c’est important pour moi d'alterner les genres et les écritures en essayant de comprendre quel texte ou sujet s’impose comme une nécessité à creuser.

     _ Et en quoi La Puce à l'oreille correspondait-elle à vos envies?
    _ Dans sa manière de parler du couple, sur comment les gens se rencontrent ou non, se méprennent et se déchirent : elle donne une vision terrifiante des relations humaines! Sous ses abords légers, La Puce à l'oreille interroge des sujets graves, notamment autour de la question du désir et du manque : comment comblons-nous nos désirs dans l'autre et par rapport à l'autre? Si Feydeau en tire une conclusion, c'est une vision très sombre de la rencontre à l'autre! Finalement tout le monde se pourchasse et personne ne fait rien : sexuellement parlant, c'est le vide... C'est une situation qui a son corollaire dans le langage des personnages qui dérape et se dérègle, entraînant des méprises, des quiproquos et une forme d’incompréhension donc de solitude très radicale, à laquelle l’être humain est réduit.

    _ Quelque part, vous vous inscrivez donc en faux par rapport à une certaine vision du rire : car beaucoup d'amateurs de théâtres déprécient les comédies sous prétexte que cela n'est que du divertissement…
    _ Oui, et si je peux me permettre, c'est un peu caractéristique de la France. Chez les  Anglo-saxons, il n'y a pas de jugement de valeur séparant comédies et tragédies, et d'ailleurs Shakespeare mélange toujours les deux! J'ai l'impression, même si je ne suis pas spécialiste de la question, que cela tient à la domination des règles et du ton néoclassiques, avec l’idée, un peu hautaine, que la comédie est une sorte de sous-produit culturel. Je pense au contraire que Feydeau est un génie et qu’il n’y a rien de plus noble et plus difficile que de faire rire les gens.

     
    L'inquiétant Feydeau

    _ Justement, qu'est-ce qui différencie Feydeau des auteurs de théâtre de boulevard que l'on ne joue plus aujourd'hui? Est-ce parce qu'il soulève des interrogations que le boulevard n'aborde pas habituellement?
    _ Feydeau et le théâtre de boulevard abordent effectivement la même thématique des problèmes amoureux et de la tromperie, mais il y a chez Feydeau une préoccupation très profonde et urgente avec un vrai souci d'identité : il a connu un divorce très douloureux, ne savait pas qui était son père et est mort fou en se prenant pour Napoléon III -qui était peut-être son vrai père, d'ailleurs. Dans ses pièces, la question de la folie est omniprésente. En somme, on retrouve toutes ses problématiques dans son théâtre où, en prenant une forme théâtrale conventionnelle et préexistante, le vaudeville, Feydeau fait quelque chose de très personnel, d’unique et de quasiment miraculeux dans la finesse et la complexité de sa construction.

    _ Vous êtes donc sensible à l'interprétation psychanalytique des œuvres artistiques, comme Sigmund Freud avait pu le faire avec Léonard de Vinci ou Gustav Mahler?
    _ La psychanalyse et la psychologie peuvent être très réductrices en matière d'art : il y a tout un tas de gens qui ont des problèmes et qui ne sont pas des génies! Mais cela convient bien à La Puce à l'oreille où le personnage principal, Chandebise, a un sosie qui apparaît dans l'hôtel : Freud parlait justement dans L'inquiétante Étrangeté du double qui surgit dans la vie ordinaire (et qui peut être un autre soi-même, d'ailleurs), créant ainsi un sentiment d'inquiétude. De même, il y a tout un dédoublement entre l'appartement et l'hôtel qui est le lieu de tous les fantasmes, la face cachée de la vie bourgeoise que Feydeau critique de manière très virulente.


    Puce-moumoute

    _ On l'a vu sur ce blog la semaine dernière, vous avez utilisé beaucoup de matières différentes à poils, à plumes et à moumoute pour votre décor : pourquoi tout ce travail sur le toucher?
    _ Je me suis notamment inspiré des photos de Bettina Rheims pour ce décor. Cette pièce est aussi une description sociale du milieu de la haute bourgeoise française et dépeint les mœurs d'une époque, même si ce n'est pas traité de manière réaliste, ou plutôt naturaliste : je souhaitais mettre en avant ce souci du détail propre aux intérieurs bourgeois en insistant sur l'hôtel qui reste le lieu de l'outrancier, kitsch, tout en le modernisant en reflet de notre époque."

    Pour attraper la puce à l'oreille, c'est jusqu'au 7 février à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet! Bonne journée.


  • Théâtre de poche • D'hier à aujourd'hui




    Vous ne l'avez peut-être jamais remarquée mais, entre les deux portes d'entrée de l'Athénée, vous pouvez trouver une maquette d'un spectacle de Louis Jouvet.

    Reproduction du décor construit par Christian Bérard, décorateur et costumier très proche de Louis Jouvet, pour L'École des femmes de Molière créé le 9 mai 1936 à l'Athénée, elle peut s'animer et s'allumer grâce à des petits leviers situés sur le côté.

    N'hésitez pas à vous amuser avec ce petit théâtre à volonté : après le traditionnel relâche du lundi soir, La Puce à l'oreille vous donne l'occasion de venir à l'Athénée jusqu'au 7 février! Bonne journée.


  • Où avais-je la tête ? • Coulisses




    Lors des répétitions de La Puce à l'oreille, Dominique Lemaire, directeur technique adjoint, discute avec les trois hommes sans tête.

     

    Perdant la tête également, il finira par s'asseoir entre deux paires de mains.

    La Puce à l'oreille de Feydeau dans une mise en scène de Paul Golub a commencé hier et continue jusqu'au 7 février ! Bon week-end et à lundi...


  • Puce-moumoute • Pleins feux




    En matière amoureuse, certains choisiront la soie, d'autres les peaux de bêtes. Dans La Puce à l'oreille qui commence ce soir à l'Athénée, ça serait plutôt la moumoute (rassurez-vous, il y a aussi des poils et de la peau de bête).

    Bon jeudi à tous!


  • Monsieur Sarkozy fait ses vœux • Perspective




    En matière amoureuse, certains choisiront la soie, d'autres les peaux de bêtes. Dans La Puce à l'oreille qui commence ce soir à l'Athénée, ça serait plutôt la moumoute (rassurez-vous, il y a aussi des poils et de la peau de bête).

    Bon jeudi à tous!


  • Excité comme une puce • Pleins feux




    Puce : insecte de très petite taille, de couleur brun-rouge, se déplaçant par sauts. Parasite de l'homme et de l'animal qu'il pique pour se nourrir de leur sang.
    Par analogie, désigne une personne de petite taille ou un enfant.

    De couleur puce : d'une couleur marron tirant sur le brun-rouge.

    Pucer : dépouiller.

    Puceux : qui a beaucoup de puces.

    Secouer ses puces : se lever en s'ébrouant.

    Chercher les puces à quelqu'un : lui chercher les poux.

    Marché aux puces : cf Montreuil (ou Saint-Ouen).

    Avoir la puche en l'oreille (vers 1200) : être tracassé par des soucis amoureux.
    Mettre la puche à l'oreille (1310) : provoquer un désir amoureux.
    Mettre à quelqu'un la puce en l'oreille (1316) : intriguer, éveiller la méfiance de quelqu'un.
    Avoir la pulce à l'oreille (1642) : être inquiet.

    Pour les soucis amoureux mêlés de désir et d'inquiétude chez les personnes vigilantes possédant une oreille au centre de toutes les attentions appliqués au cas Feydeau, c'est à partir de ce jeudi et jusqu'au 7 février !

    Bon mardi!

    (Et comme précédemment, merci au Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales)


  • Petit ours brun va au théâtre • Coulisses




    Ne cherchons pas à savoir ce que Petit Ours Brun faisait là.

    Bonne reprise et à jeudi pour la première de La Puce à l'oreille !


  • La fenêtre de l'absurde • Coup de théâtre




    La fenêtre qui ne mène à rien évoquera peut-être à certains des bombardements en cette période troublée côté Moyen-Orient.

    Même en étudiant les plans du quartier avec Denis Léger, directeur technique de l'Athénée, on n'a pas pu trouver de quelle époque cette fenêtre pouvait bien dater, ni sur quoi elle devait donner, ni pourquoi elle est restée tout là-haut avec ses carreaux cassés. Une idée?

    Bon week-end et à lundi.


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (4) • La corde verte du lapin qui siffle




    Comme la pomme de grand secours, je veille à votre sécurité. Il faut m'adjoindre un autre objet pour que je puisse fonctionner. Qui suis-je?

    Bonne journée !


  • Sans transition • Pleins feux




    Puisque nous parlions hier de publicité à la télé, c'est l'occasion de vous montrer une équipe de TF1 venue réaliser un reportage sur La Cour du Roi Pétaud qui s'est terminé dimanche dernier.

    L'équipe de TF1 se mêle aux artistes en répétition pour les premiers repérages.

    Le Roi Pétaud VIII (Rodolphe Briand) et la Princesse Girandole (Mélody Louledjian) filmés en gros plan. Admirez l'abnégation du preneur de son qui, en bas à droite, tiendra sa perche à bout de bras par-dessus la fosse d'orchestre pendant toute la scène.

    Le Prince Léo pris dans ses filets (Emmanuelle Goizé) chante pour la caméra. Admirez toujours l'abnégation du preneur de son qui continue à tenir sa perche même hors du cadre de la photo.

    Le sujet a été diffusé au Journal Télévisé de TF1 à 20h le 1er janvier et est toujours visible ici. Il ne vous reste plus qu'à vous préparer pour La Puce à l'oreille de Feydeau mis en scène par Paul Golub et qui commence jeudi 15 janvier prochain !

    Bon mercredi et à demain.

     


  • À l'insu de notre plein gré • Perspective




    Ce fut donc hier soir la première soirée sans publicité chez les chaînes de télévision publiques. Je ne sais pas ce que cela a donné, je n'ai pas la télé.

    Ce qui est plus amusant en revanche, c'est que le spectacle prend une direction inverse et que le mécénat a tendance aujourd'hui à apparaître à la pointe de la gestion culturelle pour toute direction qui se respecte.

    Précisons que le mécénat, qui est un soutien apporté en théorie sans contrepartie, se différencie du sponsoring, qui est clairement un investissement publicitaire. Dans les faits, il est évident qu'une entreprise ne devient pas mécène par unique philanthropie mais bien parce qu'elle espère aussi pouvoir communiquer sur la question : si le mécénat se signale de manière discrète dans les théâtres, il apparaît bien plus clairement sur les supports de  communication de l'entreprise.
    Rien à voir donc, ou presque, avec le sponsoring qui consiste à s'afficher largement sur un événement, et vous vous doutez bien que les matchs de la coupe du monde de football sont davantage concernés par la question que les pièces de théâtre qui se jouent cinq fois devant six cents personnes par représentation -et encore, là on parle des chiffres de l'Athénée, car il y a des structures moins bien loties.

    Nous avions déjà évoqué le travail effectué par Amandine Gougeon, directrice du développement à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet : je ne reviendrai donc pas sur la question éthique de l'apport de fonds privés à une culture subventionnée. J'espère seulement pour l'audiovisuel public que la gestion financière de la suppression de la publicité sera conduite avec justice -et également plus de précision, si vous voyez ce que je veux dire. Parce que côté spectacle vivant, au-delà du plaisir de collaborer avec certaines entreprises sur des projets à long terme, précisons que les structures culturelles ne se sont pas lancées dans le mécénat par philanthropie non plus.

    Avènement (ou retour, c'est à voir) d'une télévision dépendant complètement de l'État avec tous les risques que cela comporte en matière de culture officielle mais aussi les avantages que cela représente pour votre temps de cerveau disponible d'un côté, spectacle vivant à qui l'on explique qu'il faut aller chercher son argent ailleurs de l'autre, cherchez l'erreur.

    Bon mardi!


  • L'angoisse du programmateur (1) -ou Le zootrope (2) • Coulisses




    Patrice Martinet, le directeur de l'Athénée, est un professionnel, un vrai.

    Lors des répétitions des spectacles qu'il programme, ici La Cour du Roi Pétaud qui s'est terminé hier dans les rires des spectateurs, il reste de marbre.

     

    Ah si, tiens, il a bougé, là :

    Bonne reprise à tous et bonne année à ceux qui n'auraient pas lu mes précédents billets!


  • La Cour des rois Brigands • Entretien




    Trouver un créneau horaire commun avec Jean-Philippe Salério pour un entretien téléphonique fut d'abord une histoire à rebondissements. Il commença par me rappeler après le message que je lui avais laissé :

    "_ Bonjour Monsieur Salério, si vous voulez on peut faire l'entretien dès maintenant!
    _ Ben c'est que là en fait, je suis dans le métro, je vous appelais juste pour qu'on fixe un rendez-vous… Vous m'appelez à 15h ?"

    Finalement, il me rappelle vingt minutes plus tard :
    "_ Je suis sorti du métro, on peut le faire maintenant si vous voulez!
    _ Ben c'est que là en fait, je m'apprêtais à manger, et j'ai faim. Je vous rappelle à 15h?"

    Finalement, il me rappelle à 14h45 :
    "_ Ben c'est que là en fait j'allais entrer dans un endroit où ça capte mal, alors je me suis dit que j'allais vous rappeler avant. "

    "_ Monsieur Salério, vous êtes le metteur en scène de La Cour du Roi Pétaud, comment avez-vous découvert l'œuvre ?
    _ Je viens du monde du théâtre, mais Loïc Boissier, directeur artistique de la compagnie des Brigands, m'a fait lire cette opérette. J'ai craqué, et il y a de quoi! Le livret est écrit comme une pièce de théâtre, et cela a été un plaisir de diriger des chanteurs exactement comme des acteurs.

    _ Elisabeth de Sauverzac, la costumière de La Cour du Roi Pétaud, me disait que l'histoire de Girandole était au centre de l'intrigue : vous êtes également parti de cela?
    _ Oui, Girandole est le fil conducteur de l'opérette qui est construite entièrement autour de ce personnage, y compris lorsqu'elle n'est pas encore là! Au premier acte, c'est déjà sa naissance qu'on attend, puis la boîte où elle apparaît est au centre de tout. Ensuite, l'escalier sont comme les marches d'un théâtre antique où Girandole assiste à une sorte de spectacle sur l'amour. Cet escalier, c'est aussi le symbole d'un pouvoir intemporel. C'est un royaume non datable où les marches représentent autant une agora qu'une assemblée nationale ou une échelle sociale à gravir.

    _ Vous avez donc une lecture assez politique de La Cour du Roi Pétaud ?
    _ Oui, évidemment, cette opérette est une parabole sur le pouvoir! Déjà, l'expression "pétaudière" est régulièrement employée pour évoquer une situation politique confuse. Girandole est broyée par le pouvoir tandis que les courtisans changent de camp quand cela les arrange ou qu'Alexibus, d'autant plus avec son costume blanc, évoque les dictateurs d'Amérique latine… Les acteurs endossent les rôles et s'amusent à les pousser très loin, comme des enfants qui jouent à faire "comme si"! Comme c'est une comédie, on tire ce qu'il y a de pire chez les gens pour s'en moquer, mais le sens est éminemment politique.

    _ Et le fait que le rôle du Prince Léo soit prévu pour être joué par une femme, qu'est-ce que cela signifie?
    _ Le fait qu'il soit interprété par une femme lui donne un côté gracile de très jeune homme. Le Prince Léo est un personnage assez positif d'ailleurs, il est complètement amoureux, romantique, doux, et ne retourne jamais sa veste. Mais c'est tout de même un enfant gâté qui veut la princesse tout de suite, d'où le costume de Zorro puis le costume doré à la Travolta

    _ Vous avez travaillé avec Nicolas Ducloux en chef de chant, Florence Évrard à la scénographie, Christophe Grapperon à la direction musicale, Jean-Marc Hoolbecq à la chorégraphie, Philippe Lacombe aux lumières et Elisabeth de Sauverzac aux costumes: la compagnie des Brigands, c'est plutôt une cour où chacun est maître ou la dictature du metteur en scène?
    _ Cette compagnie est un véritable collectif, une troupe où on travaille dans le sens de l'œuvre et non dans celui des individualités. C'est un dialogue constructif où tout le monde va dans la même direction, et je crois que cela se voit!"

    Vous avez encore les deux représentations de samedi et dimanche pour profiter de La Cour du Roi Pétaud à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Après, le spectacle sillonne la France à commencer par Le Carré Magique de Lannion dès mardi! Toutes les dates sont disponibles sur le site des Brigands.

    Bon week-end à tous et bon début d'année 2009 !


  • Rien ne va plus • Coup de théâtre




     

    Bonne année à tous.


  • Rhabillé pour l'hiver • Coulisses




    La première fois que je vous ai parlé de Liza, habilleuse pour l'Athénée, Elisabeth de Sauverzac, créatrice des costumes pour La Cour du Roi Pétaud, avait laissé un commentaire en bas du billet pour expliquer qu'elle n'avait aucune crainte quant au soin qui serait apporté à ses créations dont nous pariions d'ailleurs la semaine dernière.

    Et elle avait raison, car Liza ne lésine pas sur le soin qu'elle prodigue aux habits neufs de nos petits Brigands. On n'y pense pas souvent, mais un costume se salit, se déchire, se froisse, s'abîme, et pendant toute la durée d'exploitation c'est l'habilleuse qui relaie la costumière, même si les deux travaillent souvent de concert.

    Après chaque représentation, Liza nettoie et repasse les costumes :

    Ne croyez pas pour autant que les costumes une fois prêts resteront à attendre leur propriétaire sur un portant!

    Liza les descend de l'atelier, les accroche ensemble à mi-étage sur la rampe de l'escalier et part dans chaque loge les distribuer.

    Chaque comédien a donc tout sur place pour s'habiller, et Liza reste toujours pour les aider et leur parler.


    Je suis sûre qu'après le réveillon de ce soir, beaucoup d'entre vous auront des taches de vin rouge / mayonnaise / tarama / glace au chocolat sur leur chemise blanche / robe en mohair / top satiné / pantalon en velours côtelé : je vous rappelle donc qu'il existe dans l'atelier costumes une liste des taches et des moyens de les vaincre selon le tissu concerné que j'ai prise en photo. Je veux bien dévoiler les secrets des habilleuses de l'Athénée à tous les désespérés qui m'écriront après le réveillon…

    Bonne fin d'année à tous!


  • La police, c'est vous ! • Perspective




    Les Parisiens se souviendront peut-être des affiches qui lançaient en ce début de saison : "La police, c'est vous !" : aviez-vous reconnu de quelle pièce la phrase était tirée? C'est au choix parmi Rêve d'automne, L'Opéra de quatre notes, Le Tribun/Finale et Claus Peymann/Sik Sik.

    Quant à "Nous allons attaquer le mur de l'intimité", d'où provient-elle à votre avis? après la répétition, 2x4 du Quatuor Psophos, Les voix d'Olivier Messiaen ou La Cour du Roi Pétaud ? Vous évoque t-elle quelque chose de particulier?

    Avec des affiches moins explicites, des programmes de salle d'auteur et ce blog, un nouveau mode de communication se met en marche à l'Athénée : pour y participer il suffit de prendre cinq minutes en cliquant sur "ajouter un commentaire" en bas de ce billet. En espérant vous lire très bientôt, je vous souhaite un bon mardi!


  • À vue de nez • Pleins feux




    Alors, ce Noël? Pas trop dur pour ceux qui reprennent ce matin? Vous êtes tous en train de boire du bouillon en espérant éliminer les graisses accumulées?
    De son côté, La Cour du Roi Pétaud a repris dès samedi soir, et l'on s'est amusée à photographier ce que les musiciens avaient sous le nez : que voit un musicien d'orchestre lorsqu'il interprète une opérette à l'Athénée?

    Il se retrouve tout d'abord dans les dessous de scène et doit avoir un peu de nez pour s'orienter dans ce qu'on appelle souvent dans les salles de spectacle "la forêt".

    Bien heureusement, le chemin est indiqué, et même si l'on ne voit pas plus loin que le bout de son nez, les flèches blanches sont là pour se repérer dans l'obscurité!

    Une fois dans le couloir fléché, ce n'est plus le moment de se faire des pieds de nez, la fosse est si vite arrivée...

    Celle de l'Athénée n'est d'ailleurs pas immense et les pupitres peuvent vite se retrouver nez à nez.

    Mais finalement, nul besoin de porter le nez au vent pour apercevoir les spectateurs.

    Même si vous avez trop réveillonné et que la reprise est difficile, essayez aujourd'hui de ne pas piquer du… Enfin vous voyez ce que je veux dire.

    Bon lundi!


  • Mais n'te promène donc pas toute nue! • Entretien




    Costumière fidèle aux Brigands depuis la création de la compagnie, Elisabeth de Sauverzac a conçu les costumes de La Cour du Roi Pétaud avec force couleurs, poils, plumes et perruques improbables. Entretien téléphonique entre deux raccords :

    "_ Comment avez-vous travaillé sur La Cour du Roi Pétaud?

    _ On s'y prend quatre à cinq mois à l'avance. Pour ce spectacle, j'ai eu le feu vert sur les maquettes et les budgets début juillet et jusqu'à la première le 6 octobre à La Rochelle, je n'ai pas arrêté!
    Je travaille avec le metteur en scène, Jean-Philippe Salério, qui est le maître d'œuvre de ce qui se passe sur le plateau et qui m'explique ce qu'il a envie de raconter avec l'œuvre. C'est à partir de ce dont il rêve que je rebondis. Pour La Cour du Roi Pétaud, il voyait cela comme une cour perdue au milieu de nulle part où il n'y a pas de peuple, seulement des courtisans qui luttent pour être les plus beaux, les plus importants.
    À partir de là, j'ai inventé une mode non datable afin de ne pas faire apparaître une époque en particulier car cela n'intéressait pas Jean-Philippe Salério de placer l'opérette à une date précise. C'est donc une mode de cour créée à partir de bribes d'époques différentes, auxquelles j'ai ajouté la notion de basse-cour : ces courtisans sont des coqs et poules toujours en train de se pousser, et j'ai travaillé à partir de portraits de poules pour leur créer des silhouettes excentrées avec poitrine, cul et évidemment perruques.

    _ Parce que c'est vous qui avez également créé les perruques?
    _ Oui, bien sûr, parce que ce sont les coiffures qui terminent la silhouette! Alors j'ai passé une semaine avec une étudiante en Diplôme de Métier d'Art à coudre des cheveux, faire une mise en pli et vernir les perruques… On a fait tout cela dans un garage et très rapidement car le vernis utilisé est très toxique et sent vraiment très mauvais ! Mais heureusement les chanteurs ont accepté de les porter, ce qui n'était pas forcément gagné…

    _ Le costume qui m'a le plus marqué est le premier de, euh… La princesse au nom de champignon, morille, girolle, je ne sais plus…
    _ Girandole?
    _ Voilà! Je pensais à la première fois où elle apparaît, la robe accrochée à un grand drap blanc fixé verticalement à une monture en bois…
    _ En fait, cette opérette, c'est l'histoire de Girandole de sa naissance à sa découverte de l'amour. Avec Florence Évrard, la scénographe du spectacle, on a voulu travailler sur la continuité des matériaux qui l'accompagnent. C'est pourquoi, après le cocon blanc qui figure à la fois son berceau et l'accouchement, on a voulu réutiliser ce tissu.
    Pendant les dix-sept années qui suivent la naissance de la princesse, les courtisans se sont barricadés (c'est pour cette raison que leur costumes sont recouverts de housse au deuxième acte) et ont enfermé Girandole pour qu'elle ne sache rien de l'amour. Quand elle apparaît, on la voit comme une poupée rangée dans sa boîte, une princesse bloquée dans son écrin par la traîne de sa robe. Elle s'émancipe ensuite en se détachant de cette boîte puis en ouvrant sa robe.

    _ Et pour le Prince Léo joué par Emmanuelle Goizé, comment avez-vous travaillé sur ce personnage de travesti sans tomber dans le piège de la vulgarité?
    _ Le Prince Léo est à la fois un fils à papa à qui tout est dû et en même temps un grand romantique, d'où son costume de Zorro avec cape et foulard noirs la première fois où il apparaît en rôdeur. Pour sa deuxième apparition, il est mis dans les didascalies qu'il survient en "habits de lumière", et je l'imaginais en or face au blanc de Girandole et à l'argent des courtisans. C'est en voyant Travolta que j'ai eu le déclic et que je lui ai conçu un costume doré dans l'esprit de La Fièvre du samedi soir !

    _ Et pour le pantalon à poils de la troisième apparition?
    _ Dans cette scène, Girandole ne voit personne, elle ne fait que toucher ses partenaires : d'où les plumes de Volteface et les poils pour le Prince Léo…

    _ J'étais étonnée de voir que vous aviez également créé les costumes des spectacles précédents des Brigands : vous vous renouvelez considérablement à chaque fois!
    _ Heureusement! Je n'ai pas envie de me balader tout le temps avec la même charrette sur le dos… Évidemment, j'ai des choses qui me suivent, comme l'utilisation des couleurs, mais c'est la pièce ou l'opérette qui guide mon travail : c'est à chaque fois une histoire différente qui permet, dans mon métier, de vivre plein de vies et de voyager dans plein de recoins…"


    Pour votre information et contrairement à ce que je croyais, une girandole n'est pas une variété de champignon mais un faisceau de plusieurs jets d'eau, un chandelier, des boucles d'oreille ou une guirlande électrique (au choix). Pour découvrir la princesse du même nom, c'est jusqu'au 4 janvier.

    Quant à moi, je fais une pause de quelques jours et vous retrouverai lundi prochain! La Cour du Roi Pétaud s'arrête également à partir de ce soir pour reprendre samedi. Bon Noël ou bon Hanoucca (désolée si j'en oublie) à tous...


  • Les autres fantômes de l'Athénée • Coup de théâtre




    Je vous parlais il y a deux semaines de l'Athénée déserté en vous présentant des photos de fauteuils vides et de salles éteintes. Dominique Lemaire, directeur technique adjoint, et Amandine Gougeon, directrice du développement, ont eu plus de chance que moi, car il existe manifestement à l'Athénée des fantômes capables d'impressionner les pellicules:

    À quelle représentation imaginaire nos fantômes bien habillés pouvaient-ils assister? Peut-être à une Cour du Roi Pétaud version début 20e… Pour la version début 21e, c'est jusqu'au 4 janvier 2009!

    A demain...


  • Le zootrope • Pleins feux




    La Cour du Roi Pétaud, commencée hier soir dans la joie et la bonne humeur, répétait encore hier après-midi jusqu'à pas d'heure, et Jean-Marc Hoolbecq, créateur de la chorégraphie, dirigeait les interprètes avec beaucoup de conviction et un chouïa d'excitation. De la contemplation à la satisfaction en passant par l'agitation, chronique en image de l'art de la démonstration en matière de direction :

    Jean-Marc Hoolbecq sembla finalement satisfait et les artistes furent libérés : pas pour longtemps, car une équipe télévisée venue filmer les sollicita encore un instant pour quelques jolis gros plans. Grâce à Dieu (et à Patrice Martinet, directeur de l'Athénée), ils se reposeront ce soir : rendez-vous demain pour la suite de la pétaudière musicale!

    Bon week-end...


  • Glorieux comme un pet • Pleins feux




    Pet : bruit, claquement.

    Lâcher quelqu'un comme un pet : le quitter précipitamment.

    Faire du pet : faire du tapage.

    Porter le pet : porter plainte.

    Envoyer péter : envoyer promener.

    Péteur : se dit d'un homme que l'on a honteusement chassé d'un endroit.

    Péteux : peureux ou pédant, prétentieux.

    Pétaud : personnage légendaire aux occurrences multiples, tour à tour roi péteur ou homme solitaire et fugueur cherchant sa propre maison.

    En 1593 circule sous le manteau la Satyre Ménippée (que personne ne me reprenne encore sur l'orthographe de Satyre, c'est de l'ancien français!), violent pamphlet destiné à faciliter l'accession au trône du futur Henri IV face au Duc de Guise soutenu par le Roi d'Espagne dans un contexte de guerre de religion.
    Pétaud y est un roi chez qui règne le désordre, et l'on parle alors de "La Cour du roy Petauld, où chascun est maître" (là aussi c'est de l'ancien français, vous suivez?).

    Pétaudière, de la locution "Cour du Roi Pétaud" dans la Satyre Ménippée: lieu où règnent la confusion et l'anarchie.

    La Cour du Roi Pétaud, opéra-bouffe de Léo Delibes sur un livret d'Adolphe Jaime et Philippe Gille, se joue à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet à partir de ce soir et jusqu'au 4 janvier.
    Vous y retrouverez la compagnie des Brigands que vous avez déjà vue à l'Athénée dans Arsène Lupin Banquier, Les Brigands, Toi c'est moi, Ta Bouche, Le Docteur Ox ou Geneviève de Brabant.

    A ce soir pour la première, et bon jeudi!


    Merci au Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales.


  • Kof kof • Perspective




    "Si tu veux essayer de plaire à tout prix, tu pleures dès que tu en entends un tousser dans la salle!" expliquait Céline Sallette, comédienne d'après la répétition, à des lycéens le 25 novembre dernier.

    Heureusement que les artistes arrivent à ne plus (trop) se formaliser de ces événements sonores bien fréquents, même si, personnellement, il m'arrive d'avoir des envies de meurtre dans les salles où les toussoteurs sont légion et se raclent la gorge à foison. L'acoustique d'une salle à l'italienne comme celle de l'Athénée conçue pour que les spectateurs soient surtout là pour se montrer accentue légèrement le problème, et le moindre bruit corporel prend des proportions qui frôlent le phénomène.

    Mais il y a toux et toux, et il serait injuste de mettre tous les catarrheux dans le même crachoir : voici donc une petite typologie de la toux au théâtre.
    - Le bronchitique, le vrai, aux quintes de toux grasses assourdies dans une écharpe à qui on ne peut pas décemment en vouloir, à moins de trouver que tous les enrhumés devraient rester devant leur télé.

    - Le bronchitique, le vrai, aux quintes de toux grasses non assourdies dans une écharpe, qui ne cherche pas à être discret et à qui on peut décemment en vouloir de ne même pas faire semblant de mettre sa main devant sa bouche. Spécimen souvent âgé qui attend en général le moment émotion de la pièce pour se mettre à farfouiller dans son sachet de pastilles à la sève de pin des Alpes.

    - Le Parisien, l'authentique, qui se racle la gorge abîmée par la pollution à tout moment de la journée sans s'en rendre compte.

    - Le tousseur agaçant, l'intempestif, dont le toussotement tout sauf maladif apparaît comme un signe d'ennui ou de désapprobation. Genre de petite toux nerveuse et brève très fréquente au début de la pièce et qui s'évanouit au fur et à mesure que le spectacle étend son influence sur le public. Indice de manque de concentration, ce genre de toux semble arriver en réaction, comme si son émetteur cherchait à résister au spectacle ou à montrer aux autres qu'il n'est pas dupe de l'illusion.

    - Le toussoteur contagieux, l'inopportun, qui émet une toute petite toux au moment d'un silence sur scène ou entre deux mouvements d'une même œuvre musicale. En général, il en suffit d'un pour qu'une toux globale se déclenche dans la salle afin de meubler un silence ou embarrassant parce que plein d'émotion (et la toux arrive comme une alternative à la petite larme) ou contrariant parce la réaction est impossible à moins de passer pour un béotien qui n'a pas compris que l'œuvre n'était pas encore finie (on tousse alors au lieu d'applaudir).

    - Le toussoteur mondain, le tête à claques, qui émet un raclement de gorge sonore pour montrer qu'il est là. Toux bruyante et aiguë généralement suivie d'un air royalement indifférent aux têtes qui se tournent. Spécimen heureusement rare à l'Athénée.


    Je verrai jeudi pour la première de La Cour du Roi Pétaud si cet inventaire médico-social aura eu son petit effet, même si j'en doute beaucoup au vu de ces temps enrhumés...  Le récapitulatif est d'ailleurs peut-être incomplet et vous êtes invités à l'améliorer.

    Et vous d'ailleurs, quel tousseur êtes-vous?

    Bon mercredi!


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (3) • La corde verte du lapin qui siffle




    Cousin du brigadier et de la pomme de grand secours, mon inscription ménagère ne vous révélera rien de mes attributions. Si je suis aujourd'hui tombé en obsolescence, La Cour du Roi Pétaud se remplit avec tant de précipitation que mes services auraient pu être mis à contribution. À quoi donc ai-je bien pu servir ?


    Bon mardi !

     


  • Noms d'oiseaux • Coup de théâtre




    La semaine dernière, petit exercice avec Sylvie Dabek, opératrice de billetterie à l'Athénée : combien d'oiseaux connaissons-nous?

    Seule chez moi, j'en retrouve trente et un : faucon, caille, mésange, colombe, perruche, corbeau, perdrix, étourneau, aigle, geai, corneille, pigeon, héron, buse, fauvette, hirondelle, pic-vert, perroquet, alouette, merle, cigogne, grive, vautour, pinson, canard, pélican, rossignol, tourterelle, albatros, goéland, mouette.

    Olivier Messiaen, dont la semaine dédiée vient de se terminer à l'Athénée, en connaissait plus de quatre cents dont il avait retranscrit les chants.

    Mais j'y pense, le martinet, c'est aussi un oiseau, non? Cela fait donc trente-deux : merci au directeur de l'Athénée de faire dans l'ornithologie par sa généalogie… Il existe le martinet à collier blanc, le martinet de Sibérie, le martinet ramoneur ou encore le martinet épineux : je ne jugerai pas du caractère piquant (ou compliqué) du directeur mais une chose est sûre, on a trouvé le martinet à lunettes!!!

    (Si vous ne trouvez pas de message de moi demain matin, c'est que Patrice Martinet m'aura virée)

    Bon début de semaine à tous en attendant la pétaudière qui commencera dès jeudi!


  • Papa Schultz • Entretien




    Monsieur Claude Samuel, délégué général de l'association Messiaen 2008, est un monsieur très courtois qui, malgré son emploi du temps chargé en cette année de centenaire, m'accorda un long entretien auquel il arriva de surcroît à l'heure (le comble du luxe pour la blogueuse désormais familière du pied de grue).
    Morceaux choisis :

    "_ Alors, cette année Messiaen, qu'est-ce que cela donne?
    _ Il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement : il reste encore quelques semaines et nous n'avons pas recueilli toutes les informations. Mais nous en sommes à 1500 concerts Messiaen dans le monde pour cette année 2008! Il y a évidemment pas mal de manifestations en France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Hollande, au Canada, en Allemagne, au Japon, en Hongrie, en Islande, en Nouvelle-Calédonie, aux Etats-Unis, en Malaisie…
    Aujourd'hui, il y aurait dû y avoir un concert à Pékin, malheureusement annulé au dernier moment à cause du refroidissement des relations franco-chinoises suite à la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï-Lama…

    _ Pourquoi ce centenaire Messiaen a t-il tant de succès?
    _ Parce que cela répond à une demande du public! La musique de Messiaen utilise un langage extrêmement complexe, mais son grand pouvoir expressif et son caractère romantique, qui la mettaient d'ailleurs à contre-courant de son temps, la rend accessible. Il était en outre très attaché à la pédagogie et a eu énormément d'élèves comme Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Georges Tremblay… Beaucoup de compositeurs ont travaillé avec Messiaen : quand il est arrivé au Conservatoire en 1941…

    _ 1941? J'avais compris qu'il était resté prisonnier de guerre jusqu'en 1944 et que le poste de professeur lui avait été proposé à la fin de la guerre ?
    _ Il y a parfois des difficultés à établir des faits précis de certains pans de la vie de Messiaen, car c'était un homme de l'hyper secret. L'année Messiaen est d'ailleurs très bénéfique pour cela, car en plus de jouer ses œuvres, on s'est également interrogé sur lui. J'ai fait un nombre d'entretiens incroyable avec lui, et je peux vous dire que s'il pouvait passer des heures sur certains sujets comme l'ornithologie, il restait muet sur d'autres.
    Par exemple, au moment de la création de La Nativité du Seigneur en Grande-Bretagne, on lui avait demandé de rédiger sa biographie en anglais : et lui, qui avait un père professeur d'anglais traducteur de Shakespeare, répondit qu'il ne parlait pas anglais, pour ensuite parler dans sa biographie de sa mère, la poétesse Cécile Sauvage, sans même mentionner son père! Il avait sans nul doute un problème avec son père, mais il n'en a jamais parlé. Sa correspondance avec sa femme, la pianiste Yvonne Loriod, serait sans doute très précieuse, mais elle a demandé à ce que celle-ci soit détruite après sa mort : on verra si ses volontés seront respectées ou non...
    En ce qui concerne votre question de chronologie, il a été fait prisonnier dans un stalag en Silésie en juin 1940, et il a continué à composer de la musique là-bas. Il a été libéré en mars 1941 et a été nommé professeur au Conservatoire au printemps 1941. En fait, c'est au stalag qu'il a composé (et créé d'ailleurs, dans des conditions qu'on imagine difficiles!) le fameux Quatuor pour la fin du Temps joué avant-hier à l'Athénée par l'ensemble Aréthuse.

    _ On s'est souvent trompé sur le titre de ce Quatuor pour la fin du Temps
    _ Parce qu'il l'a composé alors qu'il était prisonnier, beaucoup l'ont effectivement uniquement relié à la guerre. Alors que pour Messiaen, ce titre relevait du domaine de la spiritualité. Il avait une vision joyeuse de la mort qui, pour lui, signifiait être hors du temps et hors de l'espace.

    _ Qu'est-ce qui explique que l'œuvre d'Olivier Messiaen ait été tant sujette à polémique?
    _ Tout d'abord, sa musique possède un côté lyrique et romantique là où le 20e siècle a eu tendance à rejeter l'expressivité pour privilégier la musique dite objective. Les textes qu'il rédigeait pour accompagner ses œuvres étaient également assez mal reçus : beaucoup trouvaient cela complètement inutile. C'est aussi une musique de la démesure, et en cela la comparaison avec Berlioz me paraît très pertinente. Enfin, sa musique était difficile à cerner même si l'on pouvait y voir quelques influences de Debussy : tout simplement, c'était une œuvre qui ne se reconnaissait pas."

    Les voix d'Olivier Messiaen continue à l'Athénée jusqu'à la fin de la semaine! Ce soir, demain puis dimanche, les solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra National de Paris vous offriront l'intégrale de ses cycles vocaux en trois parties avec également des œuvres de Mozart, Debussy, Berlioz et Moussorgski.

    Demain à 14h, vous pourrez assister gratuitement à une masterclass autour des Poèmes pour mi d'Olivier Messiaen : elle sera donnée par Christiane Eda-Pierre, créatrice en 1983 à l'Opéra Garnier du rôle de l'ange dans Saint François d'Assise.

    Bon week-end à tous et à lundi!


  • Résumé des épisodes précédents • Pleins feux




    Les Voix d'Olivier Messiaen continue à l'Athénée! Si vous êtes restés chez vous hier, voici ce que vous avez manqué :

    1. Une émission sur France Musique en direct de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet : Le Magazine de Lionel Esparza avec la collaboration d'Emilie Munera.

    En partant du bas pour tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, on trouve Emilie Munera, Claude Samuel, Lionel Esparza, Michel Fano, Patrice Martinet et un collaborateur de Lionel Esparza.

     

    2. Une interprétation de La Mort du Nombre d'Olivier Messiaen

    De gauche à droite : Tiziano Circosta (piano), Gaëtan Tesse (violon), Clémence Olivier (soprano) et Bernard Aguirre (ténor).

     

    3. Des extraits des Poèmes pour Mi d'Olivier Messiaen

    Toujours Tiziano Circosta au piano, et Sarah Laulan en soprano.

     

    4. Les pupitres de l'Ensemble Aréthuse dans l'attente du début du Quatuor pour la fin du Temps d'Olivier Messiaen.

     

    5. Les pupitres de l'Ensemble Aréthuse cachés par l'Ensemble Aréthuse après le Quatuor pour la fin du Temps d'Olivier Messiaen.

    De gauche à droite : Nicolas Royez (pianiste), Dorothée Royez (violoniste), Christophe Davezac (violoncelliste) et Rozenn Le Trionnaire (clarinettiste).

     

    Ce soir, l'Ensemble Itinéraire offre un aperçu de la succession du maître avec Génération Messiaen où, outre ses Oiseaux exotiques, vous pourrez entendre des œuvres de Gérard Grisey, Betsy Jolas et Michaël Levinas.
    Avec le Triple Duo d'Elliott Carter, c'est l'occasion de fêter également le centenaire de ce compositeur américain, qu'à part la date de naissance beaucoup de choses séparent de Messiaen.

    Bon jeudi en musique!


  • L'Athénée se tape l'affiche (1) • D'hier à aujourd'hui




    Nous avions évoqué le 13 octobre dernier les correspondances entre un événement culturel et sa communication mais n'avons pas parlé des modes en matière de graphisme. Vous avez vu lundi une affiche de 1949 au graphisme que nous définirons comme spartiate -il faut dire qu'à l'époque, on parlait davantage de maquettistes.

    Les photos que Dominique Lemaire a prises des affiches de l'Athénée depuis 1982 nous donnent un petit aperçu de l'évolution de la communication visuelle avec le temps :

    Mai 1982 : l'Athénée est le "rendez-vous des compagnies théâtrales subventionnées" et vous sert du Bouillon le cœur sur la main.

     

    Février 1983 : l'Athénée aimait déjà le rose et avait manifestement déjà embauché quelqu'un pour espionner la vie de ses coulisses.

     

    Septembre 1983 : et pourtant, Pierre Desproges n'avait pas encore déclaré son vibrant "Je hais les cintres. Le cintre agresse l'homme! Par pure cruauté!"

     

    Février 1985. A cette époque, le texte était apparemment déjà central à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

     

    Octobre 1985. Une affiche qui parle à tout le monde.

     

    Octobre 1986 : le premier spectacle que Patrice Martinet, aujourd'hui directeur, vit à l'Athénée, avec sa deuxième version en 1987 :

     

    La communication de l'Athénée a donc toujours eu la bougeotte, et vous aurez la suite des années 80 au prochain épisode!

    Les voix d'Olivier Messiaen continue jusqu'à dimanche : ce soir, émission en direct sur France Musique suivie d'un concert gratuit donné par des élèves de conservatoires de Paris! Bon mercredi.


    PS à ceux qui ne comprennent pas le titre : il fallait être plus jeune.
    (Pardon, il fallait que je me venge, je n'étais même pas née au moment des quatre premières affiches...)


  • En direct de Radio France • Entretien




    C'est ce soir que commence la semaine dédiée à Olivier Messiaen à l'Athénée avec le Programme Jeune France. Demain soir, après l'émission en direct sur France Musique, des élèves de conservatoires parisiens donneront un concert gratuit de musique de chambre composée par Messiaen.

    Rozenn Le Trionnaire a 23 ans, est élève au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris (ex CNR) tout en préparant une licence de musicologie à la Sorbonne, et est clarinettiste dans l'ensemble Aréthuse qui joue demain soir le Quatuor pour la fin du temps.

    "_ Pourquoi cumuler deux formations? La licence que tu prépares à l'université, c'est une sécurité?
    _ Non, la sécurité c'est pour au cas où tu ne parviens pas à faire ce que tu veux, et je compte bien arriver à ce que je veux faire! La fac est complémentaire du Conservatoire en me permettant d'écouter de la musique, de faire de l'histoire de la musique de l'an 900 à aujourd'hui ou de l'analyse d'œuvres, ce que tu n'as pas le temps de faire en cours d'instrument. Je ne le vois pas du tout comme un filet de sécurité mais bien comme une ouverture supplémentaire.

    _ Aviez-vous déjà joué le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen?
    _ Le quatuor Aréthuse s'est formé spécifiquement pour travailler cette œuvre, sur invitation de l'un de nos professeurs. Nous l'avons déjà joué deux fois, au Conservatoire et lors d'un festival. Et commencer à travailler ensemble sur ce quatuor, c'était un peu difficile…

    _ Parce que le Quatuor pour la fin du temps est particulièrement dur à jouer?
    _ Oui, c'est une œuvre complexe qui demande énormément de travail : les phrases musicales sont extrêmement longues et le langage de Messiaen est vraiment particulier. Rien ne ressemble à du Messiaen, c'est une écriture inédite qui n'est même pas typique à une époque. Jouer ce quatuor demande beaucoup de recherche et de travail, et la satisfaction arrive après beaucoup de temps : on ne peut pas filer l'œuvre entièrement et ensuite la travailler dans le détail, on est obligé de travailler petit à petit… Au final, on a mis six mois avant de pouvoir jouer l'œuvre en entier! Rien ne vient tout seul, c'est comme décrypter un parchemin.
    En plus, les indications sont très figurées : Messiaen est très attaché au visuel et emploie des mots qui relèvent plus de la peinture que de la musique. Donc tu oublies les indications telles que "Allegro" ou "chanté" pour essayer de comprendre "granitique", "en poudroiement harmonieux", "comme un oiseau", "bronzé", "cuivré", "ensoleillé", "impalpable"… Il faut s'approprier cette œuvre, tenter de comprendre ce qu'il veut dire et le faire bien : cela demande beaucoup de travail et de réflexion pour être "un oiseau" ou jouer de manière "granitique", et en plus tu n'es même pas sûr de toucher à la vérité.

    _ Les œuvres de Messiaen sont donc difficiles à appréhender pour un musicien, le sont-elles autant pour les auditeurs?
    _ Non, je ne pense vraiment pas. Je crois que tout le monde peut être touché par la musique de Messiaen, et quel que soit le milieu d'où tu viens. Par exemple, mes parents n'écoutent pas du tout de musique classique et encore moins de la musique contemporaine : ils ont été très émus par ce qu'ils ont entendu, et je ne pense pas que c'était parce que j'étais sur scène… C'est vraiment une œuvre touchante. Et concernant le travail fourni par les musiciens dont je te parlais, il est important qu'il ne se voie pas. C'est une grande difficulté, d'interpréter une œuvre en se détachant des répétitions pour faire oublier au public tout le travail dur et parfois ingrat qu'il y a derrière. Au moment du concert, il faut saisir l'instant et donner quelque chose, oublier les automatismes et ne pas jouer ce que l'on a tout bien préparé… Sinon il ne se passe rien.

    _ Est-ce qu'interpréter de la musique de chambre te plaît particulièrement?

    _ Je n'ai pas de préférence, j'aime autant jouer en orchestre qu'en soliste ou en petite formation. Chaque expérience apporte des choses différentes et j'ai besoin de tout cela.

    _ La formation quatuor est-elle aussi fusionnelle qu'on le dit souvent, en particulier pour le quatuor à cordes?

    _ Nous sommes une formation assez spéciale qu'on appelle formation hétérogène par opposition au quatuor à cordes qui est une formation homogène: nous sommes composés d'un violon,  Dorothée Royez, d'un violoncelle, Christophe Davezac, d'un piano, Nicolas Royez, et d'une clarinette, à savoir moi.
    Mais c'est vrai que contrairement à l'orchestre où les musiciens sont exécutants pendant que le chef est aux commandes, dans le cas de la musique de chambre il faut savoir élaborer une démarche à quatre. C'est effectivement un rapport un peu fusionnel où il faut aller vers une complicité musicale sans pour autant éviter de se dire des choses difficiles. Nous avons encore évidemment beaucoup de chemin à parcourir, car nous nous sommes rencontrés en janvier seulement, et il y a toujours quelques disputes...

    _ D'ailleurs, d'où vous vient votre nom, Aréthuse?
    _ C'est Nicolas, notre pianiste, qui nous l'a proposé. Aréthuse, c'est une nymphe de la mythologie grecque qui a donné son nom à deux fontaines dont la plus connue est près de Syracuse. Il y a plusieurs légendes propres à Aréthuse, mais Ovide raconte dans Les Métamorphoses que le dieu-fleuve Alphée s'était épris d'elle ; Artémis la transforma en source, permettant aux eaux d'Alphée et d'Aréthuse de se mêler pour rejaillir à la fontaine d'Ortygie, près de Syracuse. On aimait bien l'idée de courants différents qui finissent par couler ensemble.

    _ C'est effectivement très représentatif de ce à quoi peuvent tendre des musiciens, surtout en musique de chambre! Dernière question : es-tu déjà allée à l'Athénée?
    _ Non, mais on m'en a beaucoup parlé, il paraît que c'est un théâtre à l'italienne superbe avec plein de petits couloirs et des loges pas aux normes… C'est ça?

    _ Les loges sont aux normes mais dans l'esprit, oui, c'est ça. Comment imagines-tu l'acoustique?
    _ J'ai vraiment besoin d'utiliser la résonance de la salle, alors j'espère que ce n'est pas bourré de lourds velours rouges qui étouffent le son : sinon je risque de me sentir un peu seule sur scène même s'il paraît que côté public, l'acoustique est très bien."


    Nous laisserons Rozenn et ses camarades vérifier que l'acoustique de l'Athénée est effectivement bonne (moi, je le sais déjà). De votre côté, n'oubliez pas de profiter des concerts Messiaen qui auront lieu quotidiennement jusqu'à dimanche!

    Bon mardi.


  • Le fantôme de l'Athénée • Coulisses




    Après la répétition s'est terminé samedi soir, et l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet se passe de spectateurs pour deux journées. Voici donc à quoi ressemble le théâtre lorsque vous n'y êtes pas :

    Lorsqu'il n'y a ni montage ni répétition, la grande salle est entièrement éteinte : on n'aperçoit ces quelques fauteuils que grâce à la lumière du couloir filtrant par une porte entrouverte.

     

    La même photo vue de dos : par la porte cette fois grande ouverte, on aperçoit une affiche datant de 1949.

     

    Naguère croquée par des étudiants en beaux-arts, la grande salle éclairée est aujourd'hui désertée.

     

    Les lustres sont allumés au rez-de-chaussée pour vous, spectateurs qui venez prendre vos places à la billetterie ouverte tous les après-midis du lundi au samedi.

     

    Les festivités reprendront en musique dès demain soir avec la semaine consacrée à Olivier Messiaen…

    Les voix d'Olivier Messiaen commence donc ce mardi avec l'Ensemble vocal Sequenza 9.3 et son Programme Jeune France.

    Mercredi soir, venez au concert gratuit précédé d'une émission en direct sur France Musique! Pour y assister, rendez-vous au foyer bar de l'Athénée de 18h à 19h30. Et pour l'écouter, c'est à la même heure, mais d'où vous voulez.
    Le concert gratuit Quatuor pour la fin du temps débutera ensuite à 20h.

    Bon début de semaine à tous!


  • Place à l'initiative • Perspective




    Alexandra Maurice, qui vole des perruques pour ensuite se retrouver derrière les barreaux, sait aussi montrer le bon exemple à notre jeunesse : c'est ainsi que, le mardi 25 novembre dernier, elle avait organisé la venue à l'Athénée d'étudiants du lycée l'Initiative situé dans le 19e arrondissement de Paris.

    Aéo, Alison, Charles, Clémence, Iolani, Jean-François, Lily, Marie, Romain, Sidonie, Valentine

    On vous l'a dit, Alexandra Maurice est responsable des invitations et chargée des relations avec le public scolaire : elle est là pour accompagner les professeurs souhaitant faire découvrir le théâtre à leurs élèves, sensibiliser les jeunes au spectacle et organiser des rencontres entre artistes et étudiants. Comme on peut aussi approcher le théâtre par une stratégie du détour, pour reprendre la formule de Jean-Pierre Sarrazac, les élèves du lycée l'Initiative sont d'abord venus pour dessiner l'Athénée et le décor d'après la répétition avant d'aller voir le spectacle le soir.

    C'est ainsi qu'une quinzaine de jeunes déambulèrent, appareil photo et crayon en main, pour capter pendant une heure et demie les lignes et l'esprit de l'Athénée habité par la pièce de Bergman mise en scène par Laurent Laffargue. Pendant ce temps, leur professeur, Monsieur Jean-Luc Parthonnaud, m'accorda un petit entretien tout en prenant de temps en temps ses élèves en photo.

    Monsieur Jean-Luc Parthonnaud, Marie, Aurélie, Justine.

    "_ Qui sont vos élèves? Et vous d'ailleurs, vous êtes professeur de quoi?
    _ Mes élèves sont des jeunes qui préparent les écoles des beaux-arts. Ils sont le plus souvent issus de CAP, de bac pro ou de bac STI et le lycée l'Initiative est comme une passerelle qui les prépare aux concours très difficiles des écoles de beaux-arts de Paris, Strasbourg, Rennes, Cergy, Saint-Etienne, et caetera, avec en moyenne 90% de réussite. Ce sont souvent des gamins en échec scolaire que l'on a mis dans des formations de communication visuelle et de graphisme, qui ont été formatés par l'Education Nationale et qu'il faut absolument sortir du moule de la pensée dominante. Officiellement, je suis leur professeur de français, mais mon rôle est bien de développer leur culture, leur faire faire des découvertes, leur apprendre à argumenter et leur donner des références artistiques. Pour réussir à ces concours, il ne suffit pas d'être bon techniquement, il faut aussi avoir une culture artistique et savoir en parler.

    _ En clair, vous êtes là pour former leur goût selon le sens qu'en donnait Hume dans Les Essais esthétiques, à savoir "un sens fort, uni à un sentiment délicat, amélioré par la pratique, rendu parfait par la comparaison, et clarifié de tout préjugé" ?
    _ Oui, c'est un vaste programme culturel et humain que j'essaie de mener pendant mes cinq heures de cours hebdomadaires. Je les emmène au théâtre, à des expositions, voir des spectacles de danse… En ce moment, je les fais travailler sur les mythes, qui sont très présents dans l'art mais qui peuvent aussi se retrouver dans l'idéologie et l'exploitation, comme l'explique Roland Barthes. Ensuite, je passerai à Deleuze, Marx, Foucault…
    C'est un travail qu'ils doivent d'ailleurs continuer pendant le week-end, car il est important qu'ils développent une sensibilité et un argumentaire personnels! Je suis là pour les aider à apprécier l'art contemporain et à former leur jugement. Cela les oblige à une grande remise en question, car plus on fait de découvertes artistiques plus le goût évolue, et c'est parfois difficile de se dire "mon dieu, comme c'était horrible ce que j'aimais avant!". Cela demande également une certaine implication financière, car il faut payer des places de spectacles ou des billets d'entrée aux expositions, mais on leur apprend que c'est surtout une question de choix et que c'est à eux de décider où dépenser leur argent.

    Les étudiants continuent à parcourir le théâtre en silence et je suis, il faut bien le dire, assez étonnée de leur sérieux, de leur tenue et de leur implication manifeste.

    Aéo, Sidonie, Romain, Aurélie, Marie

    _ Ils sont en tout cas très agréables et souriants, et ils ont l'air contents d'être là, non?
    _ Oui, ils comprennent qu'on ne se moque pas d'eux. Après des années à être passés à la moulinette de l'Education Nationale, ils se sentent valorisés ici. Ils voient que beaucoup de gens se démènent pour eux, qu'on les emmène dans des lieux prestigieux, que des artistes prennent le temps de les rencontrer et qu'on est là pour les amener à faire des découvertes. Et il y a de toutes façons une très bonne dynamique de groupe dans cette classe.

    _ C'est la première fois que vous les emmenez au théâtre?

    _ Cette classe-là, oui. Mais je suis un habitué de l'Athénée, je viens depuis 1978. Un de mes souvenirs le plus marquant se situe en 1997, lorsque j'avais emmené une classe de première pour L'Illusion comique mise en scène par Jean-Marie Villégier : il était venu leur apprendre à lire des passages de Corneille à la façon du 17e siècle!
    _ Cela vous semble important, que vos élèves rencontre les artistes?
    _ Définitivement oui, car ils ont des arguments d'autorité : si c'est moi qui leur explique qu'ils doivent travailler dur, je suis dans le rôle du vieux con. Si c'est un artiste, ils l'écoutent et cela accélère nettement leur compréhension et leur production. Je repense à Chantal Thomas, scénographe de Jacques ou la soumission et de L'Avenir est dans les oeufs, qui était venue leur expliquer son travail : elle avait amené tous les dossiers préparatoires à la création de la scénographie et avait détaillé tout le processus et le temps incroyable que cela lui avait pris… C'était le silence total dans la salle de classe, et je peux vous dire qu'après, ils ont travaillé comme des fous! D'ailleurs, Fanny Cottençon, actrice dans après la répétition, était venue au lycée à l'occasion de la sortie du film de Roger Coggio, Le Journal d'un Fou, dans lequel elle avait joué.

    _ Pour vous, cela doit représenter un investissement énorme…
    _ Oui, c'est épuisant, d'autant que l'on doit tout faire dans un laps de temps très court : les dates de concours avancent chaque année. Mais quel plaisir de les amener à faire des découvertes, de leur donner confiance, de les retrouver des années plus tard dans le public des salles de spectacles ou de voir qu'ils ont réussi leur vie professionnelle! J'ai d'ailleurs une ancienne élève qui va travailler avec Chantal Thomas et Laurent Pelly."

     

    J'ai laissé Monsieur Parthonnaud et ses élèves terminer leur travail et assister à la représentation d'après la répétition, pour ensuite les retrouver après la pièce pour une rencontre avec Céline Sallette et Fanny Cottençon, actrices dans le spectacle. Morceaux choisis :

    "_ Comment en êtes-vous venues à faire du théâtre?
    Céline Sallette : _ J'étais amoureuse d'un type qui faisait du théâtre, alors à treize ans je me suis mise à en faire aussi.
    Fanny Cottençon : _ Chacun doit trouver son propre moyen d'expression. Vous, ce sont les beaux-arts. Moi, ce sont les mots des autres.

    _ Est-ce que vous avez joué dans des films?
    Céline Sallette : _ Oui, plein, alors je te conseille d'aller voir sur le site de l'Internet Movie Database, ça ira plus vite.
    Fanny Cottençon : _Il paraît qu'Allociné c'est bien aussi.

    Le téléphone de Céline Sallette sonne :

    _  Excusez-moi, ça doit être ma mère.

    _ Comment vous préparez-vous pour entrer dans un personnage? Enfin, comment faites-vous pour dégager une émotion aussi sincère?
    _ Quelles études avez-vous faites?
    _ Madame Cottençon, comment fait-on pour jouer un personnage qui a bu?
    _ Est-ce que cela vous a plus de jouer des actrices?
    _ Est-ce que vous cherchez à plaire quand vous jouez?
    Céline Sallette : _ Ah non, surtout pas! Tu imagines si tu veux essayer de plaire à tout prix, tu pleures dès que tu en entends un tousser dans la salle! Si je peux te donner un conseil : pense à ta grand-mère et fais une œuvre!
    Fanny Cottençon : _ Si tu plais, tant mieux, c'est que quelque part tu as bien fait ton travail. Mais ce n'est pas en cherchant la reconnaissance que tu vas être bon!

    _ Mais, finalement, enfin, après la fin de la pièce, ça se termine bien ou pas?
    Fanny Cottençon : _ C'est à toi de l'imaginer. Pour toi, comment peut se poursuivre l'histoire après la fin?
    _ Je ne sais pas, il n'y a pas vraiment de fin, alors je me disais que peut-être, vous, vous sauriez…"


    Ces étudiants reviendront peut-être un jour à l'Athénée de leur propre initiative. En attendant, ils pourront toujours se souvenir de cette journée et remercier leur professeur de tant se démener : souhaitons-leur bonne chance pour leurs concours en espérant qu'un jour, c'est en tant que décorateurs ou scénographes qu'ils pourront déposer leur manteau sur les sièges du théâtre...


    Après la répétition
    se joue jusqu'à demain soir et laisse ensuite la place à une semaine consacrée à Olivier Messiaen. D'ici là, bon week-end à tous!


  • Question pour un champion (1) • Pleins feux




    Mon nom de famille comporte une voyelle à ne pas prononcer et j'ai un prénom d'arbre fruitier. Ma mère était une poétesse et j'ai mis l'une de ses œuvres en musique. J'ai brièvement habité au 67 rue Rambuteau à Paris.

    Je suis tellement jeune lorsque je suis nommé organiste de l'Eglise de la Trinité qu'un journaliste de L'Instransigeant venu m'interviewer commence par me demander "il n'est pas là ton papa?". Pendant la deuxième guerre mondiale, étudier des partitions de Beethoven, Ravel et Stravinski m'est d'un grand réconfort et il est fort possible qu'on m'ait proposé un poste de professeur au Conservatoire alors que j'étais encore engagé dans l'armée.

    Mes œuvres sont publiées chez le même éditeur que Claude Debussy et le premier cours d'harmonie que je donne au Conservatoire le 7 mai 1941 porte sur son Prélude à l'après-midi d'un faune. Le scandale provoqué par la création de l'une de mes œuvres a parfois été comparé à celui suscité par Le Sacre du Printemps de Stravinski.

    On s'est souvent moqué de moi pour avoir fourni une sorte de mode d'emploi (en tout cas une sorte d'explication préalable) à mes œuvres. Je ne me définis pas comme un musicien mais davantage comme un ornithologue rythmicien. Je m'inspire beaucoup du chant des oiseaux pour composer ma musique au point de parfois déployer une énergie incroyable pour me faire envoyer des enregistrements de chants d'oiseaux en provenance de pays lointains.

    J'ai été beaucoup invité dans des pays étrangers et suis rapidement devenu mondialement connu. Mes agendas se remplissent de plus en plus au fil de ma carrière et le nombre impressionnant de commandes que l'on me fait finit par en remplir les pages au point de les rendre quasiment illisibles. En 1971, Rolf Liebermann, directeur de l'Opéra de Paris, me passe commande d'un opéra que je n'accepte que parce qu'il m'en a fait la demande devant le Président de la République Georges Pompidou lors d'un dîner à l'Elysée : la composition en fut longue, laborieuse et me causa beaucoup d'angoisse, mais lorsqu'il fut achevé j'eus l'impression d'avoir composé l'œuvre de ma vie.

    Ma foi catholique est très importante dans mon travail d'artiste et beaucoup de mes œuvres sont fondées sur des sujets religieux. Ma dernière œuvre créée de mon vivant est un hommage à Mozart commandé par le chef d'orchestre Marek Janowski à l'occasion du bicentenaire du compositeur.

    Je suis décédé le 27 avril 1992 : on ne sait pas à quelle heure, mais ma femme, pianiste célèbre, retrouva sur la table de nuit ma montre arrêtée à 20h30.

    J'ai composé une œuvre colossale parmi laquelle on peut citer Quatuor pour la fin du Temps, Turangalîla  Symphonie ou encore Saint François d'Assise. On fête cette année le centenaire de ma naissance et mille concerts de mes œuvres seront donnés dans trente-cinq pays. L'Athénée m'offre à cette occasion une semaine de concerts du 9 au 14 décembre. Je suis? Je suis?


  • Toutes les vérités sont bonnes à dire • Entretien




    Mardi 25 novembre, je suis postée en plein milieu de l'escalier qui mène aux loges des artistes d'après la répétition en espérant bien attraper au vol Céline Sallette, actrice dans le spectacle. Une heure avant la représentation, j'entends quelqu'un courir : Céline arrive, s'arrête, me voit, me dit :

    «_ Ah salut, c'est moi que tu attends ? Je suis en retard, on peut parler dans ma loge si tu veux!

    Je la suis, ne sais pas où m'asseoir ("attends, ne reste pas debout, pousse tout ça et prends la banquette") Je pousse "tout ça" et m'assieds donc sur la banquette pendant que Céline Sallette se prépare pour le spectacle dans un autre style que Fanny Cottençon (plus précipité, dirons-nous) et mène l'entretien second degré battant (ou "de la difficulté de prendre des notes en pouffant de rire").

    _ Tu arrives toujours au dernier moment comme ça?
    _ Non, j'aime bien arriver en avance d'habitude, mais là il y avait ma mère…
    _ Elle vient voir le spectacle?
    _ Non non, elle vient juste me voir.
    _ Elle vient te voir mais elle ne va pas au spectacle?
    _ Non. Elle l'a déjà vu, je ne vais pas la traîner pour qu'elle revienne!

    _ La première fois que je t'ai vue dans les couloirs de l'Athénée, tu t'es présentée en ces termes : "Bonjour, je suis Céline Sallette, je suis la compagne du metteur en scène, c'est d'ailleurs pour cela que je suis là". Tu crois vraiment que ce n'est que pour ça?
    _ Non évidemment, si ce n'était que pour cela, j'en aurais honte et je ne le dirais pas… Laurent ne m'aurait certainement pas engagée si j'avais été mauvaise, mais disons que d'être sa compagne facilite le casting. Il n'a pas dû aller loin pour me trouver, si tu préfères! Mais si je plaisante avec ça, c'est aussi parce que j'ai une autre forme de légitimité, que je sais pourquoi je suis comédienne, que je ne suis pas trop mauvaise dans ce métier, enfin j'espère…

    _ En mettant les pieds dans le plat dès le début, tu désamorces aussitôt les critiques sur ta légitimité et ta compétence avant même qu'elles arrivent, et en plus tu fais rire tout le monde…
    _ C'est étrange, le rapport qu'on peut avoir à la vérité. Si je fais rire, c'est juste parce que j'ai osé dire la vérité! En fait, la vérité, c'est drôle.

    _ Tu pourrais me parler d'Anna, le rôle que tu joues dans après la répétition?
    _ C'est une "fille de". Elle a du mal à trouver sa place et elle est dans l'angoisse vis-à-vis de son métier car il est anxiogène (Elle se lave les dents et ses propos deviennent de moins en moins compréhensibles au fur et à mesure de l'entreprise) parce qu'elle doit porter le oids de chon héwitache donch elle che pohe a quechion e a éhihiwouité…

    _ Je propose que tu termines de te laver les dents et que tu reprennes ta phrase après… (fin du lavage de dents)
    _ Je disais : elle doit porter le poids de son héritage donc elle se pose la question de sa légitimité en tant que comédienne. Elle a été embauchée par un homme qui fait quasiment partie de sa famille : comme moi, elle n'est pas là par hasard… Elle se demande si on la désire en tant que femme comme en tant qu'actrice, et elle porte tout un bazar qui ne lui appartient pas mais qui, pourtant, fait qu'elle est là.

    _ Et toi, pourquoi tu es là?

    _ Je ne suis pas embarrassée par un héritage, je ne suis pas une "fille de" et j'ai fait mon propre chemin toute seule. J'ai dû aller chercher quelque chose, avancer, travailler, mais je suis complètement libre, je sais que tout cela m'appartient et que cela ne m'a pas été imposé.

    _ Laurent Laffargue a-t-il été important dans ton parcours de comédienne?
    _ Oui, c'est vraiment avec lui que j'ai commencé professionnellement. J'étais en faculté d'arts du spectacle à Bordeaux, je ne me projetais pas tellement dans l'avenir, j'adorais être comédienne mais je n'avais aucune idée de la réalité du métier, je croyais que les pâquerettes ça existait, tu vois… Laurent m'a vue dans un spectacle que je jouais près de Bordeaux au moment où il cherchait une Desdémone pour son Othello. J'avais dix-neuf ans, j'étais blonde, j'avais les yeux bleus, je savais chanter, apparemment je savais jouer, donc il m'a engagée. Nous avons tourné Othello et Le Songe d'une nuit d'été pendant deux ans, puis Terminus de Daniel Keene où j'interprétais un garçon de quinze ans.
    Puis les personnes avec qui je travaillais m'ont convaincue de tenter le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique. J'étais très épaulée, très bien dirigée, j'ai présenté des scènes des spectacles que nous avions joués pendant deux ans, et j'ai eu le concours. J'ai beaucoup appris au Conservatoire. Laurent Laffargue a continué à me guider, et c'est lui qui m'a conseillé de faire du cinéma.
    C'est pendant ma deuxième année au Conservatoire que j'ai tourné Meurtrières de Patrick Grandperret : j'ai eu de la chance, il ne voulait pas tourner avec des comédiennes connues. C'est une grande chance d'avoir un premier rôle, cela permet d'avoir une grande visibilité, d'autant plus que le film faisait partie de la sélection officielle d'Un certain Regard du Festival de Cannes et qu'il y a obtenu le prix du Président du jury. J'ai fait d'autres films, et en sortant du Conservatoire à vingt-six ans, je n'avais finalement pas fait de théâtre depuis longtemps… (Elle mange)

    _ Tu arrives à manger avant de jouer?

    _ Pourquoi, tu n'y arrives pas, toi?

    _ Non.
    _ Peut-être que les bons comédiens ne mangent pas avant un spectacle, peut-être que je suis mauvaise parce que je dîne avant de jouer? Cela me fait penser à Sarah Bernhardt qui, à une jeune actrice lui disant qu'elle n'avait jamais le trac, avait répondu "ne vous inquiétez pas, cela viendra avec le talent". Alors je ne sais pas, peut-être que c'est l'appétit qui part avec le talent…

    _ En parlant d'Anna, tu disais que le métier de comédien était anxiogène : pourquoi?
    _ Parce que c'est un métier intermittent où tu ne maîtrises pas tout. Non seulement tu ne travailles pas tout le temps, mais en plus tu dépends du désir des autres. C'est très dur, et c'est sans doute pour cela que beaucoup de gens abandonnent.
    J'ai décidé de tourner le problème autrement : tu ne reproches jamais aux gens de ne pas t'aimer ; quand tu es aimé, c'est parce que tu aimes. Alors je me suis dit que mon travail dépendait aussi de moi. Tout cela n'est fait que de désir, c'est pour cette raison que c'est si compliqué…

    _ Tu es d'accord avec Laurent Laffargue lorsqu'il dit que les rapports de séduction entre metteur en scène et comédiens sont inévitables?

    _ Oui et non. Le travail est sous-tendu par le désir des uns envers les autres, et même le vocabulaire du métier est incroyablement sexuel! Tu as déjà réfléchi au double sens que peuvent revêtir des phrases comme "cette comédienne, je la prends" ou "je veux cet acteur?" Je n'aime pas que les rapports de travail soient ambigus, qu'ils soient fondés sur la séduction. Je ne joue jamais là-dessus, en tout cas mon pouvoir de séduction ne passe pas par le fait que je sois une femme mais plutôt par l'humour.
    La séduction existe toujours un peu, bien sûr, mais plutôt comme un tapis sur lequel on marche. Dans ma famille, on a toujours beaucoup joué sur l'humour. Un des petits vieux de ma famille m'avait dit un jour (elle imite une voix d'homme âgé avec accent gascon en prime) : "Alors comme ça tu fais le clown? Gagner de l'argent en faisant le clown, c'est formidable".»

    Pour voir Céline Sallette "faire le clown", c'est jusqu'à samedi soir... Bon mercredi à tous.


  • Souvenirs de jeunesse • D'hier à aujourd'hui




    On se souvient toujours de sa première fois. Quelquefois douloureuse, souvent agréable, rarement ennuyeuse, la première fois reste inscrite dans la mémoire de chacun et détermine parfois ce qui va suivre. Les membres de l'équipe de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet à qui on en a parlé se souviennent tous sans exception de leur première fois et la racontent avec précision, sauf Patrice Martinet qui a eu besoin de chercher dans un livre de sa bibliothèque pour la retrouver -mais pour lui, il faut bien le concéder, cela date un peu.

    Il y a ceux qui ont été profondément marqués par la première pièce qu'ils ont vue à l'Athénée, ceux qui ne se souviennent que de leur position (dans la salle), ceux qui avouent qu'ils n'étaient jamais venus avant d'être embauchés, ceux qui se souviennent du lieu mais pas de la pièce, ceux qui se souviennent de la pièce mais pas de l'impression que le lieu leur avait faite -on imagine qu'à force de le voir tous les jours, la première rencontre s'estompe.

    Parmi les premières pièces vues, on a Elvire Jouvet 40 par Brigitte Jaques, Claudine et le Théâtre par Philippe Caubère, Quartett par Hans Peter Cloos, L'Ecole des Femmes par Jacques Lassalle, Geneviève du Brabant par les Brigands, Solness le constructeur par Sandrine Anglade, Fragments Lunaires par Pierre Friloux, Knock par Maurice Bénichou, Fin de partie par Bernard Levy, Callas par Elisabeth Macocco, Jacques ou la soumission / L'Avenir est dans les œufs par Laurent Pelly, Le Bagne par Antoine Bourseiller, Equus par John Dexter, Simplement compliqué par Christian Colin ou L'Opéra de quatre notes par Paul-Alexandre Dubois.

    L'année des premières fois donne un aperçu de l'éventail des générations présentes à l'Athénée : 2000, 1986, 2004, 2001, 1986, 2002, 2003, 1988, 2006, 2008, 1978.

    Nous avons eu des récits plus ou moins circonstanciés (avec mention spéciale à Dominique Lemaire : "j'étais le régisseur de la salle Christian Bérard, on avait dû démonter le parquet pour mettre à la place un plancher de verre avec des moniteurs télévisés au sol, il y avait six projecteurs carrousel, un comédien qui volait dans les airs, une balançoire et même un aquarium qui prend feu!"), d'autres très factuels, mais on a toujours été étonnée de la précision des souvenirs de chacun.

    Quant à moi, c'était La Danse de mort de Strindberg par Jacques Lassalle en 2004. Je m'étais perdue en sortant du métro Opéra, j'étais arrivée en retard, j'avais dû passer les vingt premières minutes à me remettre de ma course, et je ne m'étais aperçue de la beauté de la salle qu'une fois la pièce terminée. Aujourd'hui, j'arrive à l'heure à l'Athénée mais je continue inexorablement à me perdre dans le quartier : les premières fois conditionnent, je vous l'avais dit. Et vous, votre première fois à l'Athénée, c'était pour quoi? Ceux qui sont venus après 1982 peuvent s'aider des archives du site  de l'Athénée, les autres devront consulter le livre Athénée Théâtre Louis-Jouvet édité chez Norma!

    Pour ceux qui n'ont encore jamais franchi le pas, après la répétition offre une belle opportunité de première fois jusqu'à samedi!

    Bon mardi.


  • A l'ombre des jeunes filles en fleurs • Coulisses




    On en a déjà parlé, la salle à l'italienne de l'Athénée permet aussi aux spectateurs d'être vus. Une rapide visite des bureaux permet de constater que les architectes ont étendu le concept au reste du bâtiment, me permettant ainsi de vous présenter quelques personnes que vous ne voyez pas souvent :

    Vous connaissiez Alexandra Maurice, responsable des invitations et attachée aux relations publiques, en version gang des perruques : la voici aujourd'hui derrière les barreaux.

     

    L'arbre ne cache pas toujours la Florence (Cognacq, attachée à la communication).


    Accroché au mur, Louis Jouvet veille sur Patricia Mitaine, comptable principale.
    En ce qui me concerne, je me demande à ce moment-là comment je vais faire pour descendre de cet horrible endroit.

    Hélène Faget, secrétaire technique, peut accéder à la cuisine par la voie rapide et faire coucou à Amandine Gougeon, directrice du développement, dont j'ai emprunté le bureau pour prendre cette photo.

     

    La dernière fois que j'ai fait remarquer à Patrice Martinet le caractère très relatif du rangement de son bureau, il m'a répondu en citant l'article "Eloge du désordre" publié dans Témoignage sur le théâtre de Louis Jouvet et dont je vous livre un extrait qui sera bien utile à tous les bordéliques en manque de justification face aux persécutions des maniaques : "le théâtre vit dans le désordre : c'est sa condition d'existence. La grandeur du théâtre est fondée sur un désordre organique, nécessaire, constant : le désordre explique et démontre un art dramatique prospère."

    A demain!


  • À votre service • La corde verte du lapin qui siffle




     

    Ampoule nue sur un trépied tout droit, je brille seule sur le plateau vide d'après la répétition.
    Je connais mon moment de gloire entre les mains du comédien Didier Bezace dans les dernières minutes d'après la répétition, mais d'habitude vous ne me voyez jamais : c'est normal, on ne me sort qu'après votre départ.

    On m'appelle aussi sentinelle, car je suis là pour veiller lorsqu'il n'y a plus personne. Allumée entre les représentations, j'évite que le théâtre soit entièrement plongé dans le noir et vous empêche de vous cogner dans les projecteurs éteints ou de vous emmêler dans les fils.
    A ma lumière fragile, vous devinez même le décor de la pièce de Bergman montée par Laurent Laffargue.

     

     

    Demain, je serai peut-être allumée le matin avant le concert 2x4 du quatuor Psophos à 15h, mais sans doute pas après, car l'équipe de techniciens de l'Athénée replacera le décor d'après la répétition pour la représentation de 20h.

    Prise en photo par Dominique Lemaire, directeur technique adjoint de l'Athénée, je ressemble à cela :

     

     

    En anglais, mon nom est Ghost lamp, car je repousse les fantômes les soirs de relâche -les ghost nights. Je suis une mesure de sécurité autant qu'un esprit protecteur et, grâce à moi, le théâtre ne meurt jamais.

    On m'appelle la servante.


  • "Théâtre, théâtre, vous avez dit musique?" (1) • Perspective




    Dans après la répétition actuellement représenté à l'Athénée, le personnage de Henrik Vogler interprété par Didier Bezace refuse de modifier le texte de Strindberg qu'il est en train de monter, faisant entre autres remarquer qu'en musique, on n'enlève pas un passage qu'on n'arrive pas à jouer, on ne réécrit pas des mesures qui nous paraissent maladroites et on n'intervertit pas des mouvements sous prétexte que, finalement, l'andante sera mieux avant le scherzo.

    L'Athénée a une vocation à la fois théâtrale et musicale, et la programmation de Patrice Martinet alternant musique de chambre, opérettes, pièces, opéras et théâtre musical permet d'apprécier autant les passerelles que les frictions entre musique et théâtre.

    Nous sommes donc d'humeur frictionnelle ce matin, suivant en cela les réflexions de Bergman : en musique donc, disions-nous, on ne coupe pas trois mesures comme on supprime une réplique de théâtre supposée mal placée ou mal écrite ou difficile à interpréter. La musique, ensemble quasi-mathématique suivant des règles de construction rigoureuses, langue universelle sans besoin de traduction, art appris en conservatoire, est intouchable -en Occident, du moins.
    Le texte de théâtre ne fera pas entendre de silence ou de dissonance en cas de réplique coupée, se laisse traduire en suédois, en français, en italien ou en roumain et peut être amputé d'une scène sans que l'on crie au scandale. Ou, plus exactement, c'est le cas du texte de théâtre non versifié : car il est amusant de constater que, lorsque la langue rejoint la musique en s'imposant des règles tenant de la construction musicale, il devient sacrilège d'y apporter ses amendements. Un alexandrin supprimé et la rime n'existe plus, un mot remplacé et le nombre de syllabes n'y est pas… On repense d'ailleurs à Patrice Chéreau qui, en remplaçant "que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent" par "que ces vains ornements, que tout cela me pèse" dans le Phèdre de Racine qu'il avait monté en 2003 à l'Odéon, s'était attiré bon nombre de critiques.

    Il existe bien d'autres différences entre théâtre et musique que l'on développera une prochaine fois : les musiciens jouent la plupart du temps avec leur partition là où on voit mal un comédien déambuler le texte à la main ; en musique, sans conservatoire peu de salut (en tout cas en France), tandis qu'un comédien peut faire carrière en passant par d'autres apprentissages ; toujours en France, il existe bon nombre d'orchestres aux instrumentistes salariés là où la Comédie Française semble être la seule à pouvoir faire figure de troupe permanente ; il y a beaucoup de musique de chambre mais peu de théâtre d'appartement. D'autres oppositions existent, dont beaucoup tiennent aussi du cliché (si si, un comédien travaille, s'entraîne et répète. Oui, la musique peut être drôle).

    L'Athénée est là pour réunir deux arts qu'on a souvent confronté et comparé, en particulier dans l'opéra, l'oeuvre d'art total -enfin pas si total que cela apparemment, puisque l'on s'est longtemps demandé si c'était la musique ou le théâtre qui y primait. L'Athénée, disais-je, lie les deux depuis quelques saisons : pendant qu'après la répétition se jouait, les musiciennes du quatuor Psophos venaient répéter, et les résidences d'artistes de musique sur la durée permettent d'apercevoir dans l'escalier aussi bien un violoncelle qu'une perruque, d'entendre un comédien qui répète son texte comme un violoniste qui retravaille des mesures et de voir un récital de musique de chambre dans le décor de la pièce de théâtre en cours.

    Samedi par exemple, vous pourrez voir après la répétition à 20h. Mais juste avant, à 15h, le quatuor Psophos donne un concert intitulé 2x4. 2 x 4, ça fait 8 car, vous l'aurez compris, samedi l'octuor est à l'honneur : Enesco et Mendelssohn seront interprétés par le quatuor Psophos accompagné de Sarah Nemtanu, Pablo Schatzman, Sabine Toutain et Raphaël Perraud. A partir du 9 décembre, après la répétition laissera la place à une semaine dédiée au compositeur Olivier Messiaen. Comment cela s'appelle, quelqu'un qui aime autant le théâtre que la musique? Un musicothéâtrophile?

    Bonne journée à tous.


  • Le petit Poucet • D'hier à aujourd'hui




    Hier, à peine arrivée dans les bureaux de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Patrice Martinet décida de m'emmener dans les environs de Monique Mélinand afin que j'enquête sur une petite curiosité située à sa gauche (ou à sa droite, enfin bref, à gauche quand on regarde Monique Mélinand). Hasard troublant ou coïncidence heureuse, j'avais justement pris quelques photos de l'étrangeté dix minutes auparavant :

    J'entends d'ici ceux qui grommellent que "ben quoi, c'est juste un grand miroir", aussi est-il préférable de passer en mode gros plan sur le haut du cadre :

    Mon intuition féminine redoutable m'aiguilla rapidement vers Jean-Noël De Marcovitch, régisseur général de l'Athénée : joyeux hasard ou étrange coïncidence, je réussis pour une fois à lui parler cinq minutes -c'est un exploit, le régisseur général étant plutôt une espèce qui court par cintres et plateau en hurlant des indications peu intelligibles pour le commun des mortels.

    Jean-Noël, plus connu à l'Athénée sous le nom de Jano, m'expliqua ainsi que les fameux cailloux provenaient du Tombeau de Richard G., pièce de Bernard Chartreux où, dans la mise en scène créée par Alain Milianti en 2000, des gravats chutaient (les cailloux blancs semblent être à la mode à l'Athénée).

    Le soir de la première représentation, Jano s'amusa donc à récupérer l'une des pierres pour la poser sur le miroir (ne me demandez pas pourquoi il voulut la poser précisément là). Les comédiens se prirent au jeu et firent de même chaque soir de représentation. Depuis, les gravats sont toujours là.

    Une question reste en suspens cependant : il y eut trente-cinq représentations du Tombeau de Richard G. Il reste vingt-sept cailloux au-dessus du miroir. Où ont disparu les huit qui manquent? Est-ce que certains d'entre vous auraient piqué un bout de l'Athénée comme des touristes ramènent dans l'avion un bout du Parthénon? Dénoncez-vous !!!!

    Sur cet appel à la bonne conscience de chacun, je vous souhaite une bonne journée à tous, y compris aux coupables (je vous trouverai !). Désolée, après la répétition n'offre rien à ramasser, mais plutôt beaucoup à retenir. A demain!


  • Ici Fanny • Entretien




    Fanny Cottençon, actrice d'après la répétition, arrive toujours quelques heures avant la représentation et laisse souvent la porte de sa loge entrouverte : on est donc allée toquer à 18h30 jeudi dernier.

    "_ Est-ce que cela vous ennuie si je continue à me maquiller pendant que je vous parle?
    _ Euh non, évidemment que non, c'est moi qui envahis votre loge, là… Vous arrivez toujours avant tout le monde. Pourquoi venez-vous si tôt?
    _ J'en ai besoin. Finalement, je me prépare assez rapidement, mais j'aime beaucoup la liturgie propre à chaque représentation. Le théâtre c'est l'art le plus vieux du monde, et j'ai besoin de pratiquer cette sorte de rite ancestral rassurant : me préparer, me maquiller, me coiffer, m'échauffer la voix, sentir la présence de l'équipe administrative et technique… De toutes façons, je suis incapable de faire autre chose dans la journée, alors autant être là le plus tôt possible.

    _ C'est important pour vous, de connaître l'équipe de l'Athénée?

    _ Oui, bien sûr! Nous formons tous une équipe, justement! Sans eux, nous n'existerions pas, et vice-versa d'ailleurs.

    _ Comment vous êtes-vous retrouvée dans après la répétition?

    _ Laurent Laffargue, en voyant La Chambre des morts, où jouait aussi Céline Sallette, a eu un déclic, il s'est dit "c'est elle, Rakel!". Pourtant, j'avais un tout petit rôle dans ce film. Comme quoi, dans ce métier, il faire ce dont on a envie sans se préoccuper si on a un premier ou un troisième rôle…

    _ Justement, parlez-moi du rôle de Rakel, que vous interprétez dans après la répétition.
    _ Il y a beaucoup d'ambiguïté dans cette femme, c'est quelqu'un qui s'est brûlé les ailes. Ce qui me touche le plus, c'est la détresse de cette actrice qui ne peut plus exercer son art : chez elle ça prend une tournure telle… Cela doit être quelqu'un de vraiment balèze, avec beaucoup de caractère et de charisme. (silence) J'en parle comme si elle existait! Sa souffrance est telle qu'elle en rend les autres responsables ; et en même temps, ce n'est pas vraiment une victime, même si elle a des emmerdes!
    Ce n'est pas un personnage très fréquentable, mais c'est bien aussi, les personnages peu fréquentables… Ce sont les plus intéressants à jouer… Non, je ne sais pas si ce sont les plus intéressants à interpréter, en tout cas ce sont eux qui vous marquent le plus.
    J'avais joué Les Derniers de Maxime Gorki dans une mise en scène de Lucien Pintillé au Théâtre de la Ville un personnage de monstre sans état d'âme, très immorale et pourtant très intégrée. C'était très agréable à jouer!

    _ Et c'est agréable de jouer à l'Athénée?
    _ Oui, évidemment! C'est un théâtre ravissant avec une acoustique formidable. Il est vraiment charmant ce théâtre, il est habité.

    _ Et le public de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, est-il aussi charmant?

    _ C'est un public très éduqué. Déjà, il vient voir après la répétition de Bergman, il est informé, il fait l'effort d'aller voir des textes pas toujours faciles… Attention, je ne fais pas de jugement de valeur, chaque théâtre a le droit d'exister, mais disons qu'on a le droit d'en préférer d'autres! Jean Vilar disait "Plus on connaît, plus on sait, plus on aime".
    C'est pourquoi il est important de mener un travail de fond avec le public, les écoles, les comités d'entreprises, là où est le public! Chaque public est différent et on sent vite si ce travail-là a été fait ou non.

    _ Je vous entendais parler hier d'un entrefilet paru sur vous dans un journal au niveau intellectuel relatif et qui s'intéressait essentiellement au fait que l'on vous voit un peu dénudée à un bref moment du spectacle, photo de l'instant décisif à l'appui. Qu'est-ce que ce genre de papiers signifie, pour vous?
    _ (Elle soupire) Que j'ai retenu le nom de l'auteur et que je demanderai à ce qu'il ne puisse pas entrer à mes spectacles suivants… Ce n'est pas très grave, mais on ne peut pas dire que cela soit très classe.

    _ Ni très éthique.
    _ Non plus. (silence) Il y a quelques années, un autre "journaliste" avait écrit tout un papier sur mon alcoolisme supposé… (elle sourit) J'aurais dû l'attaquer en diffamation, j'aurais pu gagner plein d'argent.

    _ Je vois qu'il est bientôt l'heure de la représentation, je vais m'arrêter là! Merci beaucoup de m'avoir consacré un peu de temps juste avant de jouer.
    _ Je vous en prie. (avec un air inquiet en me regardant me lever) ça allait ?

    _ (un peu surprise, d'habitude c'est plutôt moi qui ai envie de demander si "ça allait") Euh, oui, c'était très bien... Je vous laisse donc vous adonner au rituel que vous décriviez au début !
    _ Oh, vous savez, c'est juste être là, sentir l'ambiance…"


    De votre côté, pour sentir l'ambiance d'après la répétition, il vous reste jusqu'au 6 décembre! Bonne journée à tous.


  • Bonne à mirer • D'hier à aujourd'hui




    Si vous êtes déjà venus à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, vous avez sans doute remarqué cette photographie-miroir inquiétante qui semble vous observer pendant que vous marchez dans le couloir en contournant la grande salle de jardin à cour pour aller vous installer.


    On a bien regardé, dans les espaces publics c'est la seule qui est restée, vestige d'une exposition de 2002 sur Louis Jouvet. Intitulée "Louis-Jouvet : paroles de miroir" et conçue par Denis Bretin, l'exposition s'inscrivait dans les événements qui ont jalonné la célébration du cinquantenaire de la mort de l'ancien patron de l'Athénée en retraçant sa carrière en clichés. Mais comme l'Athénée est un théâtre qui a un grain (de beauté), pour reprendre le slogan de la saison 2006-2007, il était hors de question d'exposer des photographies comme tout le monde l'aurait fait : voilà pourquoi des autocollants ont été réalisés pour être collés sur des miroirs et autres surfaces vitrées.

    Celle-là est restée pour une raison encore mal élucidée. D'après Patrice Martinet, c'est parce qu'on aurait tout simplement oublié de l'enlever. La fantaisie étant de mise parmi l'équipe de l'Athénée, on ne peut pas s'empêcher de penser que cela a été laissé exprès : après tout, le côté manoir hanté sied aussi très bien à ce petit théâtre qui, même vide, paraît habité.

    Mais cette femme après tout, qui c'est? On a cherché, et on a demandé à Denis Léger et Patrice Martinet, et on a fini par trouver (avec, en prime, confirmation en images dans le livre paru en 1996 aux éditions Norma sous le titre Athénée Théâtre Louis-Jouvet) : il s'agit de Monique Mélinand en avril 1947 dans Les Bonnes de Jean Genet monté par Louis Jouvet. J'espère que vous ne manquerez pas de lui faire un petit signe lorsque vous passerez...

    Bonne journée.

    PS : n'oubliez pas que ce soir à partir de 20h30, vous pourrez aller découvrir le film Après la répétition de Bergman suivi d'un débat avec l'équipe du spectacle du même nom au cinéma Action Christine!


  • En attendant Laurent • Entretien




    Jeudi 13 novembre, fin de matinée, première rencontre avec Laurent Laffargue, le metteur en scène d'après la répétition, dans un couloir de l'Athénée :

    "_ Il y a des banquettes dans les loges?
    _ Euh… Bonjour, euh… Je sais pas, ça dépend des loges… (silence)
    _ Est-ce que vous pourriez les ouvrir ? Elles sont fermées là, et je n'ai pas ma clé. (silence)
    _ Euh oui, mais je n'ai pas les clés non plus, enfin je ne travaille pas vraiment là en fait. (silence) Je vais vous chercher quelqu'un."

    (plus tard, en relisant le billet avant parution, il s'excusera : "pffff, je t'ai même pas dit bonjour, ma pauvre")


    Jeudi 13 novembre, fin d'après-midi, deuxième rencontre avec Laurent Laffargue à l'occasion de la présentation de la compagnie d'après la répétition à l'équipe de l'Athénée.
    "_ Bonjour, enfin re-bonjour, je m'occupe du blog de l'Athénée, est-ce qu'on pourrait se parler dans la semaine?
    _ Bien sûr, quand vous voulez ! Mercredi 18h30, cela irait?
    _ Mercredi 18h30, c'est noté."


    Mercredi 19 novembre, 18h30. J'attends Laurent Laffargue.


    Mercredi 19 novembre, 19h15, Laurent Laffargue arrive.
    "_ Pardon, on avait rendez-vous? Je t'avais oubliée, excuse-moi. Suis-moi si tu veux"

    Je le suis dans les couloirs, il dit bonjour à son équipe, traverse la salle ("c'est magnifique ce théâtre, tu ne trouves pas? En tout cas je suis vraiment désolé de t'avoir oubliée, je n'ai pas d'agenda."), arrive auprès d'Alexandra Maurice, responsable des invitations et attachée aux relations publiques, où il s'enquiert du nombre de spectateurs. Le chiffre qu'elle lui donne après avoir téléphoné à Sylvie Dabek, opératrice de billetterie, semble le satisfaire. Il revient vers moi :
    "_ C'est quelque chose qui vous angoisse, le nombre de spectateurs?
    _ Disons que je ne fais pas des spectacles pour des sièges vides ou en espérant que les gens s'en aillent en plein milieu.

    _ Cela peut se comprendre. Vous assistez aux représentations ?
    _ Pour les deux premières, j'étais tout en haut, c'était bien. Hier soir, j'étais dans le foyer des comédiens, où je pouvais entendre la pièce sans la voir. Mais je ne le referai pas. J'étais anxieux, je ne sentais pas le public.

    _ Vous faites souvent des rencontres avec les spectateurs?
    _ Oui, même si ce n'est pas un exercice facile. Mais cela fait partie de métier de metteur en scène que de susciter le désir chez l'autre et défendre son projet."

    Nous arrivons au foyer bar où nous asseyons parmi le public qui attend le début de la représentation.
    "_ Pourquoi avoir monté après la répétition de Bergman?

    _ C'est un texte que je connais bien, et depuis longtemps. Le déclic a dû venir au moment où j'ai revu Scènes de la vie conjugale, mais ce n'est en tout cas pas du tout lié à la mort de Bergman. J'avais également très envie de travailler avec Céline Sallette et Didier Bezace, et ce texte convenait parfaitement. C'est un texte qui parle de la relation entre metteur en scène et acteurs, qui parle du théâtre mais qui ne se limite pas à cela. On aborde aussi les problématiques du rapport entre la vie et la création et des relations entre hommes et femmes.

    _ Le danger n'était-il pas de reproduire le film de Bergman du même nom?

    _ Ce n'était pas si difficile de s'en détacher. En fait, je ne me suis permis de monter ce texte parce que le film n'était pas très réussi -Bergman l'a dit lui-même. Les partis pris sont totalement différents, surtout au niveau du jeu des acteurs. De toutes façons, c'est à cela que l'on reconnaît un grand texte : on peut écrire quelque chose dessus, on peut le monter de manières différentes.

    _ Vous vous reconnaissez dans les relations entre metteur en scène et comédiens qui sont décrites dans après la répétition?
    _ Je me reconnais dans certaines choses, oui. Les rapports de séduction entre une actrice et un metteur en scène, comment veux-tu que cela n'existe pas?

    _ En parlant de cela, est-ce difficile de diriger Céline Sallette, qui est votre compagne?
    _ Non, parce que c'est une actrice d'une grande lucidité qui fait preuve de beaucoup de générosité et d'écoute. Elle possède un véritable amour pour les autres et pour le théâtre qui fait qu'on arrive forcément à faire la part des choses.

    _ C'est vraiment si facile que cela?
    _ Non, pas tant que cela, c'est vrai, mais disons qu'on y arrive. C'est compliqué aussi d'être metteur en scène, parce qu'il y a une solitude immense : on fait une mise en scène aussi pour ne pas être seul -il y a évidemment d'autres raisons. Mais tu te retrouves souvent seul face à ta solitude. Tu comprends?

    _ Pas complètement : quand est-on seul quand on est metteur en scène, pour vous?
    _ La mise en scène, c'est une forme de science qui s'apprend plus ou moins. Si tu veux rester le capitaine de ton navire, il ne faut pas te laisser influencer tout en restant à l'écoute, et là est la difficulté. C'est une alchimie étrange.
    J'aborde aujourd'hui ce métier avec beaucoup moins de violence qu'avant, parce qu'au début j'avais tendance à voir cela comme une bataille avec l'auteur comme avec les comédiens. J'écoute, mais je dis aussi "non", et cela peut éveiller des susceptibilités ou des tensions ; en tout cas cela peut déstabiliser les comédiens, car j'accompagne beaucoup le processus jusqu'au moment où je parle beaucoup moins.
    En fait, pour moi, un projet est réussi quand le spectacle ne m'appartient plus, même si ma mise en scène apparaît toujours en filigrane. De mon point de vue, un spectacle est fort et une mise en scène est bien écrite quand les comédiens s'immiscent dans le spectacle et s'approprient la mise en scène. Sinon, cela reste en surface. Les acteurs ne sont pas de la gouache avec laquelle on fait ce que l'on veut!

    _ Vous ne vous inscrivez donc pas du tout dans la lignée de… Son nom m'échappe…
    _ Gordon Craig?
    _ (étonnée qu'il ait trouvé si vite à qui je pensais) Voilà.
    _ Effectivement, je ne suis pas du tout les théories de Craig sur l'acteur, même s'il a fait des spectacles magnifiques, surtout du point de vue de la scénographie. D'ailleurs, il a aussi influencé un véritable génie, Josef Svoboda. C'est un génie. Je te parle vraiment de génie, parce que dans le théâtre, nous sommes beaucoup à être des artisans. (Il se lève pour aller sur le balcon, une cigarette à la main) Tu fumes?

    _ Oui, mais je n'arrive pas encore à fumer et prendre des notes en même temps. Vous disiez être un artisan, d'où tire-t-on sa légitimité en tant que metteur en scène? N'est-ce pas un métier où l'on se déclare tout seul metteur en scène?
    _ Oui et non. Certes, il n'y a pas de formation pour devenir metteur en scène, ou en tout cas les rares qui existent aujourd'hui sont très récentes. Ta légitimité, tu la tires en montant des spectacles. Déjà, monter une pièce avec des vrais comédiens, des vraies lumières, un vrai décor, des vrais costumes et un financement, c'est un travail énorme, vraiment… On ne s'imagine pas le boulot que cela constitue tant au niveau logistique qu'artistique. Et encore, une fois que tu as fait tout cela, tu n'as fait que la moitié! C'est ensuite que le cauchemar commence : le moment où tu as les retours sur ton spectacle…
    Ensuite vient le second spectacle, qui est le plus dur, car il doit venir confirmer le premier. Dans le cinéma, c'est plus dur, c'est même pire que tout. Tout cela pour dire que ta légitimité, tu finis par la trouver au fur et à mesure des spectacles que tu arrives à monter. Bien sûr que j'ai envie de reconnaissance, même si j'ai une certaine pudeur sur cette question. Est-ce que quelque part, on ne fait pas un peu tout pour être aimé? (silence) Non, parce que quand tu es metteur en scène, tu dois aussi apprendre à être détesté…

    _ Est-ce compliqué de diriger Didier Bezace, qui est aussi metteur en scène et directeur du Théâtre de la Commune à Aubervilliers?
    _ Au début, nous avons un peu bataillé. Mais je suis têtu. De toutes façons, c'est ce que je te disais tout-à-l'heure, un acteur doit aussi se battre, je ne veux pas d'acteurs marionnettes. Je ne veux pas considérer les acteurs comme de la peinture, ce sont des gens. Si tu commences à prendre les gens comme des objets… En tout cas, pour moi, les metteurs en scène qui font cela sont surtout dotés d'un ego presque ridicule.

    _ On a parlé de Céline Sallette et Didier Bezace, qu'en est-il de Fanny Cottençon?
    _ Fanny est celle que je connais le moins des trois. Tout le monde connaît Fanny Cottençon, mais j'ai eu le déclic en la voyant jouer dans un film où jouait aussi Céline, La Chambre des morts d'Alfred Lot. Je suis très content de travailler avec elle. Elle va très vite, elle est vraiment virtuose. Quelque part, cela complique presque le processus car c'est difficile de remettre en question quelque chose qui se produit tout de suite. Dans le théâtre, il faut toujours discuter. C'est pour cela qu'un acteur doit aussi être metteur en scène, dans le sens où le metteur en scène doit lâcher son spectacle pour le donner à ses acteurs...

    _ La représentation commence dans dix minutes, il serait peut-être bien que je vous laisse aller parler à vos acteurs…
    _ Oh mon Dieu, déjà? (Il se lève, je le suis jusqu'aux loges) C'était bien en tout cas cet entretien sur le pouce. J'aime bien être entre deux portes."


    Après la répétition continue à se jouer… Pour voir le film éponyme de Bergman suivi d'un débat avec l'équipe du spectacle, c'est lundi soir à 20h30, au cinéma Action Christine situé dans la rue du même nom du 6e arrondissement de Paris, métro Odéon ou Saint Michel. Bon week-end à tous et à lundi!


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (2) • La corde verte du lapin qui siffle




    J'ai été déçue le 12 novembre dernier : malgré tous mes efforts pour vous embrouiller, vous avez tout de suite trouvé que l'objet présenté était un brigadier.

    Vous en savez donc déjà beaucoup, mais je suis sûre que je peux vous en apprendre encore un peu (il faut bien que je serve à quelque chose), car le brigadier soulève quelques questions.

    Premièrement, pour ceux qui sont à la traîne : qu'est-ce qu'un brigadier?
    Le brigadier : gros bâton clouté avec lequel le régisseur frappait un certain nombre de coups pour annoncer l'imminence de la représentation.
    Aujourd'hui, les coups sont remplacés par quelque chose ressemblant plus ou moins à "éteignez vos portables, ne prenez pas de photos, ne mangez pas de kebab".

    Deuxièmement : pourquoi appelle-t-on cet objet "brigadier" et pas "gros bâton" ou "le machin pour les trois coups"?
    Un ouvrier dirigeant une équipe se voit souvent attribuer le grade de "brigadier" ; en marine, car vous savez depuis nos histoires de cordes que la marine est importante au théâtre, le brigadier est également le premier matelot. Celui qui frappe les trois coups étant précisément ce chef (le régisseur, en fait), le bâton en question a été désigné du même nom.

    Troisièmement : combien de coups frappait-on?
    Traditionnellement, le régisseur effectuait un roulement de plusieurs coups suivi de trois coups distincts.
    Ces trois coups peuvent avoir trois explications : la première est religieuse et fait correspondre les trois coups à la Trinité. La seconde renvoie aux trois saluts que les comédiens effectuaient lorsque les membres de la Cour royale avaient leurs sièges des deux côtés de la scène : il convenait donc de saluer la cour qui est à cour, la cour qui est à jardin et le public qui est en face (vous suivez?). La troisième est d'ordre plus pratique et se réfère à l'origine du mot brigadier : le régisseur (ou brigadier) effectue le roulement de plusieurs coups pour prévenir ses équipes du début de la représentation, et celles-ci lui confirment leur présence en frappant un coup de l'endroit où elles se trouvent : un coup pour l'équipe présente aux cintres, un coup pour les coulisses, un coup pour les dessous.

    La Comédie Française doublerait la mise en frappant six coups, comme Jean-Claude Roger l'a fait remarquer en commentaire, pour rappeler qu'elle résulte de l'union de deux troupes : la troupe de l'Hôtel de Bourgogne et celle de l'Hôtel de Guénégaud ordonnée par Louis XIV en 1680.

    La question plus délicate concerne le roulement qui précède les trois coups, et qui a été l'objet d'un mini-débat comme on les aime entre Denis Léger et Dominique Lemaire :
    Denis Léger (directeur technique) : quand je suis arrivé à l'Athénée, le chef machiniste de l'époque m'a affirmé que le roulement était de neuf coups. En tout cas c'est comme ça qu'ils faisaient sous Louis Jouvet (à l'Athénée, c'est l'argument suprême).
    Dominique Lemaire (directeur technique adjoint) : moi, on m'a dit que c'était sept coups.
    Moi : alors c'est neuf ou c'est sept?
    Denis Léger : c'est neuf.
    Dominique Lemaire : c'est sept.

    En ce qui me concerne, j'ai lu que ce roulement était de onze coups (douze apôtres moins Judas, paraît-il, même si j'ai des doutes sur la véracité de l'explication), mais pour ne froisser personne, disons que cela dépendait des lieux…
    Puisque vous êtes si doués, voici un nouvel objet! J'espère cette fois que vous mettrez davantage de temps à trouver….

    Après la répétition continue sur sa lancée : les représentations ont lieu jusqu'au 6 décembre.
    Bonne journée !


  • Histoire de noms • D'hier à aujourd'hui




    Ceux qui sont déjà venus connaissent le beau bâtiment de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, aujourd'hui classé monument historique, mais pas forcément l'histoire de sa construction. Sa complexité se reflète au gré des changements de nom de la salle, et c'est sur ces soucis patronymiques que je vais d'abord m'attarder ce matin, répondant ainsi à la question que la dite "Louise Michel" posta le 24 septembre en commentaire sur le blog.

    Le premier bâtiment construit en 1883 rue Boudreau s'appelle l'Eden Théâtre puis Grand Théâtre -et le qualificatif "grand" n'est pas de trop, car c'est à l'intérieur de cet ensemble imposant comprenant jardin d'hiver, foyer, galerie de promenade, loges, scène, bureaux et vélodrome (si si) que l'on aménage en 1893 l'actuel Athénée. Cette petite salle incluse au Grand Théâtre est d'abord appelée Comédie-Parisienne pour refléter sa vocation de théâtre dévolu au vaudeville et à l'opérette.

    L'Eden Théâtre-Grand Théâtre est détruit en 1895 pour permettre la percée du Square de l'Opéra et le prolongement de la rue Boudreau : la salle de la Comédie-Parisienne est modifiée mais conservée, et c'est un an plus tard qu'elle est baptisée Athénée-Comique par son nouveau directeur, Jules Lévy dit Lerville. Comique parce que prédominance du vaudeville, encore une fois.

    En 1899, arrive Abel Deval qui enlève le qualificatif comique : le nouveau directeur est en effet un comédien spécialisé dans la tragédie, même si sa programmation très dense ne fait pas réellement preuve de cohérence de genre. Entre 1899 et 1914 se succèdent ainsi vaudevilles, pièces du siècle d'or espagnol, fantaisies, théâtre japonais et comédies satiriques.

    L'Athénée change ensuite plusieurs fois de directeur mais pas de nom. C'est en 1934 qu'arrive l'ouragan Louis Jouvet : jusqu'en 1951, date où il mourra dans le théâtre, il préfigure ce que l'on appelle souvent aujourd'hui le "service public de la culture" en s'employant à faire de l'Athénée un théâtre d'art où se succèdent pièces exigeantes, compagnies indépendantes et recherches intellectuelles et esthétiques.

    Pierre Bergé, directeur de l'Athénée de 1977 à 1981, ouvre une deuxième salle dévolue au théâtre d'essai, la salle Christian Bérard, du nom du scénographe de Louis Jouvet. La salle à l'italienne est ainsi rebaptisée salle Louis Jouvet. Si on l'appelle finalement aujourd'hui "grande salle", c'est parce qu'en 1994 avec Patrice Martinet, il a été décidé de revenir au nom d'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, que le théâtre portait sous la direction du patron, pour rendre hommage à celui qui a façonné l'esprit du théâtre et que l'on croirait parfois sentir rôder entre les murs.

    Reste à expliquer le nom d'Athénée : comme nous l'a dit Patrice Martinet dans une conversation informelle, il s'agit juste d'une enseigne. Le nom avait d'ailleurs également été donné à un théâtre rue Scribe, à un autre rue de Clichy, et désigne toujours un hôtel de luxe bien connu à Paris.
    Athénée, c'est un savant grec qui aurait vécu aux alentours du troisième siècle, et ce sont aussi des lieux d'enseignement secondaire en Belgique et en Suisse. Mais l'Athénée, c'est surtout l'endroit inspiré du temple d'Athéna, le lieu où se disputaient des concours de poésie en Grèce antique, mais où poètes et rhéteurs faisaient également la lecture de leurs ouvrages : au final, un nom très adapté pour un théâtre qui a choisi de centrer sa programmation sur le texte et les acteurs qui le portent…

    Bon mercredi!


  • La peur du four • Perspective




    Jeune femme au prénom et au visage souriants, Eglantine Desmoulins est attachée aux relations publiques pour l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Tout comme Alexandra Maurice, qui sourit tout autant, entretient une passion secrète pour les perruques et a la responsabilité des invitations et du public scolaire.

    En clair, ce sont Eglantine et Alexandra qui s'occupent tout spécialement de vous, vous concoctent des événements, vous préparent aux spectacles et vont diffuser la bonne parole athénéenne et théâtrale à travers les associations et rencontres : dur métier que celui de RP où il faut savoir susciter l'envie tout en proposant des clés de compréhension du spectacle -sachant que ces éclairages sont des possibilités que le public laisse parfois de côté, l'expérience unique et subjective ressentie par chaque spectateur devant une œuvre échappant aussi à son auteur.
    On ne parle pas d'un spectacle comme on vend des yaourts, et c'est pour cela qu'Alexandra Maurice et Eglantine Desmoulins sont là, assistées cette année d'abord de Léa Maalouf puis de Mathilde Ramade et chapeautées par Guillaume Bourgain (ou Dorothée Burillon lorsqu'elle n'est pas en congé maternité). C'est aussi pour cela que Guillaume Burillon ou Dorothée Bourgain (à moins que cela ne soit le contraire) mettent en oeuvre avec Florence Cognacq et l'atelier graphique de Malte Martin et Adeline Goyet une communication visuelle dotée d'une certaine ambition intellectuelle. Les textes exigeants des programmes écrits par Lola Gruber, parce qu'ils proposent un regard nourri et différent sur les pièces programmées, vont dans le même sens.

    Nous l'avons déjà évoqué à l'occasion du débat sur la gratuité : l'Athénée étant un théâtre subventionné, il est chargé de participer à l'entreprise de démocratisation culturelle à laquelle les Français sont très attachés. Parce que le théâtre est financé avec l'argent de tous, il se doit de ne pas profiter qu'à quelques-uns, en principe du moins. Subventionner des spectacles joués devant des salles vides s'apparenterait ainsi à un gaspillage inconcevable en République, même si les théories de Jean-Louis Rivière inspiré de Georges Bataille réhabilitent la dépense inutile -cela sera l'objet d'un prochain billet.

    Attirer les spectateurs n'est donc pas seulement une question de viabilité économique  ou d'exigence artistique (car on imagine mal des artistes souhaitant présenter leurs oeuvres à des fauteuils) : c'est également un retour exigé sur investissement public, une condition presque sine qua non de la subvention. Les dérives sont donc faciles, et les propositions de Jean-Marie Le Pen souhaitant indexer les subventions sur le nombre de spectateurs en séduiraient certainement certains : subventionner un artiste ou une institution culturelle sur des critères relevant de l'audimat en laissant en retrait les problématiques artistiques reste ainsi une tentation possible.

    L'enjeu n'est pas seulement quantitatif mais aussi qualitatif : remplir les salles, c'est bien. Diversifier les profils afin d'accueillir des spectateurs peu habitués au théâtre et sensibiliser les jeunes via une éducation artistique express peu disponible en milieu scolaire, c'est mieux. Notons au passage que les lieux culturels sont ainsi chargés de combler une certaine faille du côté de l'Education nationale, un peu à la traîne question sensibilisation à l'art malgré la volonté de certains professeurs dévoués et motivés.

    Nous en revenons donc à Alexandra Maurice et Eglantine Desmoulins aux journées remplies d'interventions, partenariats et rencontres dont la finalité est autant de vendre des billets (il ne faudrait pas se leurrer) que de développer une intelligence et une sensibilité. Vous aurez le détail des journées d'Alexandra Maurice d'ici deux semaines, car  après la répétition est l'objet de nombreuses actions scolaires dont je serai ravie de vous rendre compte. Eglantine Desmoulins, elle, organise des rencontres entre public et artistes à l'Athénée  ou à la FNAC (je n'y étais pas samedi dernier d'ailleurs, quelqu'un peut-il me raconter?), fait projeter des films en rapport avec les spectacles accompagnés de débats aux cinémas Balzac et Action, met sur pied avec Guillaume Bourgain et Dorothée Burillon des tables rondes thématiques à la Bibliothèque Nationale de France, à la médiathèque musicale de Paris ou à la bibliothèque Drouot, vous fait découvrir le bâtiment de l'Athénée et accompagne des associations de spectateurs. De quoi ne pas se comporter en simple spectateur consommateur -ou, pour les néophytes, de quoi se comporter en spectateur tout court.

    Vous pourrez profiter du travail d'Eglantine Desmoulins lundi prochain, soit le 24 novembre, au cinéma Action Christine. Au programme à partir de 20h30 : projection du film Après la répétition d'Ingmar Bergman suivi d'un débat modéré par Lola Gruber avec l'équipe artistique du spectacle après la répétition qui se joue depuis vendredi et jusqu'au 6 décembre à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

    Bonne journée !


  • Le théâtre est un métier à risques • Coulisses




    Si l'on a évoqué le 26 septembre et le 21 octobre la question des théâtres à l'italienne vue du côté du public, on n'a pas encore parlé des coulisses de l'Athénée. Lieu charmant sur scène comme dans les bureaux, l'Athénée a aussi quelques lacunes côté ergonomie. Vous l'avez déjà expérimenté dans la salle où l'on voit parfois mieux le spectateur d'en face que les acteurs (c'était aussi le but à la conception du théâtre) et où apercevoir l'intégralité du décor relève parfois du parcours du combattant. Côté bureaux techniques et administratifs, c'est la même chose : on voit très bien ses voisins d'en face (j'y reviendrai lors d'un prochain billet) et le caractère pratique de la conception architecturale laisse parfois à désirer.


    J'aurais pu avoir un accident du travail en sortant de la salle Christian Bérard.
    J'avoue, c'est surtout parce que je n'ai pas trouvé l'interrupteur.



    A ma connaissance, personne ne s'est tordu la cheville en se rendant du bureau d'Hélène Faget, secrétaire technique, à celui de Julie Bellanger, secrétaire de direction. C'est sans doute parce que les employés de l'Athénée sont de grands sportifs.



    Je ne sais pas si Christine Anglès, administratrice, Patricia Mitaine, comptable principale, et Moulaye Fofana, apprenti comptable, on fait de l'alpinisme. Cela leur serait pourtant utile pour grimper aux archives.



    D'ailleurs, quand on voit d'en haut l'échelle qui mène aux dites archives, on se dit qu'il faut aussi avoir pratiqué l'escalade et porter des semelles anti-dérapantes.



    Par cette échelle, on accède à la cuisine : la faim justifie-t-elle les moyens ?



    Si vous avez le vertige et que vous avez vraiment faim, surtout si vous êtes un technicien ou un régisseur en plein travail, vous pouvez également vous rendre à la cuisine par cet accès proche de la grande salle.

    Bon d'accord, on peut aussi rejoindre la cuisine par un couloir et un escalier tout-à-fait normaux : Patrice Martinet, le directeur de l'Athénée, sait qu'il est dans l'obligation de mettre à disposition un lieu pour manger à tous ses salariés.


    Le couloir de la mort.
    On le croise en allant aux archives, lorsqu'on passe au-dessus de la grande salle. Certes, ce n'est pas très dangereux, mais c'est un brin glauque, non?


    Je profite donc de ce billet pour rendre hommage aux employés de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet : vous qui ne vous êtes jamais vautrés, vous avez tout mon respect. Chers spectateurs, ainsi vous savez à quoi vous avez échappé, avouez que de votre côté vous avez de beaux escaliers que vous pourrez contempler en venant aux représentations d'après la répétition !

    Bonne journée.


  • Pendant la répétition • Pleins feux




    Après la répétition, c'est aujourd'hui.  Et les répétitions d'après la répétition, c'est depuis plusieurs jours -en tout cas à l'Athénée, car vous imaginez bien que ça travaille dur depuis des semaines, des mois, que dis-je? Des années (j'exagère peut-être un peu).

    Voici où Laurent Laffargue, Didier Bezace, Fanny Cottençon, Céline Sallette et toute la compagnie du Soleil bleu en étaient hier :


    Sonia Millot, assistante de Laurent Laffargue, veille sur les répétitions depuis sa table de travail.


    Didier Bezace et Céline Sallette, sans maquillage ni costume mais tout de même en lumière et surtout en allemande -je laisse ceux qui connaissent ce terme éclairer les démunis en commentaire...


    Céline Sallette, Didier Bezace et Laurent Laffargue discutent de la scène en cours.


    La cabine du régisseur sans le régisseur.


    La même avec le régisseur (Yoann Pérez)


    Nicolas Brun, régisseur général de la compagnie du Soleil bleu, vu du gril.

    Après la répétition, pour de vrai cette fois, commence ce soir et se joue jusqu'au 6 décembre prochain! En attendant, vous pouvez venir rencontrer les artistes demain à 16h à la FNAC des Ternes, dans le 17e arrondissement de Paris.

    Bon vendredi, et bon week-end!


  • Les œillets verts vous sifflent bonne chance sans tirer sur la corde (à piano) • La corde verte du lapin qui siffle




    Le débat fait rage sur le blog pour déterminer la nature de l'objet que Dominique Lemaire et moi-même vous présentions hier, même si une nette majorité semble se dégager en faveur du fameux "brigadier". Je laisse toutefois le suspense planer et vous donnerai une réponse définitive assortie d'explications raisonnées (j'ai remarqué que vous étiez très cultivés, mais j'essaierai de vous aider à accroître votre savoir déjà bien développé).

    Côté actualité à l'Athénée, les montages et répétitions d'après la répétition dans une mise en scène de Laurent Laffargue préparent la première de demain soir : les machinistes, techniciens, régisseurs et directeurs techniques s'activent dans les cintres et les c…, les cor… enfin les trucs qu'il y a là :

    Coulisses Athénée

    Ceci n'est pas une corde. C'est un fil, une guinde, une drisse, une ganse, une bride, un chanvre, un filin, un lien, un câble, mais pas une corde : le mot est interdit de prononciation dans n'importe quel théâtre (je ne suis pas à l'Athénée au moment où je vous écris, c'est pour cela que j'en profite). Corde ne se prononce qu'en expression, et sur scène on peut parler de corde à piano -qui n'a rien à voir avec un piano d'ailleurs, ça serait trop beau, mais désigne un filin en acier servant à guider un rideau.

    Le monde du spectacle reste en effet assez superstitieux, peut-être à cause du poids des traditions et de l'héritage dans les arts en général, ou de la situation financière et sociale souvent instable des artistes et techniciens qui se raccrocheraient aux présages pour évaluer la réception du spectacle en cours… Donc, sur scène, on ne porte pas de vert, on ne siffle pas, on n'offre pas d'œillets, on ne parle pas de cordes et on ne souhaite pas bonne chance.

    Question cordes, on trouve tout et n'importe quoi pour éclairer l'origine de la superstition. Voici deux explications possibles parmi les plus attestées par des sources un peu dignes de confiance ; je vous passe les interprétations abracadabrantes lues ici et là et vous laisse choisir la vôtre!
    La première, qui est aussi la plus répandue, part du principe que les premiers machinistes étaient des marins en raison de leur habilité à utiliser les poulies indispensables au maniement des décors : en important leur savoir-faire sur scène, ils auraient également amené leurs superstitions. Or, sur un bateau, une corde ne servirait qu'à la justice expéditive non-opposée à la peine de mort (ou à tirer la cloche avec laquelle on rend hommage à un décédé, selon les versions) et jamais à tendre une voile. Prononcer le mot fatal reviendrait donc à attirer la mort sur tout l'équipage.

    Deuxième explication moins morbide : à l'époque où les projecteurs n'existaient pas et que les troupes dépensaient une fortune en bougies, on aurait installé des seaux remplis d'eau au-dessus de la scène qu'il aurait suffi de retourner avec une corde pour éteindre au plus vite un éventuel incendie. Il aurait donc suffi de crier "corde" à un moment inapproprié pour ruiner maquillages, costumes, perruque, plancher et accessoirement éclairage sous des trombes d'eau inopportunes...

    Au fait, vous avez remarqué que nous sommes le 13 novembre?

    Bonne journée quand même, et à demain pour la première d'après la répétition. Pour le vert, les œillets, le sifflotement et la chance, des explications viendront !


  • Les grands mystères de Dominique Lemaire (1) • La corde verte du lapin qui siffle




    Vous connaissez déjà Dominique Lemaire, directeur technique adjoint de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet : l'homme aux haltères rectangulaires qui fait de la guitare aux fêtes d'anniversaire  et pense en degrés Kelvin quand il ne s'intéresse pas aux petits cailloux aime aussi les devinettes.

    C'est ainsi que, la semaine dernière, il m'invita dans son bureau pour me montrer quelques photos : Dominique Lemaire serait un bon professeur et ferait également un chouette conservateur, car il a glané tout un tas de petits objets de théâtre naguère fréquemment utilisés mais aujourd'hui un peu oubliés.

    Comme cela a été fait en son temps dans Le Courrier de l'Athénée rédigé par Hélène Icart et Sylvie-Léa Cohen (et dont j'aurai l'occasion de vous reparler), je vous propose de jouer à la photo mystère.

    Voici donc le premier objet, je vous laisse essayer de deviner à quoi il servait!

    Grands mystères de Dominique Lemaire 1

    La photo est de Dominique, et j'imagine qu'il se joindrait volontiers à moi pour vous souhaiter une bonne journée!

     


  • La solitude du photographe • Pleins feux




    J'aurais beaucoup aimé pouvoir vous proposer un bel album photo des répétitions de Claus Peymann…/Sik Sik qui a quitté les murs de l'Athénée hier après-midi, et c'est dans cette optique que je suis allée me cacher dans le fond de la salle avec mon appareil la semaine dernière.

    Seulement voilà, à peine une photo prise, j'entendis Carlo Cecchi, qui pourtant me tournait le dos, marmonner en italien une question où j'eus l'impression de reconnaître les mots "luce" et "verde" : autrement dit, rien n'échappe à un artiste perfectionniste assis dans le parterre, pas même un petit témoin vert de mise au point sur un appareil photo placé vingt mètres derrière lui au deuxième balcon -les localisations sont véridiques. Je préférai donc m'échapper assez rapidement pour qu'il croie encore avoir rêvé et avant qu'il accuse le régisseur lumière de s'être trompé dans la couleur des gélatines (vous connaissez déjà ce mot si vous avez tout suivi).

    Comme quoi, comme Lady Diana est censée l'avoir prononcé selon certains sites internet regroupant des citations plus ou moins véridiques : "Les photographes : ils ne font que leur boulot mais parfois ils devraient s'en abstenir". Il n'est toutefois pas précisé si elle l'a dit avant ou après sa mort.

    La plupart de ceux d'entre vous qui me lisent aujourd'hui ne font sûrement pas le pont d'avant ce mardi 11 novembre : en récompense, voici la photo rescapée de cet après-midi du 5 novembre dernier.

    Claus Peymann Sik Sik

    Demain, le montage technique d'après la répétition, le prochain spectacle de l'Athénée, continue malgré l'armistice. J'aurai une pensée pour les courageux mais resterai du côté des chanceux : je vous dis donc à mercredi!


  • Je hais le théâtre • Entretien




    Carlo Cecchi, le metteur en scène de Claus Peymann…/Sik Sik, est le genre de personnage imposant à qui l'on a peur de parler. Alors pour glaner des idées sur le spectacle, on est allée voir Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, personnage aussi imposant à qui l'on a moins peur de parler.

    "_ Pourquoi avoir programmé un spectacle de Carlo Cecchi?
    _ J'ai connu Carlo en accueillant au Centro di Ricerca per il Teatro, que je dirigeais à Milan, son spectacle RitterDeneVoss : comme Claus Peymann…, il s'agit d'un texte de Bernhard sur le théâtre, dont le titre français est, bizarrement, Déjeuner chez  Wittgenstein. Ritter, Dene et Voss sont en fait les noms des trois comédiens du Burgtheater de Vienne qui ont créé la pièce. J'ai ensuite programmé la pièce en 2003 dans une mise en scène de Hans Peter Cloos : nous avions souhaité l'intituler ScobRichWaneck, du nom des trois comédiens du spectacle, mais nous n'en avons malheureusement pas eu l'autorisation. Ce texte de Bernhard est un hommage aux comédiens et au théâtre, et la mise en scène qu'en avait fait Carlo Cecchi reste un grand souvenir de mon séjour en Italie.
    Programmer Claus Peymann…/Sik Sik était ainsi une manière de renouer avec cette émotion tout en donnant un spectacle qui déclare son amour du théâtre : car si le personnage de Thomas Bernhard dans Claus Peymann… crie sa haine du théâtre, c'est tout simplement pour mieux montrer qu'il l'aime infiniment…
    Et pour être honnête, je crois que cela faisait des années que je n'avais pas autant ri : j'ai réellement trouvé que c'était un spectacle incroyablement drôle. Il y a enfin une forme d'hommage à Louis Jouvet : comme Louis Jouvet, Carlo Cecchi est un capocomico, c'est-à-dire un metteur en scène qui dirige une compagnie et est présent sur le plateau en jouant avec les autres. Les troupes rassemblées autour d'un metteur en scène perdurent encore en Italie, bien plus qu'en France, d'ailleurs!

    _ Vous qui parlez couramment italien, pensez-vous qu'on apprécie différemment le spectacle lorsqu'on n'est pas italophone?
    _ Oui, car il y a une double démonstration. C'est surtout un spectacle sur les coulisses du théâtre où Thomas Bernhard va jusqu'à se mettre en scène en compagnie de Claus Peymann, qui a réellement été directeur du Burgtheater de Vienne ; de même pour Sik Sik où l'on caricature la figure du comique italien.
    C'est dans Sik Sik que la maîtrise de l'italien s'avère intéressante, car on voit l'incompréhension entre deux Italiens qui essaient de parler une langue qui n'est pas la leur, mais qui est pourtant l'italien… L'italien devrait être une langue commune, mais il y a autant de dialectes que de régions, et l'unification qui a eu lieu au 19e siècle s'est accomplie en dépit du fait qu'un Napolitain ne pouvait pas comprendre un Milanais…
    Dans Sik Sik, on voit donc deux personnages qui utilisent différemment l'italien : ils essaient de se comprendre en utilisant les mêmes tournures mais s'en servent mal et surtout pas de la même manière ! De toutes façons, la gestuelle napolitaine est un plaisir en soi et une langue que tout le monde comprend.

    _ Pour en revenir à Claus Peymann…, je me demandais si vous vous étiez reconnu dans ce personnage de directeur de théâtre peu orthodoxe?
    _ J'ai bien peur que oui. Moi aussi j'ai connu des doutes en arrivant à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, moi aussi je réfléchis à la prochaine saison avec Christine Anglès, l'administratrice de l'Athénée, et surtout, moi aussi j'achète des pantalons."

    Il vous reste jusqu'à dimanche pour découvrir un petit bout d'Italie ; quant à moi, je vous dis à lundi!


  • Mon directeur, ce héros • Coulisses




    Vous le savez, l'événement principal à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet cette semaine reste le spectacle de Carlo Cecchi, Claus Peymann…/Sik Sik. N'en oublions pas pour autant d'autres événements qui changent la face du théâtre -ou, plus exactement, celle de son équipe.

    Avant-hier, c'était en effet l'anniversaire de Patrice Martinet, directeur de l'Athénée : ne comptez pas sur moi pour vous révéler l'âge du jubilaire, et ceux qui se lanceront dans les devinettes en la matière le feront à leurs risques et périls dans leurs commentaires (je vous en prie, ne m'obligez pas à vous censurer pour préserver la paix sociale à l'Athénée).

    Pour l'occasion, la face de l'Athénée en fut donc changée, et toute l'équipe du théâtre se déguisa en Patrice Martinet.
    Voici à quoi ressemble l'original selon le portrait de Brigitte Baudesson que vous trouverez sur le site de l'Athénée :

    Patrice Martinet



    Et voici ses petits avatars affublés de lunettes rondes et d'une barbe en velours confectionnée par Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général, et Patricia Mitaine, comptable principale :

    Patrice Martinet et les sept nains

    Les sept répliques (on n'a pas dit sept nains) de gauche à droite
    Marie-Noëlle (régisseur général), Mathilde (stagiaire en communication et relations publiques), Eglantine (attachée aux relations publiques), Amandine (directrice du développement), Guillaume (secrétaire général), Aline (directrice de salle) et Florence (attachée à la communication).



    Eglantine Desmoulins et Amandine Gougeon
    Les mêmes en gros plan :
    Églantine (attachée aux relations publiques) à gauche, Amandine (directrice du développement) à droite. Derrière Églantine, on aperçoit Julie (secrétaire de direction), et dans le miroir Janie (membre de l'équipe d'accueil) ainsi que Guillaume (secrétaire général).



    Si j'avais eu un appareil panoramique, vous auriez également pu voir déguisés Christine Anglès (administratrice), Hélène Faget (secrétaire technique), Capucine Leboucher (coordinatrice de billetterie), Denis Léger (directeur technique), Dominique Lemaire (directeur technique adjoint), Jean-Noël De Marcovitch (régisseur général), Alexandra Maurice (attachée aux relations publiques), Yoann Perez (régisseur son) et Patricia Mitaine (comptable principale).

     

    Et l'intéressé, quel tête il avait?  Visiblement ému, il s'appuyait sur une chaise comme pour ne pas chanceler.

    Patrice Martinet

    Patrice (directeur) et Dominique (directeur technique adjoint et guitariste de fêtes d'anniversaire en cas de besoin)

    Patrice Martinet

    La légende de cette photo reste ouverte. Je propose quelques possibilités et vous laisse me faire part de vos idées :
    "_ Vous, là, posez cet appareil photo."
    "_ On peut savoir pourquoi vous n'aviez pas de barbe?"
    " _ Il est bizarre votre pull aujourd'hui."
    "_ Votez pour moi" (excusez-moi, ce sont les nouvelles d'hier qui m'égarent)

    Derrière Patrice Martinet, on aperçoit sans barbe Julie (secrétaire de direction), Florence (attachée à la communication), Amandine (directrice du développement) et Guillaume (secrétaire général).


    Ce jour-là, c'était aussi la fête de Carlo Cecchi : pour la lui souhaiter, même avec retard, Claus Peymann…/Sik Sik se joue jusqu'à dimanche! Bon jeudi.


  • Little Italy • Pleins feux




    Claus Peymann…/Sik Sik mis en scène par Carlo Cecchi commence ce soir, et le montage technique de veille de représentation auquel vous commencez à être habitués prenait hier une coloration particulière teintée d'accent italien, de phrases anglo-italiano-françaises et des panneaux de surtitres à installer et tester.



    Yoann Perez et Pierre Berneron

    Yoann Perez et Pierre Berneron, régisseurs son, installent les panneaux où ceux d'entre vous qui ne parlent pas italien couramment (comment ça "tout le monde"?) pourront suivre la traduction du texte en simultané.

    Dominique Lemaire

    Dominique Lemaire, directeur technique adjoint, fait des haltères d'un nouveau genre (à moins qu'il soit en train de suspendre le fameux panneau cité plus haut).

    Panneau surtitre

    Deux panneaux, un à cour et un à jardin : les difficultés du théâtre à l'italienne dont nous avons déjà eu l'occasion de parler empêchent de mettre un seul panneau au centre en haut de la scène comme c'est le cas habituellement dans les théâtres -et l'on a vu Dominique Lemaire, directeur technique adjoint, et Yoann Perez, régisseur son, se déplacer de siège en loge et de corbeille en balcon pour vérifier que la traduction était bien visible de partout.

    Montage Claus Peymann/Sik Sik

    A gauche du panneau, Jean-Marc Girodeau, technicien, et Jean-Noël de Marcovitch, régisseur général. A droite, Marie-Noëlle Bourcart, régisseur général (précédemment aperçue dans des positions plus inconfortables) et Paolo Dinattieri, de l'équipe de Carlo Cecchi.

    Emanuel Giovagnoli, de l'équipe de Carlo Cecchi, et Jean-Noël de Marcovitch, régisseur général, montent la toile de fond.

     

    Montage Claus Peymann/Sik Sik

    Pour les projecteurs, vous connaissiez déjà le chariot élévateur (dit aussi Génie) : découvrez aujourd'hui l'escabeau géant.

     

    A ce soir pour ceux qui seront là, et à demain pour les autres! Buona giornata a tutti… (je suis allée chercher loin dans mes vagues connaissances en italien pour vous retrouver ça, que les doués en langues étrangères n'hésitent pas à me corriger!)


  • Sous vos applaudissements • Perspective




    Le Tribun/Finale appelait manifestement à réaction, et sur le blog les commentaires ne se sont pas fait attendre. Il y eut débat sur l'idée d'oeuvre conceptuelle, sur la démagogie, sur le discours, mais également un, en apparence plus anecdotique, sur la question des applaudissements : étaient-ils nourris, seulement polis, enthousiastes ou carrément glacés? L'appréciation de la tonalité des applaudissements variait selon l'auteur de chaque commentaire et pouvait servir de justification à un avis que l'on préfère toujours voir partagé : "j'ai aimé, mais je n'étais pas le seul, souvenez-vous des applaudissements tonitruants!"

    Il y aurait beaucoup à dire sur l'origine des applaudissements dont l'usage remonterait à l'empereur Auguste cherchant à réguler les cris saluant une représentation, et l'on renvoie le lecteur intéressé à l'abécédaire de Vincent Borel, Un Curieux à l'opéra, édité chez Actes Sud en 2006. Ils tendent aujourd'hui à se répandre hors des sociétés occidentales, même si les applaudissements japonais sont souvent très mesurés voire inexistants et que beaucoup de Maliens, s'ils battent volontiers des mains pendant le spectacle, le font rarement à la fin : éventuellement question de pudeur chez les premiers et de vision communautaire d'un art intégré au quotidien chez les seconds, les applaudissements sont en tout cas révélateurs de codes sociaux et d'organisations de société qu'il serait vain de vouloir traiter en quelques mots.

    Revenons donc au cas de l'Athénée, car on n'applaudit pas de la même manière après Le Tribun qu'après Finale, après un concert du Quatuor Psophos qu'après L'Opéra de quatre notes, après Rêve d'automne qu'après Claus Peymann.../Sik Sik (quoique dans ce cas précis, pour l'instant je fabule, car Claus Peymann.../Sik Sik ne commence que demain). La façon dont on applaudit dépend certes de son appréciation personnelle du spectacle mais aussi de bien d'autres facteurs.

    Dans le cas du Tribun, on est à l'entracte qui précède Finale, et l'on a tendance à se réserver pour la fin -Finale récolte donc les applaudissements pour deux, mais je ne dis pas ça pour créer un conflit entre Bernard Bloch et l'Ensemble 2e2m, évidemment (hum). Avec le Quatuor Psophos, l'on entre dans le monde feutré de la musique classique où il est sacrilège d'applaudir entre deux mouvements d'une même oeuvre et inélégant de hurler "bravooooooo !!!!!" à gorge déployé, sauf exceptions notables comme les festivals ou maisons d'opéra internationales où se pressent professionnels exigeants et amateurs passionnés. Musique aussi du côté de L'Opéra de quatre notes, mais surtout spectacle plein d'humour qui provoque le rire, et l'on est toujours plus enclin à applaudir avec enthousiasme après avoir hurlé de rire pendant une heure et demie : l'émotion n'a pas été retenue durant le spectacle et les acclamations arrivent ainsi comme une suite logique de la représentation. Rêve d'automne aurait pu connaître l'effet inverse si celui-ci n'avait pas été contrebalancé par la présence d'acteurs connus au générique : après un spectacle intime à l'ambiance peuplée de non-dits et de sensations en demi-teinte, des applaudissements bruyants paraissent vite inappropriés voire inconvenants, et il est toujours délicieux de savourer ce moment de silence plus ou moins long qui suit la dernière réplique et précède les premiers claquements.

    Et quid du non-applaudissement? Imaginez-vous un spectacle suivi d'un grand silence, comme devraient l'être les représentations de Parsifal pour lesquelles Wagner interdît le moindre signe d'adhésion afin de n'en pas briser la spiritualité? On applaudit souvent, même lorsqu'on n'est pas content (le claquement se faisant alors mou et peu enthousiaste) : les applaudissements font ainsi office de rituel permettant le passage du monde du spectacle au monde réel.

    Nouvel avatar du nocher Charon ou manifestation d'opinion, les applaudissements qui viendront saluer Claus Peymann.../Sik Sik auront sans doute eux aussi leur coloration singulière. Il y a fort à parier que nous serons nombreux cette semaine à prendre en compte la nationalité italienne des artistes dans nos applaudissements en voulant particulièrement remercier des gens qui n'ont pas hésité à venir de loin juste pour notre contentement.

    Bon mardi !


  • Les photos/finales • Pleins feux




    Le Tribun/Finale s'est terminé samedi, et les équipes de l'Ensemble 2e2m, de la compagnie Ecuador et du Réseau (théâtre) ont quitté les lieux pour laisser la place aux artistes et techniciens de Claus Peymann compra un paio di pantaloni e viene a mangiare con me / Sik Sik l'artefice magico (que nous nous appellerons dorénavant Claus Peymann.../Sik Sik pour davantage de commodité). J'ai toutefois pu glaner quelques photos avant le départ définitif :

    Tribun/Finale

    Ce paquet gris et rouge, ici à la lumière d'une ampoule nue, rappellera sans doute quelque chose aux spectateurs du Tribun/Finale : l'orateur avait en effet un cadeau pour nous (il nous voulait du bien, souvenez-vous).

     

    Tribun/Finale

    Un autre cadeau, moins tendancieux celui-ci : les fleurs que l'Athénée a offert aux artistes pour la première.

     

    Tribun/Finale

    Le percussionniste avait beaucoup à faire, en particulier dans Finale : voilà un petit aperçu de son espace de travail…

     

    Tribun/Finale

    Les pupitres désormais vides des musiciens de l'Ensemble 2e2m.


    Claus Peymann.../Sik Sik commence ce mercredi : pour en savoir un peu plus sur ce spectacle qui mêle textes de Thomas Bernhard et d'Eduardo de Filippo, n'hésitez pas à vous rendre ce soir à 19h à l'Institut Culturel Italien, 50 rue de Varenne à Paris, pour y rencontrer Carlo Cecchi, metteur en scène du spectacle, Huguette Hatem, traductrice d'Eduardo De Filippo, et Patrice Martinet, directeur de l'Athénée.

    Bon début de semaine à tous!


  • L'histoire de Monsieur Sommer • Entretien




    Entretien avec Jean Lacornerie

    Jean Lacornerie, le metteur en scène du Tribun/Finale, est un petit homme à l'air tout à la fois inquiet et souriant qui ressemble à Boris Vian, ou à un tableau d'Edward Hopper, ou à un dessin de Sempé, ou aux trois à la fois. Conversation assis sur un canapé dans un couloir, avant une répétition de l'Ensemble 2e2m.


    Ensemble 2e2m

    L'Ensemble 2e2m. De dos, Christian Loret, directeur technique de l'Ensemble.


    "_ Comment mettre en scène la musique ?
    _ Vous avez raison, la musique se met effectivement en scène. Elle apporte au théâtre quelque chose d'essentiel, une émotion qu'on ne peut atteindre avec les mots : la musique emmène ailleurs, d'autant que le geste des musiciens en train de jouer est toujours spectaculaire. Concernant la mise en scène de la musique, tout dépend du compositeur, de l'oeuvre en question et surtout de son équilibre entre théâtre et musique. Chez Mauricio Kagel, toute la pensée musicale est spectaculaire : le spectacle fait partie de la musique, et tout a été conçu ensemble. En fait, la mise en scène existe déjà dans le dispositif de Kagel : c'est souvent le cas aussi avec l'opéra où le compositeur a déjà une idée du spectacle, où théâtre et musique ne sont pas indépendants. Je cherche à monter des oeuvres musicales où la théâtralité est intéressante, où le théâtre et la musique sont au même niveau, comme chez Kurt Weill par exemple."


    Ensemble 2e2m

    C'est très animé, dans ce couloir : les musiciens de l'Ensemble 2e2m vont et viennent en se préparant pour leur répétition.


    "_ Aurait-il été envisageable d'utiliser une bande enregistrée pour Le Tribun?
    _ Définitivement, non. La musique enregistrée n'apporterait rien. C'est la présence des instrumentistes qui est intéressante : ces types qui jouent cette espèce de marche militaire déglinguée font contrepoids à l'orateur qui déclenche les sons. La musique va peu à peu au-delà du martial, et cette étrangeté emmène le spectateur ailleurs que là où l'orateur aimerait le situer. Ainsi, Le Tribun porte un propos politique mais nous transporte aussi dans l'imaginaire. Il y a quelque chose de grotesque dans la figure de l'orateur que Kagel a très bien rendu : ils ont un culot effréné, et c'est ce caractère excessif où tout est permis qui fascine. Ecoutez parler n'importe quel homme politique, vous verrez qu'il y a quelque chose de ridicule."


    Ensemble 2e2m

    En plus d'être animé, ce couloir, il est près de la scène : on entend d'ici les musiciens  de l'Ensemble 2e2m discuter et s'accorder.


    "_ Pourquoi avoir couplé Le Tribun et Finale ?

    _ C'est une idée de Pierre Roullier, le directeur musical de l'ensemble 2e2m. Le chef d'orchestre est également une figure du pouvoir, et ses relations avec les membres de l'orchestre oscillent entre fascination et détestation : il était donc intéressant de mettre en regard cette incarnation de la puissance dans Finale avec celle du Tribun.

    _ Vous avez été secrétaire général de la Comédie Française pendant deux ans : pourquoi avoir voulu vous occuper de communication et de relations avec le public ?
    _ J'étais jeune à l'époque, et je n'étais pas encore sûr de vouloir faire de la mise en scène,  même si j'ai finalement quitté ce poste pour fonder ma propre compagnie à Lyon. Aujourd'hui je dirige le Théâtre de la Renaissance à Oullins, près de Lyon, et je crois que tout est lié, qu'il est important de voir ce qui se passe dans un théâtre à tous les niveaux. Une relation de longue durée s'instaure avec les équipes et les spectateurs, et cela donne du sens à ce que l'on fait."

    Ensemble 2e2m

    Pierre Roullier, chef d'orchestre de l'Ensemble 2e2m, est arrivé lui aussi : c'est parti!

    Je vous laisse en compagnie de Nighthawks d'Edward Hopper… Lorsque je reviendrai lundi, les représentations du Tribun/Finale seront finies : il vous reste jusqu'à samedi!
    Bon week-end et à lundi.

    Nighthawks

     

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Elémentaire, mon cher Jouvet (2) • Coulisses




    Certains se souviennent peut-être de la caverne d'Ali Martinet, directeur de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, et de la promesse que je vous avais faite de vous montrer quelques objets.

    Commençons plutôt par les choses qui n'y sont plus, car même si Patrice Martinet, à l'instar de Denis Léger, aime collectionner les objets, il sait aussi s'en débarrasser. J'en prends pour exemple cet énorme canapé légué par Pierre Bergé, ancien directeur de l'Athénée. Enorme machin à la structure défoncée et très peu élevée, ce canapé était si  bas et si confortable que personne ne semblait pouvoir un jour s'en relever. Et voilà notre Patrice Martinet condamné à supporter des rendez-vous interminables avec des interlocuteurs donnant l'impression qu'ils ne s'en iraient jamais.

    Lassé de ces conversations au temps illimité car ayant un emploi du temps de directeur très occupé, Patrice Martinet prit un jour une décision raisonnée : se débarrasser du canapé. Il fut expatrié dans la coursive pour permettre aux techniciens de s'y reposer. Souvent, en fait, ils y dormaient.

    Patrice Martinet fit ensuite un deuxième choix tranché : il fallait vendre ce canapé. On le mit donc sur E-Bay, mais il était tellement énorme que personne n'en voulait. C'est donc Yoann Perez, régisseur son à l'Athénée, qui l'a acheté. Pour son petit salon, le mastodonte semble vaguement démesuré, mais Yoann me dit sur un ton très enjoué : "non mais attends, il est très bien, ce canapé! C'est un endroit de squat où se reposer, et je suis très fier de posséder un canapé où tant de gens illustres ont pu poser leur fessier!".

    Des photos suivront, je vous le promets. En attendant, ceux qui étaient à la première du Tribun/Finale hier sont invités à me dire ce qu'ils en ont pensé!

    Bonne journée...


  • Apéro Tribun • Entretien




    Mauricio Kagel, l'auteur et compositeur des deux pièces Le Tribun et Finale qui seront jouées à l'Athénée à partir de ce soir, est décédé le 18 septembre dernier : les cinq représentations qui arrivent prennent ainsi une forme d'hommage à cet artiste germano-argentin empreint d'humour et d'intelligence. Extraits d'une conversation téléphonique avec Bernard Bloch, acteur du spectacle :

    "_ Salut Stephen, c'est sympa de me rappeler si rapidement!
    _ (silence puis gros éclat de rire) Raté, c'est Bernard Bloch !"
    (Ou comment briser sa crédibilité professionnelle en une phrase, au prochain numéro inconnu je dirai "allô" comme tout le monde)

    "_ C'est la première fois que vous jouez Le Tribun/Finale ?

    _ Il s'agit en fait d'une collaboration entre trois compagnies : l'ensemble musical 2e2m, la compagnie Ecuador de Jean Lacornerie et ma propre compagnie, le Réseau (théâtre). Nous en avons joué une maquette au festival des Arcs puis à La Friche la Belle de Mai à Marseille. Le plus frappant reste la résonance politique rencontrée par Le Tribun. Ecrit en référence à la dictature argentine, il a trouvé son écho dans la montée en puissance de Jean-Marie Le Pen aux Arcs, puis dans l'élection de Nicolas Sarkozy qui avait eu lieu une semaine avant les représentations à Marseille : aujourd'hui, cela évoque immanquablement la crise financière dont on nous disait péremptoirement depuis deux ans qu'elle ne nous concernait pas. Le Tribun est un délire poético-politique assez déjanté, une déconstruction des discours populistes de tous bords."

    "_ Qu'est-ce que la musique apporte à cette parodie du discours politique?
    _ Toute parole est musicale! D'ailleurs, lorsque j'ai refait la traduction du texte de Mauricio Kagel puisque l'existante ne nous satisfaisait pas, j'ai accordé beaucoup d'importance aux sonorités.
    (Je l'entends expliquer au serveur du restaurant où, manifestement, il se trouve, qu'il veut sa viande à point, "enfin pas trop cuite quoi") Pour en revenir aux liens entre musique et politique, disons que les hommes et femmes politiques cherchent à toucher la même chose que la musique, c'est-à-dire autre chose que la raison, une partie de notre inconscient, là où les gens ne se rendent pas compte de ce qu'on essaie de leur fourrer dans la tête. Même si, évidemment, il y a du sens dans la musique, la musique touche l'émotion avant l'intelligence : exactement comme le discours démagogique, sauf que, en ce qui concerne la musique, les conséquences sont le plus souvent bénéfiques... Et puis la musique de Kagel amène de l'ironie et de la dérision et renforce la fascination."

    "_ Avez-vous spécialement visionné des meetings politiques pour jouer ce texte?
    _ Non, je connaissais déjà bien la chose… En fait, j'ai beaucoup milité moi-même, dans la politique et le syndicalisme.
    _ Au vu du texte, je vous aurais plutôt vu comme un artiste refusant tout engagement politique, justement pour ne pas être lié à ce type de discours : un "artiste dégagé", pour citer Pierre Desproges…
    _ Et non, encore une fois, c'est raté! J'ai connu tout cela de l'intérieur."

    "_ Et Finale?

    _ Je préfère ne pas trop en dire : l'oeuvre, musicalement bouleversante, se fonde sur le suspense. Sans texte, Finale répond au Tribun dans un esprit plus malicieux en posant la question de la réaction d'une foule face à un événement absolument inattendu... Dans les deux pièces, nous voyons deux chefs en action : le chef des mots dans Le Tribun et celui de la musique dans Finale."

    J'ai ensuite laissé Bernard Bloch manger son steak bien mérité après des heures de répétition, pour mieux le retrouver ce soir lors de la première représentation... Bon mercredi à vous !


  • Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles • Perspective




    En arrivant à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, vous trouverez sur votre gauche la caisse où acheter vos billets, sur votre droite le coin "invitations" (là où se trouvait la perruque de vendredi dernier) : dans le monde du spectacle en général, à qui sont-elles destinées? Essentiellement aux journalistes, aux représentants des tutelles, aux mécènes ou aux membres de l'équipe du théâtre. Parfois aussi aux professionnels de la culture, à la femme du metteur en scène ou aux petits débrouillards.

    Avec les récents débats sur la gratuité des musées, l'on pourrait imaginer le coin de gauche condamné et le coin de droite pris d'assaut : des invitations pour tous, après tout pourquoi pas? Cette proposition de la gratuité (essentiellement des musées) était la pierre angulaire du volet culturel du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy et a ensuite été confirmée dans la lettre de mission qu'il a adressée à Madame la ministre de la culture Christine Albanel. Un seul but : favoriser l'accès de tous à l'art.

    La démocratisation est devenue une obsession française au point d'absorber la question de la politique culturelle dans son ensemble, et étudier les programmes politiques des candidats à la présidence était en ce sens assez parlant : hormis José Bové et Frédéric Nihous (à ma connaissance), tous les prétendants en appelaient à la démocratisation culturelle en termes relevant souvent davantage de l'incantation que du véritable programme. L'accès à la culture finit par devenir une sorte de tarte à la crème hexagonale, le passage obligé de tout projet relatif aux arts, mais souvent sans que l'on se pose la question des moyens à mettre en oeuvre. La proposition de la gratuité a le mérite de casser le caractère prophétique des appels à la démocratisation en soulevant un vrai débat de fond.

    On part donc de l'idée que la culture est un bien commun auquel tout le monde doit pouvoir accéder, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres pays. On associe ainsi l'art à l'utile en estimant que la culture est un droit fondamental permettant l'avènement d'une pleine citoyenneté -le préambule de notre Constitution le rappelle d'ailleurs explicitement. Ce présupposé est rarement remis en cause en France et se continue logiquement dans le débat sur les moyens de diffusion et de compréhension de la culture : éducation artistique à l'école, diffusion massive des oeuvres d'art par les nouvelles technologies, développement des services de développement des publics dans les structures culturelles, baisse des prix, gratuité…

    J'attends avec impatience les suites de l'expérience de gratuité menée de février à juin dans quatorze musées et monuments nationaux français, même si les enjeux ne sont pas exactement les mêmes pour le spectacle vivant. Formidable idée généreuse et démocratique, la médaille de la gratuité a aussi son revers. Elle semble résoudre la question de l'accès matériel, mais sans prendre en compte l'intégralité des dépenses liées à une sortie culturelle comme le transport, le verre au bar du théâtre ou l'achat d'un livre à la boutique du musée. Elle paraît répondre au credo de la démocratisation mais peut-être sans poser la question de l'accès intellectuel aux oeuvres d'art ; certes, la gratuité augmente la fréquentation, mais beaucoup de visiteurs reviennent plusieurs fois, et l'on ne peut s'empêcher de penser que quelqu'un qui n'a jamais eu l'idée d'aller à l'opéra n'ira pas davantage si l'entrée est gratuite : en clair, la gratuité semble avoir peu de sens si elle n'est pas liée à un processus d'accompagnement et de sensibilisation du public. Enfin, tout en posant la question des ressources à trouver pour compenser la baisse des recettes propres qu'elle induit, la gratuité sous-entend que la culture ne coûte rien (et de là à affirmer qu'elle ne vaut rien, il n'y a peut-être qu'un petit pas).

    Certains d'entre vous ont peut-être également leur avis sur cette question : je vous attends en commentaire sur le blog!
    Et ceux que la démagogie et la rhétorique politique intéressent peuvent donc aller voir Le Tribun/Finale à partir de demain….

    Bonne journée à tous.


  • Les petits objets de Denis Léger (2) • Coulisses




    Denis Léger, le directeur technique de l'Athénée, est très heureux d'avoir Aretha Franklin dans son bureau (à moins que cela soit quelqu'un d'autre, je ne sais plus bien) et vous remercie tous pour votre engagement du 8 octobre dernier.
    Après le buste mystère, place aujourd'hui à l'animalerie!

    Rat Denis Léger

    "_ Qu'est-ce qu'il est moche, ce rat!
    _ On était avec mon fils à Disneyland, et il voulait absolument qu'on lui achète ce rat tiré de je ne sais quel dessin animé. Il faisait des pieds et des mains pour l'avoir, nous sommes donc évidemment restés très fermes et l'avons acheté au bout de dix minutes (tu verras, quand tu auras des enfants) C'était à prévoir, le rat lui faisait déjà peur au bout de deux jours. Alors je l'ai amené ici."

     

    Cheval Denis Léger

    "_ Lui, il vient de Pologne! Il m'a été offert par Patrick Penot, ancien administrateur de l'Athénée et aujourd'hui codirecteur du Théâtre des Célestins à Lyon. Après son poste à l'Athénée, il est parti diriger l'Institut Français de Varsovie, dont il avait d'ailleurs déjà été directeur auparavant. Un jour, en repassant par l'Athénée, il m'a offert ce petit cheval qu'il avait acheté à Cracovie."



    Corbeau marionnette Denis Léger

    "_ Il y a plein de corbeaux autour de chez moi, j'en vois tous les jours. Au début, cela m'inquiétait, puis j'ai fini par m'imaginer qu'il s'agissait des gens que j'aimais réincarnés en corbeaux. Moi aussi d'ailleurs, je me réincarnerai en corbeau, tu verras. Celui-là vient de Monsieur Bonhomme et les incendiaires de Max Frisch monté par Claude Stratz en 2001. C'est en fait une marionnette qui apparaissait comme un oiseau de mauvais augure dans la pièce et que le comédien essayait d'attraper.



    Corbeau Knock Denis Léger

    "_ Encore un, il vient de Knock ou le triomphe de la médecine de Jules Romains monté par Maurice Bénichou en 2002. Les personnages sont dans une voiture et, pour évoquer le trajet et le paysage qui défile, on faisait passer tout un tas de choses sur une roue placée derrière la voiture. Ce corbeau aurait dû en faire partie, mais ils l'ont finalement abandonné, tout comme les oies que tu trouveras dans le foyer des comédiens."



    Oies foyer des comédiens

    Effectivement, elles sont bien là, mais elles ont manifestement souffert de l'épisode de la grippe aviaire…


    J'espère que vous allez bien en ce début de semaine où commence un nouveau spectacle, Le Tribun/Finale de Maurico Kagel dans une mise en scène de Jean Lacornerie et une direction musicale de Pierre Roullier.

    PS : si quelqu'un a une idée du dessin animé de Walt Disney d'où est tiré le rat, je suis preneuse! (personnellement je pensais à La Belle et le clochard, mais rien de certain). Bonne journée!


  • L'album de quatre notes • Pleins feux




    L'Opéra de quatre notes termine son montage technique

    Opera de quatre notes 6
    (Denis Chouillet, Jean-Christophe, Jean-Noël De Marcovitch, Baptiste)


    L'Opéra de quatre notes s'échauffe la voix
    Opera de quatre notes 7
    (Anne Marchand, Denis Chouillet et Paul-Alexandre Dubois)


    L'Opéra de quatre notes part dans l'ultraviolet
    Opera de quatre notes 8
    (Denis Chouillet)


    "Le metteur en scène, c'est celui qui crie plus fort que tout le monde"
    (Définition de Paul-Alexandre Dubois qui n'engage que lui)
    Opera de quatre notes 9
    (Denis Chouillet, Eva Gruber, Paul-Alexandre Dubois)


    L'Opéra de quatre notes délocalise ses perruques à la billetterie.
    Opera de quatre notes 10
    (Alexandra Maurice et Eglantine Desmoulins)


    Le sèche-cheveux géant est un danger souvent ignoré.
    Opera de quatre notes 11
    (Lola Gruber, Florence Cognacq, Estelle Laurentin, moi-même en cherchant bien, Alexandra Maurice)

    Le compositeur et librettiste de L'Opéra de quatre notes, Tom Johnson, sera présent après la représentation de demain à 15h. Je ne pourrai pas assister à ce qui promet d'être un grand moment d'humour mais j'espère que certains d'entre vous pourront me raconter!

    Bon vendrely (en hommage au Gérard du même nom) et à lundi!


  • La jupette 51 en forme de banane fait fondre les gélatines à 6000 degrés Kelvin • La corde verte du lapin qui siffle




    La première de L’Opéra de quatre notes a bien eu lieu hier soir, et dans la bonne humeur (j’avoue, les rires de certains spectateurs sont tellement caractéristiques que parfois je ne savais plus si ce qui me faisait rire était sur scène ou dans la salle, mais je m’égare).
    Bref disais-je, ceux qui étaient présents ont pu entr’apercevoir ce qui fait les coulisses d’un opéra sur le principe de la mise en abyme, mais plutôt côté chanteurs. Pour ma part, lors des diverses répétitions et montages, j’ai aussi vu le côté technique et son petit vocabulaire, employé dans un certain contexte et pas toujours défini de manière orthodoxe. Voici donc ce que l'on a pu entendre ces derniers jours :

    "_ Tu peux pivoter le projecteur de ce côté-là ?
    _ Non, si je fais ça, je vais retourner la banane."
    Définitions compilées de Gérard Vendrely, créateur lumières de L'Opéra de quatre notes, et de Denis Léger, directeur technique de l'Athénée : "le projecteur diffuse une lumière de forme oblongue. Ou, plus exactement, le rond de lumière qui apparaît au sol est plus intense dans une partie centrale en forme d'ovale, et c'est cette partie que l'on appelle banane."
    Confidence de Dominique Lemaire, directeur technique de l'Athénée adjoint : "franchement, on appelle ça comme ça, mais ça n'a pas du tout une forme de banane, ou alors tu manges vraiment des bananes bizarres"

    Voix d'homme : "_ Qu'est-ce que tu penses de ma jupette?
    _ Pardon, c'est vrai que je ne t'ai rien dit sur ta jupette alors qu'elle est très bien, cette jupette."
    Définition de Denis Léger : "une jupette est une bande de tissu servant à cacher quelque chose."
    Précision de Dominique Lemaire : "c'est exactement comme pour les filles, en fait."

    "_Elles sont bien ces lumières, ça me fait penser au 51.
    _ Oui c'est vrai, ça me rappelle des souvenirs."
    Définition de Denis Léger : "Le 51, c'est le rose mistinguette qui donne bonne mine"
    Remarque indispensable de Dominique Lemaire : "Alors que le bleu 17, c'est la lumière du jour."
    Prise de conscience de Denis Léger : "Dominique, je crois qu'elle comprend rien, là."
    Effort de Dominique Lemaire : "on peut mettre des filtres sur les projecteurs afin de donner des couleurs à la lumière, et chaque couleur a son nuancier avec un numéro pour chaque teinte. Le bleu 17 et le rose 51 correspondent aux nuanciers des gélatines, ces petites feuilles translucides de couleur que tu mettais sur les projecteurs."
    La petite pédagogie de Denis Léger : "le problème des gélatines, c'est qu'elles ne résistaient pas à la chaleur et fondaient sur les projecteurs. On utilise donc aujourd'hui des filtres, qui sont plus fins, durent plus longtemps et présentent beaucoup plus de nuances de couleurs que les gélatines. Le rose 51 et le bleu 17 n'existent donc plus en tant que tels."
    Je sens que Dominique Lemaire cherche à m'embrouiller : "il y a également des filtres correcteurs qui te permettent de modifier la température de chaque nuance de couleur afin de créer une couleur beaucoup plus fine. Plus la température est élevée, plus c'est bleu. Plus elle est basse, plus c'est rouge. Par exemple, la lumière du matin est à 6000 degrés, alors que la lumière du coucher de soleil est à 2500 degrés. Je te parle en degrés Kelvin, bien sûr.
    Complément de Denis Léger, qui lui aussi, cherche manifestement à m'embrouiller : "on ne parle pas en degrés Fahrenheit ni Celsius, effectivement."
    Dominique Lemaire a raté une carrière de professeur : "Kelvin est un scientifique irlandais extrêmement brillant qui a mis au point une mesure de la température. C’est lui qui a inventé le zéro absolu : en fait, quand la température monte, les électrons s’agitent autour de l’atome. Le zéro absolu, c’est quand les électrons s’arrêtent complètement autour de l’atome : cela correspond à -273,15 degrés celsius, mais c’est une température que l’on n’a jamais pu atteindre sur terre, c’est l’un des grands défis de la physique !"

    Je vous passe ensuite les développements qui ont suivi sur l’accélérateur de particules et le thermomètre à confiture (cette fois c’est sûr, il voulait vraiment m’embrouiller).

    Pour L’Opéra de quatre notes, c’est jusqu’à samedi, et je vous souhaite un bon jeudi!


  • Quatre notes et des lumières • Pleins feux




    Entretien avec Paul-Alexandre Dubois

    Paul-Alexandre Dubois est chanteur et metteur en scène de L'Opéra de quatre notes, et c'est en regardant Marie-Noëlle Bourcart, régisseure générale à l'Athénée, s'attelant à la mise en place des projecteurs avec Gérard Vendrely, créateur des lumières, que nous avons pu avoir une conversation entrecoupée de "c'est ce projecteur-là ou pas? Ah non celui-ci il faut juste le remettre de face" ou "tu veux pas que je te desserre la poignée?".

    Opéra de quatre notes 1

    L'Opéra de quatre notes commence dans une cave de Besançon. Une aide de l'Arcadi permet de jouer le spectacle en Île-de-France tout en menant des interventions pédagogiques dans les écoles afin de sensibiliser à ce qu'est l'opéra.

    "_ On vous pose donc la question, Monsieur Dubois, qu'est-ce que l'opéra ?
    _ C'est un théâtre où la façon de parler est traitée majoritairement dans une optique musicale.
    _ Ce qui est une définition très claire pour un élève de CE2.
    _ Oui bon, c'est un spectacle où le texte est plus souvent chanté que parlé, c'est mieux là?

    (Pendant ce temps, Marie-Noëlle Bourcart monte tranquillement vers les projecteurs)

    Opéra de quatre notes 2

    _ Au-delà des définitions, je veux que le maximum de gens se sentent invités. Il y a encore de gros clichés sur l'opéra, et parce que c'est marqué "opéra", beaucoup de gens refusent de venir au spectacle. On ne peut pas reprocher à quelqu'un d'être ignorant, en revanche ce genre d'attitude m'agace lorsque je la trouve chez les personnes qui sont dans une position d'éducateur : certains ne veulent pas connaître l'opéra pour ne pas avoir à le transmettre…

    (j'ai le mal de mer pour Marie-Noëlle)

    Opéra de quatre notes 3

    _ Et vous avez choisi un opéra sur l'opéra dans l'espoir de conjurer ce mauvais sort?
    _ Je l'ai surtout choisi parce que je le trouvais drôle et parce que cette oeuvre contient en elle-même à la fois l'amour et la critique de l'opéra.

    _ Qu'est-ce qui est critiquable, dans l'opéra?
    _ Il y a quelque chose qui pourrait toucher à la pornographie dans l’opéra (plus tard, Paul-Alexandre Dubois gémira : "non mais quand je pense qu'elle a réussi à me faire parler de pornographie !"). Ce que je veux dire, c'est que le chant extériorise quelque chose d'intérieur, une matière intime, et que cette extériorisation apparaît parfois comme obscène. Et le pire, c'est qu'en plus le chanteur fait comme s'il ne chantait pas! Car l'opéra est fondé sur cette convention incroyable : on chante en faisant comme si de rien n'était. Pourtant le chanteur lyrique ne parle pas, il chante, et il chante d'une manière qui peut faire peur -j'ai déjà fait pleurer des enfants comme ça!

    (Moi, c'est Marie-Noëlle qui commence à me faire peur avec son projecteur)


    Opéra de quatre notes 4


    _ Rassurez-moi, vous ne comptez pas faire pleurer tout le monde demain soir?
    _ Ah non! Certes, c'est un opéra qui parle de lui-même, du temps et de l'art, et je crois même que, quelque part, Tom Johnson l'a écrit pour déplaire. Mais malgré la gravité fondamentale du sujet, c'est une oeuvre pleine d'humour qui se moque aussi d'elle-même."

    (Quand j'ai dû laisser Paul-Alexandre Dubois se préparer, Marie-Noëlle et Gérard Vendrely en étaient là:

    Opéra de quatre notes 5


    Soeur Marie-Noëlle voyait-elle quelque chose venir? Une chose est sûre, les lumières de L'Opéra de quatre notes sont maintenant prêtes et les sièges n'attendent plus que vous! A ce soir, et bon mercrely.)


  • Une porte peut être ouverte ou bleue • Perspective




    L'étymologie du mot "ouvreur" n'est pas clairement établie : un sens attesté en 1572 le définit comme un ouvrier qui ouvre la soie pour devenir, après la première révolution industrielle, une machine à éplucher le coton. Mais dès 1611, on parle également de celui qui ouvre les portes, dont les portes des loges de salles de spectacle.

    On ne sait donc pas réellement si le mot provient d'ouvrier ou d'ouvrir : c'est de toutes façons un ouvrier qui vous ouvre, d'où, peut-être, les salopettes dessinées par Agatha Ruiz de la Prada pour les ouvreurs de l'Athénée -certains spectateurs ne se sont en effet pas privés de faire remarquer la dimension "travailleur manuel" des tenues en question, qu'elle leur plaise ou non.

    Habillés par de grands couturiers, les ouvreurs de l'Athénée ne sont donc pas tout-à-fait des ouvriers comme les autres. Ils sont là pour vous accueillir, vous donner un programme, vous placer, vous renseigner et, parfois écouter vos confidences ou coups de colère : donc les portes s'ouvrent, et les spectateurs aussi.

    Ici, les ouvreurs vont sont offerts : pas de pourboires à donner, ils sont rémunérés par l'Athénée. Plus ou moins initié par Jean Vilar en tant que directeur du Théâtre National Populaire de Chaillot à Paris, ce principe de gratuité est partagé par tous les théâtres publics français, et il est ainsi hors de question que vous payiez autre chose que votre place, vos consommations au bar et votre trajet jusqu'au théâtre, tout cela dans l'idée de faciliter l'accès de tous à la culture.

    La salle à l'italienne de l'Athénée, toute en dorures et en velours rouge, jure étrangement avec cette gratuité, et l'on oublie souvent qu'ici, le vestiaire n'est pas à payer. Je vous en parlais le 26 septembre, le principe de la salle à l'italienne ne s'inscrit pas franchement dans les principes d'égalitarisme républicain et de démocratisation théâtrale : une salle à l'italienne est conçue pour que les spectateurs soient vus, là où les salles frontales construites dans la deuxième moitié du vingtième siècle sont censées permettre à tous de voir le spectacle de la même manière. L'Athénée ne manque pas de charme, mais la visibilité est parfois bien peu optimale : l'équipe du théâtre essaierait donc de se faire pardonner en vous offrant les programmes et douze ouvreurs dirigés par Aline, directrice de salle...

    Si vous venez mercredi à L'Opéra de quatre notes, vous les verrez en costumes de première. Si vous voulez contempler les salopettes, c'est pour la suite des représentations qui auront lieu jusqu'à samedi!

    Bon mardi.

     

    PS : J'emprunte mon titre et son jeu de mots à la spiritualité indubitable (si si) à Pierre Desproges dans son spectacle de 1988.

     

    PS du 26 février 2009 : une interview d'Agatha Ruiz de la Prada est parue sur ce blog le 24 février! Pour la lire, cliquez ici.


  • "Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l'avons oublié." • Pleins feux




    La sortie du Chanteur de jazz (Jazz Singer) en 1927 fait passer le cinéma du côté du parlant -ou plutôt du chantant, car le film est une comédie musicale avec peut-être une minute de passages parlés au total. Neuf ans plus tard, Charles Chaplin sort lui aussi du cinéma muet par la chanson : c'est dans Les Temps Modernes où il entonne un air aux paroles inintelligibles -entrer dans le présent par une langue inconnue était sans doute le plus approprié pour un Charlot devenu universel.

    Le Dictateur continue la révolution en faisant presque table rase : Charles Chaplin s'installe dans le cinéma parlant en même temps qu'il abandonne le personnage de Charlot qui a fait sa renommée. Chaplin interprète à la fois le dictateur et un barbier, et Charlot est toujours présent par petites touches dans ce dernier avant de définitivement s'effacer dans le discours final : c'est la première fois que Charles Chaplin parle, et c'est la dernière fois que Charlot apparaît.

    Appel au réveil des démocraties autant que charge violente contre la dictature, le discours paraîtrait naïf aujourd'hui si l'on oubliait le contexte du film, sorti en 1940 à une époque où les Etats-Unis se tiennent à l'écart des troubles européens et où la France et la Grande-Bretagne sortent à peine de la "drôle de guerre" : Charles Chaplin ne parlerait jamais pour ne rien dire...

    Son film suivant, Monsieur Verdoux, continue donc dans le parlant en évoquant la crise financière : Henri Verdoux, employé de banque parisien réduit au chômage après la crise de 1929, décide de gagner sa vie en épousant de riches dames âgées qui meurent rapidement après les noces -pour surmonter la crise actuelle, vous savez ainsi ce qu'il vous reste à faire.

    Le Dictateur et l'Athénée donc, quel rapport? Après L'Opéra de quatre notes joué à partir de mercredi, c'est Le Tribun / Finale qui prendra la relève la semaine prochaine.
    Dans le style du théâtre musical, ces deux pièces écrites et composées par Mauricio Kagel (Le Tribun en 1978, Finale en 1981) n'hésitent pas entre texte et musique pour lier indissolublement les deux. Posant également la question de la tyrannie et de la soumission, Le Tribun et Finale opèrent, pour reprendre les mots de Bernard Bloch, l'acteur unique des deux pièces, une "déconstruction poétique du politique" en montrant combien la démagogie et le populisme sont aussi fondés sur la musique d'un discours.

    Le théâtre musical de Mauricio Kagel monté par Jean Lacornerie résonne ainsi étrangement avec Le Dictateur de Charles Chaplin : le film est projeté ce soir à 20h30 au cinéma Le Balzac, situé rue Balzac dans le 8e arrondissement de Paris. Seront présents à cette projection l'acteur et les musiciens du Tribun et de Finale, Bernard Bloch et L'Ensemble 2e2m.

    Bon film, bon lundi et, pour la première de L'Opéra de quatre notes, à mercredi!


  • Les feuilles mortes • Pleins feux




    L'équipe de Rêve d'automne laisse l'Athénée à partir de ce week-end pour partir en tournée à Valenciennes, Chalon-sur-Saône et Amiens. En guise d'adieu, voici une courte revue photographique de leur présence pendant plus de deux mois dans les vieux murs de Louis Jouvet. De votre côté, il vous reste encore trois représentations pour leur dire en revoir de vive voix...

    Des pas sur la moquette

    Dans les coulisses, des traces de pas sur la moquette.

     

    Répétitions Rêve d'automne

    Lors des répétitions, la table de travail installée pour David Géry, metteur en scène,
    et son assistante Stéphanie Leclerq.

     

    Banc Rêve d'automne

    Un texte oublié sur le banc et une couronne mortuaire en arrière-plan.

     

    Chaussettes Rêve d'automne

    Le genre de choses dont l'habilleuse s'occupe aussi.

     

    Lumières Rêve d'automne

    Des lumières, certes, mais vues à travers quoi? Je vous laisse chercher !

    Bonne fin de semaine à tous !


  • Vous avez dit journalisme ? • Perspective




    Je faisais une erreur le 7 octobre en vous parlant de la place de Rêve d'automne dans les médias : certes, le spectacle a été beaucoup cité, mais plus à coups d'annonces et d'interviews que de véritables critiques de journalistes ayant vu la pièce -même si Rêve d'automne a été plutôt bien loti par rapport à d'autres. A ce jour, quelques critiques, donc : une dépêche AFP un peu fouillée, un article dans Le Figaroscope, une critique sur le blog amateur Théâtre du blog et un billet d'humeur sur le blog d'Armelle Héliot, journaliste au Figaro. Pour l'instant, rien, ou presque, du côté de la presse traditionnelle.

    Alors quoi? Attachée de presse et chargés de communication de l'Athénée feraient-ils mal leur boulot? Non, et la question est plutôt très mal posée, car le problème vient d'ailleurs et serait plutôt à chercher du côté de la crise de la presse. Comme les intervenants  (dont votre serviteur) d'une table ronde organisée  mardi dernier par la revue Mouvement au Point Ephémère le disaient, la rubrique "Arts et Culture" s'est transformée en "sortir" ou "loisirs", beaucoup d'articles ressemblent étrangement à des dépêches AFP à peine retouchées, le journalisme d'investigation semble en voie de disparition, bref, tout semble en oeuvre pour confirmer les propos de Michaël Schudson lorsqu'il décrit la réalité de la presse en ces termes cruels : "les représentants d'une bureaucratie recueillent une information fabriquée par les représentants d'une autre bureaucratie" (il me semble que c'était dans l'ouvrage collectif Mass Media and Society, mais j'ai un doute).

    Pour diverses raisons éthiques, politiques, sociologiques et économiques, beaucoup de journalistes, de leur plein gré ou non, se retrouvent donc souvent à recycler conférences de presse, dossiers de presse et autres communiqués de presse (pourquoi forcément "de presse", d'ailleurs?) et proposent ainsi peu d'analyse ou de mise en perspective. Beaucoup pointent la concurrence d'internet et ses sites ou blogs dits alternatifs en oubliant que non seulement la plupart des sites internet ne proposent pas forcément une information différente, mais en outre que ceux qui prétendent davantage à l'analyse sont justement nés d'une déception face au journalisme institutionnel.

    Il y aurait encore beaucoup à dire, et le format du billet quotidien m'oblige à abréger sur un sujet aux ramifications complexes. Pour en revenir à la critique d'art, vous pouvez pallier les défaillances des journalistes culturels (ou plutôt l'absence des journalistes culturels, parce qu'on commence à les chercher) en écrivant vos propres critiques, comme l'ont fait certains blogueurs dont j'aurai l'occasion de reparler. Ecrire sur un spectacle que l'on a vu est un exercice intéressant pour soi, un peu difficile au début certes, mais assez salutaire en ces périodes où les arts et la culture confinent au produit de luxe qu'on aime ou non -et point barre, on ne va quand même pas développer sur un bête spectacle....

    L'idée n'est pas de piétiner des journalistes déjà à terre dans une concurrence absurde et démagogique entre amateurs et professionnels ou élite et voix du peuple mais plutôt de vous poser en spectateurs actifs : ce blog et ses commentaires vont sont ouverts! Et si vous voulez pousser la réflexion, lisez le dossier sur la critique paru dans la revue Mouvement de ce trimestre en prenant soin toutefois d'oublier certains articles moins pertinents…

    Pour ceux qui préfèrent discuter plutôt qu'écrire, je vous rappelle qu'aujourd'hui se tient une rencontre sur le thème "Mettre en scène la musique" avec David Jisse, Patrice Martinet, Thibault Perrine, François Bazola et Paul Desveaux. Rendez-vous à 18h30 à l'auditorium Colbert du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, 2 rue Vivienne dans le 2e arrondissement de Paris.

    Bon jeudi!


  • La nuit américaine • Pleins feux




    Dans un article intitulé "Explaining my music : Keywords",  Tom Johnson, le compositeur de L'Opéra de quatre notes qui sera joué à l'Athénée la semaine prochaine, lance les mots indispensables à la compréhension de sa musique. J'en retiendrai deux : autobiographie et vérité (c'est moi qui traduit, cette fois sans logiciel automatique : la leçon du 9 octobre a été retenue).

    Le mot d'autobiographie est cité en négatif, car Tom Johnson est contre toute forme de subjectivité personnelle du compositeur. Non que la musique n'ait rien à exprimer, mais plutôt qu'elle doive aller chercher son expressivité ailleurs que dans l'intériorité du compositeur lui-même. Ce que Tom Johnson veut, c'est trouver la musique et non la composer : laissons la musique dire ce qu'elle, elle veut dire.

    Quant au terme de vérité, le compositeur semble surtout l'utiliser pour éviter de parler de beauté : non pas qu'il soit contre (!), mais parce que le concept le met bien mal à l'aise, et on le comprend. La vérité donc, c'est plus clair, enfin c'est ce qu'il dit. En fait, Tom Johnson, et cela va avec son refus de la subjectivité, recherche la perfection dans la composition et l'interprétation de sa musique.
    Utilisant des formules mathématiques lorsqu'il écrit ses oeuvres, il semble aussi très mal à l'aise avec l'idée que sa musique soit interprétée par des musiciens : l'erreur est manifestement trop humaine, et l'idée qu'un violoniste puisse manquer une note ou mal compter une mesure éloignerait sans doute la musique de Tom Johnson de la vérité à laquelle il tend -Igor Stravinski, qui avait fait l'expérience de faire jouer sa musique par des instruments mécaniques avant d'ailleurs d'y renoncer, ne renierait sans doute pas ce genre d'idées.

    Dans ces conditions, la composition de L'Opéra de quatre notes apparaît comme un joli pied de nez. Car de quoi parle-t-on dans cette oeuvre? Des chanteurs, de leurs erreurs, de leur idée de la musique, de l'interprétation musicale et de ses aléas, de la composition et de ses défauts : bref, c'est un opéra qui parle de lui-même et du spectacle en train de se faire. Pour quelqu'un qui voulait éviter l'auto-réflexivité et l'imperfection, on est, pour le coup, en plein dedans. L'oeuvre échapperait donc à son auteur, à moins que celui-ci choisisse de nous égarer pour mieux se retrouver...

    Le metteur en scène lui-même n'est d'ailleurs jamais sûr de ses effets : comme l'explique Paul-Alexandre Dubois, à la fois metteur en scène et chanteur de L'Opéra de quatre notes, "il paraît que ce spectacle associe le divertissement, l'humour et une grande rigueur conceptuelle et formelle… N'ayant jamais pu le voir, je ne sais pas si c'est vrai."

    Bonne journée!


    PS : la référence du titre est à chercher dans la filmographie de François Truffaut...


  • C’est grave • Perspective




    Vendredi dernier, dans "L'argent n'a pas d'odeur", je vous parlais des possibilités offertes par l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet en terme de location de salle pour des événements privés : c'est dans ce cadre qu'hier soir, le pianiste Olivier Chauzu donnait un concert rassemblant des extraits d'Ibéria d'Albéniz, une sonate de Dukas et La grande Humoresque de Schumann. Dans l'après-midi, j'entendis marmonner sur la scène "Il a fait la guerre ou quoi ce piano? J'ai l'impression qu'il a connu un bombardement". Des coulisses, je n'ai pas pu voir qui parlait : lui-même, l'accordeur ou un technicien. Une chose est sûre en tout cas, les graviers de Rêve d'automne ont l'air de laisser assez de poussière blanche pour donner à un piano tout propre des airs de vestige des années 1940.

    Car en fait, toute personne qui loue la salle de l'Athénée se retrouve confrontée au décor de la pièce en représentation à ce moment-là, et je dois dire que voir un piano à queue posé sur des graviers blancs dans un décor de cimetière renvoyait une image franchement troublante, même si les trois pierres tombales furent finalement retirées pour le concert : on veut bien mélanger théâtre et musique, mais laisser planer la mort sur l'exécution de La grande Humoresque de Robert Schumann rappelle peut-être trop les troubles dépressifs d'un compositeur qui, après avoir essayé d'écrire une oeuvre gaie, avouait que c'était peut-être ce qu'il avait "fait de plus déprimé".

    C'était oublier les graviers et leur proximité homonymique (et peut-être étymologique) avec  le mot anglais "grave" qui signifie "tombe"… Le théâtre n'est pas près de vous lâcher (la mort non plus, d'ailleurs) : pour approfondir les liens entre théâtre et musique et vous préparer aux représentations de L'Opéra de quatre notes qui commenceront la semaine prochaine, rendez-vous ce jeudi 16 octobre à 18h30 sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France pour une rencontre autour de "mettre en scène la musique". Vous trouverez plus d'informations ici.

    En attendant et pour ceux qui n'ont pas encore vu Rêve d'automne, voici quelques fameux graviers dans la main de Dominique Lemaire, l'un de nos deux directeurs techniques. La photo est de lui aussi.

    Bon mardi.




  • "Où est la charrue, où sont les boeufs?" • Perspective




    Le 2 octobre dernier, à l'occasion du billet sur les bibles de l'Athénée (les programmes de salle, pour les distraits et non-souvenants), Adeline, graphiste pour le Théâtre, laissait un commentaire pour expliquer qu'elle ne pouvait pas lire ce qu'elle mettait en page : comme un texte que l'on relit en traquant les fautes pour se demander à la fin ce qu'il pouvait bien y avoir de marqué dedans.

    Une discussion surprise il y a quelques jours entre le directeur de l'Athénée et son secrétaire général continuait le débat sans le vouloir. Il s'agissait justement d'un programme, de mots et de mise en page : la question était de savoir s'il fallait privilégier le texte ou le graphisme, la lisibilité ou l'esthétique. D'où cette phrase de Patrice Martinet, directeur de l'Athénée, que je reprenais en titre : faut-il servir le texte ou se servir du texte? Doit-on prendre le texte pour en faire une image ou toujours se soucier du contenu lui-même?

    Cette interrogation d'un vendredi matin dépasse les seules bibles de l'Athénée et touche à la communication dans son ensemble : les lieux culturels qui offrent une programmation exigeante ne peuvent communiquer comme des supermarchés, sauf second degré éventuel. L'affiche est alors à l'image du produit qu'elle promeut et est censée représenter les qualités du spectacle concerné : beau et intelligent, quelque part (oui, venez me villipender pour me dire qu'un spectacle ce n'est pas que la beauté, et puis d'abord qu'est-ce que le beau, je vous le demande!).

    On attend d'un théâtre qu'il soigne son image avec l'idée qu'on ne communique sur l'art qu'avec des oeuvres d'art. Mais c'est parfois au détriment du message à faire passer, d'autant qu'il est toujours difficile de connaître l'impact de la communication sur son public. Cela vous est-il déjà arrivé de trouver une affiche magnifique sans avoir la moindre idée du spectacle qu'elle vendait, ni même du théâtre d'où elle provenait?

    Et pour les affiches de l'Athénée, où est-ce qu'on en est? Pour les écolos et pauvres habitant la capitale (les gens qui prennent le métro parisien, donc), vous avez sans doute vu les affiches qui vous clament "La police, c'est vous!", phrase tirée d'une pièce prochainement programmée à l'Athénée (je vous dirai bientôt laquelle). Cela interpelle sans doute, et c'est très beau sûrement, mais en termes de communication bête et méchante, est-ce que cela vous a donné envie d'acheter des billets ? Ces affiches dans le métro, de l'Athénée ou des autres, est-ce que vous les regardez, est-ce qu'elles vous donnent envie, est-ce que vous les tagguez à coups de "y en a marre de la pub" (ou, pour l'affiche actuelle, "nique la police") ?

    Tout cela restera entre nous, je ne voudrais pas être poursuivie en justice pour incitation à la haine sociale.

    Bon début de semaine à tous.

    PS 1 : je suis navrée que certains d'entre vous aient reçu mon billet trois fois de suite entre 17h et 19h vendredi alors que moi je l'avais publié comme d'habitude à 8h (en plus ça a fait planter le serveur de l'Athénée, ils doivent tous me détester là-bas). J'espère que cela ne se reproduira plus…

    PS 2 : ceux qui étaient au concert du Quatuor Psophos samedi en présence de Jörg Widmann expliquant son oeuvre ont dû apprécier les talents de traductrice de Lisa Schatzman, premier violon bilingue allemand-français. Quand même, j'étais déçue qu'on n'y parle pas de cassoulet.
    Et pour (re)voir Rêve d'automne, c'est jusqu'à la fin de cette semaine!

     


  • L'argent n'a pas d'odeur • Perspective




    Pour d'obscures raisons législatives que j'aurai sans doute l'occasion de développer plus tard (c'est pour vous préparer à l'indigeste mixture économico-administrative que vous aurez à lire d'ici quelques billets), l'Athénée n'est pas concerné par la loi mécénat de 2003. Autrement dit, si vous êtes une entreprise et que vous souhaitez donner de l'argent à l'Athénée en bénéficiant d'une exonération d'impôts, et bien vous ne pouvez pas -ou alors cela vous coûterait très cher.

    Mais comme l'Athénée a une jolie moquette (que vous aviez pu apercevoir dans mon billet du 22 septembre), les rapports avec les entreprises sont tout de même possibles. Si vous vous rendez au troisième étage des bureaux, vous y trouverez Amandine Gougeon, que l'on désigne par le titre pudique de "directrice du développement". Pour parler clairement, Amandine est chargée d'augmenter significativement les recettes propres de l'Athénée en établissant des partenariats avec des entreprises qui louent le théâtre pour quelques heures, le temps d'un séminaire et du cocktail qui, généralement, suit.

    Avouez que cela fait envie : vous êtes vétérinaire, un laboratoire pharmaceutique vous invite au lancement de son nouveau vaccin anti-puces (oui je sais que ça n'existe pas le vaccin anti-puces, mais je suis sûre que tout un tas de gens y travaillent). Vous vous attendez à vous retrouver dans une salle de conférence années 80 au sous-sol sombre d'un Sofitel situé près du Palais des Congrès et ô miracle, vous vous retrouvez en plein centre de Paris dans un théâtre classé monument historique tout en lustres, velours rouges et peintures dorées. Ce n'est donc pas vraiment par amour de la musique et du théâtre que ces grands noms de la finance ou des assurances viennent ici pour un après-midi. C'est un peu réconfortant de constater que le théâtre diffuse encore une certaine idée du prestige, mais un peu triste aussi de voir que ces invités d'un autre genre restent rarement pour le spectacle qui se tient le soir : apparemment, l'Athénée c'est essentiellement joli, comme un décor d'opéra magnifiquement léché qu'on n'ose pas vraiment toucher.

    J'entends d'ici ceux qui hurleront face à cette intrusion de l'argent privé dans un théâtre subventionné : c'est vrai que dans un pays où le patron est souvent vu comme un requin né avec un parachute d'argent dans la bouche (étouffez-le!), on s'imagine rapidement avec une culture contrôlée par des entreprises en mal de publicité. D'un autre côté, l'argent privé peut donner une nouvelle liberté à des théâtres et compagnies souvent dépendants du bon-vouloir d'une collectivité -ou de plusieurs, quand on a de la chance.

    Comme le rappelait Robert Abirached dans ses deux tomes de Le Théâtre et le Prince, le spectre de l'art officiel contrôlé ou influencé par l'Etat n'est jamais bien loin. Celui du retrait rapide d'une entreprise jusqu'à présent généreuse aussi. Dans un secteur où le seul prix des places ne peut couvrir les dépenses engagées, l'avenir paraît toujours bien compliqué.
    Heureusement que les spectacles sont là pour nous faire rêver, parce que je peux vous dire que sans cela, on n'y serait pas restés. De votre côté, vous pourrez continuer à rêver en automne jusqu'au 18 octobre…

    Bonne fin de semaine à tous.

    (et, pour certains, à samedi 15h pour le concert du Quatuor Psophos!)


  • "L'imagination nécessite de l'humilité, de l'amour et un grand courage" • Pleins feux




    J'avoue, je ne connaissais pas Jörg Widmann avant d'ouvrir le programme de l'Athénée : le quatuor à cordes Psophos donne en effet un concert en son honneur (et en sa présence) samedi à 15h dans la grande salle de l'Athénée. A force de recherches, je tombe sur un article de ce monsieur présentant ses quatuors pour cordes : c'est de l'allemand, je ne maîtrise pas assez la langue pour dire autre chose que "bonjour, vous vous êtes perdus? Oui, la Tour Eiffel est à gauche", alors je décide de tester un logiciel gratuit de traduction automatique.

    Je suis ravie de ce que j'ai pu apprendre de l'oeuvre de Widmann grâce à cette merveille de l'informatique : j'ai ainsi pu lire qu'"avec la plus haute pression, les feuilles sur les cordes sont pressées l'un après l'autre sans que ce résultat sonore-ci ait lequel rendrait justice en quelque forme de l'énergie de cette action. Le premier événement sonore perceptible sont deux flageolets planant tendrement".

    Tout est donc possible en musique classique, même les haricots qui volent avec amour. Après tout, le propre d'un concert est bien d'éveiller l'imagination de son auditeur, peut-être plus que le théâtre, d'ailleurs : que vous reste-t-il après une pièce? Des bouts de répliques, une image du décor, un avis plus ou moins construit. Le texte encadre la pensée là où la musique la laisse peut-être plus vagabonder : après le concert de samedi, il vous restera surtout des impressions, des images bien à vous, un ressenti. Sans doute un avis construit aussi, mais peut-être plus sur la technicité des musiciennes que sur l'ensemble du concert lui-même.

    Alors si vous pensez à du cassoulet en écoutant des musiciennes jouer, cela ne regarde que vous. Avec un quatuor de Maurice Ravel et un quintette de Mozart en plus de l'oeuvre de Widmann, vous aurez tout le loisir de vous laissez aller à toutes sortes de considérations culinaires (et autres, j'espère).

    Bonne journée et à demain!

    PS : certains d'entre vous ne viennent jamais sur le blog pour écrire ou tout simplement lire les commentaires. C'est mal. Si vous étiez venus hier, vous sauriez qui était l'homme mystérieux au buste défraîchi : il est encore temps de compléter votre culture en cliquant sur l'un des liens ci-dessous puis, en bas du billet d'hier, sur "commentaire".
    En faisant la même manipulation pour le billet d'aujourd'hui, vous trouverez d'où vient la citation du titre...


  • Les petits objets de Denis Léger (1) …et la MC93 • Coulisses




    Denis Léger est l'un de nos directeurs techniques (c'est à lui que je pensais pour notre casting de père noël le 24 septembre dernier) et son bureau est envahi d'objets hétéroclites en provenance directe de l'histoire de l'Athénée. Certains ont une biographie bien précise, d'autres sont encore auréolés d'un certain flou définitionnel.

    J'en tiens pour exemple ce buste un peu défraîchi : trouvé par Denis Léger dans un recoin de l'Athénée, il a encore aujourd'hui des allures d'enfant né de père inconnu. Chers lecteurs, avez-vous des idées sur son identité? Laissez-moi vos commentaires, les paris sont ouverts!

    Le buste version nu-tête :

    Buste1_denis_leger


    Le même avec un casque de chantier (on sait jamais, ça peut aider) :

    Buste2_denis_leger

    PS : la Comédie Française est en pleine OPA hostile sur la MC93 de Bobigny. Manifestement, je me trompais lundi 6 octobre lorsque je sous-entendais que l'esthétique viendrait au secours de la finance... Plus d'informations sur les sites du ministère de la Culture et de Libération.
    Je propose d'ailleurs de continuer le turn-over : l'Athénée pourrait aller s'installer au Théâtre de la Criée à Marseille, et c'est le 104 qui prendrait sa place (le 19e  arrondissement, c'est finalement beaucoup trop cheap pour un établissement artistique de la ville de Paris).

    Bon mercredi.


  • "J'avais envie de me mettre du rouge à lèvres jusqu'aux trous de nez" • Pleins feux




    Je ne sais pas si vous vous tenez au courant, mais Rêve d'automne a eu une jolie place dans les médias ces derniers temps. De toutes les chroniques et critiques, ma préférence va à l'entretien entre Laure Adler et Judith Magre qui tient le rôle de la mère dans le spectacle.

    Judith Magre raconte qu'il fallait littéralement la pousser pour qu'elle entre en scène à ses débuts, s'énerve lorsqu'on lui dit que les personnages de Rêve d'automne ressemblent à des fantômes et refuse de lire le texte à l'antenne -mais ne reprend pas Laure Adler lorsqu'elle prononce "Jon Fosse" à l'américaine alors qu'il est norvégien, enfin bref.

    Le plus singulier reste le moment où Judith Magre raconte comment lui est venue sa vocation de comédienne : là où certains parlent d'un désir ancré dès les couches-culottes ou d'une révélation sidérante devant Le Cid par Jean Vilar (ou Le Tartuffe par Jacques Lassalle, c'est surtout une question de date de naissance), elle vous répond avec son anti-langue de bois habituelle : "je ne sais pas, j'avais envie de me mettre du rouge à lèvres jusqu'aux trous de nez".

    Une incroyable carrière de grande actrice ne tiendrait donc qu'à un étrange désir de révolutionner les techniques du maquillage en occident, permettez-moi de ne pas trop y croire… Les mots de Judith Magre auront au moins eu le mérite de souligner la trouble origine de l'obscur désir que nous inspire le spectacle : pourquoi venez-vous au théâtre? Pourquoi, pour certains, en avez-vous fait votre métier?
    Je ne sais moi-même pas répondre à cette question : aujourd'hui, vous écrire depuis l'Athénée me paraît bien évident. Il n'empêche qu'il n'y a pas si longtemps, j'étais encore en pleine campagne normande à regarder Rox et Rouky sans savoir qui avait écrit Hernani...

    En tout cas, si Judith Magre n'a pas raté sa carrière d'actrice, elle est peut-être passée à côté de celle du marketing, et la revoir présenter Rêve d'automne en vidéo sur le site de l'Athénée me rappellerait presque les slogans à lessive de mon billet d'hier :  "Trêve de parlotte! Venez voir la pièce, elle est magnifique, je joue avec des partenaires magnifiques, et j'ai un metteur en scène génial".

    Je vous souhaite un bon mardi en espérant qu'il soit meilleur que ce lundi.


    PS : L'entretien a été diffusé le 4 octobre sur France Inter et est toujours disponible sur le site de Radio France (si tout marche, vous avez juste à cliquer ici)


  • L'Athénée lave plus blanc • Coulisses




    Dans la catégorie "les petits métiers du théâtre dont on ne parle jamais", il y a l'habilleuse. A l'Athénée, elle s'appelle souvent Liza et a sa place dans une salle immense au tout dernier étage : le studio couture, c'est presque autant la caverne d'Ali Baba que le bureau de Patrice Martinet, les ustensiles de la parfaite ménagère en plus. Il y a les tabourets recouverts de léopard, le canapé très boudoir, les chaussettes qui sèchent, la grosse machine à coudre et surtout la liste complète de toutes les taches possibles et des moyens de s'en débarrasser selon le type de tissu touché.

    J'ai d'ailleurs pris une photo de ce précieux papier : que les désespérés de l'Ace Delicat n'hésitent pas à m'écrire en cas de drame vestimentaire insondable, je me ferai un plaisir de leur donner les petites recettes de l'Athénée pour laver sans délaver et vivre votre vie en couleurs (pour continuer dans les slogans de lessive, j'ai failli vous dire "l'Athénée, ce qu'il y a de plus doux après une maman", mais je me suis abstenue. Ah non, tiens)

    Revenons-en à l'habilleuse, qui est rarement un habilleur d'ailleurs (je vous renvoie à nos débats du 23 septembre sur Louise Michel) : tous les soirs de représentations sans exception, elle est là pour aider les comédiens à se préparer puis, après le spectacle, récupérer leurs costumes, les nettoyer et les repasser. Le but, me confiait Lisa, c'est qu'on ait l'impression que le spectacle est joué chaque soir pour la première fois. C'est vrai que, pour Rêve d'automne, les graviers blancs laissent quelques traces : et voir Irène Jacob entrer en scène avec son joli petit imperméable violet créé par Cidalia da Costa déjà tout taché de poussière blanche, ça casse peut-être un peu le rêve.

    Comme la réduction des effectifs est à la mode un peu partout, on peut aussi imaginer de justifier une veste chiffonnée ou un col de chemise taché par des théories directement héritées d'Aristote et Bertolt Brecht : "non, on n'a pas pris d'habilleuse, mais c'est pour rappeler que l'on est au théâtre, que ce qui se passe sur scène n'est pas réel, que les comédiens jouent et qu'ils jouent la même chose tous les soirs depuis trois semaines, c'est la distanciation quoi!".

    En ces temps de crise bancaire, une solution : l'esthétique au secours de la finance
    (vous prendrez cette phrase comme vous le voudrez).

    Bonne reprise!


  • A boire et à manger • La corde verte du lapin qui siffle




    A ceux qui sont venus l'année dernière : est-ce que vous vous souvenez des chaises du bar de l’Athénée? Vous savez, ces chaises multifonctions qui arrivaient en une seule fois à filer vos collants, vous faire mal au dos et céder sous votre poids dans un bruit de plastique craqué assez peu seyant pour qui tente d’être un peu distingué?

    Vous vous en souvenez? Maintenant, oubliez-les! Le bar a été complètement renouvelé et elles ont été remplacées par des chaises beaucoup plus Athénée, dans le genre bois, accoudoirs et velours rouge. Chers premiers spectateurs de Rêve d'automne, avez-vous pu les tester?

    Au-delà de savoir si le nouveau bar fait mal aux fesses ou non, il est amusant de faire une petite comparaison : rares sont les salles de cinéma qui proposent un endroit où s'asseoir et discuter après un film, et peu de musées disposent d'autre chose que d'une boutique à pin's. Tandis qu'un théâtre sans bar, disons-le tout net, c'est la honte. A croire qu'on ne peut pas rentrer chez soi tout de suite après le spectacle, comme s'il fallait un sas de décompression avant de retrouver le trottoir. Mais à quoi correspond cette tradition du bar au théâtre? Au débat nécessaire après toute proposition artistique, à la dimension collective et conviviale d'une représentation ou à la tentative d'augmenter les recettes propres dans les budgets culturels?

    Autrement dit, vous parlez de quoi, vous, quand vous êtes au bar?

    Bon week-end et à lundi…




  • Que la lumière soit • Perspective




    Mardi soir, en revenant dans la salle vide après la représentation de Rêve d'automne, je trouvai sur l'un des sièges un programme de salle délicatement posé là : pas plié ni piétiné, il semblait patienter sur sa chaise en attendant le public du soir suivant. Son possesseur l'avait-il laissé là par inadvertance, désintérêt ou souci d'économiser du papier ? Autrement dit, l'a-t-il lu? Et s'il l'a lu, l'a-t-il fait avant ou après le spectacle?

    C'est l'une des caractéristiques des théâtres publics, et je rappelle que l'Athénée en fait partie, de proposer gratuitement des programmes destinés à préparer les spectateurs à la pièce qu'ils vont voir tout en leur donnant les renseignements pratiques de base. Disons que cela fait partie des missions des théâtres subventionnés : proposer une programmation de qualité en la rendant accessible au plus grand nombre -ce qu'Antoine Vitez appelait le "théâtre élitaire pour tous", et l'on en revient ici au grand mythe de la culture comme service public.

    Ces textes, écrits à l'Athénée par Lola Gruber, participent donc de la démocratisation (enfin de la tentative de démocratisation, pour être complètement honnête) du théâtre. Comme toute action menée vers le public, leur impact est difficile à évaluer : certes, il n'y a eu mardi soir qu'un programme abandonné, mais combien sont aujourd'hui pliés en quatre dans des fonds de sac à dos pour se retrouver d'ici quelques jours dans une poubelle jaune (en supposant que vous faites le tri) au même titre qu'un vieux papier de Bounty et un ticket de caisse de Shopi? A moins que vous fassiez partie de ces gens méticuleux ou passionnés, ou les deux, qui gardent soigneusement tous leurs programmes de salle depuis 1972 (ou 1998 si vous n'étiez pas nés en 1972).

    Dans la jargon cultureux, on appelle ces petits programmes des bibles : à vous de me dire si c'est parce qu'ils contiennent tout ce que l'on a besoin de savoir, vous apportent leurs lumières ou vous servent de la propagande. Toute autre interprétation sera la bienvenue, n'hésitez pas à venir nous offrir la vôtre…

    Bon jeudi à tous.


  • La guerre des tranchées • Coulisses




     Dans un théâtre, l'incompréhension entre artistes et équipe administrative est un problème récurrent. Deux mondes complètement différents, du moins le pensent-ils, sont obligés de cohabiter en permanence voire (horreur!) de travailler ensemble.

    A ma gauche (ou à jardin, pour ceux qui ont suivi la minute d'instruction de la semaine dernière), des artistes stressés par les répétitions et l'angoisse d'être mauvais se sentent  bien souvent incompris : les administratifs, c'est bien connus, viennent se coller à leur bureau de 9h à 17h30 pour vendre du théâtre comme on le ferait avec des yaourts (quand ils le vendent d'ailleurs, parce qu'on ne sait pas bien ce qu'ils font derrière leur ordinateur!).

    A cour, les membres de l'équipe administrative manquent un peu de reconnaissance : pas toujours bien payés, ils vivent souvent dans l'ombre des artistes et s'attellent à donner envie aux spectateurs, demander les droits d'auteur, entretenir de bonnes relations avec l'URSSAF ou construire le planning des agents qui accueilleront le public les soirs de spectacles. Et, parfois, ils croisent un comédien et se disent "pffffff, quand je pense qu'il passe ses journées sur scène alors que je trime derrière Excel…

    Cour et Jardin ont encore plus de mal à se comprendre lorsqu'ils ne se parlent jamais : encore un drame quotidien de la communication interne… C'est un peu différent dans le bâtiment de l'Athénée où loges d'artistes et bureaux techniques et administratifs sont soigneusement entremêlés : l'approche est plus facile et les rapports bien moins cloisonnés. Cour entend Jardin répéter son texte, et Jardin voit bien que Cour a un tas de problèmes à régler pour l'accueil technique des spectacles, les relations avec le public, le budget, la programmation artistique, le mécénat, les feuilles de paie, les affiches ou la billetterie (et je sens que j'en oublie).

    On décèle néanmoins quelques problèmes relationnels : par exemple aux alentours de 19h30, lorsque la troupe hurle pour évacuer son trac pendant que l'assistante de direction mange fébrilement une pomme en essayant désespérément de boucler son planning...

    Enfin ça, c'est avant la dernière guerre des tranchées, celle avec le public -qui oublie souvent l'existence du personnel administratif et technique et célèbre ou honnit la troupe artistique. Ce blog est déjà un champ de bataille entre pro-lapidation et amoureux de Rêve d'automne : continuez à laisser vos commentaires heureux ou boudeurs, moi tout me va, j'ai toujours eu un tempérament de médiateur.

    La guerre est déclarée! (mais je vous souhaite tout de même une belle journée)


  • Rêve d'absurde (2) • Pleins feux




    Dans les répétitions, c’est le début le plus drôle -surtout quand les comédiens mêlent leurs questions et hésitations aux répliques tout en continuant de jouer leur personnage sur le même ton. Rêve d’automne a commencé jeudi et, il y a quelques semaines, Jon Fosse passait pour un auteur absurde. Démonstration :

    Judith Magre : _ Vous allez vous dire bonjour
    C’est
    sa nouvelle femme
    Oui enfin vous allez faire sa connaissance
    Simon Eine : _ Je suis peut-être entré trop tôt non, je n’ai pas vu le signal
    Judith Magre : _ Non non c’est bien
    Vous allez vous dire bonjour
    C’est
    sa nouvelle femme
    Oui enfin vous allez faire sa connaissance
    (les personnages de Simon Eine et Irène Jacob se serrent la main)
    Irène Jacob
    : _C’est trop rapide
    David Géry : _ On reprend
    (Silence)
    Judith Magre
    : _ Oui pardon, j’y vais
    Vous allez vous dire bonjour
    C’est
    sa nouvelle femme
    Oui enfin vous allez faire sa connaissance
    (les personnages de Simon Eine et Irène Jacob se serrent toujours la main mais plus lentement que la première fois)
    Judith Magre
    : _ Oui il était temps que tu que nous que je qu’on fasse ta connaissance
    Oui il était temps qu’on fasse ta connaissance
    Irène Jacob : _ Oui
    Judith Magre : _ Oui je le lui ai déjà dit
    Vous pourriez bien venir nous voir
    de temps en temps
    Irène Jacob : _ Oui bien sûr
    Je peux peut-être me rasseoir, là
    (Silence)
    Yann Collette
    : _ On y a souvent pensé
    Mais on n’a pas pu
    (Silence)
    Non
    On y a souvent pensé
    Mais l’occasion ne s’est pas présentée
    Irène Jacob : _ Oui
    C’est triste
    Tout ça
    Judith Magre : _ Oui
    Irène Jacob : Mais elle était assez âgée (Simon Eine se lève)
    Oui ça ne veut pas dire grand-chose”

    Rassurez-vous, maintenant il n'y a plus d'hésitation -ou, plus exactement, elles ne se voient pas du tout. Après tout, on dit souvent que le charme du théâtre, c’est aussi que les représentations soient différentes à chaque fois… Après le traditionnel relâche du lundi, Rêve d'automne reprend ce soir : je serai là aussi, habillée en noir et blanc a priori!

    Bon mardi.


  • Elémentaire, mon cher Jouvet • Coulisses




    Bonjour à tous,

    Comment allez-vous, en ce brumeux lundi? (ou en ce beau lundi, ou en ce pluvieux lundi, tout dépend de votre géolocalisation)

    Vous ai-je déjà dit que le bureau de Patrice Martinet, le directeur de l'Athénée, dégageait une atmosphère inspirée de Cluedo, d'Agatha Christie, de l'inspecteur Derrick et de Sherlock Holmes mâtiné d'Alice au Pays des Merveilles?
    Pour compléter le tableau, il ne manque qu'une horloge à balancier comme chez mamie, ou un réveil chromé en kit qui fait Iphone, talkie-walkie, boussole et grille-pain, on ne sait plus trop.
    Vous ne pourrez peut-être jamais pénétrer dans la caverne d'Ali Martinet : alors pour vous consoler, et si l'intéressé ne nous claque pas sa belle porte capitonnée au nez, on ne manquera pas de vous détailler quelques éléments carabinés. On espère même pouvoir vous proposer quelques photos, mais l'on s'avance peut-être un peu trop -l'inspecteur Patrice nous le dira.

    Bonne journée à vous et à demain !


  • All'italia • Perspective




    L'avantage d'un théâtre à l'italienne, c'est que l'on peut observer à loisir ses voisins d'en face et d'en haut, surtout lorsque la salle forme un large demi-cercle comme à l'Athénée (très pratique pour faire coucou ou se moquer du type d'à côté).

    Seulement, on ne voit pas toujours bien de partout, et un spectacle vu côté cour ne sera pas le même vu côté jardin. C'est particulièrement le cas pour Rêve d'automne où un banc est au centre de l'action : enfin quand je dis au centre, c'est une façon de parler, parce qu'il est plutôt à cour.

    Pour la première qui a eu lieu hier soir, la salle était comble —et quelques-uns, dont moi d'ailleurs, voyaient la moitié du banc sus-nommé. Deux écoles : il y avait ceux que ça n'avait pas l'air de perturber plus que cela d'expérimenter pour quelques minutes le théâtre en voix off. Et ceux, dont mes voisines d'ailleurs, qui marmonnaient lorsqu'on n'apercevait plus que les cheveux de Judith Magre.

    Charme des salles à l'italienne ou égalitarisme républicain très malmené? Ne vous inquiétez pas pour la suite : ces places sont vendues en dernier voire, pour certaines, condamnées. Si vous vous y prenez à l'avance pour réserver, vous serez sans doute très bien placé (et pour ceux qui, comme moi, aiment beaucoup les cheveux de Judith Magre, rien n'est perdu : il suffit d'arriver à la dernière minute).

    J'attends vos avis sur Rêve d'automne. D'ici-là, profitez de vos jours de congé si vous en avez, et revenez me lire lundi. Je vous souhaite un bon vendredi!

    PS : pour ceux qui n'ont jamais compris comment distinguer cour et jardin, mettez-vous face à la scène et pensez à Jésus-Christ (ou à Jules César si vous aussi, vous êtes pour la laïcité positive). Dans Jules César ou dans Jésus Christ, comme vous voulez, le J est à gauche et le C est à droite : et bien pour Jardin (avec un J) et Cour (avec un C), c'est pareil.


  • Rêve d'absurde (1) • Pleins feux




    Est-ce que vous connaissez Jon Fosse? Non, me répondront beaucoup d’entre vous. C’est un dramaturge norvégien né en 1959, il a écrit Melancholia, Quelqu’un va venir ou Variations sur la mort et c’est l’auteur de Rêve d’automne, la pièce montée par David Géry qui commence à l’Athénée ce soir.

    Rassurez-vous, je ne vous ferai pas une thèse sur Jon Fosse. Disons juste que le plus frappant à première lecture, c'est que ses personnages n’ont pas de nom. Certes, c'est le cas de nombreuses pièces contemporaines, mais cela donne des situations assez cocasses à l'Athénée lorsque les comédiens se présentent le jour de leur arrivée :
    “_ Bonjour, je m’appelle Yann Collette, et je joue l’homme. Enfin l’homme, pas l’homme avec un grand H, l’homme de la pièce quoi.
    _  Ah non, je proteste, il y a un deuxième homme dans la pièce!
    _ Oui Simon, bien sûr, toi aussi tu es l’homme, enfin tu es le père. Bon, tu es un homme quand même. Donc je vous présente Simon Eine, il joue le père.
    _ Alors moi je suis Irène Jacob, et je joue la femme. (Silence)
    _ La femme duquel? Du père?
    _ Non, la femme du père c’est la mère, c’est Judith Magre qui l’interprète. Moi je suis la femme de l’homme.
    _ Oui, donc moi c’est Judith Magre, et je suis la mère de l’homme (Silence). Enfin la mère du premier homme, pas la mère du père. (Silence) L’ex-belle-mère de la première femme de l’homme. Enfin pas la femme jouée par Irène Jacob, l’autre.
    _ Et moi c’est Gabrielle Forest, je joue la femme.
    _ La même qu’Irène Jacob?
    _ Non, l’autre femme, la deuxième femme de la pièce (Silence) Enfin la troisième, si on compte la mère. (Silence) L’ex-femme de l’homme, en fait. On apprend au fil du texte, en tout cas on le devine, qu’elle s’appelle Gry

    Un seul personnage a donc un prénom, je vous laisse trouver pourquoi à la découverte de la pièce : revenez ici m’exposer vos théories... En attendant, passez un bon jeudi.


    PS : Je serai ce soir à la première de Rêve d’automne, que ceux qui souhaitent me parler n’hésitent pas à venir me voir. Je ressemble à peu près à la photo que vous voyez sur votre gauche et je devrais d’ailleurs être habillée en rose. A ce soir !


  • C'est le père Noël ! • Coulisses




    Non, je ne parle pas de Patrice Martinet, directeur de l’Athénée, même s’il serait sans doute très convaincant dans ce rôle (quoique Denis Léger, l’un des directeurs techniques, serait bien aussi... Faites-moi penser à organiser un casting de pères Noël vers le 15 décembre)

    Dans l’une des loges de l’Athénée, on trouve en effet des décorations de Noël. C’est surtout du stockage, ce qui est plutôt rassurant –quoique, stocker des guirlandes à paillettes dans une loge d’artiste n’apparaît pas exactement comme la quintessence du rangement. Non, le plus drôle, c’est que quelqu’un s’est manifestement amusé à décorer toute la loge à coup de boules de Noël et de sapins en plastique. Nous sommes en septembre, et je parie qu’elles resteront là jusqu’à Pâques 2009.

    Comme quoi, le collectif d’artistes Plonk et Replonk avait sans doute raison lorsqu’il titrait : “La mondialisation dans le monde - Noël acquiert 51% du capital de Pâques : le groupe Noâques est né, sa date est fixée au 21 juillet”.


  • Louise Michel • Perspective




    Est-ce que vous étiez à la présentation de saison de l’Athénée en juin dernier? Si oui, vous avez sans doute vu qu’il y avait comme un problème carabiné question représentation sexuée : tous les metteurs en scène programmés par l’Athénée étaient dans la salle, et aucun n’était une femme.

    Une jeune spectatrice qui s’est présentée comme étant Louise Michel (enchantée, moi c’est Jeanne d’Arc) vint me voir pour me dire que cette présentation de saison faisait très collège de garçons avant d’aller taxer Patrice Martinet, le directeur, de discrimination.
    Son air blasé montra bien que ce n’était pas la première fois qu’on le lui disait, et il me désigna d’un geste désespéré : “mais vous voyez bien que Clémence est une fille! Le quatuor Psophos aussi, tout comme Claire-Marie Le Guay!”.

    Cependant, le mal était fait : certes, les musiciennes en résidence et la blogueuse de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet se conjuguent au féminin, mais “metteure en scène” est bien peu employé, et il n’y a pas qu’à l’Athénée. Il y a peu de temps, le journal La Scène publiait un dossier sur la désertion féminine dans le monde du spectacle vivant : rien de bien encourageant, mais je suis quelqu’un d’optimiste alors j’ose espérer des changements.

    Et comme je suis sûre que les filles c’est de toutes façons bien plus poli, je vous souhaite un beau mardi...


  • Ménagez-vous... • Coulisses




    Bonjour à tous,

    Et bienvenue dans le monde merveilleux du blog de l’Athénée - Théâtre Louis Jouvet.

    Comment c’était les vacances, chez vous? Ici, ça fait un petit moment que nous sommes sur le retour et l’équipe administrative, les artistes et les femmes (ou hommes, d’ailleurs) de ménage s’activent pas mal pour vous accueillir.

    Parlons hygiène donc, parce que mine de rien, la moquette, ça tache -surtout quand 53925 spectateurs la foulent en une saison. Nous sommes en plein toilettage avant la rentrée, et ça aère dur du côté des loges! (ou comment constater que les chaises, ça fait aussi de très jolis cale-portes)

    Ne vous inquiétez pas, tout sera revenu en ordre pour les débuts de Rêve d’automne : la moquette sentira bon, les chaises reprendront leur place et les aspirateurs seront dans les placards. En revanche, les portes des loges s’amuseront toujours à se rabattre dans vos genoux au moment où vous vous y attendrez le moins (avouez que c’est quand même drôle quand ça arrive à quelqu’un d’autre).

    Bonne journée et à demain !