Dans L’Histoire du soldat, Mathieu Genet, qui interprète le soldat, joue au funambule en tenant un grand ballon blanc. C’est une très belle image.
Mais quand j’essaie de la dessiner, ça donne ça :
Comme vous pouvez le constater, mon niveau de dessin est resté bloqué au CE2.
Quand Le Tone, lui, dessine un soldat, ça donne plutôt ça :
C’est pour ça qu’à partir de septembre prochain, nous nous partagerons le blog en deux : lui au dessin, moi au texte et à la photo.
Je vous remercie de me suivre depuis quatre ans (car si vous n’étiez pas là, je n’y serai pas non plus) et vous donne donc rendez-vous en septembre pour la cinquième saison du blog de l’Athénée, et sa première en alternance.
Je m’arrête ici pour cette année, mais les plus fidèles pourront me retrouver en juillet sur le site du Festival d’Avignon où je tiendrai un blog autour des débats organisés par le Festival : il s'agira du Blog de Clémence Hérout pour le Théâtre des Idées.
Très bel été à tous !!!
PS : Le Tone est actuellement à Beaubourg pour l'exposition On Air
Comme on peut le voir sur cette photo prise lors d’une répétition de L’Histoire du soldat, le comédien Mathieu Genet évolue dans les airs pendant le spectacle : en équilibre sur une barre, il est soutenu par un baudrier relié à des câbles.
En coulisses, Nicolas et Alain manipulent les dits câbles : l’un assure les mouvements verticaux de Mathieu (vers le haut ou vers le bas), l’autre l’aide à se déplacer vers la gauche ou vers la droite.
La tâche est très physique et nécessite également beaucoup d’écoute pour accompagner et anticiper les mouvements de Mathieu.
Hier soir, alors qu’ils devaient récupérer le ballon blanc gonflé à l’hélium qui est envoyé dans les cintres pendant le spectacle, Nicolas et Alain m’ont fait une démonstration, que j’ai filmée :
Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez aller sur YouTube.
Si vous vous rendez à L’Histoire du soldat pour sa dernière représentation demain soir, ayez une petite pensée pour les bras de Nicolas et Alain.
J’en profite pour signaler que j’ai donné la réponse au douzième mystère de Dominique Lemaire en commentaire ici : le mot que je cherchais était “patience”
Demain, la saison de l’Athénée se termine et celle du blog aussi ! À demain pour le dernier billet de 2011-2012.
Comme on peut le voir sur cette photo prise lors d’une répétition de L’Histoire du soldat, le comédien Mathieu Genet évolue dans les airs pendant le spectacle : en équilibre sur une barre, il est soutenu par un baudrier relié à des câbles.
En coulisses, Nicolas et Alain manipulent les dits câbles : l’un assure les mouvements verticaux de Mathieu (vers le haut ou vers le bas), l’autre l’aide à se déplacer vers la gauche ou vers la droite.
La tâche est très physique et nécessite également beaucoup d’écoute pour accompagner et anticiper les mouvements de Mathieu.
Hier soir, alors qu’ils devaient récupérer le ballon blanc gonflé à l’hélium qui est envoyé dans les cintres pendant le spectacle, Nicolas et Alain m’ont fait une démonstration, que j’ai filmée :
Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez aller sur YouTube.
Si vous vous rendez à L’Histoire du soldat pour sa dernière représentation demain soir, ayez une petite pensée pour les bras de Nicolas et Alain.
J’en profite pour signaler que j’ai donné la réponse au douzième mystère de Dominique Lemaire en commentaire ici : le mot que je cherchais était “patience”
Demain, la saison de l’Athénée se termine et celle du blog aussi ! À demain pour le dernier billet de 2011-2012.
Dans les spectacles musicaux, les musiciens se trouvent généralement en fosse.
Dans L’Histoire du soldat, ils sont dirigés sur scène par le chef d’orchestre Laurent Cuniot (qui interprète également le rôle du Diable !) et font partie intégrante de l’action.
Ils sont donc tous costumés bien sûr, mais aussi maquillés et coiffés par Élisa qui s’occupe d’eux un par un dans la loge maquillage avant chaque représentation : le matériel requis dépasse ainsi largement le volume de nos trousses de toilettes particulières...
En bonus, une photo réalisée dans cette même loge maquillage à l’invitation d’Olivier, tromboniste dans le spectacle (ou “pourquoi s’encombrer avec un pupitre quand on a un trombone ?” )
L’Histoire du soldat mise en scène par Jean-Christophe Saïs et dirigée par Laurent Cuniot avec Raphaëlle Delaunay, Mathieu Genet, Laurent Cuniot, Serge Tranvouez et l’ensemble TM+ se joue jusqu’à vendredi !
À l’Athénée, L’Histoire du soldat a commencé ce week-end. Féerique et pleine de sens cachés, l’œuvre réunit des acteurs, des musiciens et une danseuse autour d’un soldat qui vend son violon à un inquiétant personnage...
J’ai pris cette photo lors d’une répétition, il y a quelques jours. Les artistes ne sont pas en costume.
Il vous reste jusqu’à vendredi pour voir le spectacle ! Mercredi, le musicologue Jacques Amblard vous éclairera sur l’œuvre avant la représentation : rendez-vous à 19h en salle Christian-Bérard ! Bon début de semaine
On ferme : Castela à Toulouse, L’île lettrée à Paris 10e, Regards à Marseille, La Librairie universitaire place de la Sorbonne (Paris 5e)...
En trente ans, le nombre de librairies a baissé de moitié en France pour arriver au chiffre de 2500 (on parle de ceux dont la vente de livres est l’activité principale, les supermarchés proposant un rayon livre étant par exemple exclus de ce chiffre). Aujourd’hui, les librairies indépendantes représentent seulement 20% du chiffre d’affaire de la librairie en France, et beaucoup sont menacées de fermeture.
On peut résumer rapidement les difficultés des librairies indépendantes ainsi :
1 - Le recul des ventes : si les livres continuent globalement à bien se vendre, les lecteurs se détournent des librairies indépendantes qui ont vu leur chiffre d’affaire reculer de 5,4% en sept ans.
Beaucoup préfèrent acheter leurs livres sur internet, portant les librairies en ligne comme Amazon ou Fnac.com, apparues il y a quelques années, à 11% du marché. Les grandes surfaces spécialisées comme La FNAC ou Virgin, qui proposent de nombreux biens culturels, représentent à elles seules 20% du marché du livre.
2 - On ne peut parler de chute massive de ventes de livres, mais il faut tout de même préciser que les Français lisent de moins en moins. Ainsi, en 2008, 30% des Français n’avaient lu aucun livre dans l’année (ils étaient 26% en 1997).
3 - Le faible niveau des marges : le bénéfice net des libraires indépendants n’est que de 1,5%. Sur un livre acheté 10 euros par un lecteur, environ 3,20 euros revient au libraire.
Mais une fois que celui-ci a payé ses charges (transport et achats des livres, rémunération des employés, loyer, impôts, publicité etc.), il ne lui reste que cinq centimes.
La marge brute (les 3,20 euros sur le livre de 10 euros) des librairies est en moyenne de 32%, alors que celle des vendeurs de vêtements est de 44%.
4 - S’il est trop tôt pour pouvoir en juger, une large diffusion du livre numérique pourrait accélérer le recul des ventes. Actuellement, le livre numérique représente 25% du marché du livre aux États-Unis (mais il reste quasiment inexistant en France à l’heure actuelle)
5 - Les éditeurs proposent de plus en plus de livres (en trente-cinq ans, les nouveautés ont augmenté de 203%, selon le Syndicat National de l’Édition) : le libraire est contraint d’acheter trop de livres, augmentant ainsi ses charges (cf le chiffre de 66% dans le graphique ci-dessus), et consacre la majeure partie de son temps à de la manutention pour sortir les livres des cartons et les disposer en rayons.
6 - Corollaire du précédent, les diffuseurs (intermédiaires entre éditeurs et libraires) pratiquent parfois la vente forcée en expédiant des livres non commandés aux détaillants.
7 - Comme la plupart des commerçants indépendants dans les grandes villes, les libraires subissent les hausses des loyers qui les forcent à quitter les centre-villes pour laisser la place aux grandes enseignes (qui, elles, ont les moyens d’assumer ces montants exorbitants).
C’est le cas de la librairie Castela à Toulouse, mais aussi de L’Alinéa dans le 12e arrondissement de Paris, finalement sauvée par un mécène.
Créateurs d'une vie de quartier, instigateurs de rencontres entre auteurs et lecteurs, organisateurs de débats, prodigues en conseils de lectures, encourageant les nouveaux talents, proposant des livres en-dehors des best-sellers marketing (est-ce que quelqu’un peut m’expliquer le succès de Marc Levy ?), éléments du maillage culturel du territoire, lieux à part dotés d’une véritable identité, les librairies indépendantes installent l’humain au cœur du rapport marchand, sont essentielles autant dans le paysage culturel français que dans la vie de l’édition et ont un véritable rôle social et culturel.
Si j’évoque ce sujet, c’est parce qu’à partir de dimanche, la librairie L’Échappée littéraire (station Odéon ou Luxembourg) viendra s’installer dans le hall de l’Athénée les soirs de représentations. Elle proposera des titres en lien avec L’Histoire du soldat, à tous les prix et sur tous les supports (livres, CD, DVD). Si l’expérience est concluante, elle reviendra la saison prochaine !
L'Histoire du soldat commence demain soir pour une petite semaine ! Bon week-end.
Sources : Syndicat de la librairie française, "Menace sur les libraires indépendants" de Christine Ferniot dans Télérama n°3225, "Libraires épuisés" de Vincent Chabault dans La Vie des idées du 17 janvier 2012.
Qu’est-ce que L’Histoire du soldat ? Un conte musical ? Une musique de scène ? Un opéra où l’on ne chante pas ? De la danse ? Du mime ?
C’est ce que je me demandais hier, face au rayon de ma bibliothèque où je range mes livres Fayard Musique (ceux qui ont souffert étudié la musique connaissent cette collection noire aux titres poétiques tels que Guide de la musique de chambre, Guide de la musique sacrée et chorale profane de 1750 à nos jours et autres Histoire de la musique russe des origines à la Révolution) : quel guide ouvrir pour y trouver un article sur L’Histoire du soldat ?
Bon, j’ai ouvert tous ceux que j’avais. Sans succès. C’est finalement dans Tout l’opéra de Kobbé chez Robert Laffont (souvent surnommé “Le Kobbé”, comme on dirait “Le Larousse”) que j’ai trouvé quelques pages sur l’œuvre.
L’Histoire du soldat y est définie ainsi : “Histoire devant être lue, jouée et dansée. Musique de Stravinski, livret de Ramuz”.
Jouée pour la première fois en septembre 1918, l’œuvre comporte quatre personnages : le narrateur, le diable, le soldat, tous trois joués par des comédiens, et la princesse, interprétée par une danseuse. Les comédiens et la danseuse sont accompagnés de sept musiciens.
L’Histoire du soldat exige peu de moyens et a été conçue pour être jouée partout, en intérieur comme en extérieur, renouant avec la tradition du théâtre de tréteaux. Musique, danse et théâtre sont présents à part égale, créant ainsi une forme inédite de théâtre musical.
Si le genre est nouveau, le contenu est également décapant : corrosifs et sarcastiques, la partition comme le texte ont été imaginés par le compositeur russe Stravinski et l’écrivain suisse Ramuz pour former un conte moral caustique où ceux qui veulent tout obtenir (le beurre, l’argent du beurre et...) courent finalement à leur perte.
Démarrant avec un soldat qui vend son violon au diable, le conte se termine sur une morale formulée ainsi : “Il ne faut pas vouloir ajouter / à ce qu’on a ce qu’on avait. / On ne peut pas être à la fois / qui on est et qui on était / Il faut savoir choisir : on n’a pas le droit / de tout avoir : c’est défendu.”
L’Histoire du soldat commence ce samedi à l’Athénée, dirigée par Laurent Cuniot et mise en scène par Jean-Christophe Saïs. Dans le rôle de la danseuse, Raphaëlle Delaunay, ancienne danseuse du Ballet de l’Opéra de Paris, vue dans des spectacles de Maurice Béjart, Pina Bausch ou Alain Platel et également chorégraphe.
À demain !
Les femmes abîmées des Larmes amères de Petra von Kant peuplent la salle de l’Athénée jusqu’à demain soir.
De son côté, le blog fait une petite pause pour reprendre jeudi !
Très long PS : Après mes difficultés pour trouver des pièces de théâtre proposant un personnage homosexuel féminin en lien avec Les Larmes amères de Petra von Kant et vos efforts pour m’aider, voici la liste promise des pièces de théâtre lesbien disponibles en français.
Les pièces de théâtre françaises, ou au moins traduites en français, mettant en scène des femmes homosexuelles sont donc apparemment si peu nombreuses qu’on peut les lister (et je passe sur le fait qu’elles sont difficiles à trouver dans les librairies et à ma connaissance peu montées) :
17e siècle
Iphis et Iante d'Isaac de Bensérade (éditions Lampsaque)
19e siècle
Deux Gougnottes d’Henri Monnier (éditions Poulet-Malassis, disponible sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France)
20e siècle
Les Détraquées d'Olaf et Palau (téléchargeable ici)
Les Innocentes (The Children's Hour) de Lillian Hellman (parue dans L’Illustration, introuvable à moins d’écumer les brocantes)
Jeunes filles en uniforme de Christa Winsloe (disponible en occasion uniquement aux éditions Livre de Poche)
Lulu de Franck Wedekind (éditions théâtrales)
Huis Clos de Sartre (éditions Gallimard)
Hanjo, in Cinq Nô modernes de Mishima Yukio (Éditions Gallimard)
Les Larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder (jusqu’à demain à l’Athénée, éditions L’Arche)
Maladies ou femmes modernes de Jelinek (éditions L’Arche)
Slaves ! : Réflexions sur les éternels problèmes posés par la vertu et le bonheur : une courte pièce en trois actes avec prologue et épilogue de Tony Kushner (paru chez Actes Sud Papier)
Sang pour Sang de Madeleine Chapsal (éditions Fayard)
Les Monologues du Vagin d’Ève Ensler (Denoël)
La Quadrature du sexe de Kwame N’Goran (édité chez Klanba)
21e siècle
Marie Hasparren de Jean-Marie Besset (éditions L’Avant-Scène Théâtre)
Une Nuit dans la montagne de Christophe Pellet (éditions L’Arche)
Swimming Pool de François Ozon (éditions L’Arche)
La Résurrection de Jeanne d’Arc (The Second Coming of Joan of Arc. Sans mention d’éditeur) de Carolyn Gage qui en a écrit beaucoup d’autres mais à ce jour non traduites en français
La Nef des sorcières, pièce collective disponible aux éditions Typo (à acheter à la libraire Violette and Co)
Quelques textes de Pol Pelletier et de Jovette Marchessault (introuvables en France, ou alors j’ai mal cherché, à part la pièce Alice et Gertrude Nathalie et Renée et ce cher Ernest de Jovette Marchessault parue aux éditions Pleine Lune et disponible sur le site internet Babelio)
L’Autre, d’Enzo Cormann (éditions de Minuit)
L’on pourrait également citer d’autres pièces anglophones non traduites en français, comme Swollen tongues de Kathleen Oliver, Karla and Grif de Vivienne Laxdal ou The Lieutenant Nun d’Odalys Nanin—l’universitaire canadienne Rosalind Kerr a d’ailleurs publié un livre rassemblant et présentant des pièces lesbiennes, malheureusement et bien sûr indisponible en français.
Merci à tous ceux qui m’ont aidée à constituer la liste. N’hésitez pas à la compléter en commentaire.
L’histoire des Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder est celle de l’amour déçu de Petra pour Karine.
Passionnelle et déséquilibrée, leur relation détruit Petra au fur et à mesure de la pièce jusqu’au jour de ses trente-cinq ans où elle explose devant sa mère Valérie, sa fille Gabi, son assistante Marlène et son amie Sidonie.
L’apaisement arrive après cette scène d’anniversaire apocalyptique, quand Petra se retrouve seule avec sa mère Valérie.
La discussion est l’occasion de parler de leur relation, du rapport entre Petra et sa fille Gabi et de son amour pour Karine. C’est une très belle scène, qui est aussi la dernière de la pièce. Extrait :
« VALÉRIE : Gabi dort à présent.
PETRA : Je vais me ressaisir, mère.
VALÉRIE : Devant la peur, l’homme est tout petit.
Valérie va au bar, prépare deux drinks, en apporte un à Petra.
PETRA : Merci
VALÉRIE : Ça va faire presque trente-cinq ans que tu es née. Gabi a été choquée.
PETRA : Ah maman, je t’en prie.
VALÉRIE : Ce n’est pas un reproche, Petra. Il faut que tu le saches, c’est tout. J’ai été sur la tombe de père, quelqu’un y avait déposé des fleurs. Je ne sais pas qui. C’est la deuxième fois que ça arrive.
PETRA : J’avais peur que tu me méprises à cause de Karine.
VALÉRIE : Je sais. Peut-être même l’aurais-je fait, qui sait. Il y a trente-cinq ans, il pleuvait. La pluie frappait à la vitre.
PETRA : J’ai souvent peur, mère. On est si seul.
VALÉRIE : Maintenant je vais souvent sur la tombe de père. Bien plus souvent qu’autrefois. Je retourne aussi à l’église.
PETRA : Ces six derniers mois, même le travail ne me faisait plus plaisir. Et toujours la sensation que ma tête allait éclater de douleur.
VALÉRIE : Il faut trouver le courage d’avoir la foi. Nous avons tous besoin de quelque consolation. Tous, Petra. Et... sans Dieu, nous sommes seuls, tous.
PETRA : Non, mère. Ce n’est pas une consolation. Il faut apprendre à aimer sans rien exiger.
VALÉRIE : C’est la même chose, Petra. Crois-moi.
PETRA : Je ne l’ai pas aimée. Je l’ai simplement voulue pour moi. C’est passé. Ce n’est que maintenant que je commence à l’aimer. J’ai appris, mère, et ça a fait très mal. Pourtant apprendre, ça devrait être beau, ça ne devrait pas faire souffrir.
VALÉRIE : Il te faudra être bonne pour Gabi. Les enfants sont tellement sensibles.
PETRA : Je sais.
VALÉRIE : Avant de s’endormir, elle a beaucoup pleuré. Il faut que tu lui donnes une chance de réapprendre à te connaître.
PETRA : Ne me fais pas souffrir, mère. Qu’est-ce que tu y gagnes ?
VALÉRIE : Ce qu’on sait, on doit pouvoir le dire.»
Texte français : Sylvie Müller. Éditions l’Arche
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder mis en scène par Philippe Calvario avec Maruschka Detmers, Joséphine Fresson, Julie Harnois, Roberto Magalhaes, Odile Mallet, Carole Massana et Alix Riemer se joue jusqu’à samedi.
Dans Les Larmes amères de Petra von Kant, les larmes se sèchent dans des tissus moirés et les cris se perdent dans les canapés capitonnés...
Le personnage de Petra von Kant étant une créatrice de mode célèbre, les mannequins drapés et les robes de haute couture peuplent le plateau du spectacle. Pour les voir portés ou malmenés, vous avez jusqu’à la fin de la semaine !
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder actuellement à l’Athénée mettent en scène une femme, Petra, amoureuse d’une autre, Karine.
Ni féministe ni misogyne quoiqu’on ait pu en dire, la pièce n’attache au final que peu d’importance au caractère homosexuel de la relation, les sujets centraux étant surtout la souffrance et la destruction amoureuses, la passion ou encore l’envie dévorante d’être aimé(e).
Les personnages lesbiens étant cependant assez rares au théâtre pour que cela attire l’oeil, j’ai voulu faire un article sur les pièces de théâtre comportant des personnages de femmes homosexuelles pour me heurter rapidement à un obstacle de taille : j’ai eu beau chercher, aucun texte ne m’est venu à l’esprit.
Heureusement, beaucoup de lecteurs, amis et collègues se sont employés à répondre à mon appel à l’aide en m’envoyant leurs suggestions de pièces donnant à voir l’homosexualité féminine par Facebook, sms ou mails : d’abord, un très grand merci. Mais surtout, bravo pour leur efficacité, enfin presque :
Celui qui ne voit pas mais qui ne désespère pas de trouver un jour
Pascal : “Ça ne me dit rien du tout pour l’instant.”
Celles qui ne voient pas mais qui n’espèrent pas trouver un jour
Laura : “Déjà qu’il n’y a pas de pièces sur les femmes, alors sur les femmes homosexuelles....”
Florence : “Dame, il faut croire que ce sujet n'est que très rarement abordé dans le théâtre, car je n’ai aucun exemple en tête!”
Julie : “Ouh là... grosse colle effectivement...! Pour l'homosexualité masculine... il y a de la matière. Mais féminine... je sèche!”
Églantine : “Je ne vois pas non plus...”
Celle qui a la mémoire sélective
Hélène : “La Lesbienne invisible d’Océane Rose Marie évidemment, mais je pense que tu y as déjà pensé...
Clémence : Même pas! Le spectacle était très bien mais je cherche des textes de théâtre de facture plus classiques, pas un one woman show...
Hélène : Là je suis plus embêtée... Et chez Elfriede Jelinek? Maladie ou femmes modernes. J’ai lu ce truc et je n’en ai aucun souvenir.
Clémence : Je ne connais pas du tout. Comment t’es-tu retrouvée à lire ça ?
Hélène : J’avais étudié un truc de Jelinek en allemand. Ça m’avait bien plu et j’avais acheté une de ses pièces de théâtre au pif.
Clémence : Et donc tu n’en as aucun souvenir à part que cela évoque l’homosexualité féminine, c’est ça ?
Hélène : Non mais attends, je me souvenais déjà de l’auteure alors j’ai cherché sur internet et ça parle d’une vampire lesbienne. Et même ça je ne m’en souvenais pas.”
(NDLR : Elfriede Jelinek est une écrivaine autrichienne, Prix Nobel de littérature en 2004)
Celui qui a l’esprit mal tourné
Sébastien : “Les Femmes savantes de Molière.”
Celle qui n’a pas tout suivi
Amandine : “Les Larmes amères de Petra von Truc ?”
Ceux qui l’ont étudié en quatrième
Matthieu : “Il y a une femme homosexuelle dans Huis Clos de Sartre.”
Amandine : “Huis Clos? (un petit peu)”
Eimelle : “C'est vrai qu'à première vue .. ce n'est pas évident, quelques allusions dans Huis Clos de Sartre, mais rien d'autre qui ne vienne naturellement...”
Frédéric : “Le personnage d'Inès dans Huis Clos.”
Lesly : “Dans Huis Clos de Sartre, Inès me semble un exemple emblématique de ce que vous cherchez.”
Ceux qui m’épatent
Elsa : “Iphis et Iante, d'Isaac de Bensérade... du XVIIe siècle !”
Drexel : Il existe une pièce d'Henri Monnier, auteur fameux du XIXe siècle qui traite du sujet et s'intitule Les gougnottes !
(NDLR : c’est exact ! Le titre de la pièce d'Henri Monnier est Deux Gougnottes et la pièce n'est pas à mettre entre toutes les prudes mains)
Celle qui met le doigt (sans mauvais jeu de mots bien sûr), sur ce qui était pourtant relativement connu
Clémence (une autre) : “Je crois que Les Monologues du Vagin d’Eve Ensler abordent le sujet aussi, je ne sais plus.”
Ceux qui savent que la vie est ailleurs (et surtout dans le monde anglophone)
Sarah : “Tout ce qui me vient, ce sont des pièces anglaises non traduites !”
Guillaume : “Le théâtre québécois, ça va ?” (NDLR : avec un lien renvoyant vers un article de Lynda Burgoyne évoquant les textes des écrivaines canadiennes Pol Pelletier et Jovette Marchessault)
Eimelle : “Il me semble que le thème est plus souvent abordé dans le théâtre contemporain du Canada (chez Rosalind Kerr)
J'ai trouvé un article ici qui pourra peut-être apporter de l'eau au moulin.. ou pas!” (avec un lien renvoyant vers le même article que Guillaume)
Frédéric : “Ah, et puis la pièce The Children's Hour de Lillian Hellman (1934) dont j'ai seulement vu l'adaptation au cinéma. Elle a été adaptée deux fois par William Wyler (Ils étaient trois en 1936 et La Rumeur en 1961).
Christa Winsloe a écrit la pièce Gestern und Heute en 1930, adaptée elle aussi deux fois au cinéma sous le titre Jeunes filles en uniforme.
Il y a l'air d'avoir beaucoup de travail sur le théâtre lesbien aux Etats-Unis... Carolyn Gage par exemple a apparemment écrit au moins cinq livres sur le sujet.”
Scouffy : “Quelques liens :
Dyke Drama / The Enduring Power of Lesbian Theater
La présence lesbienne dans le théâtre féministe québécois des années 1975-1985.
Lesbian plays”
Celle qui n’a pas bien lu la question :
Jennifer : “Bent de Martin Sherman ! Trop triste mais magnifique.”
(NB : Bent met en scène des homosexuels masculins)
Ceux qui ne savent pas mais qui ont une bonne adresse
Daniel : “Bonjour Clémence, tu te doutes que je suis ton blog tous les jours sur les Larmes amères et le reste d'ailleurs.
J'ai pensé que Yagg qui donne l'actualité notamment des droits des gays, trans, lesbiennes... pourrait être une bonne adresse; il répond en partie à beaucoup des dernières questions sur le droit des trans, la législation, des témoignages, les droits des couples homosexuels, mais aussi des dérapages divers... une mine... pour le blog de l'athén(g)ay
Et une bise bien sûr. "
Elsa : “Bonjour Clémence, votre blog est génial, très belle continuation à vous! Une idée serait de contacter le Centre Gay et Lesbien ("Centre LGBT"?), ils auront peut-être matière à vous fournir des informations... Bonne chance et encore bravo!”
Laura : “Tu peux appeler des centres de ressources théâtrales...”
(NDLR : effectivement, le moteur de recherche sur le site du Centre National du Théâtre m’a donné quelques résultats)
Simone : “allez voir dans les librairies Des femmes ou chez Violette and Co (je ne suis pas sûre du nom)”
(NDRL : Des Femmes se situe rue Jacob à Paris, Violette and Co rue de Charonne, toujours à Paris)
Celui qui compatit
Mister K : “C'est toute la difficulté d'un blog quotidien. Que dire ? Et lorsque le sujet est trouvé comment en parler? Dans le cas présent, c'est vrai que le thème de la sexualité au théâtre est difficile lorsque l'on aborde le saphisme ou lesbianisme Ah ! La difficulté de la page blanche. Courage Clémence !” (avec un lien récapitulant des auteurs dits lesbiens)
Des recherches sur internet m’ayant surtout menée sur des sites ou forums où des internautes se posaient la même question que moi, j’ai pensé qu’un récapitulatif et une tentative d’explication de cette absence en intéressera plus d’un : affaire à suivre!
En attendant, l’une des seules pièces de théâtre lesbien disponible en français se joue à l’Athénée : pour voir Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder mis en scène par Philippe Calvario avec Maruschka Detmers, c’est jusqu’à la fin de la semaine. Et ce soir après la représentation, vous pourrez rencontrer toute l’équipe au foyer-bar de l’Athénée !
Sur le plateau des Larmes amères de Petra von Kant, les matières brillantes, réfléchissantes ou jouant de la transparence laissent apparaître le lustre de la grande salle aux endroits les plus inattendus : dans l'entrebâillement d’un rideau de perles, dans le sol doré ou dans l’assise d’une chaise.
Ce soir à 20h30 au cinéma Le Balzac, vous pourrez découvrir le film que Fassbinder tira de sa propre pièce en 1972. La projection du film se fera en présence de l’équipe du spectacle Les Larmes amères de Petra von Kant, qui se joue jusqu'à samedi.
Pendant que Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder se donnent dans la grande salle, leur metteur en scène Philippe Calvario propose une lecture dans la salle Christian-Bérard, juste au-dessus.
Il a choisi le texte Les Visages et les Corps, de Patrice Chéreau.
“Grand invité” du Musée de Louvre en fin 2010, le metteur en scène et cinéaste y a présenté des expositions, spectacles, films et lectures : en préparant l’événement, il a tenu un journal où il évoque son travail autour du texte Rêve d’automne de Jon Fosse (qu’il a mis en scène dans le salon Denon du Louvre) mais aussi son métier de metteur en scène et cinéaste, sa vie amoureuse ou ses rencontres avec les artistes Bernard-Marie Koltès, Jean Genet, Hervé Guibert ou Visconti.
Évoluant dans un décor de brocante, Philippe Calvario passe une cinquantaine de minutes à lire des extraits des Visages et des corps dans l’ambiance intime (très intime, c’est tout petit) de la salle Christian-Bérard. Mercredi, quand il a commencé, il s’est mis à pleuvoir, et on entendait le bruit des gouttes sur le toit. Quelques citations relevées au passage :
«Il a écrit sur une carte postale de Tanger : “je pense que tu penses que je pense à toi”. Nous sommes séparés, j’ai disparu parce que je pensais que je me moquais de lui. Quand je reviens, c’est lui qui part. Il y a longtemps.»
«Je suis un voleur à l’étalage, un pilleur malin qui prend son bien là où il le trouve et qui mange à chaque repas toutes les personnes et les œuvres qu’il admire.»
«Les corps sont beaux, comme ils bougent ce soir dans l’espace. Confrontation avec le mien, déjà moins drôle. »
«Les trois jours avec Genet au théâtre des Amandiers à Nanterre [...], Genet dans la salle déserte qui donne des instructions, Yves Bernard, mon directeur de plateau, affolé à la perspective de devoir répéter la manœuvre devant l’auteur : “il ne va pas rester là toute la journée ?”»
«Visconti lui-même que je vois pour la première fois à Spoleto et qui me regarde, indulgent —il sort de la représentation du premier opéra que je mets en scène. “C’est dur de monter un opéra”, me dit-il dans un français irréprochable.»
«Solitude de l’adolescence, molle et sans grâce, conscience de pas habiter mon corps, d’être laid et moche, ou pas laid mais juste moche.»
«Le silence n’est pas l’absence, l’absence n’est pas la mort. Mais en suis-je bien sûr ?»
Pour entendre ce texte de Patrice Chéreau lu par Philippe Calvario, il vous reste ce soir et demain. Sinon le livre est édité chez Skira Flammarion, et Les Larmes amères de Petra von Kant se jouent encore une semaine !
J’attends toujours votre aide sur les pièces de théâtre abordant l’homosexualité féminine...
Le format du blog ne me permet d’aborder que des sujets possibles à synthétiser sans raccourcis et ne nécessitant pas des semaines d’investigation.
C’est parce que certaines questions étaient trop complexes et délicates pour être traitées en un court article sur un blog quotidien que je les ai donc immédiatement écartées (en vrac, quelques idées d’articles passées aux oubliettes : la transexualité et le travestissement dans le droit français à l’occasion de Divine, les prises d’otages de touristes occidentaux pour Splendid’s, l’historique des opéras pour marionnettes au moment de Caligula, le détail de la conception nietzschéenne de la musique pour Nietzsche/Wagner : le Ring, l’influences des époux/épouses de personnalités au pouvoir à l’occasion d’Ubu enchaîné...)
En souhaitant aborder le traitement de l’homosexualité féminine au théâtre en écho aux Larmes amères de Petra von Kant actuellement à l'Athénée (la pièce parle de l’amour de Petra pour Karine), je ne m’attendais pas à rencontrer de difficultés particulières. J’imaginais qu’une rapide recherche dans ma mémoire et dans des encyclopédies me permettrait de trouver rapidement deux ou trois textes de théâtre ayant fait date dans l’évocation de l’homosexualité féminine et qu’il serait facile de comparer leur traitement du sujet.
Déjà, en cherchant dans tout ce que j’ai pu lire ou voir, je ne trouve rien. Ou pour le moins rien de flagrant, car si l’on cherche les sens cachés et autre sous-textes, l’on peut toujours trouver ici ou là des traces d’homosexualité latente (avec Les Bonnes de Jean Genet par exemple, dans la fascination des deux bonnes pour leur maîtresse). Bref, pas d’homosexualité féminine évidente dans les pièces dont je me souviens.
Du côté de l’homosexualité masculine en revanche, je pense à des textes de Jean Genet, Copi, Tony Kushner, Bernard-Marie Koltès, Christophe Botti ou Jean-Luc Lagarce.
J’ouvre mon dictionnaire du théâtre, pensant trouver l’entrée “homosexualité” entre HOLMBERG Kalle (metteur en scène finlandais) et HONGRIE (le théâtre en) : c’est un échec. Je tape “homosexualité théâtre” dans mon ami Google qui ne me renvoie que des titres traitant de l’homosexualité masculine.
Il semblerait que nous soyons en effet confrontés à une double difficulté, ni l'homosexualité ni les personnages féminins importants n'étant très répandus au théâtre.
Comme le jour où je cherchais des informations sur L’Egisto, j’ai fini par envoyer hier des messages à mes collègues et mes amis intéressés par le théâtre (ou par l'homosexualité féminine d'ailleurs), en leur demandant s’ils/elles pensaient à quelque chose.
Depuis, j’attends. Si vous avez des idées...
(pour laisser un commentaire, c'est sur le blog en-dessous de l'article)
En attendant, si vous voulez aller voir la seule pièce traitant de l’homosexualité féminine que je connaisse, c’est à l’Athénée jusqu’au 9 juin avec Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder.
Ce soir, vendredi et samedi, son metteur en scène Philippe Calvario lira le texte de Chéreau Les Visages et Les Corps en salle Christian-Bérard à 20h.
Suite à mon article d’hier sur la régie plateau, voici de quoi vous donner une idée en images du nombre d’accessoires à placer correctement chaque soir sur le plateau des Larmes amères de Petra von Kant.
Je reporte sous certaines photos ce qui est mentionné dans la liste à disposition des régisseurs :
Téléphone
Billets
Cendrier en forme de petit panier + deux cigarettes
Blouse de travail sur paravent avec deux tissus dans poche
Cendrier + cigarette (tasser le bout) + briquet
Bouteille cognac + deux gros verres
Bouteilles carrée whisky + Polignac Cognac
Verre jus d’orange
2 verres remplis d’eau
Télécommande table lumineuse
Cendrier + briquet
Un gâteau de type tropézienne, Paris-Brest ou Saint Honoré
Vérifier régulièrement état des bougies anniversaires n°3 et n°5
(Mentions légales : fumer pue et boire rend bête)
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder avec Maruschka Detmers continuent jusqu’au 9 juin. Leur metteur en scène, Philippe Calvario, lit à partir de ce soir et jusqu'à samedi en salle Christian-Bérard Les Visages et les corps de Patrice Chéreau.
Les Larmes amères de Petra von Kant utilisent beaucoup d’accessoires, et en particulier ce qu’on appelle des “consommables”, c’est-à-dire des choses à usage plus ou moins unique.
La personne en charge de la régie plateau doit ainsi replacer tous les accessoires après chaque représentation, comme pour tous les spectacles (car ils sont déplacés pendant la pièce), mais aussi veiller à renouveler les consommables, comme les boissons ou cigarettes.
C’est ainsi que l’on peut trouver deux aide-mémoires dans le foyer des comédiens : l’un pour les accessoires à placer correctement avant chaque représentation (c’est ce qu’on appelle la “mise”), l’autre pour les consommables à remplacer chaque soir ou presque.
Les accessoires à placer
La mise est organisée par endroit spécifique de la scène (paravent, lit, bar, table basse, table Marlène), avec le détail pour chacun.
Par exemple, sous l’item “table Marlène” (c’est-à-dire la table occupée par le personnage de Marlène), on peut lire :
- machine à écrire avec feuille
- cendrier + briquet
- feuilles
- pochette dessin avec feuille dessus
- crayon à papier
- télécommande table lumineuse
- dans tiroir : crayon à papier en rab
Sous “lit”, on peut voir
- téléphone blanc
- billet
- cendrier petit panier + 2 cigarettes
- drap sur le lit
Et ainsi de suite.
Les consommables
À côté de l’aide-mémoire pour la mise, on trouve la liste des consommables à remplacer à chaque représentation ou les choses à vérifier régulièrement.
Les consommables à remplacer tous les jours sont par exemple les cigarettes fumées sur scène, les toasts beurrés qui sont mangés par les personnages de Petra et Karine, le gâteau d’anniversaire ou les bouteilles d’alcool (NB : il s’agit toujours de faux alcool. J’avais expliqué ici comment faire du faux champagne ou du faux cognac par exemple). Sans oublier bien sûr la vaisselle à laver chaque soir !...
Dans les choses à vérifier, on trouve le nettoyage du miroir en fond de scène, le fonctionnement des briquets, ou encore l’état des bougies sur le gâteau d’anniversaire.
Le rôle de la personne en charge de la mise est primordial : un crayon manquant au moment où le personnage de Marlène doit faire un croquis ou une bouteille de cognac vide quand Karine en demande et c’est le spectacle qui en pâtit...
J’avais déjà évoqué le sujet à l’occasion des Mains sales où j’avais suivi le régisseur plateau en charge des accessoires : c’est ici.
Les Larmes amères de Petra von Kant avec Maruschka Detmers se jouent jusqu’au 9 juin. Leur metteur en scène, Philippe Calvario, proposera également une lecture d’un texte de Patrice Chéreau, Les Visages et les Corps, mercredi et jeudi en salle Christian-Bérard.
Bonne journée !
Les Larmes amères de Petra von Kant utilisent beaucoup d’accessoires, et en particulier ce qu’on appelle des “consommables”, c’est-à-dire des choses à usage plus ou moins unique.
La personne en charge de la régie plateau doit ainsi replacer tous les accessoires après chaque représentation, comme pour tous les spectacles (car ils sont déplacés pendant la pièce), mais aussi veiller à renouveler les consommables, comme les boissons ou cigarettes.
C’est ainsi que l’on peut trouver deux aide-mémoires dans le foyer des comédiens : l’un pour les accessoires à placer correctement avant chaque représentation (c’est ce qu’on appelle la “mise”), l’autre pour les consommables à remplacer chaque soir ou presque.
Les accessoires à placer
La mise est organisée par endroit spécifique de la scène (paravent, lit, bar, table basse, table Marlène), avec le détail pour chacun.
Par exemple, sous l’item “table Marlène” (c’est-à-dire la table occupée par le personnage de Marlène), on peut lire :
- machine à écrire avec feuille
- cendrier + briquet
- feuilles
- pochette dessin avec feuille dessus
- crayon à papier
- télécommande table lumineuse
- dans tiroir : crayon à papier en rab
Sous “lit”, on peut voir
- téléphone blanc
- billet
- cendrier petit panier + 2 cigarettes
- drap sur le lit
Et ainsi de suite.
Les consommables
À côté de l’aide-mémoire pour la mise, on trouve la liste des consommables à remplacer à chaque représentation ou les choses à vérifier régulièrement.
Les consommables à remplacer tous les jours sont par exemple les cigarettes fumées sur scène, les toasts beurrés qui sont mangés par les personnages de Petra et Karine, le gâteau d’anniversaire ou les bouteilles d’alcool (NB : il s’agit toujours de faux alcool. J’avais expliqué ici comment faire du faux champagne ou du faux cognac par exemple). Sans oublier bien sûr la vaisselle à laver chaque soir !...
Dans les choses à vérifier, on trouve le nettoyage du miroir en fond de scène, le fonctionnement des briquets, ou encore l’état des bougies sur le gâteau d’anniversaire.
Le rôle de la personne en charge de la mise est primordial : un crayon manquant au moment où le personnage de Marlène doit faire un croquis ou une bouteille de cognac vide quand Karine en demande et c’est le spectacle qui en pâtit...
J’avais déjà évoqué le sujet à l’occasion des Mains sales où j’avais suivi le régisseur plateau en charge des accessoires : c’est ici.
Les Larmes amères de Petra von Kant avec Maruschka Detmers se jouent jusqu’au 9 juin. Leur metteur en scène, Philippe Calvario, proposera également une lecture d’un texte de Patrice Chéreau, Les Visages et les Corps, mercredi et jeudi en salle Christian-Bérard.
Bonne journée !
La pièce Les Larmes amères de Petra von Kant ne compte que des personnages féminins, même si son metteur en scène Philippe Calvario y a ajouté une brève présence masculine muette.
Autour de Petra von Kant, créatrice de mode, évoluent ainsi son assistante Marlène, sa maîtresse Karine, son amie Sidonie, sa mère Valérie et sa fille Gabrielle.
D’autres visages de femmes hantent cependant la scène et la salle, et si certaines vont tournent le dos ou se cachent sous un tulle, au moins une vous fait face pendant tout le spectacle.
Les Larmes amères de Petra von Kant avec Maruschka Detmers se jouent jusqu’au 9 juin. Leur metteur en scène, Philippe Calvario, proposera également une lecture d’un texte de Patrice Chéreau, Les Visages et les Corps, mercredi et jeudi prochain en salle Christian-Bérard.
Bon week-end !
Aux présentations de saison des années précédentes, je passais les deux heures à courir partout entre la salle et les coulisses pour prendre des photos de chacun(e) des artistes et membres de l’équipe de l’Athénée, pour finalement en sortir sans avoir rien entendu de ce qui s’y était dit.
Cette année, le directeur de l’Athénée Patrice Martinet ayant choisi d’expliquer seul pourquoi il avait choisi chaque spectacle de la saison 2012-2013, j’ai pu m’asseoir et écouter en prenant des notes directement sur la brochure, comme tout le monde.
Mon exemplaire de la brochure de la saison 2012-2013
La Mouette / Oncle Vania de Tchekhov par Christian Benedetti : “deux très belles pièces où il y a peu de choses : pas de décor et des costumes de ville. C’est un choix esthétique autant qu’un témoignage des difficultés actuelles du théâtre”.
Miss Knife chante Olivier Py par Olivier Py : “tour de chant qu’Olivier Py avait créé il y a quelques années, repris il y a quelques mois avec de nouvelles chansons pour son départ du Théâtre de l’Odéon dont il était directeur.”
Übü Kiraly de Jarry par Alain Timar : “La première question que vous allez vous poser c’est : “pourquoi Ubu Roi en hongrois ?” Eh bien sans doute parce que c’est le meilleur Ubu Roi que j’aie jamais vu. Le seul accessoire est un dérouleur de papier dont les acteurs se servent pour fabriquer leurs décors et costumes au fur et à mesure de la pièce”.
Les Enfants terribles de Cocteau et Glass, mis en scène par Stéphanie Vérité : “une œuvre magnifique où le rapport entre texte et musique est très étonnant”
La voix humaine de Cocteau et Poulenc, mise en scène par Vincent Vittoz : “reprise d’un spectacle magnifique déjà donné à l’Athénée, avec la splendide mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac”
Croquefer et L’Île de Tulipatan d’Offenbach par les Brigands : “vous connaissez forcément les Brigands, qui viennent à l’Athénée tous les ans depuis dix ans...
Croquefer est l’œuvre par laquelle je les ai découverts : c’étaient des choristes de l’ensemble des Musiciens du Louvre qui venaient juste de créer leur propre compagnie, et qui m’avaient invité à venir voir leur première création, Croquefer, à l’espace Jemmapes. Quelque temps après, je les programmais pour la première fois à l’Athénée avec Geneviève de Brabant.”
En attendant Godot et Fin de partie de Beckett mis en scène par Bernard Levy : “les deux spectacles ont déjà été donnés séparément à l’Athénée, nous les réunissons cette année pour en faire un diptyque magistral. Tom Bishop, le représentant des ayant-droits de Beckett pour le monde anglo-saxon, m’a même confié qu’il s’agissait de la plus belle Fin de Partie qu’il aie jamais vue.”
L’Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski, mis en scène par Roland Auzet, avec Thomas Fersen : “Thomas Fersen, que vous connaissez déjà certainement comme chanteur, quitte les grandes salles de variétés pour interpréter tous les rôles de ce spectacle dont le texte, sous son apparente simplicité, est en fait très complexe.”
Le Prix des boîtes de Frédéric Pommier mis en scène par Jorge Lavelli, avec Catherine Hiegel : “Soutenu en interne par deux employées de l’Athénée, Alexandra et Julie, qui sont fans de son travail, Frédéric Pommier m’avait envoyé son texte : je l’avais beaucoup aimé mais je ne savais pas quoi en faire --car en général, il suffit qu’un directeur de théâtre propose un texte à un metteur en scène pour que celui-ci n’en veuille pas....
Après moult rebondissements (dix fois, la production s’est effondrée), le metteur en scène Jorge Lavelli s’est proposé et nous avons pu assurer la production du spectacle. Nous avons aujourd’hui l’espoir que le spectacle tourne ensuite afin de rentabiliser l’investissement qu’on a réalisé avec l’argent qu’on n’a pas...”
Blanche-Neige de Marius Felix Lange et Grimm, mis en scène par Waut Koeken : “j’avais vu un splendide Aladin mis en scène par Waut Koeken. Je ne sais rien de plus sur ce spectacle puisque l’œuvre est toujours en train de s’écrire !... J’ai surtout confiance dans le talent de Waut Koeken.”
Ariane à Naxos de Strauss et Hoffmannsthal, par Julie Fuchs et L’Ensemble Le Balcon : “j’ai découvert Le Balcon grâce à un technicien de l’Athénée. Ils n’ont pas encore de metteur en scène car ils estiment ne pas en avoir besoin !... C’est toujours le problème dans les représentations d’opéra : qui a le pouvoir, le chef d’orchestre ou le metteur en scène ?”
L’autre monde ou les états et empires de la lune de Cyrano de Bergerac mis en scène par Benjamin Lazar : “ce spectacle a été donné à l’Athénée en 2008, et il était splendide. En fait, je le programme à nouveau pour pouvoir le revoir...”
Le débat s’est ensuite ouvert avec la salle sur des questions très variées allant des ayant-droits de Samuel Beckett à l’absence de femmes metteures en scène dans la programmation : suite à venir !
Le sondage sur les présentations de saison (y aller ou non) est toujours actif sur le blog! Merci de votre participation.
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder par Philippe Calvario ont commencé avant-hier à l’Athénée et se jouent jusqu’au 9 juin. Bon jeudi !
Les Larmes amères de Petra von Kant ont commencé hier soir à l’Athénée, et ceux qui étaient présents ont pu remarquer combien le spectacle laissait la part belle à un univers musical très travaillé.
Il y a la création musicale d’Éric Neveux faite spécialement pour la pièce, mais l’on entend également des morceaux préexistants, pour la plupart assez célèbres.
Muriel, qui s’occupe du son et des accessoires pour le spectacle, a pris le temps de m’en donner la liste.
En cliquant ici vous pourrez toutes les écouter à la suite sur le site Deezer (c’est légal et gratuit, mais c’est mieux quand on s’inscrit sur le site)
Vous pouvez également les écouter à la suite sur YouTube en cliquant là (pas d’inscription requise mais demande une connexion plus rapide).
Les voici aussi une à une :
Lullaby des Cure (1993)
J’avoue que je ne connaissais le clip que dans sa version caricaturée par les Inconnus —et on les comprend en voyant l’original, c’était tentant :
Edwyn Collins et son Girl Like You sorti en 1994 avec beaucoup de succès
In My Room des Walker Brothers (1966), reprise plusieurs fois dans le spectacle. Voici une version avec des photos vintage dedans :
La DJ française Chloé avec I Want You en 2007
L’air "When I am Laid in Earth" tiré de l’opéra Didon et Enée de Purcell, interprété par la soprano Jessye Norman (je n’ai pas la date exacte mais je pense que cela a été enregistré au milieu des années 1980)
L’archi-connu Fever, ici dans la version soul de Patti Drew à la fin des années 1960
Vous ne connaissez pas le nom du compositeur estonien Arvo Pärt ? Vous avez sans doute déjà entendu son morceau pour violon et piano Spiegel im Spiegel, écrit en 1978 et utilisé par des chorégraphes comme Sylvie Guillem ou Christopher Weeldon, ou dans des films comme La chambre des officiers de François Dupeyron, Gerry de Gus van Sant ou Éloge de l’amour de Jean-Luc Godard.
Le spectacle se termine avec The Cold Song de Klaus Nomi : contre-ténor allemand de la scène new wave, décédé en 1983, il reprend en 1982 un air de l’opéra King Arthur de Purcell (“What Power Art Thou”)
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder mises en scène par Philippe Calvario avec Maruschka Detmers dans le rôle titre se jouent à l’Athénée jusqu’au 9 juin !
Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder commence ce soir à l’Athénée dans la mise en scène de Philippe Calvario.
Fassbinder, qui était cinéaste et écrivain, a porté sa propre pièce à l’écran dans un film sorti en 1972. Philippe Calvario ne se réclame toutefois pas du film, lui préférant une autre référence cinématographique : Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodovar, sorti en 1988.
Librement inspirée de La Voix Humaine de Jean Cocteau (que vous avez pu voir mise en musique à l’Athénée en 2011 et que vous pourrez revoir en décembre), l’histoire est celle d’une femme, Pepa, qui découvre que son amant Ivan mène une double vie —en plus d’une femme légitime, celui-ci a également un fils et une autre maîtresse.
Ajoutons son amie Candela qui, après une aventure avec un terroriste chiite, a peur d’être accusée de complicité, une avocate féministe, la femme dépressive d’Ivan, une concierge membre d’une secte et la fiancée imperturbable du fils d’Ivan.
Ressort comique, objet de désir, messager et projectile, le téléphone tient un rôle central dans le film, tout comme, pour d’autres raisons, le gaspacho.
À la fois passionnées, vengeresses, violentes, désespérées et drôles, les femmes au bord de la crise de nerfs d’Almodovar sont en effet proches de celles des Larmes amères de Petra von Kant où la souffrance amoureuse n’empêche pas le second degré.
Voici un extrait de sept minutes avec du Antonio Banderas, du gaspacho bourré de somnifères, des boucles d’oreilles en forme de cafetière, une tentative de suicide mollement empêchée, un téléphone en réparation et des canards.
Petra (Carmen Maura) apprend que son amant Ivan a un fils, Carlos (Antonio Banderas). Carlos vient chez Petra accompagnée de sa fiancée (Rossy de Palma). Surgit en même temps Candela (Maria Barranco) qui a peur d’être arrêtée pour complicité de terrorisme et vient pour se confier à Petra.
Si vous voyez un carré noir ou un carré blanc avec une croix rouge (ou n'importe quoi d'autre qui ne ressemble pas à une vidéo), cliquez ici pour regarder l'extrait sur YouTube.
Pour découvrir Les Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder mis en scène par Philippe Calvario, c’est à l’Athénée à partir de ce soir !
Aux lecteurs de Télérama habitant à Paris : Maruschka Detmers, l’actrice qui interprète Petra von Kant dans ce spectacle, a fait la couverture du Télérama sortir Paris la semaine dernière (16 mai).
Luxe
Effondrement
Séduction
Lesbienne
Absence
Ravages
Mentor
Elégance
Séparation
Amour
Muse
Emois
Rage
Ellipses
Second degré
Destruction
Excès
Passion
Erotisme
Transmission
Ravage
Almodovar
Vivre à deux
Outrance
Naïveté
Karin
Amazone
Nitescent
Tragédie
L’histoire d’amour à la fois tragique et drôle des Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder commence demain à l’Athénée dans la mise en scène de Philippe Calvario, présent l’année dernière dans Une visite inopportune de Copi.
Saurez-vous dire quelle est la figure de style utilisée dans ce billet ? N’hésitez pas à donner votre réponse en commentaire.
Réaliser trente films avant l’âge de trente ans : c’était le défi que s’était fixé Rainer Werner Fassbinder.
Né en mai 1945 en Allemagne, Rainer Werner Fassbinder est autant un homme de théâtre que de cinéma : il réalise son premier court-métrage à vingt ans puis fonde sa troupe théâtrale quelques années plus tard en la nommant l’Antiteater, ce qui parle de soi-même (oui même à vous, là dans le fond, qui n’avez jamais fait d’allemand).
Dynamitant les conventions théâtrales dans des représentations de textes classiques ou écrits par Fassbinder lui-même, l’Antiteater connaît vite la célébrité par ses spectacles provocants et iconoclastes.
Auteur de théâtre, acteur, metteur en scène, mais aussi scénariste, dialoguiste, monteur, réalisateur et acteur, Fassbinder a parfois adapté ses propres pièces au cinéma avec par exemple Les Larmes amères de Petra von Kant (1972), mais il faudra attendre le réalisateur français François Ozon en 1999 pour que ses Gouttes d’eau sur pierres brûlantes arrivent sur le grand écran.
S’il s’entoure de la même équipe fidèle, Fassbinder écrit la plupart du temps ses propres scénarii et dialogues et assure également le montage de ses films —quand il n’y tient pas un rôle, comme dans Prenez garde à la Sainte Putain ou L’Amour est plus froid que la mort.
Ours d’or au Festival du film à Berlin en 1982 pour Le secret de Veronika Voss, il est nommé dans la même catégorie ou à la palme d’or du Festival de Cannes pour Despair, Tous les autres s’appellent Ali ou Pourquoi Monsieur R. est-il atteint de folie meurtrière.
Fassbinder a relevé son défi de réaliser trente films avant 1975: mais s’il travaille en un temps record et nous laisse une quarantaine de films à sa mort en 1982 à l’âge de trente-sept ans, son œuvre n’est pas homogène pour autant.
Expérimentale et inégale, souvent pleine d’ironie, son œuvre cinématographique joue avec les stéréotypes autant artistiques que sociaux et s’inspire parfois de sa vie personnelle, comme Les Larmes amères de Petra von Kant, ou L’Année des treize lunes qui s’inspire du suicide de l’un de ses amis.
Inclassables, ses films abordent des thèmes aussi divers que l’Allemagne des années 1950, des conflits de classe, l’exploitation économique, la désillusion politique, le milieu homosexuel ou encore le dramaturge Jean Genet avec son dernier film, Querelle.
Sa pièce de théâtre Les Larmes amères de Petra von Kant sera à l’Athénée à partir de mardi prochain dans la mise en scène de Philippe Calvario.
Bon week-end.
PS : suite à un souci technique, beaucoup ne semblent pas avoir reçu l'article d'hier où l'on trouvait entre autres la vidéo de deux minutes qui présente la saison 2012-2013 de l'Athénée :
Si vous ne voyez qu'un carré noir, cliquez ici pour voir la vidéo sur YouTube.
Avant-hier à l’Athénée, la présentation de saison avait changé de tête : le défilé habituel des artistes venus présenter leur spectacle en trois minutes chrono avait laissé place à un tête-à-tête entre Patrice Martinet, directeur de l’Athénée, et le public.
Difficultés pour les metteurs en scène de parler d’un spectacle pas encore créé et caractère assez rébarbatif de l’événement avaient en effet convaincu de trouver une nouvelle forme de présentation de saison.
Patrice Martinet a donc expliqué pourquoi il avait choisi chaque spectacle avant de laisser la parole aux spectateurs présents qui ont donné leurs impressions sur la saison 2012-2013 mais ont aussi posé quelques questions sur les us et coutumes de la direction de théâtre (j’y reviendrai).
Je ne suis pas tout à fait exacte quand je parle de tête-à-tête, déjà parce qu’il y avait plusieurs personnes dans le public (ah ah) mais aussi parce qu’à côté de Patrice Martinet, il y avait ça :
L’Athénée a en effet demandé à Le Tone et Maris Mazulis de réaliser un film de 2 minutes 30 vous donnant un avant-goût des spectacles qui seront donnés à l’Athénée à partir de septembre prochain.
Pour le voir, c’est ci-dessous (ou alors il faut cliquer là) :
Autre avancée technique, l’Athénée a maintenant son application pour smartphone et un site optimisé pour les mobiles.
Le début du film vu derrière la main d'une cariatide de loge d'avant-scène :
Le sondage sur les présentations de saison (j’aimerais savoir si vous y allez parfois) est toujours actif sur le blog, tout comme la devinette sur l’objet mystère d’hier (réponse à donner aussi)
Bonne ascension et à demain !
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas joué avec les objets de théâtre photographiés par Dominique Lemaire, directeur technique adjoint à l’Athénée.
Saurez-vous me dire quel est le nom spécifique de cet objet, comment il s’utilise et à quoi il sert ?
Donnez votre réponse en commentaire ici.
Les précédents objets mystères de Dominique Lemaire sont ici : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11.
Hier soir, la présentation de saison a bien eu lieu à l’Athénée ! Plus d’informations à venir sur le blog. En attendant, vous pouvez toujours répondre au sondage sur les présentations de saisons (y aller ou non ?) sur le blog ici, colonne de droite.
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas joué avec les objets de théâtre photographiés par Dominique Lemaire, directeur technique adjoint à l’Athénée.
Saurez-vous me dire quel est le nom spécifique de cet objet, comment il s’utilise et à quoi il sert ?
Donnez votre réponse en commentaire ici.
Les précédents objets mystères de Dominique Lemaire sont ici : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11.
Hier soir, la présentation de saison a bien eu lieu à l’Athénée ! Plus d’informations à venir sur le blog. En attendant, vous pouvez toujours répondre au sondage sur les présentations de saisons (y aller ou non ?) sur le blog ici, colonne de droite.
Samedi, l’Athénée participait pour la première fois à la manifestation Tous à l’Opéra, qui ouvrait les portes d’opéras européens pour tout un week-end.
Tous à l’Opéra vise à découvrir et désacraliser le monde lyrique en donnant à voir les coulisses des maisons d’opéras ou en offrant des concerts gratuits et plus ou moins informels.
À l’Athénée, alors que le piano attendait dans l’ombre,
la foule se pressait dans les couloirs
et faisait la queue à l’extérieur (admirez au passage les travaux dans le square de l’opéra Louis-Jouvet)
pour assister au concert de Julie Fuchs, Julien Behr, Mathieu Lamboley et l’ensemble Le Balcon.
À entendre les commentaires des uns et des autres, beaucoup de spectateurs n’étaient jamais venus à l’Athénée auparavant.
Six personnes travaillant à l’Athénée figurent sur cette photo. Je vous laisse les chercher !
(c’est une référence au billet du 23 janvier)
Bon lundi! L’équipe des Larmes amères de Petra von Kant arrive à l’Athénée cette semaine, avant la première mardi 22 mai.
L’acteur François Clavier interprète des textes de Nietzsche et la soprano Muriel Ferraro le rôle de Brünnhilde dans Nietzsche/Wagner - Le Ring, encore donné pour une représentation ce soir à l’Athénée.
Tous deux sont déjà passés à l’Athénée, François Clavier dans Minetti en 2009, et Muriel Ferraro dans Les Enfants Terribles en 2009 et L’Egisto il y a quelques mois.
Interview croisée :
— Muriel, le spectacle se présente comme une sorte de répétition où l’on voit l’équipe répéter quelques extraits du Ring de Wagner, interrompus ou ponctués par les textes de Nietzsche : est-ce que ce parti-pris de mise en scène représentait une difficulté particulière pour toi ?
— Même si l’on ne joue que des extraits, j’ai évidemment travaillé l’œuvre dans son ensemble pour appréhender le personnage de Brünnhilde. Ce principe d’une fausse répétition m’avait un peu gênée au début, mais cela rend aussi les choses plus simples et plus humaines : la musique de Wagner, l’histoire qu’il raconte et les personnages qu’il met en scène ont été tellement mythifiés qu’il me semble intéressant aussi de les désacraliser et les rendre plus proches de nous...
— Est-ce que la lecture des textes que Nietzsche a écrits sur Wagner t’a également aidée pour interpréter Brünnhilde ?
— Comme l’effet de distanciation créé par la répétition mise en scène dont nous venons de parler, l’irruption des textes de Nietzsche dans le spectacle humanise l’œuvre de Wagner tout en la contextualisant, même si je trouve, en tant que germanophone, que les textes de Nietzsche sont un peu altérés par la traduction.
On sent bien en tout cas qu’il est difficile de toucher à Wagner et que tout travail sur son œuvre se heurte à une levée de boucliers de spécialistes auto-proclamés : mais qui sont ces gardiens du temples et quel est le temple à garder ? Cette momification de Wagner est amusante quand on sait combien son entreprise artistique et son positionnement ont été révolutionnaires en son temps...
Sa musique en particulier et l’opéra en général sont malheureusement devenus le pré-carré de quelques spécialistes conservateurs qui la tuent en pensant la défendre : cela me donne encore plus envie de chanter dans ce spectacle qui dérange certains membres du milieu musical en rendant Wagner plus accessible. Scléroser son œuvre va pourtant à l’encontre de Wagner même, et plus généralement du bon sens.
— François, j’ai été frappée de voir combien tu parvenais à incarner les textes de Nietzsche et à leur donner une vraie dimension théâtrale alors que ce sont au départ des écrits philosophiques...
— Nous avons mené un travail colossal d’éclaircissement du texte afin qu’il me paraisse évident au point que la transmission se fasse naturellement. Ce travail très minutieux de décryptage du sens mené avec Alain Bézu, le metteur en scène, parce qu’il laissait le moins de choses possibles au hasard dans le fil de la pensée de Nietzsche, m’a rendu le texte simple. Et lorsque la pensée devient claire, on peut ressentir la pulsion qui en est à l’origine et ainsi la restituer dans tout son souffle et son évidence.
— Vous auriez pu choisir des textes de Nietzsche bien plus violents à l’égard de Wagner...
— Les textes ont été sélectionnés par le dramaturge, Joseph Danan. En fait, l’objet du spectacle est de montrer le Ring de Wagner vu par Nietzsche et non l’inimitié entre Nietzsche et Wagner. Le spectacle se concentre ainsi sur le personnage de Siegfried et occulte l’histoire invraisemblable autour de Gunther...
Vous avez jusqu’à ce soir pour voir le spectacle! Demain, Tous à l’Opéra s’installe à l’Athénée pour vous offrir un récital gratuit de la soprano Julie Fuchs à 20h (répétition générale ouverte à 16h)
En 1887, l’Opéra-Comique donne une représentation de l’opéra Mignon d’Ambroise Thomas : au cours du premier acte, un défaut dans l’éclairage au gaz provoque un incendie qui dévaste la salle Favart et provoque la mort d’une centaine de personnes de l’équipe et du public.
Quelques mois plus tard, la ville de Paris élève un monument dédié aux victimes de l’incendie dans la 96e division du cimetière du Père-Lachaise, avant de rendre l’éclairage à l’électricité obligatoire dans les salles de spectacles.
En 2011, Julie Fuchs, révélation lyrique de l’année aux dernières Victoires de la musique, chantait un air issu de Mignon aux Chorégies d’Orange. Intitulé “Je suis Titania la blonde”, l’air se réfère au moment où le personnage de Philine répète la pièce Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare où elle doit interpréter le rôle de Titania.
Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez la regarder ici sur YouTube.
Si je parle de Julie Fuchs, c’est parce qu’elle donnera samedi à 20h un concert gratuit à l’Athénée dans le cadre de Tous à l’Opéra.
Tous à l’opéra, c’est un événement créé il y a six ans pour ouvrir gratuitement les portes des maisons d’opéra durant un week-end.
En offrant des concerts gratuits, des visites guidées ou des ateliers, l’idée est de faciliter la découverte de l’opéra sans la contrainte des places à prendre (cher1) très en avance pour un spectacle qu’on ne sait pas comment choisir.
L’Athénée y participe cette année pour la première fois en proposant un concert gratuit samedi soir à 20h, précédé d’une répétition générale à 16h ouverte au public.
Julie Fuchs y chantera des airs d’opéras accompagnée du ténor Julien Behr et du pianiste Mathieu Lamboley. L’Ensemble le Balcon jouera également.
Je précise par ailleurs aux friands d’avant-premières que l’Athénée retrouvera Julie Fuchs et Le Balcon dans l’opéra Ariane à Naxos de Strauss l’année prochaine.
N’hésitez donc pas à pousser la porte de l’Athénée samedi à 16h ou 20h!
Ce soir et demain, le théâtre accueille les dernières représentations de Nietzsche/Wagner - Le Ring.
Bon jeudi
1 le prix, souvent invoqué comme frein essentiel, est en fait souvent beaucoup plus bas que ce que l’on imagine, en particulier hors de Paris ou à l’Athénée, sans vouloir prêcher pour ma paroisse.
Sur la scène de Nietzsche/Wagner - Le Ring, la mise en parallèle des textes de Nietzsche et de la musique de Wagner n’annule pas pour autant les droites sécantes, les carrés d’ombres, les rectangles coupés et les cercles croisés.
Pour tracer des courbes entre théâtre, philosophie et musique, il vous reste deux représentations demain et vendredi.
Samedi, l’Athénée participe à l’opération Tous à l’Opéra en vous offrant un récital de la soprano Julie Fuchs. Et le décompte continue en page d’accueil du site de l’Athénée pour découvrir la surprise de mardi...
Nietzsche/Wagner : Le Ring utilise des effets vidéo qui nécessitent d’installer un vidéo-projecteur dans la salle, en corbeille (premier balcon).
La régie qui commande le projecteur étant située en galerie (troisième balcon), un fil électrique court sur la moquette et dans les escaliers pour relier les deux, permettant à la régie générale de commander le vidéo-projecteur.
Yoann, ou plus exactement les mains et genoux de Yoann, terminant de fixer le fil au sol.
Il vous suffit donc de suivre le fil pour aller saluer les régisseurs —ou, selon votre chance, aller rejoindre les places les moins chères de l’Athénée que, pour ma part, j’ai beaucoup pratiquées à l’époque où j’étais encore étudiante.
Pour voir Nietzsche/Wagner - Le Ring qui mêle musique de Wagner et textes de Nietzsche, c’est à l’Athénée jeudi et vendredi soir !
Samedi à 16h et 20h, l'Athénée accueillera la chanteuse Julie Fuchs pour Tous à l'Opéra, avant une surprise mardi prochain à 18h30 !
Bon 8 mai !
À l’Athénée, les tulles utilisés dans le décor de Nietzsche/Wagner - Le Ring se révèlent au gré des lumières et du mouvement, dévoilant au passage la silhouette du comédien François Clavier qui interprète les textes de Nietzsche.
Si vous ne voyez pas les photos, n'hésitez pas à aller sur le blog
Nietzsche/Wagner - Le Ring se joue encore jeudi et vendredi, avant Tous à l’Opéra samedi et une surprise mardi prochain !
Bon début de semaine.
Le 1er septembre 1951, Paris Match faisait sa couverture sur la mort de Louis Jouvet survenue deux semaines plus tôt à l’Athénée : directeur de l’Athénée depuis 1934, l’acteur et metteur en scène est en effet décédé dans son Théâtre à l’âge de soixante-quatre ans.
La couverture reprend une photo de lui dans le rôle du chevalier Hans mourant à la fin d’Ondine de Jean Giraudoux en 1939.
À l’intérieur du magazine, le journaliste François Pédron raconte la dernière journée de Louis Jouvet dans le style habituel du journal :
«Ce 10 août, il tourne les extérieurs de son nouveau film qui sera le dernier, Les rues de Paris, en pleine canicule. “Ce n’est pas exaltant, écrit-il le soir à Simone Berriau1... Je commence à travailler sur la pièce de Graham Greene (La puissance et la gloire) avec de nombreuses difficultés.”
Depuis toujours, il mène deux vies, théâtre le soir, cinéma le jour. Son cœur n’y résistera pas.
Lui qui ne se plaint jamais dit au téléphone à son bras droit Léo Lapara2 : “Je n’en sors pas de ce merdier. Je me casse le nez sur de ridicules problèmes de mise en scène que je devrais normalement résoudre en quelques minutes. Je cafouille comme un débutant. Je patauge. Je ne sais vraiment pas ce qu’il m’arrive”.
Le mardi 14 août, après un déjeuner trop rapide, il retourne “chez lui”, au théâtre de l’Athénée. Il est nerveux. À 17h10, il se plaint d’une vive douleur dans la région du cœur. Il se regarde dans un miroir : livide. Ses jambes ne le portent plus. Il s’allonge sur la moquette rouge du bar. Un oreiller est glissé sous sa tête. Deux médecins arrivent. Le docteur Hulin note : “Pouls lent, irrégulier, 25 pulsations, Bruits du cœur erratiques”. Jouvet respire de plus en plus mal. Quatre machinistes le déposent sur le divan de son bureau.
Les médecins prescrivent de la coramine, du solucamphre, de l’héparine. En vain. Jouvet ne se relèvera pas. Malgré un léger mieux dans la nuit, à 7 heures du matin, un AVC le paralyse. L’agonisant articule quelques mots de remerciements, alors que l’oedème cérébral s’aggrave. À 20h15, le 16 août, le Docteur Hulin ne peut que constater “Jouvet n’est plus”.
S’il n’est pas mort sur scène comme Molière, il a rendu son dernier souffle dans son théâtre : sa vie.»
J’ai cru comprendre que le bureau où Louis Jouvet est mort n’est pas celui où Patrice Martinet, actuel directeur, a installé le sien. Éclaircissements à venir sur le blog.
En attendant, Nietzsche/Wagner : le Ring a commencé avant-hier à l’Athénée et se joue ce soir puis jeudi et vendredi prochains.
Ce soir avant la représentation, le musicologue Jacques Amblard viendra nous donner quelques clés sur l'œuvre de Richard Wagner : c'est de 19h à 19h en salle Christian-Bérard (au-dessus de la grande salle).
1 Simone Berriau : comédienne, chanteuse, directrice du théâtre Antoine et productrice. Elle créera beaucoup de pièces de Jean-Paul Sartre et permettra à Peter Brook de présenter sa première mise en scène en France. Elle aussi est morte dans son théâtre, en 1984.
2 Léo Lapara : Comédien, régisseur et secrétaire de Louis Jouvet.
Merci à OH de m'avoir transmis l'article
Hier, la première de Nietzsche/Wagner : Le Ring avait lieu à l’Athénée, avec l’orchestre Lamoureux en fosse.
Cela tombe bien, car il y a cent vingt-cinq ans jour pour jour, l’Athénée accueillait la première française d’un opéra de Wagner, Lohengrin, aussi interprété par l’orchestre Lamoureux.
C’était à l’époque où l’Athénée s’appelait encore Eden Théâtre et offrait environ quatre mille places en plus d’un jardin d’hiver et d’un vélodrome pour dames (pour plus de détails, voir cet article paru sur le blog en novembre 2008).
L’orchestre Lamoureux lui, est né six ans plus tôt : son créateur, Charles Lamoureux, est un grand admirateur de Wagner qu’il contribuera à faire connaître en France malgré les oppositions française de l’époque à la musique allemande, rivalité belligérante entre les deux pays et textes de Wagner peu aimables envers les Français obligent.
Charles Lamoureux organisera ainsi la première parisienne de Lohengrin dans l’ancien Athénée (il faut toutefois préciser qu’elle interviendra bien après les premières française et belge, qui eurent respectivement lieu à Nice en 1881 et à Bruxelles en 1870) : la représentation de l’opéra donna lieu à des manifestations patriotiques d’opposants qui voyaient dans la représentation de cet opéra un acte anti-français.
À ce titre, la couverture du journal Le Grelot en 1887 est très éloquente :
À gauche : "Paris vaincu est outragé par Wagner". À droite : "Paris lèche le Lohengrin de Wagner"
Pour l’anecdote, c’est dans Lohengrin que l’on trouve une marche nuptiale très célèbre que vous pouvez écouter ici.
Il s’agit de la scène 1 de l’acte III de Lohengrin. Le titre de l’air est “Treulich geführt ziehet dahin, wo euch der Segen der Liebe bewahr !” (“Fidèlement conduits, allez votre chemin, où la bénédiction de l'amour vous garde !”)
Pour fêter les retrouvailles de Wagner, Lamoureux et l’Athénée, c’est à l’Athénée jusqu’au 11 mai ! Nietzsche/Wagner : Le Ring mis en scène par Alain Bezu et dirigé par Dominique Debart à la tête de l’orchestre Lamoureux avec sur scène Muriel Ferraro, Paul Gaugier, Aurélien Pernay et François Clavier mêle Nietzsche et Wagner pour encore quatre représentations ce soir, demain et jeudi et vendredi de la semaine prochaine.
"Je ne peux pas écouter trop de Wagner, ça me donne envie d'envahir la Pologne" déclare le personnage de Larry dans le film Meurtre mystérieux à Manhattan de Woody Allen.
Au-delà de ce trait d'humour bien connu, Wagner est très présent sur les écrans ; nul besoin en effet d’avoir assisté à une représentation de la tétralogie du Ring de Wagner pour avoir déjà entendu sa musique : son souffle ravageur et ses leitmotiv (ou motifs musicaux associés à un thème ou un personnage qui reviennent régulièrement au fil de la partition) en ont fait une musique de choix pour le cinéma.
Ce sont très souvent les parties orchestrales (non-chantées) qui ont été retenues par les réalisateurs.
La scène la plus célèbre est sans doute celle d’Apocalypse Now de Francis Ford Coppola où l’on fait la guerre sur fond de Wagner (la chevauchée des Walkryies, scène 1 de l’acte III des Walkyries)
Le prélude de ce même opéra est central dans cette scène de Birth de Jonathan Glazer avec Nicole Kidman (la musique commence au bout d’une trentaine de secondes)
On connaît aussi très largement la scène du Dictateur où l’on voit Charles Chaplin dansant avec un globe terrestre sur le prélude de l’acte I de Lohengrin.
En 1954, Luis Bunuel reprenait la fin de Tristan et Isolde pour sa scène finale d’Abismos de pasion.
Et en 2011, c’est le début de Tristan et Isolde que Lars von Trier utilisait pour la magnifique scène d’ouverture de Melancholia.
Si vous connaissez d’autres occurrences de Wagner au cinéma, n’hésitez pas à m’en faire part! En attendant, Nietzsche/Wagner : le Ring, qui reprend la musique de Wagner et les textes de Nietzsche, commence ce soir à l’Athénée.
Bon mercredi !
Mardi, au sujet du spectacle qui commencera bientôt à l’Athénée, je vous parlais des relations orageuses entre le philosophe Nietzsche et le compositeur Wagner. Mercredi, je publiais le début du Cas Wagner publié par Nietzsche en 1888.
?Voici aujourd’hui la suite de cet avant-propos au Cas Wagner :
«Pour accomplir une pareille tâche une discipline personnelle m’était nécessaire : — prendre parti contre tout ce qu’il y a de malade en moi, y compris Wagner, y compris Schopenhauer, y compris toute l’“humanité” moderne. — Alors j’éprouvai un profond éloignement, un refroidissement et un désenchantement à l’égard de tout ce qui est temporel et de notre époque, et mon plus haut désir devint le regard de Zarathoustra, un regard qui embrasse d’une distance infinie le phénomène “homme”, — et qui le voit au-dessous de lui... Un but pareil ! — quel sacrifice ne méritait-il pas ? quelle “victoire sur soi-même”? quelle “négation de soi” ?
Le plus grand événement de ma vie fut une guérison. Wagner n’appartient qu’à mes maladies.
Non pas que je veuille me montrer ingrat à l’égard de cette maladie. Si, dans cet écrit, j’entends déclarer que Wagner est nuisible, je n’en soutiens pas moins qu’il est indispensable à quelqu’un : — au philosophe.
Autrement on pourrait peut-être se passer de Wagner : le philosophe cependant n’est point libre de repousser ses services. Il doit être la mauvaise conscience de son temps, — c’est pourquoi il lui faut connaître son temps.
Mais où trouverait-il pour le labyrinthe de l’âme moderne un guide mieux initié que Wagner, un plus éloquent connaisseur d’âmes ? Par Wagner la modernité parle son langage le plus intime : elle ne dissimule ni son bien ni son mal, elle a désappris toute pudeur devant elle-même.
Et réciproquement : on est tout près d’avoir fait le compte de ce que vaut l’esprit moderne, quand on est d’accord avec soi-même pour ce qui en est du bien et du mal chez Wagner. — Je comprends parfaitement qu’un musicien d’aujourd’hui nous dise : “Je hais Wagner, mais je ne puis plus supporter d’autre musique.”
Mais je comprendrais aussi un philosophe qui déclarerait : “Wagner résume la modernité. On a beau faire, il faut commencer par être wagnérien...”.»
Nietzsche/Wagner - Le Ring, un opéra mêlant Wagner et Nietzsche, commencera la semaine prochaine à l’Athénée ! Bon week-end.
Traduction : Henri Albert
Mardi, au sujet du spectacle qui commencera bientôt à l’Athénée, je vous parlais des relations orageuses entre le philosophe Nietzsche et le compositeur Wagner. Mercredi, je publiais le début du Cas Wagner publié par Nietzsche en 1888.
?Voici aujourd’hui la suite de cet avant-propos au Cas Wagner :
«Pour accomplir une pareille tâche une discipline personnelle m’était nécessaire : — prendre parti contre tout ce qu’il y a de malade en moi, y compris Wagner, y compris Schopenhauer, y compris toute l’“humanité” moderne. — Alors j’éprouvai un profond éloignement, un refroidissement et un désenchantement à l’égard de tout ce qui est temporel et de notre époque, et mon plus haut désir devint le regard de Zarathoustra, un regard qui embrasse d’une distance infinie le phénomène “homme”, — et qui le voit au-dessous de lui... Un but pareil ! — quel sacrifice ne méritait-il pas ? quelle “victoire sur soi-même”? quelle “négation de soi” ?
Le plus grand événement de ma vie fut une guérison. Wagner n’appartient qu’à mes maladies.
Non pas que je veuille me montrer ingrat à l’égard de cette maladie. Si, dans cet écrit, j’entends déclarer que Wagner est nuisible, je n’en soutiens pas moins qu’il est indispensable à quelqu’un : — au philosophe.
Autrement on pourrait peut-être se passer de Wagner : le philosophe cependant n’est point libre de repousser ses services. Il doit être la mauvaise conscience de son temps, — c’est pourquoi il lui faut connaître son temps.
Mais où trouverait-il pour le labyrinthe de l’âme moderne un guide mieux initié que Wagner, un plus éloquent connaisseur d’âmes ? Par Wagner la modernité parle son langage le plus intime : elle ne dissimule ni son bien ni son mal, elle a désappris toute pudeur devant elle-même.
Et réciproquement : on est tout près d’avoir fait le compte de ce que vaut l’esprit moderne, quand on est d’accord avec soi-même pour ce qui en est du bien et du mal chez Wagner. — Je comprends parfaitement qu’un musicien d’aujourd’hui nous dise : “Je hais Wagner, mais je ne puis plus supporter d’autre musique.”
Mais je comprendrais aussi un philosophe qui déclarerait : “Wagner résume la modernité. On a beau faire, il faut commencer par être wagnérien...”.»
Nietzsche/Wagner - Le Ring, un opéra mêlant Wagner et Nietzsche, commencera la semaine prochaine à l’Athénée ! Bon week-end.
Traduction : Henri Albert
Prologue : si vous ne savez pas ce que Nietzsche a contre Wagner, il faut lire le billet d’hier ici.
Dans cet avant-propos au livre Le Cas Wagner, Nietzsche condense l’ambiguïté qui le pousse à aimer et rejeter Wagner à la fois.
Le texte étant trop élégant sur la forme et dense sur le fond pour être tronçonné et livré par extraits, je vous recopie intégralement cet avant-propos (mais le publierai en deux morceaux pour vous ménager, suite à venir).
NB : Vous vous fichez de Wagner, de Nietzsche, voire des deux ? Lisez quand même ce texte, qui est aussi une grande leçon de style.
Avant-propos au Cas Wagner
« Je vais m’alléger un peu. Ce n’est pas par pure méchanceté que, dans cet écrit, je loue Bizet aux dépens de Wagner. J’avance, au milieu de beaucoup de plaisanteries, une chose avec quoi il n’y a pas à plaisanter. Tourner le dos à Wagner, ce fut une fatalité pour moi ; aimer quelque chose ensuite, une victoire.
Personne n’a peut-être été mêlé à la “wagnérie” plus dangereusement que moi ; personne ne s’est défendu plus âprement contre elle ; personne ne s’est plus réjoui de lui échapper.
C’est une longue histoire ! — Veut-on un mot pour la caractériser ? — Si j’étais moraliste, qui sait comment je l’appellerais ! Peut-être victoire sur soi-même. — Mais le philosophe n’aime pas les moralistes... il n’aime pas davantage les grands mots...
Quelle est la première et la dernière exigence d’un philosophe vis-à-vis de lui-même ? Vaincre son temps et se mettre “en dehors du temps”. Avec qui devra-t-il donc soutenir le plus rude combat ? Avec ce par quoi il est l’enfant de son temps.
Or ça ! je suis aussi bien que Wagner l’enfant de cette époque-ci, je veux dire un décadent : avec cette différence que je m’en suis rendu compte et que je me suis mis en état de défense. Le philosophe en moi protestait contre le décadent.
Ce qui m’a le plus occupé, c’est, en vérité, le problème de la décadence, — j’ai eu mes raisons pour cela. La question du “bien” et du “mal” n’est qu’une variété de ce problème.
Si l’on a vu clair sur les symptômes de la décadence on comprendra aussi l’essence de la morale, — on comprendra ce qui se cache sous ses noms les plus sacrés et ses formules d’évaluation les plus saintes : la vie appauvrie, la volonté de périr, la grande lassitude. La morale est la négation de la vie... »
Traduction Henri Albert
Vous pourrez entendre d’autres textes de Nietzsche dans Nietzsche/Wagner - Le Ring qui commencera la semaine prochaine. La suite de cet avant-propos au Cas Wagner sera publiée bientôt sur le blog !
« Vous êtes, après ma femme, le seul gain que ma vie m'ait apporté » écrivait le philosophe Friedrich Nietzsche au compositeur Richard Wagner en 1872.
La musique de Wagner semble en effet indissociable du système philosophique de Nietzsche qui lui dédiera d'ailleurs sa Naissance de la Tragédie : les préoccupations des deux hommes se font écho, et tous deux tireront sans doute beaucoup de leur amitié, autant d'un point de vue personnel qu'intellectuel et artistique.
Mais Nietzsche se retourne contre Wagner avec autant de passion qu'il l'avait admiré, le définissant par exemple dans Le Cas Wagner comme « l'artiste de la décadence » auteur d'une « mauvaise musique » qui personnifie « l'avènement du comédien dans la musique ».
Il y avait sans doute dès le départ un malentendu sur le rôle dévolu à la musique : l'un, Wagner, la percevant comme part intégrante d'un art total de l'opéra qui fusionnerait le théâtre, la littérature et la musique ; et l'autre, Nietzsche, plutôt partisan d'une musique absolue qui ne serait pas corrompue par la représentation théâtrale. Wagner insuffle les Idées dans la musique, Nietzsche espère accéder aux Idées par la musique : si leurs choix divergent, le problème de départ reste le même.
À ce désaccord esthétique s'ajoute une opposition plus politique, Nietzsche s'inscrivant contre les positions nationalistes et antisémites de Wagner.
Publiant des écrits extrêmement violents contre son ancien ami, comme Le Cas Wagner ou Nietzsche contre Wagner, Nietzsche ne cachait pas pour autant l'importance qu'eut Wagner pour lui, et avoua même en 1887 à propos de Parsifal, le dernier opéra de Wagner, qu'il s'agissait du « plus grand bienfait qu’il m’ait été accordé depuis longtemps. [...] Comme si après de nombreuses années quelqu’un me parlait enfin des problèmes qui m’inquiètent ».
Preuve, s'il en était, qu'on ne s'engueule vraiment qu'avec ceux qui nous sont trop proches.
À l'Athénée, Nietzsche/Wagner – Le Ring explore les tensions entre les deux hommes dans un spectacle qui mêle philosophie, théâtre et opéra : c'est pour cinq représentations à partir de la semaine prochaine (et non pas à partir de cette semaine comme je l'affirmais par erreur hier)
Bon mardi.
Sources : Le Cas Wagner et Nietzsche contre Wagner de Nietzsche
Nietzsche et la musique de Pierre Montebello
Nietzsche et Wagner : une amitié orageuse de Pascal Ceaux
Lorsque je suis passée la semaine dernière à l'Athénée pour rencontrer l'équipe du Ring, le décor était à peine monté : à la lumière de la servante (pour savoir ce que c'est, cliquez ici), on apercevait quelques éléments suspendus et des projecteurs en attente d'être installés (et aussi un caddie).
Nietzsche/Wagner : Le Ring, opéra qui mêle la musique de Wagner et les textes que Nietzsche a écrit à son sujet, commence la semaine prochaine à l'Athénée pour cinq représentations.
Dans Ubu enchaîné, Eric Cantona interprète père Ubu, Valérie Crouzet mère Ubu, et Giovanni Calo' "le conteur" qui joue tous les autres personnages à l'aide d'objets divers.
Oncle Pissembock devient ainsi une théière qui parle, et les hommes libres des tranches de pain récalcitrantes (j'en avais parlé ici).
J'ai interviewé les trois comédiens avant une représentation.
Éric Cantona, interprète d'Ubu
«— Éric, Ubu est désigné comme enchaîné, mais il n'a jamais été aussi déchaîné...
— C'est dans le texte de Jarry, qui présente beaucoup de paradoxes : déjà, Ubu enchaîné est le renversement de la première pièce, Ubu Roi. Ensuite, on y apprend entre autres que la liberté, c'est l'esclavage —en fait, la liberté, pour Ubu, c'est surtout d'être en sécurité derrière des grilles...C'est d'ailleurs sans doute lui-même qui s'est créé sa propre prison : il est tellement avide de pouvoir qu'il essaie d'en avoir en se disant que c'est lui qui a créé son univers, à savoir sa prison —c'est aussi très lâche, au passage. C'est ce paradoxe d'Ubu qui est à la fois désireux d'être un homme libre et de posséder le pouvoir que l'on essaie de jouer.
— Vous et Valérie Crouzet jouez dans un castelet pendant une partie de la pièce ; les rideaux qui entourent ce castelet et vous font apparaître ou disparaître sont manipulés par Giovanni Calo'. Pour ma part j'ai eu l'impression que toute la pièce se déroulait en fait dans la tête du personnage de Giovanni Calo', comme si le spectacle donnait à voir son petit théâtre intérieur, ou révélait son inconscient, si l'on préfère…
— C'est vrai que pour le metteur en scène Dan Jemmett, Giovanni Calo' est un conteur, mais pour moi c'est plutôt l'incarnation d'Alfred Jarry : et en ce sens, nous sommes donc évidemment les personnages sortis de son imaginaire —des personnages avec qui il vit d'ailleurs tout le temps de l'écriture et de la création, voire toute sa vie. Le spectacle permettrait ainsi de voir la construction de l'écriture…
On s'est tous inventés des histoires, on a tous fait vivre des objets quand on était enfant, parce qu'on a besoin de visualiser des choses et de créer des personnages avec ce qui nous entoure : j'ai l'impression d'avoir vécu mille fois ce personnage dans cette pièce. Après, le contenu, c'est différent bien sûr, mais ce monde imaginaire avec ces personnages imaginaires (ou pas), j'ai l'impression de l'avoir déjà vécu.»
Valérie Crouzet, interprète de Mère Ubu
«— Mère Ubu est-elle l'incarnation de la bêtise ?
— (avec la voix de Mère Ubu) Ça va pas ou quoi ? Non, je ne suis pas bête !!! (rires)
Plus sérieusement, en tant que comédienne, il m'est impossible de penser que mon personnage est bête : je ne pourrais pas bien le jouer… Donc à mon avis, mère Ubu n'est pas bête : disons qu'elle est entière. Elle est énorme, si tu préfères ! Elle se laisse avoir par son mari, mais elle le manipule aussi.Dans l'histoire d'Ubu enchaîné, elle ne veut pas être reine car elle a un désir de puissance : sauf que petit à petit, elle comprend que les choses peuvent tourner autrement et essaie d'en profiter… Son but est avant tout de garder le pouvoir, et accessoirement de décerveler, éviscérer, etc. C'est quand même une drôle d'idée !...
Père et Mère Ubu incarnent le côté sombre de chacun de nous, y compris du conteur joué par Giovanni Calo' —qui représente d'ailleurs, pour moi, le spectateur hanté par ses pensées. J'ai ainsi l'impression de jouer le monstre qu'on a tous en nous, ce qui est jouissif car cela me permet d'explorer des jeux différents, ou en tout cas que l'on ne pourrait pas mettre en œuvre sur d'autres personnages.
C'est aussi l'enfermement dans un castelet qui rend possible cette manière de jouer : je ne pense pas que nous pourrions jouer ainsi sur une grande scène… Quelque part, être contenus dans un si petit espace rend cette énergie possible et, paradoxalement, plus forte.»
Giovanni Calo', "le conteur" qui interprète la plupart des personnages de la pièce à l'aide d'objets.
«— Giovanni, comment rend-on un objet expressif ?
— Il y a plusieurs façons de traiter les marionnettes : dans ce cas-là, je mets l'attention sur l'objet et le fais parler sans trop jouer, sans trop d'émotion ; c'est assez distant, comme chez Brecht1…En disant le texte, je m'adresse à eux et les indique sans les faire trop bouger : par exemple, je n'agite pas le couvercle pour faire parler la théière. L'objet n'est pas articulé comme une marionnette, il n'a que peu de possibilités de mouvement : c'est précisément en essayant de le faire bouger que l'on pointe sa limite. D'ailleurs, déplacer un simple verre peut prendre des heures en répétition : il faut trouver comment le faire pour que cela signifie quelque chose.
Cela me paraît mieux de rester dans l'ambiguïté entre le personnage et l'objet. En fait, je raconte l'objet autant que le personnage qu'il représente.. Ainsi, quand j'en casse un, je casse l'objet et peut-être le personnage, ou je casse le personnage et peut-être l'objet.
— Et père Ubu et mère Ubu qui apparaissent au gré d'un rideau que tu ouvres et fermes, ne sont-ils pas eux aussi des marionnettes (très améliorées !) ? C'est comme s'ils faisaient partie du petit théâtre que tu joues au même titre que la théière ou le lys et que tout ce qui se déroule sur scène sortait de ton imagination….
— Il y a aussi de cela, oui, sans doute. Peut-être que le couple Ubu est dans la tête du conteur qui les montre presque contre son gré : il veut montrer ses monstres, ses secrets, ses squelettes dans le placard, mais ils sortent sans qu'il puisse les contrôler… Est-il lui-même un de ces monstres ?Ce personnage que l'on a appelé "conteur" peut aussi représenter l'écrivain ou le metteur en scène… En tout cas, c'est un personnage qui à la fois veut et ne veut pas montrer ses secrets : l'on assiste ainsi à une sorte de psychanalyse faite de façon théâtrale mais pas psychologique, car il n'y a pas de catharsis2 : ce sont peut-être plus les monstres qui se libèrent que mon personnage ! En tout cas, ce n'est pas une tragédie : c'est un rituel tragique. »
Pour voir Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett, vous avez encore ce soir et demain!
Le blog de l'Athénée prend des vacances et sera de retour le 23 avril.
1 Bertolt Brecht, écrivain et metteur en scène allemand du vingtième siècle qui a forgé le concept de "distanciation" où il s'agit de souligner l'artifice d'une représentation de théâtre, entre autres en demandant aux comédiens de ne pas totalement incarner leur personnage, de le mettre à distance.
2 Concept développé par Aristote et qui désigne la purgation des passions par le moyen de la représentation théâtrale.
À l'Athénée, le principe du théâtre dans le théâtre est à l'œuvre dans Ubu enchaîné où Ubu et son épouse sont enfermés dans un castelet : il y a quand même moins d'ampoules sur scène que dans le lustre de la grande salle…
Pour voir Ubu enchaîné, vous avez jusqu'à samedi. La pièce est mise en scène par Dan Jemmett qui avait monté La grande magie à la Comédie Française et La Comédie des erreurs aux Bouffes du Nord, et est interprétée par Eric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo'.
Hier, je publiais un entretien avec Dan Jemmett. Demain, interview des trois acteurs !
Dan Jemmett est le metteur en scène d'Ubu enchaîné d'Alfred Jarry actuellement à l'Athénée : on a pu voir dernièrement son travail à la Comédie-Française où il avait monté La grande magie de Filippo, ou encore au théâtre des Bouffes du Nord où il présentait La Comédie des erreurs de Shakespeare.
Interview de lundi de Pâques :
"— Alfred Jarry a beaucoup travaillé sur les marionnettes. Souhaitais-tu, dans ta mise en scène d’Ubu enchaîné, retrouver cet esprit de théâtre de marionnettes, voire de guignol ?
— Je ne souhaitais pas créer un théâtre de marionnettes, mais c’est vrai que je me suis inspiré de la marionnette à gaine et du théâtre d’objets. Tous deux sont assez bruts et pauvres : il n’y a que très peu de possibilités d’articulations et de mouvement sur ce type de marionnettes, et encore moins avec les objets !
Le castelet que l’on voit dans Ubu enchaîné peut rappeler celui de Punch and Judy, le guignol britannique, où l’on voit des archétypes comme chez Ubu. Je pensais d’ailleurs monter une version d’Ubu Roi pour marionnettes et avais commencé à travailler sur le projet —Jarry ayant d’abord imaginé Ubu pour marionnettes, il me semble impossible de monter ses textes sans traiter cet aspect !
Aborder l’acteur sous l’angle de la marionnette était en effet l’une des obsessions d’Alfred Jarry : les qualités qu’il estime essentielles chez les marionnettes sont précisément les plus difficiles à retrouver chez les acteurs.
Selon lui, tout commence dans ce qu’il appelle le “matériel inerte” et qui est une manière de toucher plus profondément nos pulsions, de traiter ce qui est monstrueux en nous, de révéler une noirceur brute : c’est plus difficile pour un acteur qui ne peut s’échapper de son côté humain alors que l’on peut projeter ce que l’on veut sur un objet. Gordon Craig et Antonin Artaud ont écrit des choses passionnantes à ce sujet... (voir à ce sujet l'article d'hier sur le blog)
Les textes d’Alfred Jarry sont une réaction au théâtre bourgeois : peut-être qu’il voyait dans la marionnette la possibilité de changer plus radicalement le théâtre... On est toujours doublé par la marionnette : la présence de la marionnette est toujours difficile pour les adultes, qu’ils soient acteurs ou spectateurs.
Il est en tout cas évident à la lecture de la pièce qu’il n’est ni possible ni intéressant d’illustrer le texte de Jarry sans aborder la problématique de l’acteur et de la marionnette : il faut forcément passer par la matière, d’autant plus que certaines choses sont compliquées à montrer sur scène avec des acteurs (comment fait-on, quand Ubu tue tout le monde ?)
Les pièces du cycle Ubu sont souvent montées comme des farces grotesques alors qu’elles me semblent très troublantes et noires. Je le vois bien dans les réactions du public d’ailleurs : il ne rit pas seulement, il est aussi troublé.
Il faut également garder en tête qu’il n’y a pas forcément quelque chose à comprendre à la pièce, un sens caché à trouver : pour moi, il n’y a pas de message caché derrière ce texte de Jarry. Il va au-delà de l’intellect et même de l’émotion, c’est un rituel."
Il vous reste jusqu'à samedi pour voir Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett avec Eric Cantona et Valérie Crouzet dans le rôle du couple Ubu et Giovanni Calo' en conteur faisant tous les autres personnages grâce à du théâtre d'objets. Bon mercredi.
Poète, acteur et théoricien du théâtre du 20e siècle, Antonin Artaud a écrit un essai intitulé Le Théâtre et son double où il développe sa conception d’un théâtre faisant table rase d’une tradition occidentale fondée sur l’illusion, le texte, la raison, la psychologie et le divertissement.
Souhaitant toucher à la fois le sensible et l’intellect, il promeut un théâtre de la cruauté dont ni les artistes ni les spectateurs ne ressortiraient indemnes, touchés par une explosion de la raison et de l’émotion.
Ainsi destiné à provoquer une crise violente chez celui qui le regarde ou le pratique, le théâtre a pour but de libérer l’humain de ses conflits intérieurs (nous ne sommes pas loin de la catharsis, ou purgation des passions, développée par Aristote).
Pour Artaud, le théâtre n’est pas qu’une émanation de la littérature mais bien un art à la fois sacré et politique : appartenant au mouvement surréaliste, Artaud est aux antipodes du théâtre naturaliste promu par André Antoine ou Stanislavski et souhaite créer un théâtre très codé où les acteurs joueraient de façon emphatique et délibérément anti-naturelle.
En 1926, Artaud fonde son propre théâtre : il l’appelle le théâtre Alfred-Jarry : preuve, s’il en était besoin, de la proximité entre les deux artistes. Et Dan Jemmett, le metteur en scène d’Ubu enchaîné d’Alfred Jarry qui se joue à l’Athénée, m’expliquait justement hier qu’il s’était aussi inspiré d’Antonin Artaud pour ce travail.
Lié à Alfred Jarry, Antonin Artaud se réfère également à Gordon Craig, homme de théâtre britannique du 20e siècle que Dan Jemmett a aussi cité dans ses sources d’inspirations pour Ubu enchaîné.
Estimant que l’acteur dépend trop de ses propres émotions, lesquelles risquent ainsi de contaminer la représentation théâtrale, Craig a en effet développé, entre autres, l’idée d’un acteur surmarionnette –c’est-à-dire que l’acteur doit jouer comme une marionnette, certes très améliorée !
Il en appelle également à un théâtre fondé sur le geste, loin du paradigme occidental qui place le texte avant toute chose.
Un extrait du « Théâtre de la cruauté » paru dans Le Théâtre et son double d’Antonin Artaud (1932)
« On ne peut continuer à prostituer l’idée de théâtre qui ne vaut que par une liaison magique, atroce, avec la réalité et avec le danger. […]
Il importe avant tout de rompre l’assujettissement du théâtre au texte, et de retrouver la notion d’une sorte de langage unique à mi-chemin entre le geste et la pensée. […]
Il s’agit donc, pour le théâtre, de créer une métaphysique de la parole, du geste, de l’expression, en vue de l’arracher à son piétinement psychologique et humain. Mais tout ceci ne peut servir s’il n’y a derrière un tel effort, une sorte de tentation métaphysique réelle, un appel à certaines idées inhabituelles, dont le destin est justement de ne pouvoir être limitées, ni même formellement dessinées. […]
Ce qui importe, c’est que, par des moyens sûrs, la sensibilité soit mise en état de perception plus approfondie et plus fine, et c’est là l’objet de la magie et des rites, dont le théâtre n’est qu’un reflet. »
Un extrait de « Premier dialogue entre le régisseur et l’amateur de théâtre » paru dans De l’art du théâtre de Gordon Craig (1905)
« L’art du théâtre n’est ni le jeu des acteurs, ni la pièce, ni la mise en scène, ni la danse ; il est formé des éléments qui les composent : du geste qui est l’âme du jeu ; des mots qui sont le corps de la pièce ; des lignes et des couleurs qui sont l’existence même du décor ; du rythme qui est l’essence de la danse. […] Toutefois le geste est peut-être le plus important : il est à l’Art du théâtre ce que le dessin est à la peinture, la mélodie à la musique. […] »
Pour voir combien Craig et Artaud ont pu influencer Alfred Jarry puis Dan Jemmett, rendez-vous à l’Athénée jusqu’à la fin de cette semaine !
Comme je vous l'expliquais il y a quelques jours, l'acteur Giovanni Calo' joue tous les personnages d'Ubu enchaîné, hormis père Ubu qui est interprété par Éric Cantona et mère Ubu par Valérie Crouzet.
Si, au moment où père Ubu et mère Ubu passent en jugement, Giovanni Calo' joue directement les membres du tribunal, tous les autres personnages sont incarnés par des objets auxquels Giovanni Calo' prête sa voix.
Vous verrez ainsi sur scène :
Eleuthère, la jeune femme chez qui père et mère Ubu s'installent pour se mettre de force à son service.
Pissembock, son oncle momentanément décédé
Pissedoux, prétendant d'Eleuthère, et le caporal
Les trois hommes libres
Soliman, sultan des Turcs, accompagné de son petit Vizir
Pour voir des tranches de pain désobéir à une tête d'œuf, vous avez jusqu'à la fin de la semaine prochaine.
(et pour un résumé de la pièce, c'est là)
Le blog prend un long week-end de Pâques et sera de retour mardi !
Alfred Jarry, l'auteur d'Ubu Roi et Ubu enchaîné actuellement à l'Athénée, pratiquait également le dessin et la lithographie.
Voici un aperçu de ses œuvres graphiques :
Un portrait de Monsieur Ubu
Un autre portrait de Monsieur Ubu
Une lithographie pour la couverture de "La Chanson du décervelage" parue dans Le Répertoire des Pantins aux éditions Mercure de France
Le texte de la chanson du décervelage apparaît dans l'acte V d'Ubu Roi et a été mise en musique par Claude Terrasse, entre autres compositeur de l'opérette La Botte Secrète que vous avez pu voir à l'Athénée il y a quelques mois : il faut en effet rappeler qu'à sa création, Ubu Roi était un spectacle musical.
J'avais fait un article sur la collaboration entre Terrasse et Jarry ici.
Une lithographie pour la couverture d'Ubu Roi paru dans Le Répertoire des Pantins aux éditions Mercure de France
Une affiche pour les représentations d'Ubu Roi en 1896
Une lithographie parue dans L'Ymagier, revue d'art dont Alfred Jarry a codirigé les premiers numéros
Pour entendre les écrits d'Alfred Jarry, rendez-vous à l'Athénée jusqu'à la fin de la semaine prochaine pour Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo'.
Merci au site de la Société des Amis d'Alfred Jarry.
Vous ne voyez pas les dessins ? Activez l'affichage des images dans votre messagerie, ajoutez-moi aux expéditeurs autorisés ou allez sur le blog.
Alfred Jarry a une quinzaine d'années lorsqu'il écrit Ubu Roi, dont le personnage principal, lâche, traître, égoïste et ridicule, est inspiré de son professeur de physique, Monsieur Hébert.
L'histoire est celle d'Ubu qui, aidé par sa femme, assassine le roi de Pologne afin de prendre le pouvoir, pour ensuite massacrer ceux qui l'ont aidé dans son coup d'État, suivis des nobles, des magistrats, des financiers, des paysans refusant les impôts, etc.
Après avoir lamentablement perdu une guerre contre la Russie, menacés par le fils du roi de Pologne assassiné au début, Ubu et sa femme fuient en France où Ubu espère se faire nommer "maître des phynances".
Parce qu'elle dynamitait les conventions théâtrales, la pièce a fait scandale à sa création, ce qui ne l'a pas empêchée de rejoindre le répertoire de la Comédie-Française et d'être l'une des pièces francophones les plus jouées aujourd'hui dans le monde.
Quelques années plus tard, Alfred Jarry écrit Ubu enchaîné, conçu comme la suite directe d'Ubu Roi ou plus exactement, sa contrepartie1.
Dès le début, père Ubu refuse de prononcer le "merdre" qui ouvrait Ubu Roi, et explique rapidement qu'il renonce à se faire nommer maître des phynances pour plutôt se faire esclave.
C'est ainsi que mère Ubu et père Ubu s'imposent au service d'Éleuthère et de son oncle Pissembock, terrorisés d'être forcés d'héberger de si monstrueux serviteurs.
Arrêtés par Pissendoux, le prétendant d'Éleuthère, les Ubu se retrouvent en prison puis au tribunal où Ubu se vante de ses crimes. Verdict : père et mère Ubu sont envoyés aux galères.
Suit une brève scène ou le sultan ottoman se réjouit de voir arriver un si bon rameur pour ses bateaux.
Les autres forçats acclament père Ubu et se retrouvent à défendre leur condition d'esclaves, tandis que les hommes libres désobéissent aux ordres du caporal.
Foisonnante et biscornue, la pièce se termine sur les galères où tous les personnages de la pièce se retrouvent en train de ramer sauf, bien sûr, père Ubu et mère Ubu qui les regardent faire.
Dans la version mise en scène par Dan Jemmett, Père Ubu est interprété par Éric Cantona, Mère Ubu par Valérie Crouzet et tous les autres personnages par Giovanni Calo', aidé d'une théière, d'un lys, de tranches de pain, d'assiettes, d'œufs, etc.
C'est à voir à l'Athénée jusqu'à la fin de la semaine prochaine !
PS : moi non plus je ne comprends rien à Ubu.
1 c'est Jarry qui emploie lui-même ce mot dans un article paru dans La Revue blanche en janvier 1901.
Il ya beaucoup de denrées sur la scène d'Ubu enchaîné alors qu'on ne mange pas beaucoup dans la pièce : sans doute parce que dans la mise en scène de Dan Jemmett, on préfère littéralement jouer avec la nourriture.
L'acteur Giovanni Calo' fait en effet jouer la quasi-totalité des personnages de la pièce à des objets : plus de détails à venir bientôt sur le blog !
Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo' se joue à l'Athénée jusqu'au 14 avril.
Bon début de semaine.
Comme je vous l'expliquais hier, l'écrivain Saint-Georges de Bouhélier publiait en 1940 un article où il racontait sa rencontre fortuite avec Alfred Jarry un soir de 1907, près de la gare Saint-Lazare à Paris.
Voici le passage en question (c'est moi qui souligne les passages en gras pour plus de lisibilité)
«Un soir que je descendais la rue d'Amsterdam1, un passant qui la remontait attira mon attention. Vêtu d'une redingote trop large et les pieds chaussés d'espadrilles boueuses, ce qui constituait un bizarre contraste, il offrait à la lueur du gaz un masque creusé et blafard de personnage hoffmanesque. Si éloigné de moi qu'il fût, je l'eus vite reconnu et je m'avançai rapidement à sa rencontre.
C'était Alfred Jarry, l'auteur d'Ubu Roi. Cette pièce, qui dans l'écoulement des années est restée debout, a créé un type. À peine étais-je près du poète qu'ému de son aspect de moribond, je lui pris la main.
—Vous n'êtes pas souffrant ? lui dis-je.
Il me répondit qu'il allait mourir et qu'il le savait. Je me récriai en lui témoignant le plaisir que j'avais de le rencontrer dans la capitale, dont il était depuis des mois absent. Il hocha la tête d'un air résigné et me répéta qu'il était perdu. La tuberculose le minait. Le timbre de sa voix trahissait d'ailleurs son mauvais état et annonçait sa fin prématurée.
Après l'immense succès qu'avait remporté Ubu Roi2 dans le monde des lettres, Jarry avait, à plusieurs reprises, essayé de se renouveler, mais en comparaison de la tragique farce qui avait rendu son nom populaire, tout ce qu'il produisait paraissait ou fade ou bien incolore.
—Ubu m'a tué, me dit-il.
Jarry était un homme de petite taille qui, avec la lividité de son visage et le débit volontairement mécanique de sa voix enrouée, donnait une impression presque fantastique. Copiant, depuis Ubu, la diction de Gémier3 qui en avait interprété le rôle, il conférait à ses paroles une sorte de bizarre automatisme qui semblait beaucoup moins d'un homme que d'un personnage de rêve.
Au Chat noir4, où j'avais eu bien des fois l'occasion de l'apercevoir, il arrivait sans s'annoncer et partait parfois précipitamment, après nous avoir diverti de ses propos qui dénotaient un génie sombre et saugrenu.
À la lumière faible du gaz, il m'apparaissait donc maintenant comme sorti d'un cauchemar plus ou moins étrange. Mais, dans sa redingote, il était vraiment excessivement maigre.
Depuis des mois, il avait dû quitter Paris où il ne trouvait plus le moyen de s'alimenter. Une péniche au bord de la Seine lui servait d'abri. […]
Il ajouta qu'il ne pouvait plus supporter Paris. Dans les milieux littéraires, on ne voulait voir en lui que le Père Ubu, ainsi qu'on l'appelait, et on attendait de ses facultés créatrices qu'il complétât sa comédie avec des tableaux de son invention. Ce n'était qu'à contre-coeur qu'il s'était efforcé de répondre à cette requête.
Les sciences occultes l'occupaient, les mystères de l'alchimie et les opérations de la sorcellerie ouvraient à son imagination des terrains nouveaux et insoupçonnés, mais on les lui interdisait, car ce qu'on réclamait de lui, c'était des fantaisies dans le style de sa première veine.
— Ubu, c'est une improvisation de jeunesse, me dit-il encore. Je l'ai écrit quand j'étais au collège. Pourquoi y attacher tant d'importance alors que, depuis lors, j'ai fait bien des choses qui lui sont très supérieures !
Le soir de cette rencontre, un vent froid soufflait. Jarry n'avait pas de chapeau, ses cheveux, qui étaient très noirs, lui collaient au front. J'aurais voulu l'emmener avec moi, le réconforter. Je ne pouvais pas.
Nous nous séparâmes au premier détour et, quelques semaines plus tard, j'apprenais sa mort. Encore un homme que la vérité avait inspiré et qui s'en allait !»
Saint-Georges de Bouhélier, "Souvenirs d'un auteur dramatique. Les humbles début de Suzanne Desprès et la fin cruelle d'Alfred Jarry, auteur et victime d'Ubu Roi", Le Figaro, samedi 21 septembre 1940.
Pour découvrir l'une des pièces mettant en scène Ubu, rendez-vous avec Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett, avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo'. C'est à l'Athénée jusqu'au 14 avril.
Le blog ne paraîtra pas demain, rendez-vous lundi !
1 Rue située près de la Gare Saint-Lazare à Paris
2 Pièce d'Alfred Jarry publiée et créée en 1896. Elle ouvre un cycle de pièces écrit par Alfred Jarry autour de ce personnage d'Ubu.
3 Firmin Gémier, de son vrai nom Firmin Tonnerre (c'était mieux pourtant, non ?) est un acteur, metteur en scène et directeur de théâtre français décédé en 1933.
4 Cabaret de Montmartre fondé à la fin du 19e siècle
Le 21 septembre 1940, Le Figaro publiait un article de Saint-Georges de Bouhélier, écrivain français mort en 1947, proche de Zola et notamment auteur de la pièce Le Carnaval des enfants ou Le Sang de Danton.
Intitulé Souvenirs d'un auteur dramatique : Les humbles débuts de Suzanne Desprès et la fin cruelle d'Alfred Jarry, auteur et victime d'Ubu Roi, le texte raconte comment Suzanne Desprès, comédienne au Théâtre Antoine et au Théâtre de l'Œuvre et dans des films de Jean Renoir, Abel Gance ou Marcel Pagnol, commença sa carrière.
Suzanne Desprès a travaillé et vécu avec le metteur en scène Aurélien Lugné-Poë, qui a créé la pièce Ubu Roi d'Alfred Jarry en 1896.
C'est ainsi que, après avoir évoqué Lugné-Poë, Saint-Georges de Bouhélier consacre la fin de son article à sa rencontre avec Alfred Jarry, qu'il a croisé dans une rue de Paris (près de l'Athénée, d'ailleurs) quelques semaines avant sa mort.
Il rapporte que, miné par la maladie, Alfred Jarry lui aurait confié être écrasé par le succès d'Ubu qu'il ne parvenait pas à faire oublier et auquel on attachait, selon lui, trop d'importance.
(NB : Alfred Jarry a écrit plusieurs pièces autour du personnage d'Ubu dont Ubu Roi et Ubu enchaîné)
Saint-Georges de Bouhélier rappelle également le dénuement extrême où était tombé Jarry à la fin de sa courte vie, emporté par la tuberculose à trente-quatre ans.
À venir demain sur le blog, le texte de l'article !
En attendant, vous pouvez venir découvrir Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemett avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo' jusqu'au 14 avril à l'Athénée.
Merci à I.S. qui m'a transmis l'article
(Lecteurs avec une adresse @orange ou @wanadoo, vous ne receviez plus le blog ? Bon retour parmi nous!
Vous avez entre autres raté le directeur de l'Athénée avec une perceuse, une anthologie des jurons inventés par l'écrivain Alfred Jarry dans Ubu Roi et Ubu enchaîné ou encore des objets portant nom d'Ubu.
Tout le blog depuis 2008 est de toutes façons disponible ici : http://blog.athenee-theatre.com)
Vous vous souvenez peut-être de l'opéra Caligula qui a été donné dans une version pour marionnettes à l'Athénée en mars dernier : des marionnettistes manipulaient des marionnettes représentant les personnages pendant que les chanteurs, de part et d'autre de la scène, leur prêtaient leur voix.
Le photographe Balthazar Auxietre a réalisé une série de photos sur le spectacle et m'a autorisée à vous en faire profiter : chaque marionnette est ainsi entourée de son ou sa marionnettiste (à gauche) et de son chanteur ou sa chanteuse (à droite).
(c) Balthazar Auxietre
Caligula a laissé place à Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett avec Giovanni Calo', Éric Cantona et Valérie Crouzet, actuellement à l'Athénée.
À demain !
PS : si vous ne voyez pas les photos, il faut activer l'affichage des images dans votre messagerie (dans "outils" puis "options" ou juste en haut de la fenêtre du message)
Lorsque l'équipe d'un spectacle arrive à l'Athénée, elle amène systématiquement le matériel nécessaire, hormis les éléments que le Théâtre possède déjà ou peut louer pour l'occasion (projecteurs et matériel technique de base, en particulier).
Pour éviter les mélanges, confusions ou pertes, le matériel et les contenants amenés portent souvent le nom du spectacle ou de la compagnie. On sent avec Ubu enchaîné, actuellement à l'Athénée, un certain goût pour l'étiquetage :
Une lampe dans les coulisses à l'arrière de la scène
Une planche dans les coulisses, à l'arrière de la scène
Une multiprise à l'arrière de la scène
Des pantoufles utilisées par l'acteur Giovanni Calo' dans le spectacle
La barre de bois utilisée par Giovanni Calo' pour s'échauffer avant le spectacle
Un vase en coulisses, dans le foyer des comédiens. Le vase n'est pas visible sur scène mais la fleur qu'il contient, si.
De l'eau. Et de la pulpe de tomates, parfaitement.
Pour voir Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo', c'est à l'Athénée jusqu'au 14 avril.
Demain après la représentation, vous pourrez rencontrer toute l'équipe au foyer-bar de l'Athénée pour discuter du spectacle.
Bon début de semaine !
PS : nous avons trouvé l'espèce de l'arbre abattu dans la cour de l'Athénée, il s'agirait d'un ailante. En revanche, pour inventer une légende à la photo du directeur de l'Athénée portant perceuse, je suis sûre qu'on peut encore faire mieux !
Né à Laval en 1873, Alfred Jarry est un écrivain français inventeur de la 'pataphysique (ou "science des solutions imaginaires", proche de l'absurde).
Il est surtout connu pour sa pièce Ubu Roi, qui crée le scandale à sa création en 1896, sans doute parce qu'il s'agit d'une pièce de théâtre contre le théâtre : pas de véritable intrigue, personnages délirants, ton parodique, temps et lieu mal définis…
Mais ce qui frappe surtout dans Ubu Roi, c'est sans doute l'écriture : les mots inventés côtoient le vocabulaire à consonance médiévale, le style est à la fois abrupt et foisonnant et le ton est comique mais grinçant.
Après Ubu Roi, qui raconte l'accession et la chute d'Ubu et son épouse au trône de Pologne, viennent Ubu cocu, Ubu enchaîné et Ubu sur la butte.
Ubu enchaîné, qui est actuellement donné à l'Athénée dans la mise en scène de Dan Jemmett, raconte comment Ubu, déchu de son trône, souhaite devenir esclave pour mieux se faire élire roi des esclaves.
Également poète et romancier, Alfred Jarry a aussi élaboré une théorie du théâtre résumée dans l'article "De l'inutilité du théâtre au théâtre", dont j'espère avoir l'occasion de reparler sur le blog.
Il est mort en 1907, à l'âge de trente-quatre ans.
Pour le découvrir à l'Athénée, c'est jusqu'en fin avril avec Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett avec Éric Cantona, Valérie Crouzet et Giovanni Calo'.
Le blog prend un week-end de trois jours et sera de retour lundi !
Si je me trouve la plupart du temps du côté de la scène, prendre des photos dans les bureaux peut également s'avérer très créatif.
Découvrez aujourd'hui en guest star Moulaye dans le rôle du comptable
(en fait, Moulaye est vraiment comptable. Mais il ne s'est mis à ressembler à un vrai comptable que pour la photo)
Et surtout Patrice, directeur du Théâtre, posant avec une perceuse devant l'affiche de l'Athénée actuellement diffusée dans le métro parisien (la citation "votre liberté est trop simple" est tirée d'Ubu enchaîné).
Défi : trouvez une légende à cette photo.
Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett avec Éric Cantona, Giovanni Calo et Valérie Crouzet continue à l'Athénée !
PS : acacia ? Frêne ? Sophora ? Sorbier ? Ailante ? Févier ? Ptérocaria ? Mais personne n'arrivera donc à nous mettre d'accord sur l'essence de l'arbre abattu il y a quelques jours dans la cour de l'Athénée ?!
Merdre !
Répondez-moi, sac à merdre !
Tiens ! Polognard, soûlard, bâtard, hussard, tartare, calard, cafard, mouchard, savoyard, communard !
Ventrebleu !
Sac à vin !
Jarnicotonbleu
Ah ! voilà le sabre à merdre qui se sauve et le croc à finances qui ne tient pas ! ! ! Je n’en finirai jamais.
Bougre de merdre,
merdre de bougre.
De par ma chandelle verte.
Sabre à finances !
Ah tais-toi, bouffresque !
Cornegidouille !
Ji tou tue au moyen du croc à merdre et du couteau à figure.
Cornefinance, c'est bien fait.
Corne d'Ubu !
s’ils m’attrapent ji lon fous à la poche.
Encore, sagouin !
Bernique !
Corne physique, je suis à moitié mort !
Oiseau de nuit,
bête de malheur,
hibou à guêtres !
Chez Ubu, la vulgarité fait partie intégrante du pouvoir, mais avec une certaine inventivité dans les jurons que l'on regretterait presque de ne pas voir sur l'actuelle scène politique.
À défaut, vous pouvez toujours les entendre sur scène dans la bouche d'Éric Cantona, avec Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett, avec également Giovanni Calo et Valérie Crouzet.
NB : les citations sont extraites d'Ubu roi et Ubu enchaîné d'Alfred Jarry.
Si Éric Cantona a acquis sa notoriété comme joueur de foot, et pas n'importe lequel, il s'est illustré dès la fin des années 1980 dans d'autres domaines comme le cinéma et le théâtre.
On le voit ainsi dans Le Bonheur est dans le pré d'Étienne Chatiliez dès 1995, deux ans avant sa retraite sportive, puis dans Les Enfants du Marais de Jean Becker, mais c'est avec L'Outremangeur en 2003 qu'Éric Cantona s'installe en tête d'affiche, avant la consécration de Looking for Éric de Ken Loach où il interprète son propre rôle.
En 2009, il commence au théâtre dans Face au Paradis de Nathalie Saugeon, avant de prendre le rôle d'Ubu dans Ubu enchaîné d'Alfred Jarry mis en scène par Dan Jemmett, à l'Athénée jusqu'au 16 avril.
Quelques extraits où l'on voit son travail d'acteur :
La bande-annonce des Enfants du Marais
où l'on voit Éric Cantona à partir d'une minute.
La bande-annonce de L'Outremangeur
Un reportage sur Looking for Eric avec de nombreux extraits du film
Bon début de semaine !
Dès ce soir à l'Athénée, c'est Ubu enchaîné d'Alfred Jarry avec Éric Cantona dans le rôle-titre qui commencera pour un mois.
Vingt places sont à gagner pour le mardi 20 et le jeudi 22 mars (la semaine prochaine). Si vous trouvez la réponse à la question suivante, envoyez-moi un mail avec
votre nom
votre prénom
un numéro de téléphone
la date choisie (20 ou 22 mars)
le nombre d'invitations désiré (une ou deux)
à l'adresse clemence(at)athenee-theatre.com (NB : remplacez le (at) par @)
La question :
Ubu enchaîné fait partie d'un cycle écrit par Alfred Jarry : il existe également Ubu Roi, Ubu Cocu, Ubu sur la butte et les Almanachs d'Ubu.
On raconte qu'à la création de la première pièce du cycle, Ubu Roi, Alfred Jarry est monté sur scène avant le début du spectacle pour déclarer que "l'action se déroule en (???), c'est-à-dire nulle part".
Trouvez le lieu qui se cache derrière les points d'interrogation.
Premiers (bien) arrivés, premiers servis !
Bon week-end !
PS : bon et à part ça, je n'ai que des réponses contradictoires à ma question d'hier. Est-ce qu'il y a des jardiniers, paysagistes ou spécialistes de la flore dans la salle ?
Dans ce billet de septembre 2010, vous pouviez apercevoir en reflet l'arbre qui occupe la cour du 24 rue de Caumartin (l'entrée des artistes et du personnel de l'Athénée).
Dominique Lemaire, directeur technique adjoint de l'Athénée, me disait l'avoir vu à l'état de pousse à son arrivée au sein de l'équipe du Théâtre, il y a vingt-cinq ans.
Il y a une dizaine d'années, une tempête l'ayant couché sur l'immeuble d'en face avait conduit l'Athénée à le redresser et le fixer à la rambarde du Théâtre.
Photo par (c) Dominique Lemaire
Aujourd'hui, en raison de travaux dans la cour, l'arbre doit être abattu. En dernier hommage, nous souhaiterions savoir à quelle espèce il appartient. Pourrez-vous nous aider ?
Voici quelques photos où on le voit à l'état feuillu :
Photo par (c) Dominique Lemaire
Photo par (c) Dominique Lemaire
Vous pouvez donner votre réponse en cliquant ici.
Merci pour lui !
PS : à partir de demain à l'Athénée, venez retrouver Éric Cantona, Giovanni Calo et Valérie Crouzet mis en scène par Dan Jemmett dans Ubu enchaîné d'Alfred Jarry.
ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE
«Père Ubu
s’avance et ne dit rien.
Mère Ubu
Quoi ! tu ne dis rien, Père Ubu. As-tu donc oublié le mot ?
Père Ubu
Mère… Ubu ! je ne veux plus prononcer le mot, il m’a valu trop de désagréments.
Mère Ubu
Comment, des désagréments ! Le trône de Pologne, la grande capeline, le parapluie…
Père Ubu
Mère Ubu, je ne tiens plus au parapluie, c’est trop difficile à manœuvrer, j’aurai plus tôt fait, par ma science en physique, d’empêcher de pleuvoir !
Mère Ubu
Sotte bourrique !… les biens des nobles confisques, les impôts perçus près de trois fois, mon aimable présence à ton réveil dans la caverne de l’ours, le passage gratuit sur le navire qui nous ramena en France, où, par la vertu de ce bienheureux mot, tu vas être nommé quand il te plaira Maître des Finances ! Nous voici en France, Père Ubu. Est-ce le moment de ne plus savoir parler français ?
Père Ubu
Cornegidouille, Mère Ubu, je parlais français quand nous étions en Pologne ; cela n’a pas empêché le jeune Bougrelas de me découdre la boudouille, le capitaine Bordure de me trahir de la façon la plus indigne, le Czar de faire peur à mon cheval à phynances en se laissant sottement tomber dans un fossé, les ennemis de tirer, malgré nos recommandations, du côté de notre précieuse personne ; l’ours de déchirer nos palotins, bien que nous lui parlassions latin de sur notre rocher, et vous, madame notre épouse, de dilapider nos trésors et les douze sous par jour de notre cheval à phynances !
Mère Ubu
Oublie comme moi ces petites misères. Mais de quoi vivrons-nous si tu ne veux plus être Maître des Finances ni roi ?
Père Ubu
Du travail de nos mains, Mère Ubu !
Mère Ubu
Comment, Père Ubu, tu veux assommer les passants ?
Père Ubu
O non ! ils n’auraient qu’à me rendre les coups ! Je veux être bon pour les passants, être utile aux passants, travailler pour les passants, Mère Ubu. Puisque nous sommes dans le pays où la liberté est égale à la fraternité, laquelle n’est comparable qu’à l’égalité de la légalité, et que je ne suis pas capable de faire comme tout le monde et que cela m’est égal d’être égal à tout le monde puisque c’est encore moi qui finirai par tuer tout le monde, je vais me mettre esclave, Mère Ubu !
Mère Ubu
Esclave ! mais tu es trop gros, Père Ubu !
Père Ubu
Je ferai mieux la grosse besogne. Et vous, madame notre femelle, allez nous préparer notre tablier d’esclave, et notre balai d’esclave, et notre crochet d’esclave, et notre boîte à cirer d’esclave, et vous, restez telle que vous êtes, afin que chacun voie à n’en pas douter que vous avez revêtu votre beau costume de cuisinière esclave ! »
Après Ubu Roi et Ubu Cocu et avant Ubu sur la butte, l'écrivain Alfred Jarry met en scène son personnage le plus connu dans la situation d'esclave avec Ubu enchaîné. C'est à l'Athénée à partir de vendredi dans une mise en scène de Dan Jemmett avec Éric Cantona dans le rôle-titre. Bon mercredi !
Stagiaire à l'Athénée, Constance Pascal a une voix grave et cassée qui contraste avec son physique gracile : l'entretien en son et image s'est donc imposé tout naturellement, d'autant que cela vous permettra de découvrir un lieu de l'Athénée dont je n'ai jamais parlé sur le blog.
Le dernier jour de son stage à l'Athénée, j'ai ainsi emmené Constance dans un escalier qui, s'il pouvait auparavant être emprunté par les spectateurs pour rejoindre la salle, ne sert aujourd'hui que d'issue de secours en cas d'évacuation.
Tout en la prenant en photo, j'ai branché un micro en lui posant quelques questions sur son passage à l'Athénée, son moment de honte pendant son stage, son endroit préféré dans le théâtre (encore un lieu dont je n'ai jamais parlé, avec une anecdote intéressante dévoilée par Constance ! Article à suivre), et bien évidemment si elle aimait les endives au jambon —j'explique d'ailleurs dans la vidéo l'origine de cette question rituelle du blog.
La vidéo est ci-dessus et dure six minutes. Pour le regarder sur YouTube, cliquez ici
J'avais déjà interviewé un précédent stagiaire prénommé Antoine et auteur d'un clip tourné à l'Athénée : c'est ici.
Constance a terminé son stage à l'Athénée la semaine dernière, et elle cherche aujourd'hui du travail dans la communication culturelle : n'hésitez pas à la contacter via le blog!
Elle a été remplacée à l'Athénée par Jonathan, dont je peux d'ores et déjà vous dire qu'il vient d'Aix-en-Provence et possède un diplôme d'entraîneur de foot.
Cette semaine à l'Athénée, c'est Ubu enchaîné d'Alfred Jarry avec Eric Cantona dans le rôle-titre qui va commencer !
À demain !
Seul en scène avec une épée : c'est ainsi que, ce soir, Mimmo Cuticchio, co-metteur en scène de Caligula et marionnettiste, improvisera sur le mode du cunto, une tradition orale médiévale.
Mimmo Cuticchio ayant laissé son épée en Italie (allez voyager avec ça), il fallait lui en dénicher une en France. Après quelques recherches peu concluantes et parce qu'on parfois mieux servi par soi-même, c'est Patrick, le régisseur général du spectacle, qui a fabriqué celle que vous verrez ce soir.
Conçue en sapin, poncée et vernie avec du brou de noix, elle rappelle autant les jeux d'enfants que les chevaliers médiévaux et tient un rôle central dans l'histoire de Tancrède et Clorinde que vous racontera ce soir Mimmo Cuticchio : au temps des croisades, dans une Jérusalem assiégée, un chevalier chrétien tombe amoureux d'une guerrière musulmane (indice : cela ne devrait pas finir très bien).
Bon week-end ! Le blog sera de retour mardi. Samedi et dimanche, l'Athénée accueille Caligula pour trois représentations !
Dans la pénombre de la répétition d'hier soir, les marionnettes de Caligula laissaient entrevoir leurs visages, leurs pieds, leurs casques à plumes ou… leurs griffes.
Il y aura quatre représentations de l'opéra Caligula pour marionnettes à l'Athénée : ce soir, samedi à 15h et 20h, et dimanche à 16h.
Demain, Mimmo Cuticchio, le co-metteur en scène de Caligula, donnera une représentation exceptionnelle de cunto, une improvisation épique sur l'histoire de Tancrède et Clorinde.
Comme promis, voici un condensé du texte de Henrich von Kleist, Sur le Théâtre de marionnettes, que je vous présentais hier.
Très court, le texte est disponible dans les Œuvres complètes de Kleist mais a aussi été publié seul aux éditions des Mille et une nuits. ?
Cela paraît toujours long à lire sur écran, mais la lecture de ce condensé ne devrait vous prendre que deux à trois minutes (j'ai chronométré !) C'est moi qui souligne pour que cela soit plus facile à lire.
« Passant l’hiver de 1801 à M…, j’y rencontrai un soir, dans un jardin public, Monsieur C…, engagé depuis peu comme premier danseur à l’Opéra de la ville […].
Je lui dis mon étonnement de l’avoir remarqué plusieurs fois déjà au théâtre de marionnettes dressé sur le marché pour divertir la foule par de petits drames burlesques entrecoupés de chants et de danses.
Il m’assura que la pantomime de ces poupées lui donnait beaucoup de plaisir et déclara sans ambages qu’un danseur désireux de perfection pourrait apprendre d’elles toutes sortes de choses.
[…]
Il me demanda si je n’avais pas en effet trouvé certains mouvements des poupées, surtout des plus petites, très gracieux dans la danse.
Je ne pus le nier. […]
J’exprimai ma surprise de le voir juger digne d’une telle attention cette forme d’art conçue pour le vulgaire. Et que non seulement il la tînt pour susceptible d’un plus haut développement, mais encore semblait s’intéresser lui-même à la chose.
II sourit et dit qu’il osait prétendre que si un mécanicien voulait lui monter une marionnette selon ses vues, il en tirerait une danse que ni lui, ni aucun autre excellent danseur de l’époque […] ne serait en mesure d’égaler.
[…]
— Et quel avantage aurait cette poupée sur les danseurs vivants ?
— Quel avantage ? Avant tout, mon cher ami, un avantage négatif: celui d’écarter toute affectation. […] Comme le machiniste ne dispose en fait d’aucun autre point que celui-ci sur lequel agir au moyen du fil de fer ou de la ficelle, tous les membres sont, comme ils doivent être, morts, de purs pendules, et obéissent à la seule loi de la pesanteur ; qualité exquise, qu’on chercherait en vain chez la plupart de nos danseurs.
[…] Ces poupées, déclara-t-il, ont de plus l’avantage d’échapper à la pesanteur. Elles ne savent rien de l’inertie de la matière, propriété des plus contraires à la danse : car la force qui les soulève est plus grande que celle qui les retient à la terre. […]
Je dis qu’aussi habilement qu’il conduise son paradoxe, il ne me ferait jamais croire qu’il puisse y avoir plus de souplesse dans un mannequin mécanique que dans la structure du corps humain.
Il reprit qu’il était parfaitement impossible à l’homme d’approcher même en cela le mannequin. […]
Il semblait, reprit-il en prenant une pincée de tabac, que je n’avais pas lu avec attention le troisième chapitre du premier livre de Moïse ; et à qui ne connaissait pas cette première période de toute culture humaine, on ne pouvait guère parler des suivantes, et moins encore de la dernière.
Je dis que je savais fort bien quels désordres produit la conscience dans la grâce naturelle de l’homme. Un jeune homme de ma connaissance avait, par une simple remarque, perdu pour ainsi dire sous mes yeux son innocence et jamais, dans la suite, n’en avait retrouvé le paradis, malgré tous les efforts imaginables. Mais quelles conséquences, ajoutai-je, pouvez-vous en tirer ?
Il me demanda de quel événement je parlais ?
— Il y a environ trois ans, racontai-je, je me baignais avec un jeune homme dont la personne était alors empreinte d’un charme admirable. Il pouvait avoir seize ans et ne laissait qu’à peine pressentir les premières traces de vanité suscitées par la faveur des femmes.
Or, peu auparavant, nous venions justement de voir, à Paris, l’adolescent qui s’enlève une épine du pied ; le moulage de cette statue est connu et se trouve dans la plupart des collections allemandes.
Un regard jeté dans un grand miroir au moment où, pour l’essuyer, il posait le pied sur un tabouret, le fit s’en souvenir ; il sourit et me dit quelle découverte il venait de faire. À vrai dire, je l’avais faite aussi, dans le même instant ; mais, soit pour mettre à l’épreuve la grâce qui l’habitait, soit pour prévenir sa vanité de façon salutaire, je me mis à rire et rétorquai qu’il devait avoir des visions ! Il rougit et leva le pied une seconde fois, pour me montrer la chose ; mais, comme on aurait pu facilement le prévoir, la tentative échoua.
Décontenance, il leva le pied une troisième, une quatrième fois, il le leva bien dix fois encore : en vain ! Il était hors d’état de reproduire le même mouvement que dis-je ? ceux qu’il faisait avaient un côté si comique que j’avais peine à ne pas éclater de rire.
À dater de ce jour, pour ainsi dire de ce moment, un changement incompréhensible s’opéra en lui. Il se mit à passer des jours entiers devant le miroir ; mais l’attrait diminuait à chaque fois. Une force invisible et inexplicable semblait contraindre, comme un filet de fer, le libre jeu de ses gestes. Un an plus tard, on ne trouvait plus trace en lui de la grâce charmante qui faisait naguère la joie de ceux qui l’entouraient. Aujourd’hui encore vit un témoin de cet événement étrange et malheureux; il pourrait confirmer, mot pour mot, le récit que je viens d’en faire.
[…] — Eh bien, mon cher ami, dit Monsieur C…, vous êtes en possession de tout ce qu’il faut pour me comprendre. Nous voyons que, dans le monde organique, plus obscure et plus faible est la réflexion, d’autant plus rayonnante et souveraine s’étend la grâce.
[La grâce] apparaît en sa plus grande pureté dans cette conformation humaine du corps qui, ou bien n’a aucune conscience, ou bien a une conscience infinie, c’est-à-dire dans le mannequin, ou dans le dieu.
— En sorte, dis-je un peu rêveur, qu’il nous faudrait de nouveau manger du fruit de l’arbre de la connaissance, pour retomber dans l’état d’innocence ?
— Sans nul doute, répondit-il ; c’est le dernier chapitre de l’histoire du monde. »
Heinrich von Kleist, décembre 1810
Pour découvrir des marionnettes à l'Athénée, c'est à partir de demain dans Caligula, un opéra baroque pour marionnettes dirigé par Vincent Dumestre (Le Poème Harmonique) et mis en scène par Alexandra Rübner et Mimmo Cuticchio.
Vendredi, Mimmo Cuticchio sera seul en scène pour une improvisation sur le thème de Tancrède et Clorinde.
Le blog ayant connu quelques problèmes d'envoi hier, je ne suis pas sûre que tout le monde ait eu la réponse à l'énigme de l'homme mystérieux accompagnant Michel Simon sur la photo publiée mardi : pour savoir qui est l'inconnu, cliquez ici .
Après-demain à l'Athénée commencera Caligula, un opéra pour marionnettes du 17e siècle: dans la version proposée à l'Athénée mise en scène par Alexandra Rübner et Mimmo Cuticchio, les marionnettes à tringle sont ainsi entourées de chanteurs disposés de part et d'autre de la scène.
En 1810, Henrich von Kleist, écrivain allemand entre autres auteur du Prince de Hombourg, de La Cruche cassée ou de La Petite Catherine de Heilbronn, écrit Sur le théâtre de marionnettes : via une dialogue amical entre le narrateur et un danseur d'opéra à propos des marionnettes, Kleist développe une théorie sur le péché originel appliqué à l'art.
Le danseur d'opéra avec qui converse le narrateur prétend en effet, à la grande surprise de ce dernier, que les marionnettes sont supérieures aux danseurs.
Selon lui, la beauté n'apparaît que si le danseur est inconscient de sa propre grâce.
Or, les marionnettes, par leur absence de beauté et d'affectation, ne recherchent pas l'effet à produire : c'est justement parce qu'elles n'ont aucune conscience de la beauté qu'elles peuvent créer qu'elles sont supérieures aux danseurs qui, eux, le savent.
Autrement dit, cela serait précisément parce qu'il ou elle recherche l'effet, parce qu'il ou elle tente consciemment de créer la beauté, que l'artiste échouerait : c'est la poursuite elle-même du but qui empêche de l'atteindre.
Nostalgique de l'état de nature tel qu'il a pu être développé par Rousseau, Kleist exprime ainsi sa méfiance vis-à-vis de la connaissance et semble proposer deux alternatives à l'artiste désireux de toucher à la grâce : conscience infinie, quasi divine, ou innocence originelle, irrémédiablement perdue.
Les marionnettes de Caligula touchent-elles à l'innocence originelle ? Pour en juger, rendez-vous pour quatre représentations à l'Athénée : jeudi à 20h, samedi à 15h et 20h et dimanche à 16h.
Et il est possible que nous touchions à la conscience infinie avec la représentation unique de Tancredi e Clorinda : cunto par Mimmo Cuticchio vendredi soir : le créateur des marionnettes de Caligula improvisera sur le mode du cunto, une tradition orale médiévale dont il est sans doute le dernier dépositaire.
Ce midi de 12h30 à 14h aura lieu une rencontre sur le thème "Une expérience d'opéra baroque en marionnettes" avec Mimmo Cuticchio, metteur en scène de Caligula, Thierry Dufrêne, historien de l'art, Nathalie Rizzoni, historienne des spectacles des 17e-18e siècles ; elle sera animée par Raphaèle Fleury, chercheur, chef de projet du Portail des arts de la marionnette (IIM). C'est à la Bibliothèque nationale de France, 2 rue Vivienne, et l'entrée est libre.
Demain, je publierai une version raccourcie de Sur le théâtre de marionnettes de Kleist.
Bon mardi !
Vous avez été plusieurs à répondre à mon appel de la semaine dernière où je vous demandais d'identifier l'homme posant à côté de Michel Simon sur cette photo trouvée dans le manuscrit de Denise Mireille Delavigne :
On m'a d'abord proposé l'acteur et metteur en scène Jean-Louis Barrault
puis l'acteur Marc Cassot, surtout connu en tant que doubleur
l'acteur Charles Granval
ou encore l'acteur et metteur en scène Maurice Sarrazin, dont je n'ai pas trouvé de photos jeune
© Xavier de Fenoyl
(et il paraît que l'homme présente quelques ressemblances avec Thierry Lhermitte et Patrice Laffont)
On m'a également fait remarquer qu'il pouvait aussi s'agir d'un anonyme, probabilité à laquelle je n'avais absolument pas pensé.
Vendredi, je suis allée à l'Athénée pour reprendre le manuscrit de Denise Mireille Delavigne à la recherche d'une éventuelle légende qui m'aurait échappée.
Il n'y avait rien, pas même de mention de date ou de lieu, mais l'examen de l'album photo personnel de Madame Delavigne qui était parvenu à l'Athénée en même temps que le manuscrit m'a donné la réponse que nous cherchions : l'homme, c'est son mari —mari diplomate dont on comprend d'après le manuscrit qu'elle l'a quitté, au moins pendant quelques années, pour suivre la tournée de la troupe de Louis Jouvet en Amérique latine.
En comparant avec les autres photos du mari, j'imagine que celle-ci a dû être prise dans les années 1930, et sans doute en Suisse puisqu'on distingue à l'arrière-plan un journal intitulé La Gazette de Lausanne.
Encore merci à toutes les personnes qui ont cherché et m'ont fait découvrir pour l'occasion des acteurs que je ne connaissais pas, en m'excusant de vous avoir lancé un défi impossible… Bon lundi.
J'ai mis du temps à comprendre où se trouvait la régie de la salle Chrisian-Bérard, la petite salle de l'Athénée où l'on a donné cette année Le Shaga puis Divine, avant d'accueillir en mai Les Visages et les corps (texte de Patrice Chéreau, mise en scène et lecture de Philippe Calvario)
Habituellement, la régie se situe en hauteur au fond de la salle, au-dessus des derniers rangs de spectateurs. Comme vous pouvez le constater sur cette photo, au-dessus des derniers rangs de spectateurs dans la salle Bérard, il y a juste un mur.
La régie est en fait invisible de la salle, car elle se trouve côté scène, dans les coulisses.
J'ai pris cette photo (ci-dessus) au moment des répétitions de Divine : à gauche, à l'endroit où l'on aperçoit une corde (mot interdit sur tout plateau de théâtre, si vous avez bien suivi), se loge un petit escalier qui monte et que l'on voit mieux sur cette photo (ci-dessous) prise de la scène :
C'est après avoir grimpé les marches de ce petit escalier que l'on arrive à la régie,
d'où l'on aperçoit la scène à travers une vitre et surtout de côté. Plus près des acteurs, le/la régisseur(e) voit aussi le spectacle à 90 degrés….
Vous remarquerez que si l'endroit est petit, le siège du/de la régisseur(e) est toutefois conforme à l'esprit velours de l'Athénée.
Le prochain spectacle de l'Athénée aura lieu dans la grande salle : il s'agit de Caligula, opéra pour marionnettes mis en scène par Alexandra Rübner et Mimmi Cuticchio et dirigé par Vincent Dumestre.
Bon week-end !
PS : on n'a toujours pas identifié formellement l'homme mystérieux de la photo de mardi! Mais Marie, Moussa, Marie-A, Anne-Louise et Thérèse nous ont bien avancés !
Bon, on ne peut pas dire que vous ayez été très réactifs à mon billet d'hier où je vous demandais de m'aider à identifier un homme mystérieux sur une photo : j'ai pour l'instant une idée de Thérèse qui me propose Jean-Louis Barrault et une autre de Yannick qui, sur la page Facebook du blog, remarque que l'homme mystérieux ressemble étrangement au présentateur télé Patrice Laffont (c'est vrai, en plus).
Si vous pouvez confirmer qu'il s'agit de Jean-Louis Barrault ou proposer un autre nom, n'hésitez pas, c'est ici. Merci !
La semaine prochaine, c'est un opéra du 17e siècle qui commencera à l'Athénée, Caligula: comme son nom l'indique, l'histoire de cet opéra est inspirée de la vie de Caligula, qui fut à la tête de l'empire romain de 37 à 41.
Comme l'Athénée avait accueilli l'année dernière la pièce Caligula de Camus, j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer sa vie (c'est ici) et de publier quelques extraits des écrits de l'historien Suétone à son sujet (c'est là).
D'ailleurs, si vous voulez relire tous les articles du blog consacrés à ce spectacle, vous pouvez cliquer ici.
De par sa fonction d'empereur, Caligula a eu sa monnaie où l'on reconnaît plus ou moins son profil (ou celui de membres de sa famille comme Germanicus, son père, Agrippine l'aînée, sa mère, ou Auguste, son grand-père).
Les pièces font aujourd'hui les joies des collectionneurs et s'échangent pour des sommes allant de trente euros à cinquante mille (selon leur état et leur rareté).
Grâce au site de Frédéric Weber, je peux vous proposer quelques photos des pièces à l'effigie de Caligula :
Un auréus (métal or) avec Caligula sur une face (à gauche)
et Auguste, son grand-père, sur l'autre (à droite)
Un denier (métal argent) avec Caligula sur une face (à gauche)
et Agrippine, sa mère, sur l'autre (à droite).
Vous remarquerez qu'ils ont quasiment la même tête, la principale différence étant capillaire.
Un sesterce (métal laiton) avec Caligula sur une face et ses trois soeurs, Agrippine la Jeune, Drusilla et Julia, sur l'autre.
Elles sont représentées sous les traits de la Sécurité, la Piété et la Fortune.
Un as (métal cuivre) représentant Caligula à gauche
et Vesta, la déesse du foyer, à droite
Je vous souhaite une journée en or.
Les fidèles du blog se souviendront peut-être de Denise Mireille Delavigne, cette femme qui fit partie de la troupe de Louis Jouvet pendant sa tournée en Amérique latine dans les années 1940 : à son décès, la maison de retraite qui l'accueillait avait fait parvenir à l'Athénée son album photo ainsi qu'un classeur où elle évoquait ses années passées avec la troupe de Louis Jouvet.
Pour mémoire, j'avais présenté l'affaire ici, reproduit une lettre manuscrite que Louis Jouvet lui avait adressée ici et publié des photos inédites de Louis Jouvet là.
En reparcourant les photos, je suis tombée sur celle-ci, qui ne comporte pas de légende :
Louis Jouvet n'y apparaît pas mais l'on reconnaît à gauche l'acteur Michel Simon, ce qui n'a rien d'étonnant vu que Michel Simon et Louis Jouvet ont beaucoup travaillé ensemble : au théâtre d'abord, puisque Jouvet a, en tant que metteur en scène, beaucoup dirigé Michel Simon dans les années 1920, mais aussi au cinéma, où ils se donnaient la réplique culte "Bizarre, bizarre" dans Drôle de drame (j'en parlais également sur le blog ici).
En revanche, je n'ai aucune idée de l'identité de la seconde personne : sachant ce que le public de l'Athénée compte de gens cultivés et malgré la torpeur des vacances, j'imagine que certains d'entre vous sauront répondre.
Aidez ma culture personnelle en laissant votre réponse en commentaire ici ! Merci.
On parle beaucoup du succès de The Artist aux Oscars, mais moins des récompenses obtenues par Hugo Cabret, le film de Scorsese, qui a entre autres remporté l'Oscar du meilleur décor : Oscar dont nous pouvons modestement nous enorgueillir puisque le film a été en partie tourné à l'Athénée et dans ses environs (j'en parlais ici avec photos du tournage à l'appui)
On aperçoit l'Athénée et ses extérieurs (en particulier la porte "entrée interdite", que l'on voyait également sur l'une de mes photos) dans cette bande-annonce, au bout de deux minutes :
La vidéo est ici sur YouTube.
(je n'ai pas vu le film mais d'après les avis que j'ai pu en recueillir, la bande-annonce ne lui rend pas du tout justice)
Dans cette photo tirée d'un reportage réalisé par l'équipe cinéma de Yahoo!, on voit également la devanture de l'Athénée transformée pour le film.
(c) Yahoo! cinéma
L'Athénée accueille régulièrement des tournages : cinq par ans en moyenne (quarante-sept depuis 1982, très exactement) qui vont des films publicitaires aux clips musicaux en passant évidemment par le cinéma et les séries télévisées.
Ces derniers mois, l'Athénée a ainsi accueilli le film Un Bonheur n'arrive jamais seul avec Sophie Marceau et Gad Elmaleh (sortie prévue en juin), le tournage d'une interview d'Anouk Aimée pour un portrait bientôt diffusé sur France 5 ou celui d'un sketch de l'émission Les Guignols de l'Info (émission du 1er avril 2011).
Quant à l'Athénée lui-même, on le voit souvent largement dans les films concernés.
Je n'ai pas pu vous retrouver les extraits de tous les films tournés à l'Athénée depuis 1982 où le théâtre apparaît, mais en voici déjà quelques-uns :
Un extrait d'Un secret de Claude Miller avec Cécile de France et Patrick Bruel (2007) : à 6 minutes 10 commence une scène tournée dans le foyer de l'Athénée (on voit également l'extérieur de l'Athénée à un autre moment du film) :
La vidéo est ici
La bande-annonce de Requiem pour une tueuse de Jérôme Legris avec Mélanie Laurent et Clovis Cornillac (2010) où l'Athénée apparaît beaucoup :
La vidéo est ici.
J'avais publié des photos du tournage du film sur le blog, ici.
Quand je serai star réalisé par Patrick Mimouni, avec Arielle Dombasle (2004) : je crois reconnaître la salle Christian-Bérard à 1 minute 09.
La vidéo est ici.
Il faudrait citer ceux dont je n'ai pu retrouver d'extraits où l'on voit le théâtre comme:
L'Été prochain de Nadine Trintignant (1985),
À l'Attaque de Robert Guédiguian,
Les Grands Ducs de Patrice Leconte (1999)
Coco avant Chanel d'Anne Fontaine avec Audrey Tautou (2009) dont j'avais publié des photos du tournage ici ou encore…
un épisode de la série Joséphine Ange Gardien diffusé sur TF1 en 2000 (non, je ne suis pas allée acheter la saison 4 de la série pour vous)
L'Athénée accueille également des concerts, des séminaires, des conférences et toutes sortes d'événements qui viennent habiter le Théâtre entre deux spectacles.
Les personnes responsables des locations sont Amandine Gougeon-Mastellotto et Mélina Valade.
Bonne journée à tous !
Le théâtre «est dans l'univers le seul libre échange, celui des sentiments, des idées.
[…] le théâtre n'est pas seulement un moyen d'écouter ou de passer le temps, c'est une occasion recherchée de préparer et de vivre sa vie avec plénitude.
Le théâtre n'est pas seulement industrie ou gesticulation, il est imagination, délivrance et amour. […]
Ainsi le théâtre éveille les espoirs et les souvenirs. Il fait revivre une sensibilité qui peut s'étioler ou sombrer.
Le théâtre rend aux hommes la tendresse humaine, cette tendresse humaine qui relie comme une immense famille, à travers les générations, le public d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide, à celui de Lope de Vega, de Calderon, à celui de Shakespeare, à nos classiques français et nos auteurs contemporains. […]
Mais ce n'est pas par affrontement ou par combat que le théâtre s'organise. Pénétration, découverte ou enrichissement de l'homme, le théâtre ne vit pas d'exclusion, de domination, de ces revendications de primauté que les débats économiques et militaires suscitent, entretiennent et tentent de justifier. […] Il n'exige pas pour prospérer de disqualifier, de limiter, d'anéantir.
Nous souhaitons pour notre part que l'art dramatique ne puisse jamais être considéré comme un instrument de propagande, qu'il ne soit jamais assimilé à une marchandise ou à un troc, la scène à une tribune.
Nous souhaitons qu'il cesse d'être tenu pour un commerce ou un trafic ; nous souhaitons que l'éducation fasse, au théâtre, à l'art dramatique, la part qui lui est due et qu'il reste ce qu'il a toujours été jusque ici et ce qu'il doit rester : une offre, un échange d'amitié et d'amour entre les hommes. »
Acteur, metteur en scène et directeur de l'Athénée de 1934 à 1951, Louis Jouvet est l'auteur de ces lignes intitulées «Le théâtre rend aux hommes la tendresse».
Elles sont parues sans mention de date parmi d'autres textes courts dans Témoignages sur le théâtre de Louis Jouvet, édité en 1952 chez Flammarion. Les passages en gras sont soulignés par Louis Jouvet lui-même.
Tendre journée à tous.
Suite de l'entretien avec Vincent Vantyghem qui, non content d'être chanteur lyrique, a fait une thèse en psychiatrie sur Voyage d'Hiver.
Dans la première partie de la discussion publiée mercredi, Vincent Vantyghem nous expliquait que sa thèse tentait le rapprochement entre la musique de Voyage d'Hiver et certains symptômes observés en psychiatrie.
Il s'est particulièrement concentré sur deux parties du Voyage d'Hiver, La Girouette et Sur le fleuve. Aujourd'hui, il commence par nous parler de Sur le fleuve, que vous pouvez écouter ici
— Les éléments mis au jour dans La Girouette se retrouvent-ils dans le deuxième Lied que tu as étudié?
— Le deuxième Lied qui a initié cette réflexion est Sur le fleuve [traduction ci-dessous]. Il constitue pour moi une sorte de variation morbide du mythe de Narcisse : le sujet se mire mais dans une eau glacée. Il semble morceler lui-même son propre reflet dans la glace avec la pierre qu'il utilise pour graver le nom de sa bien-aimée…
L'on observe aussi dans ce Lied un des moments les plus intéressants du Voyage d'Hiver à mon sens. À la moitié précisément : la musique se fige littéralement pour se déchaîner dans la deuxième partie.
Ce vide entre ces deux parties me semble être un des moments les plus intenses du Voyage d'Hiver. C'est le moment où l'angoisse est telle que le sujet ne peut plus dérouler sa pensée. Plus que l'emploi d'une contre note aiguë, c'est ce silence, ce barrage dirait-on en psychiatrie qui est employé pour exprimer l'angoisse terrible du voyageur, angoisse immense qui ne trouve plus de support dans la rhétorique musicale et littéraire usuelle.
— Si ta démonstration est très bien appuyée, ces aspects apparaissent-ils pour autant de manière évidente dans Voyage d'Hiver ?
— Non, même si le voyageur dit qu'il exprime sa souffrance, l'expression de sa souffrance est bien moins exubérante que dans l'opéra en général où un chanteur hurle qu'il souffre pendant un acte et une chanteuse met vingt minutes à mourir…
Comme je le disais au début, le Voyage d'Hiver est une page blanche où l'on projette ce que l'on est, et aussi une œuvre qui comporte des zones d'ombres. Pour moi, c'est une sorte de monochrome presque blanc où tout apparaît en négatif ou en contrepoint et sur lequel l'interprète et l'auditeur continuent à créer. Pour ma part, j'ai juste proposé une interprétation (une de plus!), pas une vérité ni médicale ni musicale.
— Voyage d'Hiver est-il l'incarnation musicale de la mélancolie et de la dépression, comme on le dit si souvent ?
— L'hiver se situe-t-il à la fin de la vie ou se pose-t-il comme le maillon d'une circularité, une étape avant le renouveau ? Le voyageur n'est selon moi pas mélancolique au sens psychiatrique du terme : s'il connaît des souffrances, il révèle aussi une charge vitale et des soubresauts de vie. Ce mélange de fougue et de moments noirs me semble plutôt typique de l'état que l'on peut connaître à l'adolescence.
À la fin du Voyage d'hiver, que se passe-t-il? Le voyageur meurt-il, devient-il fou, trouve-t-il dans le joueur de vielle à roue le dépositaire de sa souffrance, est-ce le sujet lui-même ? On n'en sait rien : Voyage d'Hiver reste ouvert à toutes les interprétations...»
Yoshi Oïda, metteur en scène, et Takenori Nemoto, directeur musical, vous proposent leur interprétation du Voyage d'Hiver pour huit instrumentistes et trois chanteurs à l'Athénée : dernière représentation ce soir !
De mon côté, je prends une semaine de vacances. Rendez-vous lundi 27 février !
Sur le fleuve
Toi qui si gaiement murmurait,
Toi, fleuve clair et sauvage,
Comme tu es devenu calme,
Tu pars sans adieux.
D'une croûte plus dure, plus raide
Tu t'es recouvert
Tu es froid et immobile
Enfoncé dans le sable.
A ta surface je grave
Avec une pierre acérée
Le nom de ma bien-aimée,
Et l'heure et le jour:
Le jour de la première rencontre,
Le jour de mon départ;
Autour du nom et des chiffres
Se mêle un anneau anneau brisé.
Mon cœur, en ce fleuve
Reconnais-tu ton image?
Sous sa croûte
S'enfle t-il aussi tumultueusement?
Sur le fleuve in Voyage d'Hiver, texte de Wilhelm Müller et musique de Schubert.
Traduction par Pierre Mathé disponible sur Recmusic, publiée avec son aimable autorisation.
Trouvé par Elsa Ejchenrand (coscénographe du spectacle Voyage d'Hiver)
dans la campagne du Pas-de-Calais chez des gens qui souhaitaient faire du vide dans leur jardin,
il remplace un autre de ses congénères qui, pour la version de Voyage d'Hiver présentée à Montreuil sur Mer, était pleureur.
Coupé, noué et chargé dans un camion sous une averse de neige,
il est taillé quotidiennement depuis son arrivée à l'Athénée.
S'il ne sèche pas trop vite, il pourra revenir sur scène lors de prochaines représentations de Voyage d'Hiver.
Dans le cas contraire, l'équipe du Voyage d'Hiver devra se lancer dans une autre épopée à la recherche d'un nouvel arbre prêt à apporter toute sa poésie à la musique de Schubert, le texte de Müller, la direction musicale de Takenori Nemoto et la mise en scène de Yoshi Oïda.
Voyage d'Hiver se joue encore ce soir et demain à l'Athénée. Bonne journée !
NB : j'ai réalisé toutes les photos sans trucage particulier. Les plus courageux/connaisseurs pourront s'essayer à trouver les procédés employés… Vous pouvez laisser vos commentaires ici.
Le titre est tiré du Lied "Dernier espoir" in Voyage d'Hiver. Texte de Wilhelm Müller, traduction de Pierre Mathé.
Peut-on appliquer une analyse psychiatrique à une œuvre musicale ?
Vincent Vantyghem interprétait l'égoutier dans La Botte secrète, qui a été donnée à l'Athénée en décembre et janvier dernier.
Il se trouve qu'en plus d'être chanteur, Vincent est également diplômé de médecine en spécialité psychiatrie et qu'il a fait sa thèse sur Voyage d'Hiver de Schubert : il y faisait le parallèle entre quelques particularités de l'œuvre et certains symptômes observés en psychiatrie.
Des passages vous paraîtront peut-être un peu ardus, mais l'entretien que j'ai eu avec Vincent permet de comprendre autant de choses sur la psychiatrie que sur Voyage d'Hiver.
Je publie l'interview en deux fois : première partie aujourd'hui, la seconde vendredi !
« — Tu es vraiment diplômé en psychiatrie ou c'est du bluff ?
— C'est vrai. Beaucoup de chanteurs ont des parcours singuliers… J'étais cependant déjà bien engagé dans le chant et j'ai fait ma thèse de psychiatrie dans cette direction.
— C'est ainsi que tu t'es retrouvé à faire une thèse de psychiatrie sur Voyage d'Hiver de Schubert. Il va falloir nous expliquer le lien entre les deux…
— Parce qu'il s'agit d'une œuvre dont les limites du cadre restent indéfinies, proposant peu de repères spatio-temporels et qui fait entendre une harmonie relativement dépouillée (néanmoins très riche!), Voyage d'Hiver agit comme une page blanche favorisant les projections de l'imaginaire. C'est pour cette raison que l'on parle toujours un peu de soi en parlant du Voyage d'Hiver : l'œuvre permet la contribution active de l'auditeur qui se l'approprie très facilement…
Il ne s'agissait absolument pas de faire un diagnostic de l'état de santé de Schubert (démarche bien trop spéculative), mais plutôt de se servir du Voyage d'Hiver comme trame de réflexion sur la douleur morale d'un sujet et ses modalités évolutives.
— Quelles pathologies psychiatriques peut-on ainsi déceler dans Voyage d'Hiver?
— Avant de parler de pathologies psychiatriques, c'est d'abord l'émergence d'événements musicaux que j'ai tenté de rapprocher de certains symptômes propres à la dépression d'une part et à la psychose d'autre part.
Au début de mon travail j'ai été frappé par deux Lieder en particulier [deux "chansons", si vous préférez, NDLR] : tout d'abord La Girouette [traduction ci-dessous. Vous pouvez l'écouter gratuitement ici].
Dans La Girouette, il apparaît déjà du point de vue du sujet que l'appréhension du réel se fait de manière parcellaire et dysharmonieuse. La représentation bidimensionnelle de la girouette comme objet persécuteur et railleur, le "collapsus" harmonique de la mélodie et de l'accompagnement pourraient renvoyer à des mécanismes de défense relativement archaïques, telle l'angoisse de néantisation ou la difficulté à porter tout à la fois les différentes instances constitutives du sujet.
Plus clairement, on peut se demander de quelle nature est cette girouette hostile. L'objet semble externalisé et porteur de douleur matérialisée hors du sujet pour agir comme une hallucination. Le "Nur nicht so laut"/ "Mais pas aussi fort" [voir traduction ci-dessous] est à mon sens équivoque par rapport à cette hypothèse hallucinatoire.
J'ajoute que l'alternance brutale des modes mineurs et majeurs dans ce Lied crée un effet de discordance idéo-affective où viennent se mêler douleur morale et excitation. La co-occurrence de telles instances contradictoires pourraient être à l'oeuvre dans l'émergence d'une symptomatologie psychotique.
Tout le long du Voyage d'Hiver, le sujet lutte contre une cristallisation de sa souffrance et c'est cet affrontement entre un élan vital encore présent et une souffrance paroxystique qui me paraît fissurer l'intégrité du Wanderer [le voyageur, sujet du Voyage d'Hiver, NDLR]. La souffrance est telle qu'elle finit par altérer la cohérence du sujet et son rapport avec le monde environnant. »
Pour avoir un aperçu plus spécifiquement musical de Voyage d'Hiver, n'hésitez pas à arriver un peu plus tôt ce soir à l'Athénée : de 19h à 19h30, le musicologue Jacques Amblard vous donnera quelques clés sur l'œuvre en salle Christian-Bérard.
Voyage d'Hiver dirigé par Takénori Nemoto et mis en scène par Yoshi Oïda se joue jusqu'à vendredi !
--> Suite de l'entretien ici
La Girouette
Le vent joue avec la girouette
Sur la jolie maison de ma bien-aimée.
Alors j'ai bien l'illusion
Qu'elle se moque du pauvre fugitif.
Il aurait dû d'abord remarquer
La plaque apposée sur la maison,
Alors il n'aurait jamais cherché à trouver
L'image d'une femme fidèle dans la maison.
À l'intérieur le vent joue avec les cœurs
Comme sur le toit, mais pas aussi fort.
Pourquoi se soucieraient-ils de ma douleur?
Leur enfant est un riche parti.
La Girouette in Voyage d'Hiver, texte de Wilhelm Müller et musique de Schubert.
Traduction par Pierre Mathé disponible sur Recmusic, publiée avec son aimable autorisation.
Merci à Paul-Gérard pour l'idée.
De Cook ou de Magellan, je peux être accompli dans le temps comme dans l'espace, voire dans la quatrième dimension. Parfois de fin d'année, j'ai aussi ma part dans la franc-maçonnerie et peux être vendu ou à thème. Si on me souhaite toujours bon, je suis parfois remis ou interrompu. On aime souvent en être, même lorsque je suis au long cours.
On dit que certaines choses me valent, mais pas trop lorsque je suis intérieur ou à l'acide. Je possède un nécessaire et l'on m'adjoint parfois un carnet, sauf lorsque je suis au pays des songes.
Si l'on part toujours en moi, je peux être grand ou dernier dans la bouche de personnes adeptes des périphrases. Sujet à polémique chez certains lorsque je désigne des gens, je sers souvent à définir la vie et l'on me donne la réputation de former la jeunesse, même lorsque je suis aller-retour.
D'études ou de noces, je suis en tout cas d'hiver à l'Athénée jusqu'à vendredi. Je suis ? Je suis ?
Donnez votre réponse en commentaire ici.
Les précédents questions pour un champion sur le blog sont ici : Questions pour un champion (1), Questions pour un champion (2), Questions pour un champion (3) et Questions pour un champion (4).
Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici pour la voir sur YouTube.
Il s'agit d'une vidéo de 40 secondes, sans son.
À l'écran ou en vrai, il faut avoir une bonne vue pour distinguer l'étrange paquetage qui libère parcimonieusement quelques flocons de neige au gré de ses pulsations.
Accroché au gril (le plafond à claire-voie situé au-dessus de la scène et qui sert à fixer les projecteurs ou éléments de décor et permet la circulation des techniciens), le couffin à neige est manipulé par Jano, le régisseur général de l'Athénée, par un système de câbles.
Pour voir tomber la neige, c'est dans le spectacle Voyage d'Hiver jusqu'à vendredi : écrite pour piano et voix, la partition a été réorchestrée pour huit instruments et trois chanteurs par Takénori Nemoto qui est également chef d'orchestre du spectacle, mis en scène par Yoshi Oïda.
Bon début de semaine, sous la vraie neige pour certains….
Pour les dernières répétitions du Voyage d'Hiver de Schubert mis en scène par Yoshi Oïda et dirigé par Takenori Nemoto, il y avait de la lumière à tous les étages de la grande salle.
Pour la première de demain soir, l'équipe du spectacle aura quitté la table pour vous laisser tenir le fauteuil : espérons que vous irez prendre place et qu'il y aura du monde au balcon.
Le Voyage d'hiver se joue du samedi 11 février au vendredi 17. Bon week-end et à lundi !
PS : vous ne voyez pas la photo ? Ajoutez blogdeclemence@athenee-theatre.com à la liste de vos expéditeurs autorisés (clic-droit sur l'adresse ou alt+clic ou ajouter aux conctacts), autorisez l'affichage des contenus dans les préférences de votre messagerie, cliquez sur le message "charger/afficher les images", etc.
"Étranger je suis arrivé,
Étranger je repars.
Le mois de mai
M'avait bercé de maints bouquets de fleurs.
La jeune fille parlait d'amour,
La mère, même de mariage,
Aujourd'hui le monde est si gris,
Le chemin recouvert de neige.
De mon départ en voyage
Je ne peux choisir le moment,
Je dois moi-même trouver le chemin
En cette obscurité.
Une ombre lunaire me suit
Comme mon compagnon,
Et sur le blanc manteau
Je cherche les traces d'animaux.
Pourquoi devrais-je attendre encore
Que l'on me mette dehors ?
Laissez les chiens fous hurler
Devant la maison de leurs maîtres;
L'amour aime à cheminer —
Dieu l'a ainsi fait —
De l'un à l'autre.
Douce bien-aimée, bonne nuit !
En tes rêves je ne te dérangerai point,
Ce serait dommage, en ton repos,
Tu ne devrais pas entendre mes pas,
Doucement, doucement, les portes sont fermées!
En passant, j'écris seulement
Bonne nuit sur le portail,
Pour que tu puisses voir,
Que j'ai pensé à toi."
Wilhelm Müller, Bonne nuit, in Le Voyage d'Hiver
(Gute Nacht, Die Winterreise, traduction Pierre Mathé pour Recmusic)
Le Voyage d'Hiver a été composé par Schubert sur des poèmes de Wilhelm Müller en 1827.
Intitulé Bonne Nuit, ce poème ouvre le cycle du Voyage d'Hiver : je vous en proposais d'ailleurs différentes versions musicales dans l'article d'hier.
Le Voyage d'Hiver de Schubert sera interprété à l'Athénée à partir de ce samedi dans une mise en scène de Yoshi Oïda et la direction musicale de Takénori Némoto. Bonne journée à tous !
Traduction publiée avec l'aimable autorisation de Pierre Mathé.
Comme un texte en langue étrangère peut être méconnaissable d'une traduction à l'autre, comme une même pièce ne sera pas mise en scène de la même manière à la Comédie-Française et dans un lieu alternatif de Berlin, une même œuvre musicale dépend énormément des musiciens qui l'interprètent.
Les interprètes marquent ainsi une partition de leur timbre de voix, de leur façon de jouer et de leur personnalité, mais aussi de leurs choix musicaux : fait-on telle ou telle reprise ? Quels tempis (ou vitesse) choisit-on ? Combien de violons ? Quelle orchestration (ou quels instruments à quel endroit) ? Prend-on un telle chanteuse ou telle autre ? Accentue t-on telle note ou tel passage ? Quelle atmosphère veut-on rendre ? (etc.)
Pour ces questions, le/la chef d'orchestre a un rôle décisif : la Septième Symphonie de Beethoven est ainsi très différente dans la direction musicale de Herbert von Karajan, Emmanuel Krivine ou Bernard Haitink.
Un Voyage d'Hiver a été composé par Schubert pour un piano et un ténor.
L'œuvre sera pourtant proposée à l'Athénée dans une nouvelle orchestration réalisée par Takénori Némoto, pour huit instruments, une chanteuse et deux chanteurs.
Pour vous donner un aperçu des différentes interprétations, vous trouverez à ce lien quatorze versions différentes de Gute Nacht, la première partie de Voyage d'Hiver (vous pouvez naviguer à l'intérieur de chaque titre si vous ne souhaitez pas tous les écouter en entier) : vous y trouverez en vrac des ténors, des barytons, des basses, des sopranos, une contralto, une version sans voix, un enregistrement des années 1940, une bande originale de film, des gens connus et d'autres pas du tout, des versions de quatre minutes et d'autres qui en durent presque sept.
Bonne écoute ! Le Voyage d'Hiver commencera samedi à l'Athénée et se jouera six fois.
PS : l'écoute sur Deezer est légale et gratuite. Si vous ne possédez pas de compte, il est préférable de vous enregistrer gratuitement (il suffit juste de renseigner son adresse mail et un mot de passe) pour pouvoir écouter plus de titres.
Hier sur le blog, Daniel Larrieu, chorégraphe et interprète de Divine, écrivait ceci : "Lorsque Gloria Paris, m'a proposé de travailler et de dire et de danser Divine, j'ai vu là, sans le savoir vraiment, (je m'en pensais bien incapable, voilà un an) la possibilité de faire vivre en moi, mon Daniel des Fleurs, que nous portons toutes et tous, de donner corps à l'imagination d'un Genet en prison, jamais aussi libre intérieurement. Restait le travail immense de prendre la parole…"
J'ai demandé à Gloria Paris, qui a eu l'idée du projet et l'a mis en scène, de nous raconter la genèse de Divine.
« — Daniel Larrieu et moi-même sommes voisins d'immeuble : nous ne nous connaissions pas, mais nous avons fait connaissance et chacun a découvert le travail de l'autre. À l'époque, je travaillais déjà sur Jean Genet, et nous en parlions à chaque fois que nous nous croisions dans la cage d'escalier, de plus en plus longuement.
Un matin, en voyant la fenêtre de Daniel s'ouvrir, j'ai réalisé qu'il fallait que nous travaillions ensemble sur Jean Genet, et je suis arrivée chez lui avec son premier roman, Notre-Dame-des-Fleurs. Je lui ai demandé de choisir les extraits qu'il aimait, et c'étaient les mêmes que les miens…
Je voulais qu'il danse et qu'il joue.
Toute l'écriture de Genet est traversée par le corps du danseur ; ce roman a en outre été écrit en prison, et il contient toute la révolte, le désespoir, la sensualité, le sublime et le dérisoire de l'œuvre de Genet. La danse est le langage idéal pour rendre compte du silence que contient Notre-Dame-des-Fleurs : j'ai donc demandé à quelqu'un qui pratique le silence depuis trente ans de venir parler sur scène.
Je n'aurais pas eu cette idée sans avoir rencontré Daniel Larrieu : Divine ne serait pas là sans son désir de parole et mon désir de corps dansant.
Daniel incarne les sentiments les plus obscurs de l'être humain en transformant en poésie l’audace de l'écriture de Genet. Ce texte parle d'abord du manque, du désir et de la rencontre avec l’autre.»
Divine se joue jusqu'à demain, ainsi que Les Bonnes de Jean Genet mises en scène par Jacques Vincey.
Demain à 17h, une rencontre aura lieu au foyer-bar de l'Athénée pour explorer les liens entre Les Bonnes et la psychanalyse : intitulé "Les Bonnes sur le divan", le débat réunira le metteur en scène Jacques Vincey et le psychanalyste et pédopsychiatre François Ansermet. L'entrée est gratuite.
La semaine prochaine, en accord avec les froids polaires de ces derniers jours, c'est Voyage d'Hiver de Schubert qui s'installera à l'Athénée !
Le blog prend prend un week-end prolongé et reviendra mercredi. A très vite...
Depuis que Daniel Larrieu (l'interprète et chorégraphe de Divine d'après Jean Genet) est à l'Athénée, nous avons échangé beaucoup de mails.
Je ne résiste pas à vous livrer celui qu'il m'a envoyé mardi, alors que je l'interrogeais sur son cv : chorégraphe et danseur, Daniel a commencé par faire des études d'horticulture avant de se former à la danse bien sûr, mais aussi au feng-shui et à la psycho-généalogie.
Le texte vous paraîtra un peu long de bon matin mais je vous assure, il mérite d'être lu et relu.
Voici la question que j'ai posée à Daniel : « Quel est le lien entre l'horticulture, la danse, le feng-shui et la psycho-généalogie ? »
Et sa réponse :
« Du corps à la maison et de la maison à la nature, tout de l'horticulture à la choré-culture parle bien de ses orientations intérieures, sa boussole : on dirait "ne pas perdre le nord..."
Car nos orientations intérieures, nos choix, nos désirs, nos épreuves, sont des formes de traversées, d'expériences à vivre.
Une aventure avec le monde, les autres et soi-même, comme ce que disait Myrto Procopiou [NDLR : actrice dans Les Bonnes, jouées en même temps que Divine à l'Athénée], en plaisantant à moitié à propos des Bonnes, "c'est comme une croisière en Grèce, mais sans l'Ouzo, sans le soleil et sans la mer".
On sent bien la difficulté du voyage, on en rit, car c'est, bien sûr, très dur.
L'horticulture, lointaine formation, m'a appris à observer, à voir le sens de la croissance du végétal, son expansion, son cycle aussi. Même les arbres ont une durée de vie, c'est un cycle complexe.
Gilles Clément parle des migrations (graines, pollen...) On pourrait dire que pour passer d'une saison à une autre, il nous faut en saisir la respiration, pour glisser de la nature au corps, souplement.
La danse qui est une forme de rituel, comme le mouvement de la danseuse de Bali est un signe qui peut mettre en branle un monde car il procède d'un monde dont le sens nombreux est inavouable (Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet) ; c'est une pratique du silence en soi, de trouver à chaque instant un geste qui s'invente, qui croît, qui vient, qui éclôt, qui vit et disparaît et qui exige un seul apprentissage d'aimer "apprendre à apprendre".
J'ai voulu en quittant l'institution en 2002, comprendre comment, déboussolé par tant de travail et d'ardeur, ma vie s'était bâtie : de rencontres, une carrière curieuse, faites de choix, une culture du mouvement, dans la culture elle-même dont on peut ou pas, se sentir en croissance ou en décroissance, appartenir !
J'ai commencé un travail patient en trans-générationnel qui est une forme d'analyse de l'être, de jardiner son présent, de le visiter avec plus de détails de finesse, d'en saisir les obstacles, les flux et puis je me suis engagé dans une formation dans ce domaine.
J'ai écouté d'autres, parlé aussi, bien accompagné, compris que nos boussoles intérieures sont des outils de composition de notre présent.
Dans le cadre de cette formation, une question éclairante : quel corps, quelle maison!
"Dans cette grande mansarde montmartroise où par la lucarne entre les bouillonnés de mousseline rose qu'elle a fait elle même, Divine voit sur une mer bleue et calme voguer des berceaux blancs, si près qu'elle en distingue les fleurs, d'où sort un pied cambré par la danse…" (Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet)
On comprend que Divine est bricoleuse, qu'elle rêve, qu'elle sait voir, qu'elle aime les choses légères, que sa piaule est réduite, mais grande intérieurement! Que son corps est tout pareil dans la vision de Genet. Un grand coeur (corps d'ange dans un monde de brutes, qu'elle adorera bien sûr, prête à disparaître d'elle-même)...
Ainsi nous pouvons toujours imaginer que nos lieux de vies, de travail, sont des images de nous-même : j'ai rencontré dans l'art du Feng-shui une personne qui à partir de l'analyse de son lieu de vie, sa carte énergétique, de son centre de gravité, éclaire une expérience à traverser ! Pas trop à voir avec la couleur des rideaux, mais bien avec le courage qu'il nous faut pour être ce que nous sommes, en profondeur, d'en accepter les conditions d'y faire face.
Tout aussi végétal que le texte de Genet, j'ai constitué avec toutes ces rencontres des ponts entre danse, horticulture, corps, cycles, saisons.
Lorsque Gloria Paris, m'a proposé de travailler et de dire et de danser Divine [NDLR : texte établi à partir de Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet], j'ai vu là, sans le savoir vraiment, (je m'en pensais bien incapable, voilà un an) la possibilité de faire vivre en moi, mon Daniel des Fleurs*, que nous portons toutes et tous, de donner corps à l'imagination d'un Genet en prison, jamais aussi libre intérieurement.
Restait le travail immense de prendre la parole… de faire l'expérience de la rencontre entre texte, corps et le public, d'être l'interprète, le passeur, le jardinier!
Divine enfant savait danser, juste en lisant un article dans Cinémonde... il avait aussi appris le violon, il préfère les vierges en plâtre colorié (Notre-Dame-des-Fleurs) pour que le miracle opère, il, elle a choisi une vie toute personnelle !
Au moment de ma rencontre avec l'équipe des Bonnes, tout anxieux de savoir comment j'allais m'en sortir avec ce défi joyeux, Marilu Marini [NDLR : actrice dans Les Bonnes, jouées en même temps que Divine à l'Athénée] me donna une nouvelle clé, joyeuse...
"Marilu Marini : — Comment va Divine?
Je lui répondis mes grandes peurs pour attaquer la montagne de Notre-Dame-des-Fleurs de Genet en bon soldat...
Marilu Marini : — Laissez-la faire... "
Il me restait un seul geste à faire, laisser ma boussole dans ma loge… et tous les soirs tenter une rencontre avec Divine, troquer mes chaussures de marches pour les escarpins...
* me suis fait nommer ainsi par le directeur technique de l'Athénée... Denis Léger... »
Demain, fin de la semaine spéciale "interventions extérieures sur le blog" pour un entretien avec Gloria Paris qui nous expliquera comment elle a proposé à Daniel Larrieu de le mettre en scène dans Divine.
Et fin également de Divine et Les Bonnes qui se terminent ce samedi… Je précise qu'il y a deux représentations des Bonnes samedi, à 15h et 20h.
Je vous livrais hier le début de la rencontre qui a eu lieu entre l'équipe des Bonnes et ses spectateurs. Voici aujourd'hui la suite et fin des questions/réponses.
Une spectatrice : — Votre travail est-il plus d'ordre corporel ou intellectuel ?
Jacques Vincey, metteur en scène : — On travaille forcément d'abord sur le sens.
Hélène Alexandridis, actrice : — C'est un mélange des deux, le cerveau n'irait pas sans le corps ni sans l'émotion. Et une fois qu'on est arrivé à un endroit, on ne sait plus très bien par où on avait commencé…
Myrto Procopiou, actrice : — Pour moi, le corps est très important. Le corps, c'est tout : un coeur, de la chair, un cerveau… Enfin quand on en a un….
Une spectatrice : — J'étais étonnée de la façon dont vous avez traité le rôle de Madame, interprétée par Marilu Marini. N'est-elle pas censée être gentille, voire trop gentille ?
Jacques Vincey : —À force d'en parler, Madame apparaît comme si elle sortait de l'imaginaire de deux bonnes. Claire et Solange ont besoin de cette présence, mais c'est comme une apparition : cette Madame se prête donc au jeu demandé par les bonnes….
Vanasay Khamphommala, assistant à la mise en scène : — On compose aussi avec l'univers des actrices : et avec quelqu'un comme Marilu Marini, c'était de toutes façons difficile de faire une cocotte réaliste…
Lola Gruber, modératrice de la rencontre : — Je précise quand même qu'il y a quelques années, Marilu Marini jouait précisément Les Bonnes à l'Athénée, cette fois dans le rôle de Solange, et que c'était le metteur en scène, Alfredo Arias, qui tenait le rôle de Madame : je ne me prononcerai pas sur son potentiel de cocotte réaliste…
Une spectatrice : — Toujours sur le rôle de Madame, j'ai eu l'impression que vous en faisiez une caricature sociale…
Jacques Vincey : — Il est beaucoup question de rapport de domination et de soumission dans le texte, plus que d'un simple rapport de classe d'ailleurs. Nous avons un peu décalé cet aspect pour lui apporter une dimension fantastique qui nous permettait d'attraper un autre imaginaire.
Vanasay Khamphommala : — Les choses ne sont pas aussi caricaturales qu'on le croit, car la vulgarité bourgeoise est une réalité… La phrase "Vous avez de la chance qu'on vous donne des robes. Moi, si j'en veux, je dois les acheter" qui figure dans le texte, Genet affirme l'avoir vraiment entendue.
Un spectateur : — Genet est-il un auteur plus difficile à jouer qu'un autre ?
Hélène Alexandridis : — Chaque écriture donne des difficultés. Genet ne me semble pas plus difficile qu'un autre… Jouer à jouer, comme c'est le cas dans Les Bonnes, est d'ailleurs assez jouissif !
Myrto Procopiou : — Je pense à un auteur particulièrement dur à jouer qui s'appelle Galère… Euh… Je veux dire Valère… Pardon ! Valère Novarina donc, ce n'est plus du jeu dans le jeu, c'est carrément du saut à l'élastique.
Hélène Alexandridis : — Thomas Bernhard est un auteur difficile à jouer aussi.
Myrto Procopiou : — Bernhard, Genet et Novarina sont trois auteurs à la langue difficile qui ont connu un enfermement d'une manière ou d'une autre. Je ne sais pas si c'est lié !
Lola Gruber : — Après avoir parlé d'enfermement, je propose qu'on libère tout le monde… Bonne soirée à tous.
Pendant toute la rencontre, Daniel Larrieu, qui joue Divine d'après Genet dans la petite salle de l'Athénée en même temps que Les Bonnes, était debout au fond du foyer-bar, équilibrant de sa présence discrète et attentive le joyeux petit chahut de la discussion.
Les Bonnes et Divine se jouent tous les soirs à l'Athénée jusqu'au 4 février.
Mardi dernier, l'équipe des Bonnes rencontrait les spectateurs de l'Athénée pour une discussion au foyer-bar animée par Lola Gruber.
Ce soir, c'est l'équipe de Divine qui sera disponible pour échanger après le spectacle : restez en salle Christian-Bérard après la représentation de ce soir !
Disponible à l'écoute ici, la rencontre autour des Bonnes fut une belle occasion de démontrer, s'il en était besoin, que l'humour se marie très bien avec l'intelligence.
Je vous livre une première partie aujourd'hui. La seconde partie arrive demain !
Lola Gruber, auteure des programmes et brochures de l'Athénée : —Pourquoi avoir choisi d'interpréter sur scène le prologue de la pièce ?
Jacques Vincey, metteur en scène : —Le prologue a été écrit quelques années après la création des Bonnes à l'Athénée en 1947, sans doute en réaction de Genet aux mises en scène de sa pièce. Il y écrit des choses sur le théâtre en général qui rejoignent mes propres conceptions : et comme il s'agit d'une pièce où l'on fait du théâtre jusqu'à l'épuisement voire à la mort, il fallait partir de soi… J'imaginais d'ailleurs que ce seraient les trois actrices qui diraient ce prologue et non Vanasay Khamphommala.
Vanasay Khamphommala, assistant à la mise en scène et acteur : — Ma présence est liée au souhait de Jacques Vincey d'apporter un contrepoids en même temps qu'un contrepoint aux trois actrices. Quant à ma nudité lors de ce prologue, elle tient à la volonté de prendre Genet au pied de la lettre lorsqu'il écrit que le théâtre est une façon pour lui de se mettre à nu. Et elle était d'autant plus justifiée que le prologue est un doigt d'honneur de Genet aux metteurs en scène…
Lola Gruber : — Et pourtant, vous avez pris des gants, si j'ose dire...
Vanasay Khamphommala : — Si je porte des gants dans ce prologue, c'était pour donner une forme ludique à ce doigt d'honneur tout en déplaçant le signe de la pudeur sur les mains. Le gant reste un signe social qui diffracte les différents étages sociaux, et ils sont d'ailleurs évoqués dès le début de la pièce…
Lola Gruber : — Faut-il tenir compte de ce prologue et des indications que Genet y apporte sur la mise en scène des Bonnes ?
Jacques Vincey : — Le prologue donne une certaine matière, mais Genet a érigé la trahison comme vertu cardinale… Il est beaucoup question de cela dans Les Paravents ou ses romans.
Lola Gruber : — L'on peut donc trahir Genet avec sa bénédiction ?
Jacques Vincey : —En tout cas, ce prologue est pour moi à la fois une déstabilisation du public et une ouverture vers ce théâtre inconfortable.
Lola Gruber : — Hélène Alexandridis et Myrto Procopiou, comment appréhende t-on l'interprétation de ces rôles imposants de Claire et Solange ?
Hélène Alexandridis, interprète de Solange : — On passe évidemment son temps à chercher comment interpréter un texte pareil…
Myrto Procopiou, interprète de Claire : —Travailler sur Les Bonnes, c'est un peu comme faire une croisière en Grèce, mais sans l'Ouzo, sans le soleil et sans la mer. Bref, c'est la merde.
Les Bonnes et Divine se jouent jusqu'à ce week-end.
J'ai souvent eu l'occasion d'exprimer combien l'équipe de l'Athénée était déterminante dans le contenu et la longévité de ce blog (j'en profite pour le redire).
C'est le même esprit qui souffle dans les murs du Théâtre et, comme le soulignait un metteur en scène programmé récemment à l'Athénée, "on sent tout de suite qu'il y a un souffle, une personnalité, quelque chose d'humain, ici".
Ainsi, au-delà du blog, l'Athénée a également son profil Facebook alimenté par l'équipe de la communication et des relations publiques.
À l'occasion des Bonnes et de Divine, Alexandra, Constance, Églantine, Florence et Isabelle nous ont livré au fil des jours une série de photos et vidéos que je ne résiste pas à vous faire découvrir…
Il faut savoir, pour ceux qui n'ont vu aucun des deux spectacles, que l'un utilise des gants de vaisselle pendant que l'autre évoque beaucoup la problématique du corps (et des chaussures à talons).
(Je précise que je ne suis pas l'auteure de ces photos et vidéos et que je ne porte aucune responsabilité dans leur réalisation)
Vendredi 13 janvier 2012
"Ce soir, première des Bonnes, la com' vous dévoile le haut !
Mardi première de Divine, on vous montre le bas…"
Mardi 17 janvier 2012
"Ce soir première de Divine, et comme promis on vous montre le bas !"
Vendredi 20 janvier 2012
"Le vendredi à partir de 18h c'est le quart d'heure glam de la com' ! ?
Leçon n°1 : rester chic avec des gants de vaisselle."
Vendredi 27 janvier 2012
"C'est l'heure du 1/4 d'heure glam de la com !
Leçon n°2 : rester divine en talons aiguille (avec Maître Daniel Larrieu)"
La question du positionnement des lieux culturels sur internet agite beaucoup le monde culturel depuis un ou deux ans : après quelques réticences, les "professionnels de la profession" (l'expression est de Jean-Luc Godard) s'intéressent dorénavant au sujet, et de nombreuses rencontres professionnelles sont organisées sur le thème des blogs et réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.
C'est ainsi que j'ai pu intervenir dernièrement au nom du blog de l'Athénée aux Biennales Internationales du Spectacle à Nantes la semaine dernière, aux journées de La Scène en octobre à Bruxelles, pour les formations ACT' et à l'occasion de nombreuses rencontres professionnelles.
Décalés et participatifs, ces médias permettent d'instaurer une autre relation avec les artistes et les spectateurs, même si, comme tout outil, ils présentent évidemment des limites.
Pour suivre l'Athénée sur Facebook, c'est ici.
Le blog a également sa propre page ici.
Bon lundi ! Les Bonnes et Divine se jouent jusqu'à ce week-end.
Un souteneur est à la fois une personne dont l'action favorise la réussite de quelque chose et un homme vivant de la prostitution de plusieurs femmes en donnant l'apparence de les protéger.
Si le roman Notre-Dame-des-Fleurs de Genet dont est tiré le spectacle évoque la prostitution, c'est bien au premier genre de souteneurs que Divine a fait appel.
Comme beaucoup de monde en ce moment, le spectacle Divine manquait de moyens. Souhaitant trouver de nouvelles formes de financement du projet en hommage à l'esprit de Notre-Dame-des-Fleurs, Daniel Larrieu, chorégraphe et interprète du spectacle fit, selon ses propres termes, «une forme bien honnête de racolage culturel de circonstance (en tout bien tout honneur). Les très bien-pensants du monde de la communication diraient "une levée de fond"...»
L'idée était de demander un peu d'argent à des mécènes en leur proposant à chacun une lecture privée du texte de Divine par Daniel Larrieu lui-même ainsi qu'un compte-rendu régulier du déroulement des répétitions.
Divine compte donc dix souteneurs grâce à qui le spectacle a pu se créer, sans compter les personnes qui ont fait un apport direct de leurs compétences sur le spectacle.
Particuliers ou théâtres, les souteneurs sont cités dans la bible (ou programme de salle), et chacun(e) a une représentation dédicacée. Certains ont souhaité garder l'anonymat et se sont choisis un pseudonyme tiré du nom des personnages de Notre-Dame-des-Fleurs.
Divine existe donc grâce au soutien de Mimosa 1, Mimosa 3, Wild Daffodil, Marie-Thérèse Allier, Michèle Levy, Alfredo Arias, Laurent P. Berger, Le Tone, Le Manège de Reims, L'Échangeur de Fère-en-Terdenois, le Théâtre de Vienne et la Comédie de Picardie.
Divine d'après Genet mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié par Daniel Larrieu se joue jusqu'au 4 février en petite salle.
Les Bonnes de Genet mises en scène par Jacques Vincey sont représentées en même temps dans la grande salle.
Merci à Daniel, Anne et Colin.
Prison, manège infernal, escaliers qui finissent toujours par nous faire redescendre, mélange de massif et d'aérien, jeu entre ombre et lumière, incitation à l'imagination ou agressivité ?
Déroutant, le décor conçu par Pierre-André Weitz pour Les Bonnes n'en finit pas de susciter les commentaires —preuve en était à la rencontre qui a eu lieu mardi soir entre l'équipe des Bonnes et les spectateurs.
Pour le voir côté (grande) salle, vous avez jusqu'au 4 février!
Pendant ce temps, dans la (petite) salle, Daniel Larrieu continue à jouer Divine, également un texte de Genet.
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Prison, manège infernal, escaliers qui finissent toujours par nous faire redescendre, mélange de massif et d'aérien, jeu entre ombre et lumière, incitation à l'imagination ou agressivité ?
Déroutant, le décor conçu par Pierre-André Weitz pour Les Bonnes n'en finit pas de susciter les commentaires —preuve en était à la rencontre qui a eu lieu mardi soir entre l'équipe des Bonnes et les spectateurs.
Pour le voir côté (grande) salle, vous avez jusqu'au 4 février!
Pendant ce temps, dans la (petite) salle, Daniel Larrieu continue à jouer Divine, également un texte de Genet.
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"Sans lendemain, sans rien qui dure
Un homme passe et puis s'en va
Sans lendemain mes aventures
Depuis toujours s'arrêtent là
Jamais l'espoir d'un autre soir
Bonjour bonsoir adieu l'amour
Sans lendemain, sans rien qui dure
Voilà ma vie depuis toujours
J'en ai connu de toutes sortes
Des mal foutus et des beaux gars
Chaque fois que s'ouvre la porte
Mon coeur se dit "c'est celui là"
Oui mais le destin bientôt l'emporte
Comme tous les soirs je reste là"
Cela fait partie des mots que vous entendrez dans Divine actuellement à l'Athénée : car si le spectacle reprend des extraits du roman Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet, il fait également entendre un univers sonore conçu par Le Tone en collaboration avec Daniel Larrieu et Gloria Paris, la metteure en scène.
Je me suis créé pour l'occasion un profil sur Deezer où quelques morceaux utilisés dans Divine sont disponibles à l'écoute gratuitement sur ce lien.
Vous pourrez ainsi entendre :
Sans lendemain de Frehel dont je vous recopiais quelques paroles ci-dessous
(La vidéo est ici sur Dailymotion)
Love in Portofino de Fred Buscaglione
La vidéo est ici sur YouTube
Cala Meo Amor de Sylvia Telles, à écouter sur Deezer ici.
Ou encore Settanta volte sette d'Ennio Morricone, musique du film La Tragédie d'un homme ridicule de Bernardo Bertolucci, à écouter sur Deezer ici.
Ci-dessus en vidéo, un extrait du film à voir sur YouTube ici.
Les Bonnes mises en scène par Jacques Vincey se joue en même temps que Divine, dans la grande salle.
Ce soir après la représentation, vous pourrez rencontrer Jacques Vincey au foyer-bar. Bon mardi !
En ce moment, l'Athénée propose tous les soirs deux spectacles sur des textes de Jean Genet : Divine en salle Christian-Bérard et Les Bonnes dans la grande salle.
Plus nombreux que d'habitude, les spectateurs sont ainsi à l'étroit dans le hall du Théâtre et il est plus facile de se faufiler parmi les gens pour entendre quelques bouts de conversation à la volée, quelques minutes avant le début des représentations (merci à ceux et celles qui se reconnaîtront).
Une jeune femme : "— Quelle foule ! C'est comme Où est Charlie, mais sans Charlie."
Deux messieurs aux cheveux gris : "—Ça dure 1h40 ? Ça va !
— Oui, quand j'ai vu que cela durait 1h40, j'ai pensé que tu voudrais bien m'accompagner…."
Un monsieur à un autre : "— Bonne année !"
Une dame au téléphone : "— Alors reviens vers l'arrière de l'opéra… Prends la rue Scribe. Non, pas vers la Madeleine ! Le repère, c'est la station Auber du RER A, c'est juste en face. Tu vois où elle est ? (silence) Bon. Quand tu es face à l'opéra, tu prends la rue Scribe, à gauche. Non, tu ne passes pas devant les Galeries Lafayette, enfin ce n'est pas très loin, mais tu ne passes pas devant. (silence) Tu es rue Scribe là ? Oui, SCRIBE ! Dès que tu vois la station Auber, c'est la rue juste à gauche. (silence) Bon, grouille-toi !"
Une dame en rejoignant une autre : "—Comme j'étais en avance, j'ai fait les courses à côté… Du coup je suis en retard"
À la billetterie, avec un monsieur et une dame souhaitant acheter des places pour Divine en dernière minute : "—Je suis désolée messieurs-dames, on ne va vraiment pas pouvoir vous faire rentrer à Divine, c'est plein. Est-ce que vous voulez réserver pour un autre soir?
— Je ne sais pas, j'aimais bien cet horaire, 19h… Les autres soirs, c'est à 20h, non ?
— Mardi prochain, c'est aussi à 19h, si vous voulez.
— Va pour 19h mardi prochain alors.
— Très bien, je vais prendre votre nom… Et vous, Madame ?
— Eh bien moi du coup je vais rester là et aller voir Les Bonnes, s'il y a de la place ce soir…
— Oui c'est possible. Vous verrez, Les Bonnes, c'est très bien aussi."
Toujours à la billetterie : "— Vous réglez ensemble ? Cela fera 25€ pour les deux."
Au comptoir des invitations et places réglées : "—On jongle, c'est un spectacle très prisé!"
Alors que le hall se vide et que la plupart des spectateurs ont gagné leurs places, très peu de temps avant le début des représentations :
"—Excusez-moi, je viens avec une amie, mais elle n'est pas encore arrivée… Ça va commencer tout de suite ?
—On a encore un tout petit peu de marge… Vous savez où elle est ?
—Je ne sais pas, je vais l'appeler…. (au téléphone) Ouais, t'es où là ? Mais grouille-toi !!!"
Pour voir Divine mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié par Daniel Larrieu et/ou Les Bonnes mises en scène par Jacques Vincey, c'est tous les jours à l'Athénée (sauf le lundi) jusqu'au 4 février ! Bon début de semaine.
En 1950, Jean Genet, l'auteur des Bonnes et de Notre-Dame-des-Fleurs actuellement joués à l'Athénée, réalisait un film muet de vingt-cinq minutes : Un chant d'amour.
À la limite de la pornographie (ce qui explique pourquoi je vous laisserai chercher tous seuls sur YouTube "Genet Chant d'amour" pour le regarder), Un chant d'amour aborde la vie amoureuse de prisonniers dans leur cellule.
À l'époque, la censure existe encore : le tournage se déroule donc dans la clandestinité.
Tous amateurs à l'exception d'un seul (qui fait la doublure du sexe d'un acteur pudique), les comédiens sont des amis et amants de Genet ou des personnes qu'il a rencontrées dans les bas-fonds de Montmartre.
Du côté de l'équipe technique, on trouve en revanche des professionnels reconnus comme le chef-opérateur Jacques Natteau (qui a travaillé avec Marcel Carné ou Jean Renoir), le décorateur Maurice Colasson (décorateur pour Marguerite Duras ou Terence Young) ou les laboratoires Éclair qui développeront les pellicules dans le secret.
Après un essai décevant au format amateur 16 mm, la pellicule 35 mm sera fournie par Henri Langlois. Jean Genet avait apparemment aussi l'idée de commander la musique du film à Stravinski, mais elle n'a pas été réalisée.
Le tournage dura deux mois et eut lieu au cabaret La Rose Rouge à Saint-Germain-des-Prés ainsi que dans les jardins de la propriété de Cocteau à Milly-la-Forêt. Budget total du film : plus de trente mille euros.
Une sortie dans les salles était inimaginable du fait de la nature érotique (ou pornographique, selon les sensibilités) du film.
Mais surtout, au-delà de la légende selon laquelle le film aurait été censuré pendant vingt-cinq ans, on sait en fait que Genet n'essaya tout simplement pas de demander l'agrément auprès de la commission de classification du Centre National du Cinéma, déniant de fait toute existence légale à son film.
C'est donc clandestinement qu'Un chant d'amour rencontra son public : Genet vendit les copies du film à des riches collectionneurs en faisant croire à chacun qu'il était le seul détenteur de l'exemplaire soi-disant unique de la bande du film afin d'en faire monter le prix. Projeté dans des cercles privés en France comme à l'étranger, le film acquit une petite notoriété, cependant limitée aux milieux underground.
Vingt-cinq ans après le tournage, Nico Papatakis, qui a produit Un chant d'amour, décide de présenter le film au Centre National du Cinéma pour obtenir son visa de censure et ainsi pouvoir l'exploiter de manière commerciale.
Dire qu'il a été réalisé par Genet en 1950 avouerait de fait que le film a été tourné dans l'illégalité : Papatakis le fait donc passer pour un court-métrage américain et obtient ainsi le visa espéré —le film sera quand même interdit aux moins de dix-huit ans.
Sauf que Genet n'a pas été consulté, et qu'il ne souhaite ni que son film soit adoubé par la commission de classification, ni qu'il soit diffusé.
Il conclue ainsi sa lettre ouverte publiée dans L'Humanité en août 1975 : « j'ajoute encore que je m'opposerai toujours à la projection publique d'un film que j'avais réalisé pour en vendre des copies à des particuliers, comme après tout j'ai vendu des tirages restreints de mes livres, en me réservant le droit (c'est la loi) d'en modifier la forme définitive. Que personne —sauf moi— ne juge donc encore cette "esquisse d'une esquisse"! »
Un chant d'amour de Jean Genet fait aujourd'hui partie de la collection du Museum of Modern Art de New York et du British Film Institute de Londres, a été récemment réédité en DVD et est visible sur YouTube.
Côté texte, vous pouvez découvrir Genet dans Les Bonnes mises en scène par Jacques Vincey (grande salle) ou Divine mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié par Daniel Larrieu (petite salle), tous les deux jusqu'au 4 février.
Le blog prend un week-end de trois jours et sera de retour lundi !
Source : "L'Histoire chaotique d'un film controversé" de Marine Jaffrézic in Portrait Jean Genet, livre-DVD-CD produit par EPM, Danièle Delorme et SWProductions, avec le concours de l'INA, du CNC et du CNL
Hier, pour la première de Divine, Daniel Larrieu et son collaborateur Colin offraient à toute l'équipe de l'Athénée une petite chaussure à talon en chocolat accompagnée d'un petit mot. Chacun(e) avait déposé la sienne sur son bureau...
Normalement spécialiste des boîtes de chocolats périmées dans mes placards (j'ai vérifié, il me reste des choses qu'on m'a offertes à l'été 2010), j'ai croqué la mienne en commençant par le talon peu après mon arrivée chez moi hier soir.
Pour voir les véritables chaussures de Divine mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié et interprété par Daniel Larrieu, c'est ici sur le blog ou à l'Athénée jusqu'au 4 février. Les Bonnes mises en scène par Jacques Vincey se jouent en même temps dans la grande salle!
Les Bonnes ont déjà commencé, mais la première de Divine aura lieu ce soir dans la salle Christian-Bérard.
Le décor a été monté la semaine dernière, un jour où je ne pouvais pas venir à l'Athénée.
C'est donc Daniel Larrieu, chorégraphe et interprète de Divine, qui s'est reconverti pour l'occasion en blogueur et a photographié les opérations pour vous.
(c) Daniel Larrieu
(c) Daniel Larrieu
(c) Daniel Larrieu
(c) Daniel Larrieu
Ceux qui ont vu d'autres créations de Daniel Larrieu comme On été si tranquille, Plus qu'hier ou LUX auront peut-être reconnu les panneaux blancs qui servaient déjà dans ces spectacles.
Tout comme la moquette noire en avant-scène a déjà été aperçue dans l'installation Ice Dream (toujours de Daniel Larrieu), la moquette bleue dans un projet de la chorégraphe Laure Bonicel et les néons dans une installation du créateur lumières de Divine, Laurent P. Berger.
Ainsi imprégnée d'un héritage artistique et au croisement du théâtre, de la littérature et de la danse, Divine est-elle également inspirée par Les Bonnes qui se jouent en-dessous ?
Daniel Larrieu, qui est aussi passé dans la grande salle au moment du montage des Bonnes, y a pris quelques clichés et remarqué quelques similitudes que nous vous laisserons découvrir.
À ce soir pour la première de Divine !
PS : demain, je serai à Nantes pour les rencontres professionnelles des Biennales Internationales du Spectacle où j'interviendrai à 16h45 lors du parcours Nouveaux Médias au sujet de ce blog. Je serais ravie de rencontrer les lecteurs qui seront présents sur ces BIS. N'hésitez pas à me contacter pour se donner rendez-vous en m'écrivant à clemence@athenee-theatre.com.
Bon. C'est sûr que la physique, ça n'a jamais été mon truc. Pas que j'y mette de la mauvaise volonté mais plutôt qu'il me manque une case sur le sujet : cet été par exemple, j'ai voulu lire le Sciences et Vie junior de mon cousin de quatorze ans, et je n'ai pas tout compris.
Voilà pourquoi je m'en remets à vous sur un sujet qui me laisse perplexe : la semaine dernière, je me suis postée sur le côté du plateau de la grande salle pour prendre quelques photos des Bonnes —je remercie d'ailleurs toute l'équipe qui a accepté que je reste à quelques mètres d'eux avec mon appareil pendant toute la représentation.
Très graphique, la mise en scène des Bonnes par Jacques Vincey crée une esthétique très ciselée où le noir et blanc dessine une géométrie parfaite qui ne tolère que quelques taches de couleur très définies.
Il y a quelques néons blancs sur le décor. Pourquoi, sur TOUTES mes photos, ces néons apparaissent entièrement ou partiellement jaunes, quels que soient les réglages de mon appareil photo ? C'est agaçant.
(preuves ci-dessous)
Si vous avez une explication, vous pouvez me la proposer en laissant un commentaire ici. Reconnaissance éternelle.
Aaaaaaah !!!!
Iiiiiiiiiiirk !!!
&"%*$£/§#@ !!!
(notez, si cela peut aider, que l'un des néons n'est jaune qu'à moitié)
Si vous ne voyez pas les photos, activez l'affichage des images dans votre messagerie. Sur Outlook par exemple, il faut faire clic droit sur l'image puis choisir "télécharger les images" ou, mieux, "ajouter l'expéditeur à la liste des expéditeurs fiables")
Citons, entre les néons-normalement-blancs, les deux actrices Hélène Alexandridis et Myrto Procopiou. Les Bonnes de Genet mises en scène par Jacques Vincey se jouent jusqu'au 4 février, tout comme Divine d'après Notre-Dame-des-Fleurs de Genet qui commencera demain dans la petite salle.
À leur répétition d'hier à l'Athénée, Les Bonnes jetaient de l'ombre.
Pour voir Hélène Alexandridis, Marilu Marini, Myrto Procopiou et Vanasay Khamphommala dirigé(e)s par Jacques Vincey côté face, c'est dans Les Bonnes de Jean Genet à partir de ce soir.
Bon week-end à tous.
Vous ne voyez des carrés blancs ou des croix rouges à la place des photos ?
Activez l'affichage des images dans votre messagerie ou allez sur le blog.
Divine d'après Jean Genet se répète à l'Athénée depuis décembre en salle Christian-Bérard. Comme il s'agit d'une création, Gloria Paris et Daniel Larrieu entourés de leur équipe ont d'abord répété sur le plateau nu.
La dernière fois que je suis passée les voir, ils avaient amené une moquette bleu klein qui sera effectivement présente dans le spectacle.
Si vous ne voyez pas les images, cliquez sur "charger/afficher les images" dans votre messagerie ou allez sur le blog.
Le reste du décor a été monté avant-hier. Il paraît qu'il ressemble à une grande boîte blanche….
Divine d'après Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet commence le 17 janvier. Les Bonnes commencent un peu avant, ce vendredi 13 janvier. Bon jeudi !
Deux textes de Genet arrivent à l'Athénée : Divine d'après Notre-Dame-des-Fleurs dont je vous parlais hier et avant-hier qui se jouera dans la petite salle Christian-Bérard, et Les Bonnes qui commencent vendredi dans la grande salle.
Comme la plupart des œuvres de Genet, Les Bonnes créent le malaise : intégrant du théâtre dans le théâtre, utilisant l'outrance et le travestissement dans une ambiance de messe noire très loin de tout naturalisme, le texte vise explicitement à bousculer les spectateurs autant que les conventions théâtrales.
Le style d'écriture change en fonction des scènes, et la pièce ne se plie à aucune des interprétations qu'on aimerait bien lui coller : Genet lui-même expliqua ne pas avoir voulu écrire un plaidoyer sur le sort des domestiques et démentit s'être inspiré du fait divers des soeurs Papin qui assassinèrent leurs maîtresses.
L'histoire est celle de deux domestiques, Claire et Solange, qui visent à tuer leur maîtresse et répètent le meurtre en interprétant leur propre rôle ou celui de leur supposée victime.
Dans leur forme, Les Bonnes relèvent de la tragédie où l'on retrouve la mécanique implacable qui mène à l'issue fatale, mais la détournent : par la cérémonie théâtrale que jouent Claire et Solange d'abord, en donnant la parole à ceux qui ne sont d'habitude que les confidents des royaux protagonistes ensuite (dans sa première version, la pièce s'appelait d'ailleurs La Tragédie des confidentes), et enfin parce que l'issue mortelle n'est pas forcément celle qu'on attendait.
Les Bonnes ont une histoire particulière avec l'Athénée : la pièce y fut créée en 1947 par Louis Jouvet, alors directeur du Théâtre.
Les Bonnes sont revenues à l'Athénée en 2001 avec l'actrice Marilu Marini qui interprétait le rôle de Solange dans la mise en scène d'Alfredo Arias.
Pour cette version 2012 mise en scène par Jacques Vincey, Marilu Marini sera là également, cette fois dans le rôle de Madame. Ceux qui ont vu l'année dernière Le Récit de la servante Zerline la connaissent déjà puisqu'elle interprétait le rôle-titre.
La pièce commencera vendredi et se jouera jusqu'au 4 février. Divine commencera le 17 janvier dans la salle Christian-Bérard jusqu'à la même date.
Divine commencera la semaine prochaine : le projet est un peu différent de ce que l'on voit d'habitude à l'Athénée, puisqu'il s'agit d'une variation théâtrale chorégraphiée autour du roman Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet.
Daniel Larrieu, chorégraphe, et Gloria Paris, metteure en scène, ont choisi une vingtaine d'extraits du roman Notre-Dame-des-Fleurs. C'est Daniel Larrieu, chorégraphe et danseur que vous connaissez peut-être pour ses spectacles Waterproof, On était si tranquille, Cenizas ou LUX, qui interprète ces extraits sur scène en mêlant danse et théâtre.
Notre-Dame-des-Fleurs est un jeune homme d'une grande beauté qui entretient une relation avec un travesti nommé Divine ; il commettra un meurtre pour lequel il sera jugé. Voici l'un des extraits du roman que vous pourrez entendre dans le spectacle :
"La gare Saint-Lazare, c'est la gare des vedettes de cinéma.
Notre-Dame-des-Fleurs, encore et déjà vêtu de son léger, flottant, jeune, fou de minceur et pour tout dire fantomal costume de flanelle grise qu'il portait le jour du crime et portera le jour de sa mort, y vint afin de prendre un billet pour Le Havre. Au moment qu'il entrait sur le quai, il laissa tomber son portefeuille bourré des vingt billets. Il sentit qu'il le perdait et se retourna juste à temps pour le voir ramasser par Mignon. Calme et fatal, Mignon l'examina, car, s'il était un authentique cambrioleur, il ne savait pas néanmoins être à l'aise dans d'originales attitudes et copiait gangsters de Chicago et gangsters marseillais.
Mignon compta les billets. Il en prit dix pour lui, qu'il mit dans sa poche, et tendit le reste à Notre-Dame, éberlué. Ils devinrent amis.
Mignon fut heureux de trouver cet argent ; toutefois, par un manque extrême d'à-propos, il ne put que dire sans desserrer les dents : « Pas con, le copain. » Notre-Dame rageait. Mais que faire ? Il avait trop l'habitude de Pigalle-Blanche pour savoir qu'on ne doit pas crâner trop en face d'un vrai mac. Mignon portait, bien visibles, les marques extérieures du mac. « Faut se mettre en veilleuse », sentit en lui Notre-Dame. Donc, il perdit son portefeuille, qu'aperçut Mignon. Voici la suite : Mignon conduisit Notre-Dame-des-Fleurs chez un tailleur, un chausseur, un chapelier. Il y commanda pour tous deux ces bagatelles qui font l'homme fort et doué d'un grand charme : une ceinture de daim, un chapeau souple, une cravate écossaise, etc., puis ils descendirent dans un hôtel de l'avenue Wagram ! Wagram bataille gagnée par des boxeurs !
Ils vécurent à ne rien faire. Remontant et descendant les Champs-Élysées.
C'étaient des enfants gouapes à qui le sort donne de l'or."
Divine d'après Jean Genet mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié par Daniel Larrieu se répète à l'Athénée depuis décembre et se jouera à partir de la semaine prochaine !
Les Bonnes de Jean Genet se jouera aussi dans la grande salle mais commencera un peu plus tôt, ce vendredi.
Bon mardi.
D'ici quelques jours, l'Athénée accueillera deux textes de Genet : Les Bonnes dans la grande salle, et Divine d'après Notre-Dame-des-Fleurs en salle Christian-Bérard.
Gloria Paris, metteure en scène de Divine, et Daniel Larrieu, son chorégraphe et interprète, répètent à l'Athénée depuis fin décembre, cohabitant ainsi avec l'équipe de La Botte secrète qui se jouait en même temps dans la grande salle.
Les pieds de Daniel Larrieu dans les loges de la salle Christian-Bérard
Les histoires de chaussures et de coups de pieds aux fesses de La Botte secrète auraient-elles essaimé jusqu'à la salle Christian-Bérard ?
Toujours est-il qu'une paire de chaussures semble avoir une vraie place dans le spectacle (ici entourée des pieds de Daniel Larrieu et Gloria Paris)
Les chaussures de Gloria Paris dans les loges de la salle Christian-Bérard
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Les Bonnes de Genet mises en scène par Jacques Vincey commencent vendredi.
Divine d'après Notre-Dame-des-Fleurs de Genet mis en scène par Gloria Paris et chorégraphié par Daniel Larrieu commencera le 17 janvier.
PS : pour comprendre le titre, il faut avoir lu et relu Tintin - Le Trésor de Rakham le Rouge d'Hergé.
PPS : et voici les résultats de la devinette sur l'opéra-bouffe ! 65% d'entre vous avaient trouvé la bonne réponse : un opéra-bouffe est un opéra humoristique. Attention, ce n'est pas pour autant synonyme d'opéra-comique ! Vous trouverez plus de définitions (de l'opéra-bouffe, l'opéra-comique, l'opérette, l'opéra-ballet sur cet article paru sur le blog en 2009)
Manu est un technicien polyvalent : non content d'assurer la régie générale de La Botte secrète, il fait aussi quelques passages remarqués sur scène pendant le spectacle, qu'il soit de fluo chaussé ou chargé d'une machine à fumée.
Manu travaille pour la compagnie des Brigands depuis plusieurs années : si vous avez vu Au Temps des croisades en 2009, vous le connaissez déjà pour ses apparitions remarquées avec une perceuse ou avec une armure (et des clés).
La situation n'est pas banale, car on voit rarement des membres de l'équipe technique apparaître sur scène hormis pour déplacer un élément de décor. Manu a cependant l'air de trouver que tout est normal : "on est au service du spectacle. Si mon apparition doit en faire partie, je le fais sans me poser de question".
Manu sur la scène de l'Athénée, avant une représentation de La Botte secrète
Comment s'est-il retrouvé là ? "Pendant une répétition d'Au Temps des croisades, je suis allé sur scène pour mettre une vis. Le metteur en scène a voulu le garder pour le spectacle et j'ai mis une vis chaque soir".
(ceux qui ont vu Au Temps des croisades et qui se souviennent du joyeux bordel qui y régnait ne seront sans doute pas étonnés)
Et pourquoi le retrouve t-on sur scène dans La Botte secrète ? "Parce que les Brigands, s'ils changent de metteur en scène chaque année, aiment faire des clins d'oeil aux spectacles précédents"
Pour apercevoir Manu en action entouré de la troupe des Brigands, il vous reste quatre jours : ce soir, vendredi, samedi et dimanche.
Ensuite l'Athénée accueillera deux textes de Genet : Les Bonnes et Divine !
Le blog fait une pause demain et reprendra lundi. La devinette sur l'opéra-bouffe restera active sur le blog jusque-là (pour y répondre, cliquez ici et regardez à droite).
Bon week-end !
«—Bizarre, bizarre…
— Qu'est-ce qu'il a ?
— Qui ?
— Votre couteau!
— Comment ?
— Vous regardez votre couteau et vous dites "bizarre, bizarre". Alors je croyais que ...
— Moi, j'ai dit "bizarre, bizarre", comme c'est étrange ! Pourquoi aurais-je dit "bizarre, bizarre" ?
— Je vous assure, cher cousin, que vous avez dit "bizarre, bizarre".
— Moi, j'ai dit "bizarre"... Comme c'est bizarre. »
En 1937, dans Drôle de drame de Marcel Carné, Louis Jouvet et Michel Simon jouaient avec beaucoup de sérieux un dialogue absurde qui allait devenir culte.
La scène dure deux minutes.
Si vous ne voyez pas la vidéo sur YouTube, cliquez ici.
Louis Jouvet a été le directeur de l'Athénée de 1934 à sa mort en 1951.
C'est en son hommage qu'un lecteur du blog, Pierre, m'a envoyé une carte de voeux créée par ses soins et dont je vous fait profiter également pour vous souhaiter la bonne année :
Si vous ne voyez pas l'image, cliquez sur "charger/afficher les images" dans votre messagerie ou allez sur le blog en cliquant ici.
Encore mes meilleurs voeux pour 2012 et à demain !
Le sondage sur la définition de l'opéra-bouffe est toujours en ligne sur le blog. Pour vous aider, le petit article que j'avais écrit en 2009 sur le sujet se trouve ici
La Botte secrète se joue jusqu'à ce week-end!
Pierre Guillois est le metteur en scène de La Botte secrète actuellement à l'Athénée.
Rencontre un soir de représentation dans un bureau du Théâtre :
«— La compagnie des Brigands fait appel à un metteur en scène différent chaque année : pour La Botte secrète, c'est toi qu'ils ont choisi. Comment s'est passée la rencontre avec la compagnie ?
—J'ai rencontré Loïc Boissier, directeur des Brigands et du Théâtre Musical de Besançon, à l'occasion d'un opéra-bouffe dont j'avais réalisé la mise en scène, Abu Hassan de Carl Maria von Weber. Il connaissait déjà mon travail pour avoir vu ma mise en scène du Ravissement d'Adèle de Rémi de Vos au Théâtre du peuple de Bussang dont j'étais le directeur. De mon côté, je connaissais déjà Les Brigands pour avoir vu Toi c'est moi et Phi-Phi.
— Tu montes donc aussi bien des spectacles lyriques que théâtraux : mettre en scène des spectacles musicaux occasionne t-il une difficulté particulière, en particulier dans le travail avec les chanteurs ?
— Effectivement, je travaille aussi bien en théâtre qu'en musique, et ce depuis longtemps. Je ne ressens pas de difficulté particulière sur les spectacles musicaux : il y a de toutes façons toujours des difficultés à diriger des acteurs, car il n'y a pas un chanteur ou un acteur qui ressemble à un autre. À Bussang par exemple, je collaborais aussi bien avec des amateurs qu'avec des professionnels… Et pour La Botte secrète, il y avait beaucoup de travail à réaliser "sur l’acteur" étant donné que le livret comporte de véritables scènes de vaudeville parlées.
Le terme "direction d'acteurs" est d'ailleurs une vilaine expression. On ne dirige pas des acteurs, on est là pour dialoguer avec eux et les guider. On échange sur le sens de la pièce, sur ce qu'on joue, sur ce qui se passe entre les partenaires, sur les enjeux... La direction d'acteurs consiste à maintenir tous ces éléments ensemble.
— Tu parlais des scènes de vaudeville de La Botte secrète : c'est vrai qu'il y a quasiment autant de passages parlés que de passages chantés...
— Oui, les passages parlés sont conséquents, et offrent de véritables scènes de théâtre : c'est la spécificité de cet ouvrage. Comme tout vaudeville, les situations à un moment donné dégénèrent et la mise en scène doit être là pour faire passer toute la folie du livret et la fantaisie de la musique.
— La scénographie est très particulière également, puisque la boutique de chaussures où se déroule La Botte secrète est en sous-sol...
— Avec Florence Évrard qui a conçu la scénographie, on souhaitait mettre l'accent à la fois sur les chaussures et des jambes qui marchent. Cet opéra-bouffe est une œuvre potache ; je souhaitais y mettre du sel en mettant en avant le fétichisme autour de la chaussure qui est présent dans l’ouvrage ; les jambes des passantes que l'on aperçoit par le soupirail participent de cet érotisme.
Florence a conçu une scénographie qui permet de représenter à la fois la rue et la boutique, mais qui permet également de dégager une seconde scénographie pour la revue qui succède à La Botte secrète en deuxième partie de spectacle. Cette boutique en sous-sol avec des soupiraux qui donnent sur la rue et un escalier en colimaçon pour s'y rendre est une réponse très pratique à nos questionnements de départ.
— C'est aussi une scénographie très sombre alors que l'œuvre est légère…
— Dès mes premières discussions avec Florence Évrard qui a conçu la scénographie et Axel Aust qui assure les costumes, nous avons décidé de ne pas aller dans le sens des couleurs pastels et de la légèreté souvent associées à l'opérette. De même, nous ne souhaitions pas que l'œuvre soit datée, d'où le choix d'une boutique de chaussures de luxe stricte et classe, car le luxe est très intemporel : je crois qu'il n'y a pas tant de différences entre une boutique Chanel aujourd'hui et il y a trente ans.
Nous avions la volonté de donner un peu de tenue à une œuvre annoncée comme légère —d'ailleurs, pourquoi la légèreté serait-elle rose plutôt que grise ? Ce n'est pas pour autant que le spectacle est sombre, tout au contraire : la fantaisie et l'éclat apparaissent grâce au jeu des acteurs.
— Tu évoquais la revue de la deuxième partie du spectacle : j'imagine que la mise en scène de cette suite de chansons prises dans différentes œuvres a dû être un exercice compliqué…
— Nous avons beaucoup collaboré avec Christophe Grapperon, le directeur musical, et Loïc Boissier, le directeur des Brigands, sur la composition de l'ensemble et le choix des airs. Quant à la réalisation elle-même, je dois beaucoup à Stéphanie Chêne qui a assuré toute la partie chorégraphique.
La difficulté était de trouver une cohérence de l’ensemble sans pour autant essayer de raconter une histoire qui aurait lié les morceaux de manière artificielle : c’est un art particulier que celui du cabaret, de la revue, qui a ses propres règles, qui a besoin de la virtuosité des interprètes ; avec ces dix-sept chanteurs, j’ai été gâté.»
Pour voir La Botte Secrète, vous avez jusqu'au 8 janvier! Bonne journée.
(et bonne année bien sûr !!!)
Les chanteurs lyriques s'échauffent systématiquement avant d'entrer en scène : dans un petit théâtre comme l'Athénée où les loges sont petites et proches des bureaux, quelques pas avec un micro peuvent facilement capter des vocalises qui s'entremêlent à travers les portes des loges pendant qu'un instrumentiste profite du piano et que les techniciens assurent les derniers réglages…
La bande-son dure une minute. Si vous n'entendez rien, cliquez ici.
Pour entendre les chanteurs dans leur rôle de La Botte secrète, vous avez jusqu'au 8 janvier.
D'ici-là, bon nouvel an et à mardi !
La Botte secrète actuellement à l'Athénée est définie comme un opéra-bouffe. Mais qu'est-ce que cela signifie, exactement ?
L'opéra-bouffe est
- un opéra où alternent passages chantés et passages dansés
- un opéra où il était permis de manger dans la salle lors des représentations
- un opéra humoristique
- une opérette en quatre actes
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Indice : j'avais fait une tentative de distinction sur le blog entre opérette, opéra-bouffe et opéra-comique à l'occasion des représentations d'Au Temps des Croisades à l'Athénée il y a deux ans.
Bonne chance !
La Botte secrète se joue jusqu'au 8 janvier.
La Botte secrète se déroule dans un magasin de chaussures de luxe où tous les clients sont assurés de trouver chaussures à leur pied (quand elles sont à leur taille).
En coulisses, les artistes et techniciens de La Botte secrète arborent toutes sortes de souliers, avec une mention spéciale aux chaussures panthère de Charlotte et aux mocassins croco de Nicolas.
La Botte secrète dirigée par Christophe Grapperon et mise en scène par Pierre Guillois se joue jusqu'au 8 janvier.
J'espère que vous avez passé un bon Noël/un joyeux Hanouka/un chouette week-end (rayez les mentions inutiles).
Jeudi dernier, Philippe Cathé, musicologue, venait à l'Athénée pour présenter La Botte Secrète à ceux qui souhaitaient en savoir davantage sur l'œuvre de Claude Terrasse et Franc-Nohain.
Dans une salle Christian-Bérard bondée jusqu'aux marches (note pour plus tard : arriver à l'heure pour espérer être assis dans un fauteuil), Philippe Cathé a commencé par distinguer deux genres comiques en se référant au Roman comique de Scarron, qui relève du burlesque, et au Lutrin de Boileau, qui se rattache à l'héroï-comique.
Si l'on suit la distinction de Charles Perrault qui explique que l'on rit de la "disconvenance de l'idée qu'on donne d'une chose avec son idée véritable", le burlesque consisterait à "parler bassement des choses les plus relevées", c'est-à-dire de traiter un sujet noble (la royauté, la divinité, etc.) de manière vulgaire ou ridicule.
À ce stade et en guise d'illustration, Philippe Cathé s'est lancé avec beaucoup de panache dans une interprétation convaincue d'un extrait de Pâris ou le bon juge de Claude Terrasse où Vénus, Junon, Minerve et Pâris n'ont de divin que le titre.
De l'autre côté, le genre héroï-comique se reconnaîtrait dans sa tendance à parler "magnifiquement des choses les plus basses" : c'est à cette définition du comique qu'appartiendrait La Botte secrète de Claude Terrasse.
Partant d'une histoire assez triviale, à savoir la recherche d'une chaussure de taille, Claude Terrasse et son librettiste Franc-Nohain créent un opéra-bouffe ambitieux en affectant de prendre leur sujet de départ très au sérieux.
Claude Terrasse résume les choses ainsi : "Un déguisement de carnaval, des folles paroles accompagnées d'une folle musique écrite sans souci de forme, la recherche du rire pour le rire : voilà le burlesque ;
un vêtement trop correct, un quadrille écrit classiquement sur des thèmes sévères, un préjugé étalé avec tant de complaisance que son mensonge apparaît à ceux qui le professent : voilà le bouffe"
Musicalement parlant, si l'on étudie l'agencement des tonalités ou les glissements chromatiques, La Botte secrète a été ostensiblement écrite de manière classique.
Ayant donné l'apparence d'une œuvre musicalement très sérieuse, Claude Terrasse bouscule ensuite les codes musicaux de manière presque imperceptible, en décalant par exemple le rythme du texte par rapport au rythme de la musique —ici, Philippe Cathé nous a encore fourni lui-même une illustration maison très parlante que je ne peux malheureusement pas reproduire ici.
Comme on l'a souvent dit d'Offenbach, la musique de Terrasse dans La Botte secrète tourne ainsi en dérision la musique même.
Considéré en effet comme l'héritier d'Offenbach au point que de nombreux critiques se sont exclamés qu'avec Terrasse, Offenbach n'était plus mort, Claude Terrasse était extrêmement connu à son époque (de la fin du 19e siècle à la première guerre mondiale), créant deux œuvres par an qui rencontraient à chaque fois un très grand succès. La première guerre mondiale entraîna une évolution du genre de l'opérette (et de son public) et même après 1918, Claude Terrasse ne retrouva plus son succès d'antan.
Il collabora beaucoup avec Franc-Nohain qui, d'abord en parallèle de sa carrière en préfecture, lui écrivit de nombreux livrets d'opérettes et d'opéra-bouffe comme La Botte secrète, Les deux Augures, Au Temps des croisades ou Vive la France. Franc-Nohain fut par ailleurs l'auteur du livret de L'Heure espagnole de Maurice Ravel, grâce d'ailleurs à Claude Terrasse qui avait permis aux deux hommes de se rencontrer.
Le format en un acte de La Botte secrète est typique de la collaboration de Franc-Nohain et Terrasse qui montent ici une espèce de machinerie absurde, rejoignant ainsi le genre de ce que le musicologue Robert Pourvoyeur appelle "l'opérette parodique", par opposition à "l'opérette de rêve".
Le prochain "D'abord" où un musicologue vous éclaire sur l'œuvre programmée aura lieu le 15 février à l'occasion du Voyage d'hiver de Schubert : le musicologue sera Jacques Amblard. D'ici-là, il est encore temps de découvrir La Botte secrète qui se joue jusqu'au 8 janvier !
Lorsqu'on joue un spectacle musical comme La Botte secrète, il est coutume de faire ce qu'on appelle un "raccord" avant chaque représentation : le chef d'orchestre convoque les chanteurs et instrumentistes pour retravailler les quelques passages musicaux qu'il juge utile.
Pendant le raccord d'avant-hier, les silhouettes des chanteurs se découpaient en ombre chinoise face à Christophe Grapperon, le chef d'orchestre...
...pendant que, dans le décor, les techniciens Manu et Thomas corrigeaient la place d'un projecteur...
… et que, dans les coulisses, le bonhomme de neige lumineux apporté par Elisabeth, la standardiste de l'Athénée, vous souhaite Joyeux Noël.
Bon Noël à ceux et celles qui le fêtent donc, et rendez-vous sur le blog mardi prochain. La Botte secrète continue à se jouer pendant les fêtes, avec une pause ce week-end et lundi.
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La Botte Secrète, l'opéra-bouffe actuellement à l'Athénée, ne compte que six personnages: pourquoi alors trouve t-on de nombreux portants à costumes disséminés partout dans les coulisses du Théâtre ?
Les Brigands, la compagnie actuellement à l'Athénée dans La Botte secrète, fête ses dix ans. Pour l'occasion, ils vous offrent en deuxième partie de spectacle une revue de leurs spectacles passés, où vous retrouverez dix-sept chanteurs et trente-quatre costumes.
Pour les découvrir, c'est à l'Athénée jusqu'au 8 janvier.
Ce soir, si vous arrivez entre 19h et 19h30, n'hésitez pas à vous rendre en salle Christian-Bérard (au-dessus de la grande salle) pour écouter le musicologue Philippe Cathé vous donner quelques clés sur La Botte secrète.
Il y a quelques semaines, Patrice Martinet, le directeur de l'Athénée, trouvait ce disque vinyle (dédicacé au verso !) dans une brocante :
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Les titres sont inscrits en grec (parce que le trio Athénée est manifestement grec), mais une rapide recherche sur une base de données musicales m'apprit que le disque s'intitule en français Les Oiseaux blancs de mon pays et qu'il est sorti dans les années 1970.
Malgré mon application à taper les titres en grecs sur internet, je n'ai pas trouvé de chanson de cet album disponible. En revanche, j'en ai trouvé d'autres. Voici ma préférée (surtout à cause de son clip) :
Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici pour la regarder sur YouTube
Pour découvrir un tout autre genre de musique, rendez-vous à l'Athénée avec la compagnie des Brigands qui fête ses dix ans avec l'opérette La Botte Secrète suivie d'une revue de leurs plus grands succès.
L'Athénée accueille actuellement La Botte secrète, une opérette de Claude Terrasse et Franc-Nohain. En avril prochain, le théâtre programmera Ubu enchaîné d'Alfred Jarry, avec Éric Cantona dans le rôle-titre.
Le lien? Claude Terrasse et Alfred Jarry ont travaillé ensemble à de nombreuses occasions, à commencer par la création d'Ubu Roi de Jarry en décembre 1896 : on l'a aujourd'hui largement oublié, mais Ubu Roi était à sa création un spectacle musical dont la partition avait été écrite par Claude Terrasse.
Quasiment introuvable à l'exception de trois passages qui ont fait l'objet d'une publication séparée, la musique de scène d'Ubu roi est très rarement donnée lorsqu'on représente la pièce de nos jours.
La complicité de Terrasse et Jarry ne s'arrête pas à Ubu Roi : un an après la création de la pièce, Claude Terrasse ouvre dans son atelier un théâtre de marionnettes, le Théâtre des Pantins, où il collaborera bien sûr avec Jarry mais également avec Franc-Nohain et Pierre Bonnard.
Une plaque commémorant l'aventure est toujours visible rue Ballu, dans le 9e arrondissement de Paris.
(c) Mu
Les deux artistes créent ensemble d'autres œuvres, mais, comme la musique de scène d'Ubu Roi, ces opérettes ou opéra-bouffes alliant un texte de Jarry (avec parfois la collaboration d'Eugène Demolder) et la musique de Terrasse sont aujourd'hui injouables : l'opéra-bouffe Pantagruel n'a pas donné lieu à de véritable édition, la partition de Par la taille n'est disponible que dans un centre de recherches du Texas, et celles de Léda et du Manoir enchanté ont été perdues.
De même, beaucoup d'opérettes de Jarry et Terrasse n'ont jamais dépassé le stade du projet, comme L'Amour maladroit, Le bon Roi Dagobert, Le Guignol de Lyon aux 4-Z'Arts (Jarry a ensuite réutilisé son texte dans la pièce Ubu sur la butte), Jef, Le Moutardier du Pape ou Pieter de Delft.
Les œuvres composées sur des livrets du poète Franc-Nohain ont eu plus de chance : après Au Temps des croisades donné à l'Athénée il y a deux ans, l'opérette La Botte Secrète est proposée jusqu'au 8 janvier dans la version des Brigands, mise en scène par Pierre Guillois et dirigée par Christophe Grapperon ! Bonne journée.
Merci à Philippe Cathé, auteur d'une biographie de Claude Terrasse. Site internet ici.
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Trouverez-vous chaussure à votre pied sans être mis en boîte ?
Depuis vendredi, la compagnie des Brigands donne à l'Athénée des airs de halle aux chaussures classe et décalée où les bottes se suivent à la trace pendant que les égoutiers se défilent.
Pour fêter les dix ans de la compagnie des Brigands, La Botte secrète, qui ne dure que cinquante minutes, est suivie d'une deuxième partie en forme de rétrospective où vous réentendrez quelques airs ayant marqué l'histoire des spectacles de la compagnie.
La Botte secrète a commencé vendredi et sera à l'Athénée jusqu'au 8 janvier. Bon début de semaine.
Dans la semi-pénombre du début du montage des lumières, le décor de La Botte secrète, sans les filtres qui donnent des couleurs aux projecteurs et en l'absence des costumes et accessoires, se présentait au début de la semaine sous un jour très graphique presque inquiétant.
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À quelques heures de la première, le montage technique est terminé et les artistes prêts à monter sur le plateau : pour découvrir la scène de La Botte secrète à son état naturel, c'est à partir de ce soir et jusqu'au 8 janvier.
Ce dimanche à 20h30, vous pourrez découvrir au cinéma Le Balzac le film musical Dédé, précédé d'une ouverture musicale proposée par la compagnie des Brigands qui interprète La Botte Secrète (informations ici)
Suite à mon petit lexique de la chaussette de mardi où j'expliquais que le titre du spectacle La Botte secrète annonçait bien une histoire de pied, un lecteur, Gérard, me pose la question suivante :
"Êtes-vous sûre qu'il s'agit d'une chaussure à longue tige? Ne s'agit-il pas plutôt d'un coup de fleuret? (voir Les Trois Mousquetaires)"
En effet, le mot "botte" a la particularité de revêtir quatre étymologies et donc quatre sens différents.
Lorsqu'il vient du néerlandais "bote", le mot désigne un groupe d'objets de même nature réunis et serrés par un lien (une botte de foin, par exemple).
Le sens a d'ailleurs dérivé dans l'argot pour évoquer l'ensemble des étudiants sortis en tête de l'École Polytechnique et pouvant accéder aux carrières les plus prestigieuses.
Venant peut-être d'une déformation médiévale de "sabot", la botte est aussi une chaussure enveloppant le pied et une partie de la jambe.
Empruntée à l'italien "botta" qui veut dire "coup", la botte devient un coup porté avec une épée ou un fleuret, ou encore des propos destinés à embarrasser quelqu'un.
Quand elle issue du latin tardif "buttis" (bouteille), la botte est un tonneau de mesure.
Habituellement, lorsqu'on parle de "botte secrète" comme l'évoquait Gérard, c'est du troisième sens évoqué ici et donc de combat armé dont il est question : il s'agit d'un coup imparable porté à son adversaire, souvent par surprise.
Le sens de La Botte secrète qui commence demain à l'Athénée est bien différent, l'escrime n'étant pas au centre de l'intrigue. Indice : la botte en question a laissé une trace fort remarquée…
Pour découvrir la nouvelle création des Brigands qui viennent à l'Athénée depuis dix ans, rendez-vous à l'Athénée du 16 décembre au 8 janvier ! Il s'agit d'un opéra-bouffe de Claude Terrasse et Franc-Nohain dirigé par Christophe Grapperon et mis en scène par Pierre Guillois.
La Botte secrète a posé ses boîtes : à l'Athénée, les équipes techniques montent le décor et les lumières sur le plateau, pendant que les accessoires, projecteurs et éléments de décor ont envahi les coulisses et coursives.
Si vous ne voyez pas les photos, cliquez sur "charger/afficher" les images dans votre messagerie (en haut de la fenêtre du mail)
Pour venir voir la compagnie des Brigands dans La Botte secrète, c'est à partir de vendredi à l'Athénée et jusqu'au 8 janvier! La direction musicale est de Christophe Grapperon et la mise en scène de Pierre Guillois.
Il y a plusieurs types de chaussettes :
- les socquettes (qui s'arrêtent à la cheville),
- les mini-socquettes (qui ne couvrent que le pied),
- les mi-bas (qui sont plus fins et vont jusqu'au genou),
- les chaussettes pour des sports comme le football (plus épaisses et qui s'arrêtent juste en-dessous du genou),
- ou encore les jambières (qui montent jusqu'à mi-cuisses).
- Les chaussettes à proprement parler, si elles désignent dans le langage courant l'ensemble des sous-vêtements couvrant le pied, s'arrêtent à mi-mollet.
Les chaussettes font normalement partie des vêtements qui ne se voient pas (ou peu), ce qui n'empêche pas certaines personnes de faire parler des leurs : il y a eu les chaussettes rouges d'Édouard Balladur (et de François Fillon) ou la chaussette trouée d'un grand patron français posant dans Paris Match, mais aussi, plus proche de nous, les chaussettes rouges de Bob Wilson interprétant Krapp's Last Tape à l'Athénée la semaine dernière.
Seule touche de couleur dans une scénographie en niveaux de gris, ces chaussettes rouges ont donné lieu à différentes interprétations chez les personnes qui ont écrit sur le spectacle : pour Armelle Héliot du Figaro, elles évoquent le diable ; pour Dashiell Donnello d'Un Fauteuil pour l'orchestre, elles sont une transgression à la perfection, tandis que René Solis de Libération met en avant la dimension clownesque de la silhouette de Bob Wilson.
Il sera peut-être à nouveau question de chaussettes à l'Athénée, car le spectacle qui commence vendredi parle de pied : dans l'opéra-bouffe La Botte secrète, on cherche en effet celui qui a bien pu botter les fesses du prince (et la main qui va avec, car la princesse en a un souvenir ému).
La marque laissée par la botte sur le postérieur est le point de départ d'un jeu de piste chez les chausseurs de Paris : la princesse trouvera t-elle chaussure à son pied ?
Réponse à partir de vendredi avec La Botte secrète, opéra-bouffe de Claude Terrasse et Franc-Nohain monté par la compagnie des Brigands : accueillie depuis ses débuts à l'Athénée, la compagnie des Brigands fête ses dix ans !
PS : Et vous, quelles chaussettes mettez-vous ? Êtes-vous plutôt du genre chaussettes dépareillées, toujours noires, souvent trouées ou assorties à vos vêtements ?
Bonne semaine
Dans La dernière bande de Beckett, le personnage de Krapp s'enregistre à chaque anniversaire pour évoquer les événements de l'année écoulée.
Écrite en 1958, La dernière bande utilise ainsi un procédé qui existe depuis la fin du 19e siècle mais qui s'est généralisé dans les années 1950 en Europe : l'enregistrement magnétique grâce à un appareil qu'on appelle aujourd'hui magnétophone (il s'agit au départ d'une marque déposée par la firme allemande AEG)
L'enregistrement consiste à convertir le signal acoustique (le son) en signal électrique, lui-même mémorisé sur un support.
Ce support peut être un cylindre, un disque ou un ruban enroulé sur une bobine : c'est ce dernier type qu'utilise le magnétophone (et le personnage de Krapp chez Beckett).
Il s'agit d'une bande magnétique, c'est-à-dire que le ruban en plastique est recouvert d'une couche composée de cristaux d'oxyde de fer ou d'oxyde de chrome qui doit avoir une surface lisse et parfaitement constante.
Permettant à la fois d'enregistrer et de lire le son, facile d'utilisation, le magnétophone se diffuse largement dans les foyers à partir des années 1960, en particulier grâce à la cassette inventée par la firme Philips.
Évitant de manipuler la bande soi-même, la cassette (ou K7) permet de généraliser le magnétophone en le déclinant : le répondeur téléphonique, le dictaphone, l'autoradio ou le baladeur se multiplient ainsi dans les années 1970 et 1980.
Concurrençant sérieusement le disque vinyle, la cassette tombe en désuétude avec l'invention du Compact Disc au début des années 1980 et sa généralisation dans la décennie suivante.
Pour voir et entendre un vrai magnétophone à bande, vous pouvez aller à l'Athénée ce soir pour la dernière représentation de La dernière bande (Krapp's Last Tape) de Beckett mis en scène et interprété par Bob Wilson.
De son côté, le blog prend un long week-end et sera de retour mardi matin ! Prochain spectacle à l'Athénée : La Botte secrète par la compagnie des Brigands.
PS 1 : les réponses à l'énigme d'hier ne sont pas vraiment convaincantes. Vous pouvez continuer à tenter votre chance ici !
PS 2 : L'Athénée programmant régulièrement des textes de Beckett, j'ai déjà eu l'occasion de parler de lui sur le blog. Voici une petite sélection d'articles pour ceux qui souhaiteraient s'y replonger :
Une rapide biographie de Beckett
Une interview des acteurs d'En attendant Godot mis en scène par Bernard Levy : Vladimir et Estragon ici, Lucky et Pozzo là.
Et un court article sur le théâtre de l'absurde où on a parfois (trop souvent) inclus Beckett.
Si vous avez vu Krapp's Last Tape de Bob Wilson, vous avez peut-être aperçu ça :
Installée dans une loge de la corbeille, la chose sert activement le spectacle de Bob Wilson: saurez-vous deviner ce que c'est ?
Indice : c'est plus facile quand on a vu le spectacle. Et pour cela, il vous reste ce soir et demain. Si vous pensez avoir une idée, laissez votre réponse en commentaire sur le blog ici !
Bon mercredi.
Suite à mon petit lexique d'hier sur les mots inconnus (de moi) présents dans le texte de Beckett actuellement joué à l'Athénée par Bob Wilson, un lecteur, Emmanuel, me fait remarquer un sens de "turne" que je n'ai pas mentionné : la turne peut en effet également désigner une chambre d'étudiant.
Mais, termine Emmanuel, "n'ayant pas vu la pièce ni lu le texte, est-ce que ce sens est adapté ici, je vous laisse juge".
On le sait dans le texte de Beckett, le personnage de Krapp a soixante-dix ans —précisément l'âge de Bob Wilson qui met en scène et interprète le texte. Le lieu de l'action est donc davantage une "chambre sans confort" ou un "endroit où l'on se rend pour travailler" qu'une chambre de cité universitaire.
Chez Bob Wilson, la turne prend des allures de bibliothèque cauchemardesque d'où émergent des piles de journaux : aperçues ici de l'arrière du décor ou avec le rideau fermé, elles marquent également la géométrie du plateau.
Il reste trois représentations de Krapp's Last Tape de Beckett par Bob Wilson : ce soir, demain et jeudi.
Vendredi soir, à la première de Krapp's Last Tape mis en scène et interprété par Bob Wilson, j'ai découvert dans le texte de Beckett des mots qui m'étaient totalement inconnus —et j'ai pensé que je ne serais peut-être pas la seule.
"La turne de Krapp" (dans la didascalie qui ouvre le texte)
Maison mal tenue, logement sale et misérable.
Endroit où l'on se rend pour travailler, jugé généralement déplaisant.
Chambre, pièce exiguë et sans confort.
"Ombre de l'opus… magnum."
Grand œuvre, grand art
"Le banc près du bief d'où je pouvais voir sa vitre"
Lit de rivière et de fossé
Secteur d'un cours d'eau compris entre deux chutes ou deux rapides successifs
Canal qui conduit l'eau d'une rivière ou d'un ruisseau sur une roue hydraulique pour la faire tourner
Partie d'un canal ou d'une rivière canalisée comprise entre deux écluses.
"Les yeux ! Comme des… (il hésite)… chrysolites !"
Pierre précieuse d'un jaune verdâtre formée de silicate naturel de fer et de magnésium et appartenant à la famille et au genre péridot.
"l'anémomètre qui tourbillonnait comme une hélice"
Instrument utilisé pour mesurer la vitesse du vent
"en cueillant des groseilles à maquereaux"
Baie solitaire, verte ou rougeâtre, plus grosse que la groseille ordinaire, qui entre, à demi-mûre, dans la préparation d'une sauce dont on accommode le maquereau.
Il reste le mot "viduité" dont je vous laisse découvrir directement le sens dans le texte où il est expliqué.
Krapp's Last Tape (La dernière bande) se joue à l'Athénée jusqu'à jeudi. Bon début de semaine !
Mes définitions sont tirées du dictionnaire Trésors de la Langue Française.
Krapp's Last Tape, le texte de Beckett mis en scène et interprété par Bob Wilson, commence ce soir.
Parce qu'il y a des spectacles que l'on risque de gâcher en les dévoilant trop, je ne publierai pas de photos de la scénographie —d'autant que les arrières du décor sont en soi déjà bien assez intriguants…
Si vous ne voyez pas les photos, cliquez sur "charger/afficher" les images dans votre messagerie ou allez sur le blog.
Krapp's Last Tape (La dernière Bande) se joue jusqu'à jeudi prochain.
En mars 1998, Robert Wilson, le metteur en scène et interprète de Krapp's Last Tape qui commence demain à l'Athénée, était à Paris pour une rencontre au Théâtre du Rond-Point sur l'invitation de l'Académie expérimentale des théâtres.
La retranscription de cette rencontre menée par Georges Banu a été publiée sur le site de la revue Mouvement en juin 1998 : vous pouvez la lire en intégralité ici.
Voici quelques extraits qui donnent un bon aperçu de son théâtre.
"Le théâtre que je fais est un théâtre formel, qui a toujours eu une certaine distance entre le matériau et l'acteur, entre le public et la scène […]. Ce n'est pas un travail d'interprétation, c'est un théâtre qui pose des questions."
"Pour nous, metteurs en scènes, acteurs, designers, c'est très important de laisser un espace ouvert au spectateur, afin de pouvoir échanger quelque chose qu'on n'impose pas directement."
"Je hais le naturalisme. Je pense que le naturalisme a tué notre théâtre. […]. Si j'accepte que c'est une chose artificielle, en un sens cela devient plus naturel, ou authentique. Jouer naturel sur scène, c'est toujours comme un mensonge."
"Une fois, j'étais avec Heiner Müller pour un débat à l'Université de Harvard. Il y avait une introduction d'une heure trente, par un homme très brillant qui essayait d'expliquer notre travail. Après cette longue introduction, un des étudiants a demandé à Müller : 'Pouvez-vous m'expliquer la différence entre Monsieur Wilson et vous?' Il a dit : 'C'est très simple. Bob aime la vodka, et moi j'aime le scotch.'"
"Les gens disent que dans mes pièces, les gens bougent très lentement. Si l'acteur bouge lentement, et a conscience qu'il bouge lentement, c'est très ennuyeux. Le temps n'a aucun concept. Si l'acteur bouge lentement, mais n'y pense pas, à ce moment-là le mouvement sera plein de temps."
"Je n'ai pas étudié le théâtre. Si j'avais étudié le théâtre, je crois que je ne ferais pas ce que je suis en train de faire. J'ai une formation de peintre et d'architecte, et j'ai étudié l'administration. J'ai appris le théâtre en faisant du théâtre. Et le théâtre que je fais est quelque chose de très personnel. […] On ne verra pas mon travail dans le futur, il fait partie de notre temps. C'est un peu comme une étoile filante."
Krapp's Last Tape commence demain et se joue jusqu'à jeudi prochain.
Crédits
Robert Wilson était l'invité de l'Académie expérimentale des théâtres au Théâtre du Rond-Point le 30 mars 1998.
Traduction Philippe Chemin.
Transcription Françoise Féraud, Agnès Dahan, Jean-Marc Adolphe.
Reproduction avec l'aimable autorisation de Robert Wilson.
Remerciements à Michelle Kokosowski et à l'Académie expérimentale des théâtres.
Publié le 01-06-1998
Source : Mouvement
«— Est-ce que tu veux m'accompagner vendredi soir à l'Athénée ? C'est la première du spectacle de Robert Wilson…
— C'est qui, Robert Wilson ?»
À trop baigner dans un monde, on en oublie parfois que ce qui nous semble évident ne l'est pas pour tout le monde.
Robert Wilson est un acteur, metteur en scène, plasticien et scénographe nord-américain né en 1941 ; il pratique également la peinture, la sculpture et la vidéo.
D'abord étudiant en architecture au Brooklyn's Pratt Institute de New York, il fonde la compagnie Byrd Hoffman School of Byrds et crée son premier spectacle en 1969, The King of Spain, suivi du Regard du Sourd en 1970.
Spectacle entièrement muet d'une durée de sept heures, Le Regard du Sourd part de l'histoire d'un petit garçon devenu sourd et muet après avoir vu sa nourrice égorger deux enfants ; inspiré par Raymond Andrews, un enfant sourd que Wilson a adopté quelques années plus tôt, le spectacle voit se succéder des tableaux oniriques d'un monde intérieur où les mots et l'histoire sont quasiment absents, renouvelant ainsi le théâtre de manière radicale.
Présenté à Nancy un an plus tard, le spectacle rencontre un incroyable succès qui propulse Robert Wilson parmi les metteurs en scène dits d'avant-garde.
On parle dans ses spectacles suivants, mais pas nécessairement pour communiquer un sens explicite ; les dialogues sont construits en plusieurs langues en suivant une logique plus musicale que littéraire : il n'y a pas vraiment d'histoire et les mots sont inclus dans un dispositif sonore et visuel, oubliant ainsi la primauté du texte habituelle au théâtre.
Présenté au Festival d'Avignon en 1976, l'opéra de Philip Glass Einstein on the Beach lui apporte la consécration : méditation fascinante où images et sons s'imbriquent, le spectacle explose les codes de l'opéra et ouvre la carrière lyrique de Robert Wilson qui mettra en scène par la suite de nombreux opéras comme The Black Rider de Tom Waits, Parsifal de Wagner, La Flûte enchantée de Mozart, Madame Butterfly de Puccini, Le Château de Barbe-Bleue de Bartok, Pelléas et Mélisande de Debussy ou La Femme sans ombre de Strauss.
Millimétré et onirique, luxueux et épuré, apparemment naïf mais très fouillé, mystérieux et évident à la fois, harmonieux et discordant, son théâtre ne ressemble à aucun autre et s'attire des réactions souvent contrastées.
Sa mise en scène de La dernière Bande de Samuel Beckett qu'il interprète en anglais (surtitré) sera donnée à l'Athénée à partir de vendredi sous le titre original, Krapp's Last Tape.
Vous pouvez consulter des photographies de ses précédents spectacles sur son site internet ici
Bon mercredi.
Sources
"Le regard du sourd, Bob Wilson", article de Jean Chollet dans l'encyclopédie Universalis
"Robert Wilson, repères chronologiques", article de Jean Chollet dans l'encyclopédie Universalis
"Robert Wilson", article de Frédéric Maurin dans l'encyclopédie Universalis
Article "biography" sur le site de Robert Wilson
Vendredi commencera à l'Athénée une pièce de Samuel Beckett mise en scène et interprétée par Robert Wilson.
L'Athénée a programmé plusieurs textes de Beckett ces dernières années : Fin de partie, En attendant Godot et Oh les beaux jours en particulier. C'est en cherchant des curiosités afin de ne pas me répéter sur le blog par rapport aux années précédentes que je suis tombée sur un film écrit par Samuel Beckett et interprété par Buster Keaton.
Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici
Il s'agit de Film (tout simplement), un court-métrage d'une vingtaine de minutes écrit par Beckett et réalisé par Alan Schneider en 1965. L'on y voit un homme de dos, joué par Buster Keaton qui, après avoir terrorisé des passants par sa simple présence, se calfeutre chez lui pour se soustraire à la lumière et au regard des autres.
Étrange objet muet où l'on voit apparaître en filigrane les thèmes de la solitude, de la fuite, du regard des autres, la peur de la mort, le face à face avec soi-même ou de la tentation du rien, sans se départir pour autant d'une légère sensation d'absurde où transparaît l'humour noir de Beckett.
Ce que Samuel Beckett écrivit lui-même sur son film exprime sans doute son point de départ essentiel : "La recherche du non-être par suppression de toute perception étrangère achoppe sur l'insupprimable perception de soi"
(publiée dans Comédie et actes divers, Minuit, 1972, p. 113).
Il cite également la citation latine Esse est percipi, qui sera peut-être plus claire : être, c'est être perçu.
À l'Athénée, Krapp's Last Tape se joue à partir de vendredi pour sept représentations.
Bibliographie : "Film de Beckett : l'hypoténuse de l'oeil" in La Pénultième est morte : spectographies de la modernité, Jean-Michel Rabaté, Éditions Champ Vallon, Seyssel, 1993
Page consacrée à l'exposition Beckett donnée en 2007 au Centre Georges Pompidou.
Vendredi commencera à l'Athénée une pièce de Samuel Beckett mise en scène et interprétée par Robert Wilson.
L'Athénée a programmé plusieurs textes de Beckett ces dernières années : Fin de partie, En attendant Godot et Oh les beaux jours en particulier. C'est en cherchant des curiosités afin de ne pas me répéter sur le blog par rapport aux années précédentes que je suis tombée sur un film écrit par Samuel Beckett et interprété par Buster Keaton.
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Il s'agit de Film (tout simplement), un court-métrage d'une vingtaine de minutes écrit par Beckett et réalisé par Alan Schneider en 1965. L'on y voit un homme de dos, joué par Buster Keaton qui, après avoir terrorisé des passants par sa simple présence, se calfeutre chez lui pour se soustraire à la lumière et au regard des autres.
Étrange objet muet où l'on voit apparaître en filigrane les thèmes de la solitude, de la fuite, du regard des autres, la peur de la mort, le face à face avec soi-même ou de la tentation du rien, sans se départir pour autant d'une légère sensation d'absurde où transparaît l'humour noir de Beckett.
Ce que Samuel Beckett écrivit lui-même sur son film exprime sans doute son point de départ essentiel : "La recherche du non-être par suppression de toute perception étrangère achoppe sur l'insupprimable perception de soi"
(publiée dans Comédie et actes divers, Minuit, 1972, p. 113).
Il cite également la citation latine Esse est percipi, qui sera peut-être plus claire : être, c'est être perçu.
À l'Athénée, Krapp's Last Tape se joue à partir de vendredi pour sept représentations.
Bibliographie : "Film de Beckett : l'hypoténuse de l'oeil" in La Pénultième est morte : spectographies de la modernité, Jean-Michel Rabaté, Éditions Champ Vallon, Seyssel, 1993
Page consacrée à l'exposition Beckett donnée en 2007 au Centre Georges Pompidou.
Hier paraissait sur le blog la première partie de mon entretien avec Philippe Sireuil, metteur en scène de Savannah Bay de Duras actuellement à l'Athénée. Voici la suite et fin :
«— On sait que personnage de la dame âgée dans Savannah Bay était une actrice (ou l'est peut-être encore), et vous avez choisi de placer l'action dans le décor un théâtre vide. Savannah Bay, est-ce du théâtre dans le théâtre, ou est-ce autre chose ?
— La pièce est un don de Marguerite Duras à Madeleine Renaud, cette femme "dans la splendeur de l’âge", qui a créé la pièce avec Bulle Ogier sous la direction de l’auteure et dont l’auteure a emprunté le prénom pour définir le personnage de la dame âgée. Il ne me semble cependant pas qu’on puisse dire qu’il s’agisse d’une énième mise en abîme du théâtre.
Pour ce qui est de mon choix, l’espace vide du plateau, ce n’est pas pour sursignifier le lieu de l’écriture. La nudité du théâtre me semblait au contraire l’endroit le plus approprié pour échapper à la figuration, pour "convoquer" les fantômes de Savannah Bay.
Cela me paraissait le meilleur moyen pour immerger doucement le spectateur dans l’écriture et l’histoire, de laisser affleurer ces filigranes —dont j’ai déjà parlé— à son entendement, de donner à écouter les mots, la langue, les silences, à l’aide de quelques accessoires —une servante, un rocking-chair, un vieil enregistreur et une robe rouge. Au travers de ces derniers et du personnage de la dame âgée, le théâtre est là, bien entendu, mais il irrigue sans noyer, du moins je l’espère ; il va et il vient, comme l'écriture de Duras fluctue entre la possibilité d'un réel et la réalité d'autres possibles.
J’ai dit ailleurs à propos de La Musica deuxième, autre texte de Duras que j’ai mis en scène, que trop de concret écrasait son théâtre, mais que trop d’éther risquait de l’assommer. Le choix d’un théâtre vide pour offrir à Savannah Bay l’écrin le plus adéquat cherchait à éviter ces deux écueils.
— Vous me disiez que la représentation de Savannah Bay devait durer très exactement 1h13 ou 1h14. Pourquoi ce respect du temps à la minute près est-il si important pour vous ?
— La pièce de Marguerite Duras est un objet rare, mais c’est un objet fragile fait de multiples petites pièces, comme un puzzle, ou un rébus. Chez Duras, il y a les mots, mais il y a aussi les silences entre les mots qui sont consécutifs de son écriture, comme chez Beckett, Sarraute, Jon Fosse, et d’autres encore. Mettre en scène, c’est donc aussi chercher un temps, le rythme de son déroulement, un équilibre entre ce qui est dit et ce qui est tu qui puisse faire écouter l’un sans étouffer l’autre, et réciproquement.
Au bout des répétitions, cette durée de soixante-quatorze minutes s’est imposée aux deux actrices et à moi-même comme étant la durée "juste" de notre représentation. Elle s’est de plus révélée comme la balise étalon qui allait nous permettre de mesurer si nous étions "au dedans" ou "au dehors" du spectacle que nous avions construit : en effet, quand, pour une raison ou une autre, les actrices dérogeaient à cette durée, je me disais que quelque chose n’allait pas, n’allait plus. Pareil que la musique : suffit pas de jouer la mélodie, faut encore choisir le bon tempo…
Comme je ne fais pas partie de ces metteurs en scène qui viennent se ronger les ongles tous les soirs dans la salle ou en coulisses (Jean-Pierre Vincent dit joliment que mettre en scène c’est savoir faire, mais c’est aussi laisser vivre !), pouvoir me renseigner à distance sur le temps de la représentation me permet de voir si notre travail reste sur ses rails ou s’il me faut revenir pour aider les actrices à conserver ce délicat équilibre auquel nous sommes parvenus. Cela étant, il ne faut pas exagérer : ces soixante-quatorze minutes peuvent maigrir ou grossir d’une ou d’une et demie, je n’en ferai pas une maladie. L’acteur n’est pas un robot aux ordres, bien entendu, il ne s’agit pas ici de mécaniser quoique ce soit, c’est même tout le contraire qui est recherché ici. »
Pour voir Savannah Bay mis en scène par Philippe Sireuil, c'est jusqu'à demain à l'Athénée. Vous pouvez également voir Le Shaga mis en scène par Claire Deluca et Jean-Marie Lehec, donné en même temps dans la salle Christian-Bérard.
Comme je vous le racontais mardi, un problème de son m'empêche de vous livrer l'interview vidéo de Philippe Sireuil que j'avais commencé à fabriquer pour vous
(je lance d'ailleurs un appel aux âmes charitables : si vous avez un micro avec une prise jack 3,5 mm dont vous n'avez pas usage, pensez à moi, c'est bientôt Noël).
Voici donc l'entretien quand même, mais par écrit.
Philippe Sireuil est le metteur en scène de Savannah Bay de Marguerite Duras actuellement présenté à l'Athénée.
«—Avant de la découvrir vraiment, j'avais quelques a prioris négatifs sur l'écriture de Duras, comme beaucoup de gens, je crois. Ce n'est pas la première fois que vous montez ses textes, mais aviez-vous également des idées reçues à leur sujet ?
—Oui, bien sûr. Il y a trois décennies d’ici, je disais même de son théâtre qu’il s’agissait d’un "boulevard pour intellos". J’étais venu à Marguerite Duras par certains de ses romans, et j’avais le sentiment que son écriture s’était anémiée au contact de la scène.
Je ne suis toujours pas un "durassien" même si j’ai fait mienne cette magnifique recommandation aux acteurs qu’elle a écrite : "Dites-vous ceci : la pièce n’agira pas tout de suite mais le lendemain pour la plupart des gens. Faites votre boulot. Laissez la pièce agir à un autre moment. Vous venez proposer quelque chose. Les gens ne peuvent pas dire oui ou non tout de suite. Laissez les tranquilles. Être troublé prend du temps." [Premier état des Recommandations aux comédiens (texte inédit), publié dans les Cahiers de l’Herne]
Avec Marguerite Duras, on est toujours dans une position inconfortable, entre dénuement dramatique et tension émotionnelle. Comme toutes les grandes écritures, la sienne ne se laisse pas apprivoiser facilement par la scène.
Il y a chez elle un appétit du scandale que je trouve beau : dans Savannah Bay par exemple, l’acte de cette jeune femme qui, alors qu'elle vient de mettre au monde le fruit d'une passion exceptionnelle —un crime, comme l’écrit Duras—, se jette dans les flots pour ne pas survivre à cet amour, pour qu’il ne puisse pas prendre fin dans l’accommodement et le flétrissement, et qui, dans le même temps, laisse derrière elle le fruit de cet amour, un bébé de quelques jours, aux mains d'une fragile destinée. Geste forcément sublime, "forcément coupable" qui contient et contredit dans le même temps la figure généreuse de la maternité.
— La question de la transmission, de l'héritage et du récit est très présente dans Savannah Bay. Est-ce que c'est cette problématique de la mémoire qui est au centre de la pièce ?
— Une dame âgée et une jeune fille se croisent dans un espace que j'ai voulu être un théâtre vide, prenant en compte le fait que la dame âgée a été (et est peut-être toujours) actrice. Une énigme les relie. Une tension les sépare : il y a d’un côté celle qui ne se souvient plus, ou plutôt qui refuse de se souvenir, qui dénie au passé le pouvoir d’expliquer (c’est du moins l’hypothèse que j’ai prise dans la manière de construire le spectacle), de l’autre celle qui veut savoir, qui veut comprendre, qui demande à l’histoire, aux histoires de lui donner la clé de son identité. La jeune fille, avec opiniâtreté, va conduire la dame âgée à rejouer, à déjouer l’énigme du geste insensé de Savannah, à se réapproprier la douleur d’une histoire qu’elle avait voulu enfouir. Mémoire, transmission, mais aussi quête d’identité.
Comme toujours chez Duras, rien n'est totalement dit, "rien n’est totalement joué" comme elle le fait dire à la dame âgée, tout est dans les filigranes de l’écrit : il faut sans cesse creuser dans les mots et entre eux pour retrouver comment l'histoire s'est tissée au travers des différents possibles de l’écriture, qui use (et ruse) du glissement constant des temps grammaticaux : présent ou passé, futur ou conditionnel ; du passage tout aussi soudain du vouvoiement au tutoiement.
La jeune fille, in fine, comprendra qu’il n’y a pas d’explication à ce qui s'est passé, qu’il ne peut y avoir que des hypothèses ou des incertitudes, qu’il n’y a jamais une vérité, mais des vérités. Là est la beauté de la pièce qui nous renvoie à cette question sans réponse : comment se fonde l'acte d'amour, et comment, au travers de cet acte d'amour, se fonde l’acte de mourir de cet amour.»
La suite de l'entretien avec Philippe Sireuil paraîtra demain sur le blog! Pour voir Savannah Bay et Le Shaga qui se jouent en ce moment à l'Athénée, c'est jusqu'à samedi.
L'Athénée ne respecte pas toujours les règles de la proportionnalité : si la petite salle Christian-Bérard où se joue actuellement Le Shaga possède des dessous de scène raccords avec le nombre de spectateurs qu'elle peut accueillir (pas beaucoup, voir ici et là), les loges dont disposent les artistes qui y jouent sont mieux que celles dévolues à la grande salle.
L'actrice Karine Martin-Hulewicz dans sa loge
Une partie des loges attenantes à la salle Christian-Bérard
En fait, la salle Christian-Bérard étant trop petite pour y aménager des loges, celles-ci ont été installées dans un appartement indépendant situé au dernier étage de l'immeuble attenant à l'Athénée, et qui communique directement avec les coulisses de la salle : les spectateurs fidèles reconnaîtront ainsi en bas de cette photo les magasins Maple, situés en face du Théâtre.
L'entrée des loges à droite (la salle Christian-Bérard est sur la gauche)
Il vous reste encore quelques jours pour voir la salle Christian-Bérard côté scène : Le Shaga de Duras s'y joue jusqu'à samedi.
Bon mercredi !
L'Athénée ne respecte pas toujours les règles de la proportionnalité : si la petite salle Christian-Bérard où se joue actuellement Le Shaga possède des dessous de scène raccords avec le nombre de spectateurs qu'elle peut accueillir (pas beaucoup, voir ici et là), les loges dont disposent les artistes qui y jouent sont mieux que celles dévolues à la grande salle.
L'actrice Karine Martin-Hulewicz dans sa loge
Une partie des loges attenantes à la salle Christian-Bérard
En fait, la salle Christian-Bérard étant trop petite pour y aménager des loges, celles-ci ont été installées dans un appartement indépendant situé au dernier étage de l'immeuble attenant à l'Athénée, et qui communique directement avec les coulisses de la salle : les spectateurs fidèles reconnaîtront ainsi en bas de cette photo les magasins Maple, situés en face du Théâtre.
L'entrée des loges à droite (la salle Christian-Bérard est sur la gauche)
Il vous reste encore quelques jours pour voir la salle Christian-Bérard côté scène : Le Shaga de Duras s'y joue jusqu'à samedi.
Bon mercredi !
La semaine dernière, je reproduisais sur le blog le début du texte Savannah Bay de Marguerite Duras, actuellement joué à l'Athénée dans la mise en scène de Philippe Sireuil.
Pour vous montrer la grande variété de son style et parce que jusqu'à très récemment, je faisais partie des béotiens pour qui Duras n'était pas exactement une écrivaine cocasse, voici un extrait du Shaga :
"A : J'avais déjà bien des avantages… une maison, un mari, des enfants, une personnalité, une automobile, une situation, un âge, un nom, deux automobiles, une réputation, un chien, une instruction, un pays, une patrie, un chef, un ciel, une vie, yeux marron, cheveux idem, un vison, une religion, trente ans…
trente et un an un vison… trente-deux ans, trente-trois ans, trente-quatre ans deux visons, trente-cinq ans quatre amants, deux astrakans, trente-six ans, trente-sept ans… trente-sept ans…
à trente-sept ans, je me suis dit : un lion. C'est ce qu'il me faut... Un lion vivant. Normal. Vous pouvez me regarder… Un lion. Je l'ai eu. Il ne disait rien. Il rugissait. Cinq cent quarante-sept kilos. Six kilos de viande par jour. Il faut des moyens, d'accord. Je les avais. (temps)
Eh bien, non... Il est devenu une loque. On nous a séparés. (temps)
Et depuis, toutes choses égales d'ailleurs, même si rien n'a remplacé ce lion, je dis non. C'était qu'un lion. Et sans arrêt, sans arrêt, sans arrêt.
H : C'est différent, un oiseau…"
Je précise qu'il existe plusieurs versions du Shaga, et que j'ai tiré cet extrait de l'édition parue chez Gallimard.
La version jouée à l'Athénée a été établie par Claire Deluca, mais ce passage précis n'est pas très différent d'un texte à l'autre.
Pour découvrir une Marguerite Duras teintée d'absurde, c'est jusqu'à samedi dans la petite salle de l'Athénée dans la version de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec ! Dans la grande salle se joue en même temps Savannah Bay.
Il y a quelques années, en cours de cinéma, un professeur nous montrait à moi et mes camarades le court-métrage Césarée réalisé par Marguerite Duras.
C'est en cherchant ce court-métrage pour vous le montrer que je suis tombée sur une interview de Duras qui m'a semblé plus intéressante : comme son évocation de l'an 2000 frappait par sa clairvoyance (c'est ici sur le blog), ses propos sur l'insolence, le pouvoir ou l'industrie culturelle résonnent toujours pleinement aujourd'hui et témoignent d'un réel engagement.
Pour ceux qui n'auraient pas le temps d'écouter 15 minutes d'entretien, voici quelques morceaux choisis :
"— Est-ce qu'il vous arrive de cultiver l'insolence pour votre plaisir ?
— Pour ma santé peut-être. [...]
Dans l'insolence, je trouve tout de même qu'il y a quelque chose de douteux : c'est quand même un dialogue avec l'ennemi. [...]
Tout le monde se dit marxiste aujourd'hui de nos jours. Même la droite. [...]
Il y a des producteurs [de cinéma] fauchés, ça existe. Mais il y a les producteurs qui produisent les grosses productions du samedi soir, ce que j'appelle le cinéma des travailleurs, celui qui ne se choisit pas, ces salles dans lesquelles les gens s'engouffrent comme on va à l'usine… Ces gens se disent qu'il y a du fric là et qu'ils vont le prendre, qu'ils vont le piquer… C'est déjà un comportement de droite. Vous, ça ne vous intéresserait pas de faire une chose abominable, très très ennuyeuse, uniquement pour gagner de l'argent… [...]
Je ne connais pas les cinéastes en place : toute cette clique commerciale, je ne la connais pas, pensez-vous, j'aurais honte de sortir avec. [...] [Il faudrait instaurer] un mot d'ordre très bref : insultez-les. [...]
Les films sur la guerre m'ont toujours parus suspects : quand vous avez envie de faire un film sur la guerre, c'est ce que vous traînez derrière vous une sorte de nostalgie —peut-être pas de la guerre à proprement parler, mais en tout cas de la violence. [...]
Ces films ont beaucoup de succès, toujours : il y a beaucoup de parachutistes qui s'ignorent. [...]
Elle est tout, notre époque. C'est un chaos. Mais la place de l'insolence y est peut-être moins grande que celle de la colère ou du refus. [...]
Bien sûr qu'il faut se battre contre la tour, contre tout ce qu'elle suppose. Mais on peut se battre avec humour : on peut dire qu'elle penche par exemple. Ce que tout le monde sait. La tour penche. Maintenant qu'elle est faite, on peut bien l'avouer. [...]
Je n'insulte personne dans la rue. Je fais comme beaucoup d'autres femmes par exemple, je déclare que je me suis fait avorter. Dans ce cas-là, on m'insulte dans la rue. Les gens m'insultent parce que j'ose le dire."
Vous pouvez écouter l'entretien ici ou cliquer ci-dessous, sur l'image :
Je ne connais pas l'origine exacte de l'interview, la description sous la vidéo étant rédigée en vietnamien (véridique) et rien ne m'ayant permis d'en trouver une autre occurrence. D'après un autre site internet, il s'agirait d'un entretien avec André Halimi réalisé en décembre 1973, mais rien d'autre ne me permet de le confirmer : peut-être serez-vous vous meilleur détective que moi ?
Ce soir, je pars interviewer Philippe Sireuil, le metteur en scène de Savannah Bay : l'entretien paraîtra la semaine prochaine sur le blog ! Savannah Bay et Le Shaga de Duras se jouent jusqu'à samedi prochain. Bon week-end.
On connaissait les dessous de scène de la grande salle de l'Athénée : spacieux, ils accueillent en effet les ateliers techniques et parfois les loges des musiciens dans le cas de spectacles musicaux.
Pour ceux qui l'avaient ratée, voici une petite vidéo que j'avais faite il y a deux ans pour vous faire découvrir l'endroit :
Cliquez ici pour voir la vidéo sur YouTube
En ce moment, une deuxième salle est utilisée à l'Athénée : la salle Christian-Bérard ou "petite salle" qui, après une belle carrière de réserve à costumes, accueille aujourd'hui Le Shaga.
Qui dit petite salle dit petits dessous : ceux-ci n'ont même pas de vraie porte (en tout cas pas pour les gens de plus de quatre ans)
À défaut de vastes dessous, la salle Christian-Bérard dispose de vraies loges à découvrir dans un prochain article.
J'en profite pour faire un erratum accompagné de regrets éternels : c'est Denis Léger, actuel directeur technique de l'Athénée, qui fut engagé par Pierre Bergé en 1977 pour conduire les travaux de rénovation et l'ouverture de la salle Christian-Bérard avant d'en devenir régisseur général
(et non, comme je l'annonçais ici, Dominique Lemaire, son adjoint, qui a été embauché quelques années plus tard).
Mais je pense que les concernés ne m'en voudront pas : comme on l'a déjà vu ici par exemple, Dominique et Denis forment un parfait binôme.
Le Shaga se joue dans la mise en scène de Claire Deluca jusqu'au 26 novembre, en même temps que Savannah Bay mis en scène par Philippe Sireuil dans la grande salle.
Deux textes très différents de Marguerite Duras sont présentés en ce moment à l'Athénée : d'un côté le drôle et fantasque Shaga, de l'autre le drame à mi-chemin entre récit, théâtre et poésie de Savannah Bay.
Parce que l'écriture de Duras est finalement assez mal connue, voici le début de Savannah Bay :
"D'abord on entendu très fort la chanson Les Mots d'amour chantée par Édith Piaf.
Au bout du quatrième couplet, LA DAME ÂGÉE apparaît dans la pénombre. Elle vient du décor.
Peu après elle, LA JEUNE FILLE entre à son tour. Elle rejoint LA DAME ÂGÉE. Dans la pénombre elles sont arrêtées et écoutent le chant. Le chant diminue. Elles parlent.
LA DAME ÂGÉE Qu'est-ce que c'est ?
LA JEUNE FILLE Un disque pour vous.
LA JEUNE FILLE et LA DAME ÂGÉE écoutent la chanteuse.
LA JEUNE FILLE Vous reconnaissez cette chanson ?
LA DAME ÂGÉE (hésitation) C'est-à-dire… un peu… oui.
Le disque continue. LA DAME ÂGÉE suit le chant avec toujours la même intensité.
LA DAME ÂGÉE Qui chante ?
LA JEUNE FILLE Une chanteuse qui est morte.
LA DAME ÂGÉE Ah.
LA JEUNE FILLE Il y a une quarantaine d'années
LA DAME ÂGÉE (écoute) On dirait qu'elle est là.
LA JEUNE FILLE (temps) Elle est là (temps). À la Magra vous avez dû chanter ça… Pendant plusieurs étés.
LA DAME ÂGÉE Ah, peut-être… peut-être.
LA JEUNE FILLE (affirme) Oui.
LA DAME ÂGÉE (écoute) Elle a beaucoup de talent.
LA JEUNE FILLE Oui (temps). Le disque était dans la maison depuis toujours. Et puis il a été cassé.
LA DAME ÂGÉE (à peine dit) Ah oui… (silence. Le disque a baissé d'intensité. Elle montre la direction de la musique). Celle-là qui chante, je l'ai connue ?
LA JEUNE FILLE Le nom ne vous dirait rien.
LA DAME ÂGÉE Non.
LA JEUNE FILLE (temps) Vous reconnaissez la voix ?
LA DAME ÂGÉE Pas la voix… quelque chose dans la voix, la force peut-être… C'est une voix qui a beaucoup de force…
LA JEUNE FILLE C'est votre force. C'est votre voix.
LA DAME ÂGÉE (n'écoute pas) Elle s'est tuée, cette femme-là.
LA JEUNE FILLE (hésitation) Oui. (temps) Vous le saviez.
LA DAME ÂGÉE (temps) Non. Je l'ai dit au hasard. (temps) C'est peut-être ce qu'elle chante qui porte à le croire. (Silence. Le disque se termine) Pendant des mois il m'est arrivé à moi aussi de mourir chaque soir au théâtre. Des mois durant, chaque soir.
(Silence)
LA JEUNE FILLE Je vais chanter cette chanson et vous, vous répéterez les parloes. (LA DAME ÂGÉE fait une légère moue) Vous ne voulez pas ?
LA DAME ÂGÉE Si… Si… Je veux bien. (Silence. Elle regarde LA JEUNE FILLE. Brusquement, elle s'étonne) Qui êtes-vous ? (Silence) Vous êtes une petite fille …? (Silence, LA DAME ÂGÉE se lève. Peur) Je ne me souviens jamais exactement…
LA JEUNE FILLE se place devant LA DAME ÂGÉE
LA JEUNE FILLE Je viens tous les jours vous voir. Regardez-moi."
Pour entendre le texte dans la bouche de Jacqueline Bir et Edwige Baily, c'est à l'Athénée jusqu'à la semaine prochaine !
Aujourd'hui à 12h30, une rencontre est organisée par l'Athénée et la Bibliothèque Nationale de France sur l'écriture de Duras, au site Richelieu de la BNF
(toutes les informations : Conférence sur le théâtre de Marguerite Duras avec Philippe Sireuil, metteur en scène de Savannah Bay et Claire Deluca, metteure en scène et comédienne dans Le Shaga, modérée par Joëlle Pagès-Pindon, professeure de Chaire supérieure, spécialiste de Marguerite Duras, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France. BnF 58 rue de Richelieu 75002 Paris
mercredi 16 novembre de 12h30 à 14h, entrée libre)
Contrairement à la grande salle de l'Athénée qui dispose d'assez de recoins pour que je puisse m'y planquer, la salle Christian-Bérard où se joue Le Shaga ne me permet pas de prendre discrètement des photos pendant une répétition générale ou une représentation (la salle était en photo hier sur le blog).
C'est pour que je puisse tout de même avoir des images du Shaga que Claire Deluca, Jean-Marie Lehec et Karine Martin-Hulewicz ont pris une quinzaine de minutes pour me jouer quelques extraits de la pièce avant une représentation.
Et, parce que par définition en photo on n'a que l'image et pas le son, ils ont interprété le texte de manière assez fantaisiste (oui, plus fantaisiste que le texte lui-même, c'est possible) en reproduisant surtout les expressions du visage et déplacements.
Ils avaient raison, la différence ne se voit pas sur les photos. Mais les voir en se souvenant qu'ils ne disaient pas toujours du Marguerite Duras (voire tout sauf du Marguerite Duras) leur donne un petit côté décalé tout à fait raccord avec l'esprit du Shaga.
Karine Martin-Hulewicz
Jean-Marie Lehec, Karine Martin-Hulewicz et Claire Deluca
Jean-Marie Lehec et Claire Deluca
Claire Deluca
Le Shaga se joue jusqu'au 26 novembre, tout comme Savannah Bay mis en scène par Philippe Sireuil. Ce soir après la représentation, vous pourrez rencontrer Philippe Sireuil pour une discussion au foyer-bar.
Bonne journée !
Deux pièces sont actuellement données en même temps à l'Athénée, car il y a deux salles : la grande, celle que vous avez souvent vue en photo sur le blog, et la petite, que beaucoup ne connaissent pas puisque l'Athénée n'y avait pas donné de spectacle depuis 2008.
Décorée de fresques en trompe l'oeil du plus pur style euh…. (en fait je ne me prononcerai pas sur le style), la petite salle était d'abord un grenier qui servait à entreposer les costumes et accueillait les répétitions du cours de théâtre Jean Périmony.
C'est Pierre Bergé, directeur de l'Athénée de 1977 à 1981, qui a décidé que ce petit espace sous les combles deviendrait une salle de spectacle principalement destinée au théâtre d'essai : pour en assurer la régie générale, il recruta Dominique Lemaire, aujourd'hui directeur technique adjoint de l'Athénée, pour ce qui devait être son premier poste d'une longue carrière dans ce Théâtre.
Nommée Christian-Bérard en hommage au décorateur de Louis Jouvet (qui dirigea l'Athénée jusqu'en 1951), la petite salle fut vidée de ses costumes qui furent restaurés par les ateliers Yves Saint Laurent : issus pour la plupart des spectacles mis en scène par Louis Jouvet, ils se trouvent toujours aujourd'hui à la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent.
Un fidèle lecteur du blog m'a fait remarquer une bizarrerie concernant cette salle, mais cela sera l'occasion d'un prochain billet.
En attendant, vous pouvez la découvrir en vrai avec Le Shaga de Marguerite Duras mis en scène par Claire Deluca et Jean-Marie Lehec.
Bon début de semaine !
À l'Athénée, Savannah Bay de Duras mis en scène par Philippe Sireuil mise sur l'épure.
Entièrement nu, le plateau de la grande salle ne compte également qu'un minimum d'accessoires : un fauteuil, un chapeau, un magnétophone et une lampe qu'on appelle servante (pour savoir pourquoi, lisez ici un article paru il y a trois ans sur le blog à ce sujet)
Interprété par Jacqueline Bir et Edwige Baily, Savannah Bay est l'histoire d'une jeune femme interrogeant une dame âgée, peut-être sa grand-mère, sur le destin tragique d'une troisième femme et de son histoire d'amour. La pièce se joue jusqu'à fin novembre.
Lundi, je vous posais une question concernant Le Shaga et Savannah Bay, deux pièces de Duras actuellement jouées à l'Athénée : "Une personne travaillant sur l'un des deux spectacles a étroitement collaboré avec Marguerite Duras de son vivant: de qui s'agit-il ?"
La plupart des répondants ont trouvé : il s'agit de Claire Deluca, metteure en scène et comédienne du Shaga.
Claire Deluca fut une fidèle collaboratrice de Duras : jouant dans la plupart de ses pièces, d'ailleurs mises en scène par Duras elle-même (Le Shaga, La Musica, Eaux et Forêts, Yes peut-être), elle adapta également Hiroshima mon amour au théâtre et participe régulièrement à des colloques et articles consacrés à Marguerite Duras.
Claire Deluca m'a justement communiqué une lettre que lui a envoyée Marguerite Duras en 1974 et dont voici la photocopie :
(si vous ne voyez pas l'image, cliquez sur "charger/afficher les photos" en haut de la sous-fenêtre de ce message dans votre messagerie)
Je vous retranscris le contenu :
"Marguerite Duras, le 21 juillet 74
Chère Claire,
Impossible de trouver un instant pour vous téléphoner. Je viens de finir le tournage d'India Song.
Ce mot pour vous dire que Le Shaga tient toujours mais qu'il est remis à plus tard. J'ai cru pouvoir faire deux films à la file mais c'est impossible.
Je vous téléphonerai bientôt pour vous demander vos dates de liberté —en fin août —ou septembre —ou octobre.
Excusez-moi pour ce contre-temps.
Très tendrement,
Votre amie Marguerite."
Après avoir créé Le Shaga en 1968 dans la mise en scène de Marguerite Duras, Claire Deluca propose sa version de la pièce dans la salle Christian-Bérard de l'Athénée : c'est en ce moment jusqu'au 26 novembre.
Au même moment, dans la grande salle, vous pouvez découvrir Savannah Bay de Duras mis en scène par Philippe Sireuil.
En faisant quelque recherches sur Marguerite Duras sur le blog, je suis tombée sur une vidéo surprenante : en septembre 1985, Michel Drucker interrogeait Marguerite Duras sur l'an 2000.
Retranscription de la conversation :
Michel Drucker : "Les hommes ont toujours eu besoin de réponses, même si un jour elles s'avèrent fausses ou seulement provisoires. Alors en l'an 2000, où seront les réponses ?
Marguerite Duras : Il n'y aura plus que ça. La demande sera telle qu'il n'y aura plus que des réponses. […] Je crois que l'homme sera littéralement noyé dans l'information, dans une information constante […]. Ce n'est pas loin du cauchemar. Il n'y aura plus personne pour lire. Ils verront de la télévision, on en dépose partout […].
On ne voyagera plus, ça ne sera plus la peine de voyager : quand on peut faire le tour du monde en huit ou quinze jours, pourquoi le faire? Dans le voyage, il y a le temps du voyage : ce n'est pas voir vite, c'est voir et vivre en même temps. Vivre du voyage, ça ne sera plus possible.
Tout sera bouché ; tout sera investi. Il restera la mer quand même, les océans. Et puis la lecture. Les gens vont redécouvrir ça. Un homme un jour lira, et puis tout recommencera. On repassera par la gratuité, c'est-à-dire que les réponses à ce moment-là seront moins écoutées.
Ça commencera comme ça, par une indiscipline : un risque pris par l'Homme envers lui-même. Un jour il sera seul de nouveau avec son malheur et son bonheur, qui lui viendront de lui-même. Peut-être que ceux qui se tireront de ce pas seront les héros de l'avenir. C'est très possible. Espérons qu'il y en aura encore…
Je me souviens d'avoir lu le livre d'un auteur allemand de l'entre-deux-guerres, je me souviens du titre, Le dernier civil d'Ernst Glaeser. Ça, j'avais lu ça, que lorsque la liberté aura déserté le monde, il restera toujours un homme pour en rêver. Je crois que c'est déjà commencé."
La vidéo est visible sur le site de l'INA ici.
À l'Athénée, deux textes de Marguerite Duras sont actuellement donnés : Savannah Bay dans la mise en scène de Philippe Sireuil et Le Shaga dans celle de Jean-Marie Lehec et Claire Deluca. Bonne journée !
Marguerite Duras est née Marguerite Donnadieu en 1914 au Viêt-Nam. Elle empruntera son pseudonyme de "Duras" à la commune d'où la famille de son père est originaire, dans le Lot-et-Garonne.
De retour en France dans les années 1930, elle y passe son baccalauréat et y publie en 1943 La Vie Tranquille, après que son premier roman La Famille Taneran a été refusé par Gallimard.
Elle intègre la Résistance pendant la seconde guerre mondiale et s'inscrit ensuite au Parti Communiste avant de le quitter dans les années 1950, en même temps qu'Edgar Morin ou Robert Antelme. Elle signe le Manifeste des 121 contre la Guerre d'Algérie et prend part au comité étudiants-écrivains en 1968.
Après les années 1950 où se succèdent de nombreuses publications (Un barrage contre le Pacifique, Le Square, Moderato Cantabile) et l'écriture du scénario du film Hiroshima mon amour réalisé par Alain Resnais, elle se consacre surtout au cinéma avec les films India Song et L'Homme atlantique.
En 1965, sa pièce de théâtre Des journées entières dans les arbres est l'occasion d'une première collaboration avec Madeleine Renaud.
Les années 1980 sont celles d'un tournant dans son écriture : publiant des chroniques dans Libération (L'Été 80) ou des textes d'abord dits devant un magnétophone ou une caméra (La Vie matérielle, Ecrire), elle écrit aussi des choses plus personnelles où sa vie est exposée directement et de manière plus assumée : La Maladie de la mort et L'Amant en sont les exemples les plus frappants.
Décédée en 1996, elle laisse un corpus considérable composé de pièces de théâtre,de romans, de films et de scénarii : outre les œuvres évoquées ci-dessus, citons Détruire dit-elle, La Douleur, La Pluie d'été, Agatha, Yes peut-être, Le Shaga, La Musica ou Les Enfants.
En ce moment, l'Athénée présente deux pièces de théâtre de Duras : Savannah Bay et Le Shaga.
Une personne travaillant sur l'un des deux spectacles a étroitement collaboré avec Marguerite Duras de son vivant : de qui s'agit-il ?
Si vous avez la réponse, vous pouvez gagner deux invitations pour le spectacle de votre choix le 11 ou le 12 novembre. Pour jouer, envoyez-moi à l'adresse clemence@athenee-theatre.com les éléments suivants :
- votre réponse
- votre nom et prénom
- le spectacle que vous souhaitez aller voir (Le Shaga ou Savannah Bay)
- la date que vous préférez (11 ou 12 novembre)
Les dix premiers gagneront deux invitations pour Le Shaga ou Savannah Bay pour le 11 ou le 12 novembre !
Bonne semaine à tous.
J'étais hier soir à la répétition générale de Savannah Bay de Marguerite Duras, qui se joue à partir d'aujourd'hui à l'Athénée.
Seule au balcon, j'ai eu tout le loisir de sortir mon matériel pour filmer quelques extraits de la pièce.
Voici mon préféré, un passage de deux minutes où le personnage interprété par Jacqueline Bir exprime combien le vécu d'une actrice influence son travail.
Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici pour la regarder sur YouTube.
Savannah Bay de Marguerite Duras mis en scène par Philippe Sireuil avec Jacqueline Bir et Edwige Baily se joue du 4 au 26 novembre à l'Athénée.
Au même moment, dans la petite salle, on joue Le Shaga de Marguerite Duras mis en scène par Claire Deluca et Jean-Marie Lehec.
Bon week-end !
Depuis quelques jours, les équipes de Savannah Bay et du Shaga ont discrètement investi tous les recoins de l'Athénée pour quelques semaines en honneur à Duras.
La grande salle, celle que vous connaissez, accueillera Savannah Bay, tandis que la petite salle, où vous êtes sans doute moins allés (voire pas allés du tout) car elle est moins souvent utilisée, proposera Le Shaga.
Lorsque je suis passée à l'Athénée hier, les deux équipes travaillaient chacune de leur côté en se croisant dans le foyer des comédiens ou au foyer bar.
Dans la grande salle, Savannah Bay attendait son filage, qui est la dernière répétition avant la répétition générale.
Dans la petite salle, Benoît et Carlos réglaient encore quelques détails techniques pour le Shaga.
Savannah Bay de Marguerite Duras mis en scène par Philippe Sireuil et Le Shaga de Marguerite Duras mis en scène par Claire Deluca et Jean-Marie Lehec commencent demain à l'Athénée.
À partir de vendredi, deux textes de Marguerite Duras seront représentés à l'Athénée : Savannah Bay et Le Shaga.
Savannah Bay a été créé en 1983 dans la mise en scène de Marguerite Duras elle-même, avec Bulle Ogier et Madeleine Renaud. J'ai trouvé sur le site de l'INA un reportage présentant des extraits du spectacle et une interview de Bulle Ogier.
Vous pouvez visionner la vidéo en cliquant ici.
Savannah Bay se joue à partir de vendredi à l'Athénée dans la grande salle dans la mise en scène de Philippe Sireuil.
Le Shaga sera représenté aux même dates dans la petite salle (salle Christian Bérard), dans la mise en scène de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec.
Bonne journée et à demain.
À partir de vendredi, deux textes de Marguerite Duras seront représentés à l'Athénée : Savannah Bay et Le Shaga.
Savannah Bay a été créé en 1983 dans la mise en scène de Marguerite Duras elle-même, avec Bulle Ogier et Madeleine Renaud. J'ai trouvé sur le site de l'INA un reportage présentant des extraits du spectacle et une interview de Bulle Ogier.
Vous pouvez visionner la vidéo en cliquant ici.
Savannah Bay se joue à partir de vendredi à l'Athénée dans la grande salle dans la mise en scène de Philippe Sireuil.
Le Shaga sera représenté aux même dates dans la petite salle (salle Christian Bérard), dans la mise en scène de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec.
Bonne journée et à demain.
Ceux qui ont déjà vu L'Egisto (ou qui, à défaut, ont regardé les photos du spectacle sur le site de l'Athénée) savent que la scénographie conçue par Adeline Caron est composée de sorte de mâts rectangulaires dont la place évolue au fil du spectacle.
Ces planches ont évidemment des positions très précises, calées sur les déplacements des chanteurs et l'implantation des lumières.
Mais comment l'équipe parvient-elle à correctement les placer sur chaque nouvelle scène et lors des changements de décor pendant la représentation ?
Il y a quelques mois, l'équipe technique de L'Egisto a envoyé à l'Athénée un plan d'implantation qui récapitule les différentes configurations du décor sous forme de schémas. Ce qui ressemble à ça :
Au moment du montage, l'équipe se réfère à ces plans et appose sur le sol des scotchs de couleurs numérotés pour marquer les places de chaque planche.
Et comme les planches bougent au fil du spectacle, les scotchs sont de couleurs différentes : bleue pour la première configuration, rouge pour la deuxième, verte pour la troisième, etc.
Ce qui, sur le sol de la scène de l'Athénée, ressemble à ça :
Pour voir les planches de face, rendez-vous à l'Athénée jusqu'à dimanche !
Ce soir avant la représentation, vous pourrez rencontrer Barbara Nestola, musicologue, qui sera ravie de vous donner quelques clés sur L'Egisto.
Le blog prend une semaine de vacances : rendez-vous le 31 octobre !
Mes difficultés à trouver des informations sur l'opéra L'Egisto qui se joue en ce moment à l'Athénée ont réveillé les talents de chercheurs de certains d'entre vous, à commencer par Jérôme et Mister K qui se sont employés à trouver des traces de la partition.
À vrai dire, Jérôme et Mister K m'ont autant embrouillée qu'ils m'ont aidée, car leurs recherches ont soulevé quelques problèmes à résoudre.
Mister K a d'abord commencé à me faire remarquer dans un commentaire que, contrairement à ce que j'avais affirmé sur le blog, L'Egisto de Marazzoli et Mazzocchi ne serait pas le premier opéra à avoir été joué en France. Je vous recopie son intervention :
"Je me rappelle avoir eu entre les mains, chez un grand libraire de la rive gauche en mars 2007 un magnifique ouvrage ayant appartenu à Henri Jules de Bourbon, prince de Condé (1643 1709), donc le fils du grand condé.
Cet ouvrage, je l'ai revu quelques mois plus tard à New York à la Morgan Library. Il suffit d'aller sur le site The Morgan Library et de taper Finta Pazza (cf catalogue Fêtes & entrées, catalogue 17, mars 2007, Benoît Forgeot)
En effet, La Finta Pazza, opéra de Giulio Strozzi fut représentée à Paris en 1645 devant la reine Anne d'Autriche, Louis XIV enfant et toute la cour. Mazarin avait fait venir de Venise des acteurs pour plaire à la reine. Ils représentèrent La Finta Pazza ou La folie feinte dont le sujet est Achille à Scyros. Giacomo Torelli dirigea le jeu des machines. Succès considérable au théâtre du Petit Bourbon..
En tapant Julio Strozzi sur Internet, l'on trouve des informations sur cet opéra qui permit à Mazarin de conforter son pouvoir. La musique est de Francesco Sacrati, première représentation à Venise le 14 février 1641"
Ainsi, La Finta Pazza de Giulio Strozzi aurait été représenté en France en 1645, soit un an avant L'Egisto —ce que me confirmèrent d'autres recherches.
Un coup de fil à Barbara Nestola, musicologue, permit de lever le mystère : La Finta Pazza est un opéra, créé comme tel à Venise en 1641. Mais à sa reprise en décembre 1645 à Paris, il ne fut pas entièrement chanté : la plupart des dialogues étaient parlés comme pour une pièce de théâtre, et l'on y avait intercalé des airs et danses.
En bref, si La Finta Pazza est bien une partition lyrique, elle n'a pas été jouée comme un opéra lors de sa reprise à Paris.
L'Egisto de Marazzoli et Mazzochi fut donc bien, techniquement, le premier opéra joué en France, en 1646.
Jérôme lui, soulève un autre problème : j'avais compris en discutant avec Jérôme Correas, le chef d'orchestre de L'Egisto, que la partition avait été perdue avant d'être retrouvée par Barbara Nestola l'année dernière.
Or, voici son commentaire :
"Pour ce qui est de l'Egisto qui nous intéresse, son livret et sa partition sont conservés dans le ms Barb. lat. 4386 de la Vaticane et ont été publiés en fac-similé en 1982 (New York, Garland Publications). Fac-similé hélas presque aussi rare que le manuscrit, puisque je n'en ai pas trouvé d'exemplaire dans les bibliothèques françaises, ni sur Abebooks."
Jérôme enfonça ensuite le clou en me scannant les pages du New Grove Dictionary of Opera de Margaret Murata où figure un article sur L'Egisto (je vous en joins deux extraits Chi Soffre speri est l'autre titre de L'Egisto).
Ainsi, la partition était conservée à Rome et les musicologues en avait bien connaissance.
Cette fois, c'est un coup de fil à Jérôme Correas qui leva l'ambiguïté : si elle n'a jamais été vraiment perdue, la partition n'a pas été réellement éditée, hormis en fac-similé, c'est-à-dire sans travail d'édition destiné à reconstituer l'opéra en tant que tel.
(Jérôme Correas explique d'ailleurs dans sa réponse à ma deuxième question ici le travail musical qui a dû être effectué pour habiller une partition où ne figuraient qu'une ligne de chant et une ligne de basse)
A priori, l'opéra n'a d'ailleurs pas été joué en France depuis plusieurs siècles, et il était connu sous le nom de Chi soffre speri et non L'Egisto.
Troisièmement, la partition était également conservée à la Bibliothèque Nationale de France, mais sans mention de noms de compositeurs : la musicologue Barbara Nestola l'a découverte classée dans les compositeurs anonymes et a ensuite déterminé qu'il s'agissait de L'Egisto de Mazzocchi et Marazzoli.
Enfin, cet Egisto a longtemps été confondu avec celui de Cavalli suite à une erreur du musicologue Henry Prunières : on a cru que L'Egisto de Cavalli avait été le premier opéra joué en France alors qu'il s'agissait en fait de celui de Mazzocchi et Marazzoli.
L'enquête musicologique étant résolue, il ne vous reste plus qu'à aller à l'Athénée d'ici dimanche pour entendre enfin cet Egisto.
Si vous avez encore des interrogations et questions sur l'œuvre, vous pourrez rencontrer Barbara Nestola demain entre 19h et 19h30 à l'Athénée.
La parution de ce billet étant bien tardive (c'est long, de jouer à l'inspecteur Clémence), je ne vous souhaite plus qu'une bonne fin de journée.
Merci à Barbara Nestola et Jérôme Correas, et évidemment à Jérôme et Mister K.
Je vous parlais lundi de mes difficultés à trouver des informations sur l'opéra L'Egisto qui se joue à partir de ce soir à l'Athénée : et pour cause, il a longtemps été confondu avec un autre Egisto.
Si certains d'entre vous m'ont déjà bien aidée en me transmettant quelques informations et documents (merci à Jérôme et Mister K), un entretien avec le chef d'orchestre Jérôme Correas, qui dirige L'Egisto à l'Athénée, m'a permis de lever quelques mystères:
— La partition de L'Egisto de Marazzoli et Mazzochi a été exhumée très récemment : pouvez-vous expliquer comment elle a été redécouverte ?
— J'avais déjà entendu parler de cette œuvre sous le nom de Qui souffre espère (Chi soffre speri) : elle était en effet considérée par les musicologues comme une étape importante dans l'histoire de l'opéra parce qu'au carrefour des genres de l'opéra-bouffe et de l'opéra seria avant qu'ils ne se séparent.
Barbara Nestola, musicologue, est tombée sur un manuscrit anonyme intitulé L'Egisto à la Bibliothèque Nationale de France : elle a d'abord cru qu'il s'agissait de L'Egisto de Cavalli, considéré comme le premier opéra jamais joué en France, mais en ouvrant la partition, elle s'est rendu compte qu'elle avait affaire à un autre Egisto.
En faisant une enquête approfondie, elle a également établi que L'Egisto de Cavalli n'était pas le premier opéra joué en France mais qu'il serait venu quinze ans après cet Egisto-ci. Henry Prunières, qui est le musicologue qui avait affirmé que L'Egisto de Cavalli avait été le premier opéra joué en France, avait en fait confondu les deux —et l'erreur s'est perpétuée.
— Vous dirigez donc un opéra à partir d'une partition qui n'a jamais été éditée : interpréter une partition manuscrite doit poser des difficultés bien particulières...
— Dans la musique de cette époque en Italie, la partition n'est qu'un point de départ : sur le manuscrit de L'Egisto qu'on a retrouvé ne figurent qu'une ligne de chant et une ligne de basse… Comme il n'y a aucune indication d'instrumentation ni parties instrumentales, il a fallu mener un important travail de création pour habiller une partition toute nue : imaginer quand tels ou tels instruments interviennent, réécrire des parties, ajouter des passages instrumentaux...
Bref, il fallait faire de ce squelette d'opéra une œuvre à part entière, habiller un modèle en l'imaginant à partir d'un texte et de quelques notes. À l'époque, ils jouaient à partir d'indications assez sommaires et se fondaient essentiellement sur le texte.
— J'imagine donc que théâtre occupe donc une place prépondérante dans cet opéra ?
— Contrairement au genre de l'opéra vénitien, il s'agit d'un opéra où l'on entend très peu d'airs : il n'y a quasiment que des récitatifs. Il nous semblait impossible qu'un opéra aussi long ait eu tellement de succès sous cette forme alors qu'aujourd'hui, les récitatifs nous ennuient.
Nous avons donc beaucoup travaillé sur la façon dont parle la musique pour faire en sorte que la voix s'échappe des notes, que cela soit beaucoup plus libre autant dans l'interprétation que les couleurs. Nous avons développé un "parlé chanté "qui passe par toutes sortes de nuances en tentant ce pari de distraire avec une œuvre où il n'y a que du texte.
— Pourquoi avoir également introduit la commedia dell' arte dans votre spectacle?
— Nous n'avions pas envie de faire une reconstitution. Barbara Nestola a établi que Mazarin avait fait venir en France une troupe de commedia et une troupe de chanteurs pour interpréter L'Egisto en 1646 : l'on sait donc que la commedia était présente à l'époque dans L'Egisto.
Or, la commedia est une des seules traditions qui nous soit parvenue : c'est un art qui existe toujours, que les Italiens pratiquent encore aujourd'hui. Jean-Denis Monory s'est appuyé sur une tradition toujours vivante pour faire sa mise en scène.
— Vous disiez que L'Egisto se situait au carrefour de l'opéra-bouffe et de l'opera seria avant que ceux-ci ne se séparent : de manière plus générale, est-ce un opéra qui s'affranchit complètement de toute règle ?
— Les règles n'existent pas encore ! C'est après le milieu du 17e siècle que les genres vont se constituer et les règles s'établir : le genre de l'opéra lui-même n'est pas encore vraiment défini. Lorsque que Marrazzoli et Mazzochi composent l'œuvre en 1636, cela ne faisait que trente ans que l'opéra existait : sans règles, on a plus de liberté…
L'Egisto mêle donc le triste, le sublime, le grotesque, le divertissant, le comique… C'est le premier opéra qui ne met pas en scène des héros mais des personnages très simples où il y a autant de sérieux que de comique.
— D'après ce que vous dites, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un opéra foisonnant où les contraires se côtoient...
—Oui, et à tous les niveaux. Les personnages sont très divers : il y a le noble ruiné,la riche veuve, la sœur du noble ruiné que l'on croyait morte et qui se déguise en garçon pour passer inaperçue, une entremetteuse, deux serviteurs (dont l'un, glouton, ne pense qu'à manger et ne parle que de macaronis et de tourte, et l'autre qui fait des citations de grands auteurs), un page voleur, un autre séducteur...
De même, on s'exprime dans trois langues différentes : l'italien, le napolitain et le bergamasque, un patois du nord de l'Italie. Les couleurs musicales sont très variées, les ambiances sont différentes… Il y a également des intermèdes, ou des divertissements, qui viennent s'intercaler dans l'histoire principale : l'épilogue montre des nymphes qui se déguisent en fleurs et se disputent pour savoir quelle fleur est la plus importante, il y a un divertissement qui montre un concours de chants entre bergers…
L'intermède le plus beau à mon sens est celui intitulé La Fiera di farfa : c'est la foire de Farfa où se rendent les serviteurs pour acheter à manger : l'on y voit les vendeurs et artisans qui chantent, appellent le client, se disputent, dans une grande liberté de ton. Tout le monde y crie comme sur un marché : cette ambiance-là a été très bien rendue dans la musique.
— Et au-delà de ces intermèdes, que raconte l'histoire principale ?
— L'Egisto est un noble ruiné qui n'a plus comme signe de sa naissance qu'une tour à moitié détruite accolée à sa maison et un faucon qui lui ramène du petit gibier pour nourrir sa famille et ses domestiques. Il tombe amoureux de la veuve, qui est sa voisine, mais ne veut pas qu'elle croie qu'il en veut à son argent.
Je laisse les spectateurs découvrir la suite, mais l'histoire dit que quand on accepte de tout perdre, on peut tout gagner. C'est une morale très simple et très forte qui parle à tout le monde, un message de foi déguisé en histoire profane : quand on a la foi, même dans les situations les plus difficiles, il faut garder espoir. C'est de la propagande religieuse déguisée en quelque chose de très profane et très divertissant —n'oublions pas que le livret a été écrit par un cardinal qui deviendra ensuite le Pape Clément IX...
Pour découvrir L'Egisto, rendez-vous dès ce soir, jusqu'à dimanche. Et si vous voulez rencontrer Barbara Nestola, la musicologue qui a retrouvé la partition, rendez-vous vendredi de 19h à 19h30 à l'Athénée ! Bonne journée.
On dit souvent que le théâtre a des liens avec la marine : le montage du décor et des lumières de L'Egisto que j'ai photographié hier soir ne nous dira pas le contraire.
L'Egisto commence demain. En écho à mon billet ignare d'hier auquel certains d'entre vous ont apporté leurs lumières en commentaire (merci), une interview réalisée avec le chef d'orchestre de l'opéra, Jérôme Correas, devrait nous apporter quelques éléments de réponse : parution à venir très vite sur le blog.
Bon mardi !
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Jeudi, c'est un nouvel opéra qui commence à l'Athénée : L'Egisto, de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi.
N'ayant jamais entendu parler de cet opéra, ni d'ailleurs de ses compositeurs, je comptais sur mes amis musiciens ou amateurs de musique baroque et d'opéra pour me renseigner et leur envoyai quelques SMS en espérant bénéficier de leurs lumières.
Ce ne fut pas très probant :
De Clémence
À Pénélope
Est-ce que tu pourrais me donner les coordonnées de Jérôme Correas ? J'aimerais l'interviewer au sujet de L'Egisto. Merci !
De Pénélope
À Clémence
j***@***.com. Les Pages Jaunes vous remercient d'avoir utilisé leurs services.
De Clémence
À Pénélope
Tiens, pendant que tu es là : je sèche sur mon article de lundi. Tu connais l'opéra L'Egisto? Marazzoli ? Mazzochi ?
De Pénélope
À Clémence
Non. Vous avez consulté les Pages Jaunes, pas l'encyclopédie Larousse.
De Clémence
À Pénélope
Oui enfin, tu t'y connais quand même très bien en opéra…
De Pénélope
À Clémence
Pour moi, l'opéra commence avec Mozart.
De Clémence
À Pénélope
Tu te souviens que je travaille pour un ensemble de musique baroque en plus de l'Athénée? Dès qu'on passe à Paris, je te traîne à nos spectacles : tu vas en manger, du Purcell et du Monteverdi.
De Pénélope
À Clémence
Ceux-là, ça va encore. Il y a des airs qui commencent à ressembler à quelque chose…
(Et ne va pas recopier cette conversation sur le blog !!!!)
De Clémence
À Pénélope
Je n'y avais pas pensé, mais c'est une idée, tiens. Bon, je vais demander à Alice. Elle est violoniste professionnelle, elle devrait connaître.
De Clémence
À Alice
Tu connais L'Egisto ?
D'Alice
À Clémence
Non. C'est quoi?
De Clémence
À Alice
Un opéra qui passe à l'Athénée.
D'Alice
À Clémence
Ah. De qui ?
De Clémence
À Alice
De Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi.
D'Alice
À Clémence
Ok. C'est qui ?
De Clémence
À Alice
Bon.
De Clémence
À Ninon
Ninon, à tout hasard, tu connais un opéra qui s'appelle L'Egisto ?
De Ninon
À Clémence
Oui !!!! De Cavalli ! Si c'est celui auquel je pense, il y a des airs magnifiques !!!!
De Clémence
À Ninon
Tu m'apprends qu'il y a un Egisto de Cavalli (c'est ma journée) mais là les compositeurs s'appellent Marazzoli et Mazzocchi. Ça ne me dit rien du tout, à moi.
De Ninon
À Clémence
Ben… À moi non plus.
De Clémence
À Ninon
Bon. Je demande à François.
De Clémence
À François
Tu connais un opéra qui s'appelle L'Egisto, de Marazzoli et Mazzocchi ?
François fut tellement inspiré par ma question qu'il n'y répondit jamais.
Je peux quand même vous dire que L'Egisto porte également le titre Que celui qui souffre espère (Chi soffre speri), qu'il date du 17e siècle, que son livret a été écrit par le futur Pape Clément IX et qu'il est considéré comme le premier opéra-bouffe jamais composé.
Il se joue à l'Athénée à partir de mercredi sous la direction de Jérôme Correas et la mise en scène de Jean-Denis Monory.
Merci aux amies qui m'ont donné l'autorisation de publier ces échanges et qui se reconnaîtront malgré les changements de prénom.
Le Tour d'Écrou : c'est tout de même étrange, comme titre. Surtout pour un opéra où il est plus question d'enfants troubles et de revenants que de menuiserie.
De la transformation d'une vis en écrou
À l'ambiguïté du titre s'ajoute celle de la traduction : tant la nouvelle de Henry James que l'opéra qu'en a tiré Britten s'intitulent en effet en anglais The Turn of the screw.
"A screw", c'est une vis, "to screw" signifie "visser", et "a turn of the screw" est un tour de vis (je ne parle pas de "screw you", "screw with somebody" et autres "screw up" qui sont beaucoup trop vulgaires pour vos jeunes oreilles).
Il y a donc un mot précis en français pour "screw", qu'on traduit par un autre, "écrou".
Commençons par les bases, puisque j'ignorais ce qu'était exactement un écrou (bon, je savais qu'il y avait un rapport avec le boulon, je ne suis pas complètement neuneu non plus).
Jean-Luc Tingaud, en répétition
C'est Jean-Luc Tingaud, directeur musical du Tour d'Ecrou dont la première a eu lieu hier à l'Athénée, qui m'a fait profiter de ses compétences inattendues en bricolage en m'expliquant que l'écrou était la petite pièce métallique permettant de serrer une vis —ce que je prenais pour un boulon, en fait, alors que le boulon est ce qui définit l'ensemble écrou + vis.
La preuve en image :
Écrou
Boulon (écrou et vis)
(je parle de bricolage aujourd'hui, je parlais de botanique il y a une semaine, ce blog devient complètement foutraque)
Je me suis donc longtemps interrogée sur cette bizarrerie de traduction que l'on retrouve sur toutes les versions françaises disponibles de la nouvelle de Henry James, sans y trouver d'explication convaincante.
C'est Jean-Luc Tingaud, toujours lui, qui m'a apporté la solution la plus évidente : tout d'abord, en général, une première traduction conditionne toutes les autres, et l'on retraduit rarement le titre d'un livre de manière radicalement différente (cela le rendrait plus difficile à identifier).
Mais surtout, "le tour de vis", en français, c'est assez moche : tout le monde comprendrait "le tournevis". Et même si intituler un opéra "Le Tournevis" a un air d'absurde qui ne me semble pas dénué de charme, on y perdrait le sens du titre.
Interrogé sur le même sujet, Olivier Bénézech, le metteur en scène du spectacle, enfonce le clou (pardon) : "écrou" aurait une coloration poétique et mystérieuse qui rendrait bien l'atmosphère de l'opéra et rappellerait habilement les ambiguïtés de sa signification.
De gauche à droite, Patrice Martinet (directeur de l'Athénée), Jean-Luc Tingaud (directeur musical du Tour d'Écrou) et Olivier Bénézech (metteur en scène du Tour d'Écrou).
On aperçoit Sébastien Fèvre, assistant à la mise en scène.
Des diverses explications possibles et imaginables
La force de l'opéra et de la nouvelle réside pour beaucoup dans la multiplicité des interprétations possibles qui laisse le lecteur ou spectateur plein d'interrogations.
Le titre est tout aussi ouvert, et il a été amusant de demander à plusieurs personnes ce que, pour elles, il signifiait. Voici un condensé de leur réponse :
Jacques Amblard, musicologue, qui viendra vous éclairer sur l'œuvre ce soir avant la représentation (de 19h à 19h30 dans la salle Christian Bérard de l'Athénée) :
"L'écrou, c'est ce qui serre le cou de ces personnages incapables de dire les choses qui comptent. La gouvernante met un point d'honneur à ne pas évoquer la situation au tuteur, les enfants refusent de se livrer… Tout repose sur l'ellipse et l'incommunicabilité : l'écrou est pour moi une figure de la muselière dans cet opéra qui évoque le tabou de la séduction entre enfants et adultes."
Jean-Luc Tingaud, directeur musical du spectacle, à qui je résumais les propos de Jacques Amblard :
"Ce que Jacques Amblard exprime me fait penser à la couverture de l'édition du Tour d'Ecrou de Henry James au Livre de Poche : une enfant qui a un écrou au lieu d'une collerette… L'image est assez gênante.
Pour moi, le tour d'écrou correspond à la montée de la tension, comme si l'on vissait un écrou peu à peu. D'ailleurs, Britten a mis cette image en musique : chaque scène monte d'un cran, en terme de tonalités. C'est la représentation en musique du serrage d'une vis…"
Olivier Bénézech, metteur en scène du spectacle :
"Serrer la vis, c'est une expression que l'on emploie souvent… Surtout lorsqu'on parle de budgets ! Plus sérieusement, je crois que l'œuvre est construite comme une vis que l'on serre peu à peu : plus on avance et plus l'horreur augmente. C'est d'abord un titre métaphorique auquel il ne faut pas forcément chercher une signification précise.
Pour compléter ce que te disait Jacques Amblard, je crois que la gouvernante ne parle pas parce qu'elle en a fait la promesse, mais aussi parce qu'elle s'auto-censure : ne pas parler des problèmes est aussi une manière de ne pas y penser… Jusqu'à ce qu'ils nous tombent dessus."
Le Tour d'Écrou dirigé par Jean-Luc Tingaud (ensemble OstinatO) et mis en scène par Olivier Bénézech se joue jusqu'à dimanche.
Bon week-end.
Si vous ne voyez pas les photos, cliquez sur "afficher/charger les images" en haut de la fenêtre de votre messagerie.
On peut sortir du Tour d'Écrou en ayant à la fois tout et rien compris.
Facile à saisir au premier degré, l'intrigue laisse beaucoup de portes ouvertes et d'interrogations pour peu qu'on y repense après coup : ne comptez pas en tout cas sur ses auteurs pour vous donner des clés d'interprétation définitives.
J'aurais pu prendre des photos plus explicites lors de la répétition du Tour d'Écrou hier, mais cela vous aurait trop facilité la tâche.
Pour dissiper le mystère, Le Tour d'Ecrou se joue de ce soir à dimanche dans la mise en scène d'Olivier Bénézech et la direction musicale de Jean-Luc Tingaud.
L'intrigue de l'opéra Le Tour d'Écrou de Benjamin Britten est tirée d'une nouvelle d'Henry James (1843 - 1916).
Engagée pour s'occuper de deux orphelins, une gouvernante se heurte rapidement à des phénomènes étranges : le comportement des deux enfants est inquiétant, et d'anciens serviteurs de la maison, pourtant décédés, semblent encore rôder dans la maison —à moins qu'ils ne soient que le fruit de son imagination ?…
Liée à la littérature fantastique, l'histoire navigue entre réalisme et surnaturel sans jamais lever complètement ses mystères, laissant le spectateur seul avec ses interrogations à la fin du spectacle.
Sans vous dévoiler l'intrigue, voici quelques mots et expressions qui vous seront utiles :
Ecrou : - Ce qui serre, retient ou assemble.
- Acte, procès-verbal constatant qu'une personne a été remise à un directeur de prison (on entend souvent "l'accusé a été écroué")
- Pièce permettant le serrage, percée d'un trou cylindrique dont la surface interne est filetée et destinée à recevoir le pas d'une vis, d'un boulon.
Fantôme : - Apparition fantastique, être surnaturel.
- Personne décédée se manifestant de façon surnaturelle sous une apparence désincarnée
- Être imaginaire et idéal.
- Personne sans consistance, ni réelle existence.
Hallucinations : - Phénomène psychique par lequel un sujet en état de veille éprouve des perceptions ou des sensations sans qu'aucun objet extérieur les fasse naître
Spectre : - Apparition fantastique, généralement effrayante, d'un mort, d'un esprit.
- Image effrayante, peur obsessionnelle
Innocence : - État de ce qui, par nature, ne fait pas de mal à autrui; fait de ne pas être nuisible.
- État de celui qui n'est pas souillé par le mal
- Personne ou ensemble des personnes non-coupable(s)
Protéger : - Faire que quelqu'un ou quelque chose soit mis à l'abri d'un danger, d'une agression, d'un risque quelconque
Démon : - Esprit bon ou mauvais qui préside aux destinées de l'individu, de la communauté
- Génie qui détermine les sentiments, les comportements humains, qui inspire les productions artistiques
- Avoir de l'esprit comme un démon : avoir de l'esprit, être spirituel
Le Tour d'Écrou mis en scène par Olivier Bénézech et dirigé par Jean-Luc Tingaud commence demain soir et se joue jusqu'à dimanche.
Définitions du dictionnaire Trésor de la Langue Française
Le Tour d'Écrou, Mort à Venise, Le Viol de Lucrèce, Le Songe d'une nuit d'Été, Owen Wingrave : à l'époque où l'on tenait le genre de l'opéra pour mort, Benjamin Britten a composé les plus grands chefs-d'œuvre lyriques de la seconde moitié du 20e siècle.
Né en 1913 dans le sud-est de l'Angleterre, Benjamin Britten se met rapidement à composer. À vingt-deux ans, il est compositeur officiel des musiques de films documentaires de la GPO Film Unit.
À vingt-quatre, il accède à la reconnaissance internationale lorsque son œuvre Variations sur un thème de Franck Bridge est créée au Festival de Salzbourg.
En 1937, il se lie avec le chanteur Peter Pears qui deviendra son compagnon jusqu'à sa mort et le principal interprète de ses œuvres lyriques et vocales. Deux ans plus tard, ils s'exilent aux États-Unis d'où ils reviendront en 1942.
Influencé par Chostakovitch, Moussorgski ou Debussy, Britten n'en développe pas moins son propre style brillant, coloré et féerique.
Grand amateur de poésie et de littérature, il compose sur des textes de Rimbaud, Maupassant, Auden, Melville ou Thomas Mann, mais crée également des œuvres de circonstances : Gloriana est écrit pour le couronnement d'Elisabeth II tandis que la création du War Requiem, l'une de ses partitions les plus connues, allie des chanteurs anglais, russes et allemands pour célébrer la réouverture de la cathédrale de Coventry après les destructions de la seconde guerre mondiale.
Reconnu mais marginal, composant une musique à la fois novatrice et facile d'accès, Britten remporte de nombreuses récompenses et distinctions sans jamais abandonner ses convictions ni son style singulier.
Modeste et moderne, sa musique témoigne de la difficulté d'être au monde ou de la perte de l'innocence mais aussi de la nécessité de l'engagement.
C'est en 1954 qu'est créé à Venise Le Tour d'Écrou, composé à partir d'une nouvelle d'Henry James : mystérieuse et dérangeante, l'histoire déconcerte le public italien de l'époque qui ne lui réserve qu'un accueil mitigé.
L'opéra se joue à l'Athénée à partir de jeudi dans une mise en scène d'Olivier Bénézech et une direction musicale de Jean-Luc Tingaud.
Pour en écouter le début de l'acte 1 sous la direction de Daniel Harding, cliquez ici.
Splendid's de Jean Genet s'est terminé ce week-end. Sa metteure en scène, Cristèle Alves Meira, ne dirigera plus ses comédiens depuis le balcon plongé dans le noir.
NB : si vous ne voyez pas les photos, cliquez sur "charger/afficher les images" qui doit apparaître sur votre messagerie, vers les en-têtes de l'email (Expéditeur, objet, etc.)
Les affaires de l'Athénée reprennent cependant dès cette semaine : jeudi, c'est la première du Tour d'Écrou, un opéra du compositeur britannique Benjamin Britten.
Vous ne connaissez pas Benjamin Britten ? Vous trouverez de quoi le découvrir demain.
Vous connaissez Benjamin Britten ? Vous trouverez de quoi approfondir votre culture demain.
Vous êtes un éminent spécialiste de Benjamin Britten ? Laissez-moi un mail, je serais ravie de vous poser quelques questions demain.
Bonne reprise !
PS : bravo aux 42% de répondants qui ont trouvé la bonne réponse au sondage de la semaine dernière.
Jean-Paul Sartre tenait Splendid's pour une pièce réussie, Splendid's devait d'abord s'intituler Frolic's et a été publiée dans les années 1990, et il y a deux cadavres dans l'hôtel où se déroule Splendid's : l'Américaine prise en otage et le frère de Pierrot, tous deux morts avant le début de la pièce.
NB : si vous ne voyez pas les photos, cliquez sur "charger/afficher les images" qui doit apparaître sur votre messagerie, vers les en-têtes de l'email (Expéditeur, objet, etc.)
Tewkik Jallab
"BRAVO
Riton, garde ta belle gueule, reste aussi beau. Aussi beau jusqu’à la fin. "
Hammou Graïa
"RITON
Écoutez les gars, il y a encore un détail : on ne peut pas descendre dans la rue en frac, on va se foutre de notre gueule."
Lahcen Razzougui
"RITON
Tu l’engueules comme tu l’engueulais avant de la tuer. Tu as toujours été grossier avec les femmes."
Cédric Appietto
"JEAN
Ta sale gueule…
RITON
A le malheur d’être plus belle que la tienne. Glacée elle t’éblouira encore. Et ma sale gueule t’emmerde. "
Jean-Emmanuel Pagni
"BOB
Ce serait drôle de doucement la laisser choir sur leur gueule. "
Saïd Bey
"LE POLICIER
Mais rassure-toi, je ne suis pas l’esclave qui se révolte. Ce n’est pas la haine qui me fait gueuler : c’est l’amour. "
Pascal Tagnati
"SCOTT
Mais je continue : il nous reste donc très peu de temps, deux heures peut-être avant, ou de sauter avec tout l’immeuble, ou de nous décharger dans la gueule la dernière cartouche, ou aller nous rendre à la police."
Nebil Daghsen
"LE POLICIER
Si je pouvais parler ! J’ai la langue clouée, la gueule pâteuse."
Tewfik Jallab
Splendid's de Jean Genet mis en scène par Cristèle Alves Meira a de la gueule (cassée ou non) : il vous reste une représentation ce soir à 20h et deux demain à 15h et 20h pour en juger.
Bon week-end à tous !
PS : la devinette sur Genet est toujours active sur le blog! Cliquez ici pour y répondre.
Le 23 septembre dernier, suite à un échange de mail avec l'une d'entre vous, je vous faisais part de ma perplexité quant à l'expression "être greffé sur un concombre" qui signifie "être malchanceux".
J'ai eu quelques propositions d'explications plus ou moins argumentées (à lire ici), mais la plus convaincante fut sans doute celle des spécialistes de botanique : faire une greffe sur un concombre (pour croiser des variétés par exemple) serait voué à l'échec car la greffe ne prendrait jamais.
Bon, là, je répète ce qu'on m'a dit, parce que j'ai l'impression en faisant quelques recherches sur des sites dédiés au jardinage et au potager (sans commentaires...) que certains pratiquent apparemment la greffe du concombre/sur concombre/avec concombre. Mais je vous avoue que mes compétences en la matière s'arrêtent là.
En revanche, j'aimerais bien tester les vôtres, de compétences, dans un domaine plus en rapport avec les sujets qui nous occupent habituellement :
Splendid's de Jean Genet se joue à l'Athénée jusqu'à samedi. Laquelle de ces affirmations est fausse, d'après vous ?
- Splendid's devait d'abord s'intituler Frolic's
- Pour Jean-Paul Sartre, Splendid's était une pièce ratée
- Splendid's a été publié cinquante ans après son écriture
- Il y a au moins deux cadavres dans l'hôtel où se déroule Splendid's
Pour voter, cliquez ici pour aller sur le blog et choisissez une réponse sur votre droite, à la rubrique "sondage".
Splendid's se joue encore ce soir et demain à 20h et samedi à 15h et 20h.
Bon jeudi
La bataille des Paravents, dernier acte
Je vous parlais la semaine dernière puis avant-hier du scandale provoqué par la représentation des Paravents de Jean Genet au Théâtre de l'Odéon en 1966.
Après avoir subi des attaques physiques de groupes d'extrême droite (billet de jeudi dernier), la pièce fut discutée jusque sur les bancs de l'Assemblée nationale où des députés proposèrent de supprimer ou réduire la subvention accordée à l'Odéon (billet d'avant-hier).
Voici quelques extraits de la réponse sans appel d'André Malraux, Ministre des Affaires Culturelles :
« La liberté, Mesdames, Messieurs, n'a pas toujours les mains propres ; mais quand elle n'a pas les mains propres, avant de la passer par la fenêtre, il faut y regarder à deux fois. […]
Si nous étions vraiment en face d'une pièce antifrançaise, un problème assez sérieux se poserait. Or, quiconque a lu cette pièce sait très bien qu'elle n'est pas antifrançaise. Elle est antihumaine. Elle est anti-tout. Genet n'est pas plus antifrançais que Goya anti-espagnol. […]
Par conséquent, le véritable problème qui se pose ici […] c'est celui, comme vous l'avez appelé de la "pourriture". […] Ce que vous appelez de la pourriture n'est pas un accident. C'est ce au nom de quoi on a toujours arrêté ceux qu'on arrêtait. Je ne prétends nullement —je n'ai d'ailleurs pas à le prétendre— que M. Genet soit Baudelaire. S'il était Baudelaire, on ne le saurait pas. […]
Ce qui est certain, c'est que l'argument invoqué : "cela blesse ma sensibilité, on doit donc l'interdire", est un argument déraisonnable. L'argument raisonnable est le suivant : "Cette pièce blesse votre sensibilité. N'allez pas acheter votre place au contrôle. On joue d'autres choses ailleurs […]." Si nous commençons à admettre le critère dont vous avez parlé, nous devons écarter la moitié de la peinture gothique française, car le grand retable de Grünewald a été peint pour les pestiférés. Nous devons aussi écarter la totalité de l'œuvre de Goya ce qui sans doute n'est pas rien. Et je reviens à Baudelaire que j'évoquais à l'instant…
Le théâtre existe pour que les gens y retrouvent leur propre grandeur. Mais le Théâtre de [l'Odéon] n'est pas un théâtre où l'on ne joue que Les Paravents. C'est un théâtre où l'on joue Les Paravents, mais entre Le Pain dur de Claudel et les classiques, en attendant Shakespeare.
Il ne s'agit plus du tout de savoir si on donne de l'argent pour jouer Les Paravents. Il s'agit de savoir si l'on doit ne jouer dans un théâtre de cette nature que des œuvres qui sont dans une certaine direction. […]
C'est pourquoi on ne peut s'engager dans une telle voie qu'avec une extrême prudence et je ne supprimerai pas pour rien la liberté des théâtres subventionnés. J'insiste sur les mots "pour rien", car si nous interdisons Les Paravents, ils seront rejoués demain, non pas trois fois mais cinq cents fois. Nous aurons à la rigueur prononcé un excellent discours et prouvé que nous étions capables de prendre une mesure d'interdiction, mais en fait nous n'aurons rien interdit du tout.
[…] En fait nous n'autorisons pas Les Paravents pour ce que vous leur reprochez et qui peut être légitime ; nous les autorisons malgré ce que vous leur reprochez, comme nous admirons Baudelaire pour la fin d'Une charogne et non pas pour la description du mort. »
Finalement, les deux amendements ne seront même pas soumis au vote : Christian Bonnet retirera l'amendement n°85 après la discussion, provoquant une interruption de séance destinée à permettre à la Commission des Finances de se réunir ; deux heures plus tard, celle-ci notifiera sa volonté de retirer également l'amendement n°48.
Pierre Bas (député Union pour la nouvelle République - Union démocratique du travail et membre de la Commission des Finances), le justifiera ainsi :
« Personne, à la Commission, n'a prétendu qu'il fallait interdire la pièce. […] La question qui se posait était : faut-il, sur des deniers publics, aider à cette représentation ??Cet après-midi, Monsieur Christian Bonnet a cité Goya. Il a eu tort. En effet […], la famille royale espagnole a payé pour se voir ridiculisée pour les siècles à venir. […]
Je crois […] que le vote de la Commission des finances a été émis parce qu'il existe dans ce pays des plaies qui saignent encore et que des événements graves, qui ont frappé certains d'entre nous […], ont laissé des traces.
Nous sommes sûrs, monsieur le Ministre, que vous avez compris ce qui s'est passé […]. Vous avez compris certainement les scrupules de ceux qui voulaient refuser les crédits au Théâtre de [l'Odéon], et la position de ceux qui voulaient les maintenir en se plaçant du point de vue […] de la liberté de création et de la crainte que l'on a, dès qu'on commence à censurer ou à interdire, de créer des précédents qui entraveraient pour l'avenir la liberté d'expression [en] France. »
Les Paravents de Jean Genet se seront donc joués comme prévu jusqu'au 6 novembre 1966 au Théâtre de l'Odéon dans la mise en scène de Roger Blin.
Du côté de l'Athénée en 2011, c'est Splendid's du même Genet qui se joue jusqu'à samedi. Bonne journée !
L'intégralité des débats de la séance du 27 octobre 1966 est disponible en téléchargement (fichier PDF) sur le site de l'Assemblée Nationale ici.
Merci à Juliette Caron du Théâtre de l'Odéon
Avant d'être donné à l'Athénée, Splendid's mis en scène par Cristèle Alves Meira avait été présenté dans une première version au Colombier de Bagnolet.
En reparcourant les images prises à cette occasion, je me suis rendu compte que presque tous les accessoires que j'avais photographiés avaient disparu de la version définitive du spectacle.
Tour d'horizon de ce que vous ne verrez pas dans Splendid's :
La radio écoutée par les gangsters : on n'entend plus que sa voix.
Un ventilateur. Peut-être une confiance très grande a t-elle été apportée dans le système de chauffage et climatisation de l'Athénée.
Un bol de (faux) sang : il y en a toujours, mais moins et dans un autre contenant.
Une rose blanche : les gangsters ne se font pas vraiment de fleur.
Les acteurs sont toujours là, eux. Pour les voir, c'est jusqu'à samedi à l'Athénée.
La bataille des Paravents de Genet, épisode 2 :
Comme je vous l'écrivais jeudi, les représentations des Paravents de Jean Genet au Théâtre de l'Odéon en 1966 ont donné lieu à des manifestations violentes de groupes fascisants accusant la pièce de nuire à l'image de la France (et surtout de son armée).
Quelques mois après la première, des députés relaient la polémique au sein même des débats de l'Assemblée Nationale, proposant la suppression de la subvention au Théâtre de l'Odéon (alors appelé Théâtre de France).
La discussion passionnante qui en découle témoigne des difficultés, toujours d'actualité, posées par le subventionnement de lieux culturels par la puissance publique : un artiste soutenu par l'État a t-il le droit de lui cracher à la gueule ? L'État doit-il subventionner les arts ?
Une pièce de théâtre ne provoquerait sans doute plus autant de débats dans l'hémicycle aujourd'hui, mais la qualité des interventions de chacun, la diminution de crédits utilisée comme censure et la question de l'aide de l'État aux secteurs considérés comme d'utilité publique ont beaucoup de résonances aujourd'hui.
Le député Christian Bonnet, membre du Mouvement Républicain Populaire, dépose à l'automne 1966 au nom de la Commission des finances une proposition d'amendement visant à retirer la subvention du Théâtre de l'Odéon ; en cas de rejet de cet amendement n°48, il propose à titre personnel l'amendement de repli n°85 visant à la réduction de la subvention de l'Odéon de 270 000 francs (soit le montant estimé du coût de la création des Paravents).
Comme il l'explique le 27 octobre 1966 à l'Assemblée Nationale, son problème n'est pas exactement la pièce de Jean Genet mais bien le fait qu'elle ait été montée dans un théâtre subventionné :
L'Odéon « ne répond pas à la définition que M. le ministre des affaires culturelles donnait il y a un instant des maisons de la culture : le lieu où les gens se rencontrent pour rencontrer ce qu'il y a de meilleur en eux.
L'amendement que j'aurai l'honneur de défendre tout-à-l'heure ne procède pas d'une réaction de pudibonderie ni d'un réflexe de santé à l'encontre d'un texte ordurier […].
Le Parlement […] a pour mission de contrôler l'utilisation des fonds publics. C'est pourquoi, insensible aux criailleries hypocrites des esthètes de la décadence, j'en suis venu à penser qu'il n'appartenait pas à une scène subventionnée —tout est là —[…] de monter, aux frais de contribuables dont certains ont eu la douleur de perdre un fils en Algérie, une pièce comme Les Paravents.»
Le député Bertrand Flornoy (Union pour la nouvelle République - Union démocratique du travail), précisant qu'il ne votera pas en faveur de l'amendement, ajoute tout de même :
« Nous prenons au sérieux la société de demain, nous essayons de la rendre fraternelle pour les jeunes et non odieuse ou méprisable […] Je m'interroge : n'est-ce pas le rôle de l'État d'aider exclusivement —je dis bien exclusivement— ces initiatives, ces efforts de dévouements ? […]
Un certain nombre de mes amis et moi, nous ne voterons pas l'amendement tendant à supprimer la subvention allouée au Théâtre [de l'Odéon]. Mais jamais le mot de subvention ne nous a paru aussi haïssable, et jamais la charité […] ne nous a paru aussi misérable.»
Christian Bonnet ajoutera après l'intervention d'André Malraux : « je maintiens que […] Goya n'a très certainement pas été soutenu financièrement par l'État espagnol pour peindre bon nombre de ses tableaux. […] il n'est pas au pouvoir du contribuable de se soustraire à l'impôt et si je dis que Monsieur Jean Genet n'a pas passé la mesure en souhaitant que sa pièce soit montée sur une scène, je dis et je maintiens que la direction du Théâtre [de l'Odéon] a, elle, passé la mesure en la montant sur une scène subventionnée.
Je hais l'intolérance, je réprouve la censure. Les hommes de notre génération savent bien à quels excès l'une et l'autre peuvent mener. Mais je pense qu'un théâtre ne peut à la fois demander à l'État près de 300 millions d'anciens francs […] et refuser tout droit de regard de la puissance publique et du parlement sur son activité.
On nous dira alors : vous allez scléroser les théâtres nationaux. Je réponds à cela que jusqu'à présent il n'apparaît pas que tant et tant d'auteurs aient été découverts par ces théâtres nationaux. […] M. Jean Genet a fait une pièce admirable : Les Bonnes qui a été, si ma mémoire est exacte, jouée au Théâtre de l'Athénée [NDLR : l'Athénée était privé à cette époque] et était déjà une valeur consacrée avant d'être redécouverte par le Théâtre [de l'Odéon] »
Monsieur Fernand Grenier, député du Parti Communiste, intervient :
« Si un film ou une pièce met en cause […] des médecins, des avocats, des architectes […], l'ordre des médecins, des avocats, des architectes pourra en demander l'interdiction.
On ne peut s'engager dans une telle voie.
Nous connaissons trop les responsabilités de la censure dans la crise du cinéma: la censure officielle, la censure des producteurs, l'auto-censure des auteurs qui n'ont plus osé aborder aucun sujet social important dans les films en raison de la censure officielle. […]
Cette censure, vous voulez l'imposer au théâtre par le biais d'une diminution de crédit.»
La réponse de Malraux sera conforme à son style : lyrique et cinglante. Rendez-vous mercredi pour la lire ainsi que la suite des débats.
La pièce Splendid's de Genet ne connaîtra pas le même parfum de scandale, et pour cause : elle ne fut publiée et jouée que dans les années 1990. Pour la découvrir dans la mise en scène de Cristèle Alves Meira, c'est encore toute la semaine à l'Athénée.
Pourquoi rester sur scène quand on a tout un théâtre pour soi ?
Nebil Daghsen
Hammou Graïa
Tewfik Jallab
Cédric Appietto
À l'Athénée, les gangsters de Splendid's ne comptent pas rester planqués dans les coulisses alors que le public arrive : faites un petit tour dans le théâtre et regardez autour de vous avant que la pièce commence…
Jean-Emmanuel Pagni
Nebil Daghsen
Hammou Graïa
Saïd Bey
Bon week-end !
C'est en 1966 que le metteur en scène Roger Blin présente au Théâtre de l'Odéon sa mise en scène des Paravents de Jean Genet.
La guerre d'Algérie est terminée depuis quatre ans et la pièce n'est pas un brûlot explicite et manichéen sur la question coloniale, mais le scandale éclate rapidement.
Messe noire opaque et dérangeante où les Européens se fabriquent des mannequins à médailles et décorations, où les militaires sont juchés sur des chaussures démesurées et où les Arabes se révoltent dans une sanctification du Mal assez ambiguë, la pièce touche également à d'autres questions qui pouvaient chatouiller l'extrême-droite : travestissement, sublimation des prostituées, érotisme troublant (d'ailleurs mis en avant dans la version de Roger Blin), résurrection des morts et homosexualité diffuse parcourent ainsi le texte.
Ce qui est en jeu, c'est donc autant l'antimilitarisme de Genet que la nostalgie coloniale de certains et la "vulgarité" supposée de la pièce.
Alors que les quinze premières représentations ont lieu sans incidents connus, des manifestations ont lieu devant le Théâtre de l'Odéon à l'initiative d'associations d'Anciens Combattants le 29 avril 1966.
Le lendemain, « les "paras" investissent l'Odéon-Théâtre de France, montent sur scène, molestent des comédiens, comme Maria Casarès, invitée à "foutre le camp". Jets d'objets divers (chaises, oeufs, boulons). Fumigènes, cris, insultes, bagarre généralisée. Le rideau de fer est baissé. Le spectacle s'interrompt. Un quart d'heure après, il reprend. Dehors, une foule amassée n'en continue pas moins à vociférer, réclamant son annulation. Les forces de l'ordre sont réquisitionnées. Elles le seront désormais, chaque soir, lors de toutes les représentations qui suivront, perturbées par les mêmes manifestations.» (Didier Mereuze)
À l'automne 1966, le groupe Occident (dont nous pouvons citer quelques anciens membres : Patrick Devedjan, Gérard Longuet, Alain Madelin ou Hervé Novelli) rejoint la contestation et pratique des actions violentes et quotidiennes comprenant des jets de rats morts sur scène.
La contestation gagne l'Assemblée nationale où des députés interpellent André Malraux, Ministre des affaires culturelles, le 27 octobre 1966.
La suite lundi.
D'ici là, Splendid's de Jean Genet se joue à l'Athénée jusqu'à la fin de la semaine prochaine dans la mise en scène de Cristèle Alves Meira. À demain !
Pour aller plus loin
Todd Shepard, L'Extrême-droite et mai 68
Jean-François Sirinelli et Pascal Ory, Les Intellectuels en France de l'affaire Dreyfus à nos jours
Didier Méreuze, "Les grands scandales de l'art : Les Paravents ravivent les plaies de la guerre d'Algérie", La Croix du 12 août 2010
Dans Splendid's, les gangsters retranchés dans un hôtel sont loin d'être unis comme les doigts de la main.
Bravo jette un chat aux jambes de Johnny qui, ne sachant plus sur quel pied danser,
laisse Riton reprendre la main pendant que Pierrot marche à côté de ses pompes.
Passé chez les va-nu-pieds en sous-main, le policier prend son pied à tirer sur ses anciens collègues.
Scott lève pourtant rarement le petit doigt, même lorsque Rafale se suicide comme un pied ou que Bob a la main légère sur la politesse.
Les bras vous en tombent ?
Conduisez vos pas vers l'Athénée jusqu'à la fin de la semaine prochaine pour Splendid's de Jean Genet.
Cristèle Alves Meira est la metteure en scène de Splendid's de Jean Genet. En 2007, elle avait présenté une autre pièce de Genet, Les Nègres, à l'Athénée.
«— Cristèle, qu'est-ce qui te plaît chez Jean Genet en général et dans Splendid's en particulier ?
— Il y a chez Genet une dimension cérémonielle extrêmement présente, une grande théâtralité. Ses pièces touchent à un métaphysique (même s'il n'aimerait pas le terme) qui nous renvoie à un théâtre sacré : les personnages qu'il porte dans son théâtre, ou en tout cas à qui il donne la parole, sont toujours des figures qui ont en elles une image, qui possèdent une certaine identité. Et c'est précisément cette image qu'il s'amuse à déconstruire dans Les Bonnes, Le Balcon ou Les Nègres : comme si ses personnages étaient des figures qu'il éclaire d'un regard extérieur et qu'il détruit en jouant sur les stéréotypes et clichés.
Il donne également la parole aux morts : son théâtre est jalonné de résurrections… Les fantômes sont moins présents dans Splendid's, même si le personnage de Scott déclare : "nous avons déjà cessé de vivre". Ils sont déjà morts, ou en tout cas ils sont condamnés à l'être : j'ai essayé de jouer sur ceux qui sont presque morts et ceux qui le sont déjà...
J'aime également dans Splendid's cette imagerie du gangster, qui est chargée dans le texte d'un imaginaire propre aux années 1950 et que je tente de revisiter. Les années 1950 sont imprégnées des polars ou films américains de gangsters de l'époque ; il s'agit d'une imagerie particulière : j'ai fait un autre choix sur la figure du gangster, inspiré des bandits d'aujourd'hui et que Genet n'aurait pas pu concevoir à l'époque.
— Pourquoi as-tu choisi de placer l'action au Maroc ?
— J'ai fait ce choix de manière indirecte : c'était cette année le centenaire de la naissance de Jean Genet, qui est enterré à Larache au Maroc, où il a passé la fin de sa vie. L'Institut français de Tanger m'a proposé de présenter une pièce pour lui rendre hommage.
J'avais déjà en vue de travailler sur Splendid's, et cette invitation, ce contexte ont été le point de départ de mon choix de mise en scène. Les révolutions arabes, qui sont intervenues après, nous ont rattrapés : cela inscrit notre travail dans une certaine actualité et lui donne de nouvelles résonances, mais ce n'était pas du tout volontaire.
Le choix de jouer quelques passages en arabe induit de nouvelles lectures et donne une nouvelle dimension à la figure de l'otage américaine : l'arabe fait intrusion dans le français, le monde arabe fait face à l'Occident.
— Quel arabe avez-vous choisi pour les passages que vous avez traduits ?
— Nous avons beaucoup réfléchi à ces questions… Le policier s'exprime en arabe dialectal marocain et la radio en arabe classique, car c'est souvent le cas des médias nationaux au Maroc.
— Pourquoi ce titre, Splendid's ?
— La pièce a porté plusieurs titres : d'abord Leur toupet était célèbre, puis Frolic's… Splendid's est le nom de l'hôtel où sont retranchés les gangsters. À l'instar des personnages de la pièce qui se donnent des noms américanisants, le titre porte aussi cette connotation anglophone qui participe à l'ambiance de gangsters des films noirs des années 1950…»
Splendid's se joue encore jusqu'à la fin de la semaine prochaine. Et pour poser vos questions en vrai à Cristèle Alves Meira, rendez-vous ce soir au foyer-bar de l'Athénée apès la représentation! Elle sera là ainsi que son équipe pour une rencontre publique. Bonne journée à tous.
Dans Splendid's de Jean Genet monté par Cristèle Alves Meira, les acteurs quittent la scène et les ombres hantent la salle. Regardez bien autour de vous…
Cédric Appietto
Tefwik Jallab
Cédric Appietto
Saïd Bey
Lahcen Razzougui
Splendid's se joue jusqu'au 8 octobre. Bon début de semaine !
PS : certain(e)s sont manifestement très fort(e)s en concombre. Mais je suis sûre que d'autres peuvent exprimer leur créativité sur le sujet. C'est ici, sur le billet de vendredi.
Dans Splendid's de Jean Genet monté par Cristèle Alves Meira, les acteurs quittent la scène et les ombres hantent la salle. Regardez bien autour de vous…
Cédric Appietto
Tefwik Jallab
Cédric Appietto
Saïd Bey
Lahcen Razzougui
Splendid's se joue jusqu'au 8 octobre. Bon début de semaine !
PS : certain(e)s sont manifestement très fort(e)s en concombre. Mais je suis sûre que d'autres peuvent exprimer leur créativité sur le sujet. C'est ici, sur le billet de vendredi.
Né en 1919 en Russie, Mikhaïl Timofeïevitch Kalachnikov est conducteur de char lorsqu'il est grièvement blessé en 1941 dans une bataille opposant l'URSS à l'Allemagne nazie : c'est pendant sa convalescence que, s'étant rendu compte de la supériorité technique de l'armée allemande et de ses armes automatiques, il commence à réfléchir à un prototype de fusil d'assaut.
Après de nombreux ajustements, un premier fusil, l'AK-46, est fabriqué, avant d'être validé par l'État soviétique et produit en série en 1947 : l'Avtomat Kalachnikova (automate de Kalachnikov), ou AK-47, ou Kalachnikov, est lancé ; il équipera l'armée soviétique à partir de 1949.
Le modèle a été perfectionné et modifié, et il en existe aujourd'hui de nombreuses variantes comme l'AKM-59, l'AK-74 ou l'AK-10x.
Facile à fabriquer en masse par des ouvriers non-qualifiés, solide, simple d'utilisation, peu coûteuse, la Kalachnikov s'est largement répandue à travers le monde au point d'être rendue responsable d'environ trois cent mille victimes par an dans les années 1990 (1).
On estime que cent millions d'exemplaires en circulent dans le monde aujourd'hui : aisément disponibles sur le marché noir pour quelques centaines d'euros, elle est surtout utilisée par des mouvements de guérillas ou des terroristes après avoir été le symbole de luttes pour l'indépendance —le Hezbollah libanais fait ainsi figurer le célèbre fusil sur son drapeau.
Déçu que son arme serve aux gangsters mais ne s'en rendant pas responsable pour autant, Kalachnikov a récemment déclaré : "J'aurais préféré avoir inventé une machine […] qui aurait aidé les agriculteurs dans leur travail : une tondeuse, par exemple" (2).
Les fausses Kalachnikov de Splendid's
Les sept gangsters de Splendid's utilisent des Kalachnikovs pour se défendre contre les assauts de la police : pour voir cette pièce de Jean Genet mise en scène par Cristèle Alves Meira, vous avez trois semaines !
(1) D'après Aaron Karp, membre du projet de recherche Small Arms Survey, cité par The Guardian (10 octobre 2003)
(2) "I would prefer to have invented a machine that people could use and that would help farmers with their work - for example a lawnmower.", cité par The Guardian (30 juillet 2002)
Sources :
Profil de Mikhaïl Kalachnikov sur le site de BBC News
"Kalashnikov: 'I wish I'd made a lawnmower'", Kate Connolly, The Guardian, 30 juillet 2002
"I sleep soundly", Nick Paton Walsh, The Guardian, 10 octobre 2003
"La Kalachnikov, nouvelle arme des délinquants?", Laurent Chabrun, L'Express, 22 novembre 2010.
Les comédiens Lahcen Razzougui, Saïd Bey, Tewfik Jallab, Nebil Daghsen, Jean-Emmanuel Pagni, Cédric Appietto, Hammou Graïa et Pascal Tagnati lors des saluts.
À l'Athénée, Splendid's de Jean Genet a commencé hier soir. Pour découvrir ce qui se passe avant les saluts, rendez-vous jusqu'au 8 octobre.
Bonne journée !
Splendid's commence ce soir à l'Athénée.
Sans (trop) dévoiler le spectacle, quelques photos prises la semaine dernière lors des répétitions. Les comédiens ne sont pas en costume.
Nebil Daghsen et Saïd Bey
Photo de répétition
Cédric Appietto
Photo de répétition
Tewfik Jallab
Photo de répétition
Nebil Daghsen et les jambes de Cédric Appietto
Photo de répétition
Lahcen Razzougui et Pascal Tagnati
Photo de répétition
Jean-Emmanuel Pagni
Photo de répétition
Lahcen Razzougui et Damien Valade, technicien
Photo de répétition
Nebil Daghsen
Photo de répétition
Cédric Appietto
Photo de répétition
Hammou Graïa
Photo de répétition
Sous le regard attentif de Cristèle Alves Meira, metteure en scène
Photo de répétition
Splendid's de Jean Genet mis en scène par Cristèle Alves Meira dure 1h20 et se joue jusqu'au 8 octobre.
Splendid's de Jean Genet commence demain à l'Athénée. Éditée très tard, rarement montée, Splendid's fait partie des pièces les moins connues de son auteur. Pour la découvrir, en voici un extrait choisi dans le début du texte.
Sept gangsters sont retranchés dans un hôtel où ils ont pris une Américaine en otage. Le policier qu'ils ont également capturé décide de les rallier, mais Jean (ou Johnny) préférerait le voir mort :
« JEAN
Il est encore temps de recommencer la partie de poker. Celui qui perd se charge de tout. De tous les crimes, c’est raisonnable.
SCOTT
Accepte qu’on triche et on jouera.
JEAN
On ne trichera pas.
SCOTT
On ne jouera pas.
JEAN
C’est le moment d’être loyal.
SCOTT
C’est celui de refuser les règles – ou de les inventer. Tous nos crimes passés…
JEAN
Jamais de crime, Scott. On n’a jamais…
SCOTT
Les crimes qu’on a voulus. Ceux qui nous réunissaient, que deviendraient-ils si tout à coup on les biffait par un trait de loyauté ? En nous, nous porterions des morts. Il faut que nos crimes fleurissent.
JEAN
Je ne comprends pas. Je n’ai jamais compris. Mais vous acceptez qu’un flic qu’on a braqué, ligoté, bâillonné et fait prisonnier se mette de notre côté, reste avec nous, se promène en liberté et partage nos misères.
SCOTT
Par prudence nous aurions dû le tuer. Par prudence ou par jeu ?
JEAN
Ni l’une ni l’autre, Scott. Parce qu’on ne met pas un flic dans le coup. On ne lui donne pas sa chance.
SCOTT
Ne lui reproche pas d’entrer dans le camp de ceux qui ont tort et qui tiennent tête. Je ne suis pas très sûr que toi, si tu l’avais pu, si tu le pouvais encore aujourd’hui, tu n’entrerais pas dans la police. La trahison est douce.
(Une porte s’ouvre. Entrent Bob et Bravo dansant enlacés)
JEAN
Vous dansez !
BOB
On siffle aussi. La valse et la musique. C’est du grand opéra. (Il siffle une java)
JEAN
Arrêtez !
BRAVO
Oh, Johnny, laissez-nous danser !
JEAN (à Bob)
Tu es avec Riton. Toi aussi, Bravo. Retournez avec lui. Je me suis installé ici, dans ce corridor, avec Scott et Rafale. Ne venez pas m’y narguer.
BOB
L’hôtel est à nous. On l’a conquis comme toi. On l’arpente en valsant, ça nous distrait.
JEAN
Vous êtes des salauds !
BRAVO (en colère)
Répète !
BOB (ironique)
La politesse, Monsieur ! Depuis hier tout le monde se surveille, on s’épie derrière un buisson de roses et tu serais le seul à être brutal ? Pas juste.
SCOTT
La courtoisie est de rigueur, Johnny. »
Splendid's mis en scène par Cristèle Alves Meira commence demain.
Splendid's est installé à l'Athénée pour ses dernières répétitions, mais quelque chose cloche.
Saïd Bey, Cédric Appietto et Nebil Daghsen en répétition
La scène aurait-elle changé de place ? Où sont passées les coulisses ? Les places les plus pourries des loges latérales deviendraient-elles les meilleures de l'Athénée le temps d'un spectacle ???
Réponse mardi pour la première !
Bon week-end.
La moitié d'entre vous n'a pas reçu mes billets d'hier et d'avant-hier pour raisons techniques (ou, pour ceux qui détestent l'expression "problème technique", parce que le script était stoppé par le timeout trop court du nouveau serveur, si si) ; mardi, l'on pouvait voir une photo très saignante et hier, une courte note sur la pièce Splendid's de Jean Genet.
Splendid's commencera donc à l'Athénée la semaine prochaine, mais une première version du spectacle avait été montrée au Colombier de Bagnolet en janvier dernier.
Je n'avais pas pris de photos pendant la représentation mais quelques-unes juste avant, alors que l'équipe se préparait :
Nebil Daghsen
Lahcen Razzougui, Jean-Emmanuel Pagni et Tewfik Jallab
Tewfik Jallab et Cristèle Alves Meira, metteure en scène
Lahcen Razzougui
Cédric Appietto
Tewfik Jallab
Lahcen Razzougui
Cristèle Alves Meira, metteure en scène
Bonus pour ceux qui lisent jusqu'au bout : les dix premières personnes qui répondront à la question suivante gagneront deux invitations pour la première semaine de Splendid's !
Quels accessoires utilisés dans Splendid's n'ont pas réussi à passer la douane lorsque le spectacle s'est joué au Maroc ?
Il faut envoyer votre réponse par mail à l'adresse clemence@athenee-theatre.com (attention, vos messages n'arriveront pas si vous cliquez sur "répondre" à ce mail, la newsletter étant envoyée par une adresse robot)
Bonne chance et à demain !
Les Bonnes : cette pièce célébrissime est sans doute l'œuvre la plus connue de Jean Genet, tellement connue qu'elle en a un peu éclipsé les autres, pourtant tout aussi troublantes, comme Le Condamné à mort, Le Balcon ou Les Paravents.
Splendid's, qui n'a jamais été joué du vivant de l'auteur, n'est peut-être pas aussi directement à charge que Les Paravents qui, parce qu'ils attaquaient frontalement la guerre engagée par la France en Algérie, donnèrent lieu à des débats houleux jusqu'à l'Assemblée nationale (j'y reviendrai).
Moins explicite, Splendid's n'est pas pour autant moins engagé : en racontant l'histoire d'une bande de gangsters prenant une Nord-Américaine en otage dans un hôtel, la pièce est hantée par une réflexion sur le rôle de la police et des médias, la trahison, l'imposture, la nature du crime, l'homosexualité ou l'oppression sous toutes ses formes.
Écrite à la fin des années 1940, la pièce prend aujourd'hui une coloration politique particulière à la lumière de l'actualité où les actes de terrorisme se multiplient pour des raisons politiques, religieuses ou le plus souvent crapuleuses.
Jean-Paul Sartre l'estimait meilleure que Les Bonnes, mais Genet la trouvait "mauvaise", selon les mots rapportés par son agent, Bernard Frechman. D'abord privé de publication dans la revue L'Arbalète suite à un différend avec son directeur Marc Barbezat, Splendid's est ensuite recalé par son auteur lui-même pour n'être publié qu'en 1993, une quarantaine d'années après son écriture.
Rarement jouée en France, elle sera représentée à l'Athénée à partir de la semaine prochaine.
Bonne journée à tous !
PS : certains d'entre vous n'ont pas reçu le billet d'hier. Pour le lire, rendez-vous ici !
Splendid's de Jean Genet commence la semaine prochaine à l'Athénée, et pourtant j'avais déjà eu l'occasion de vous en parler sur le blog : le spectacle a en effet été joué l'hiver dernier au Maroc, et y amener certains accessoires sensibles avait été pour le moins périlleux (le récit de l'odyssée en quatre épisodes : 1, 2, 3 et 4).
Splendid's a retrouvé les ors et velours rassurants de l'Athénée où l'équipe répète actuellement, mais n'a pas pour autant molli avec le confort : je vous ferai découvrir petit à petit en quelle mesure la salle de l'Athénée va se trouver prise à contre-pied, mais une chose est sûre, ça va saigner.
Bon mardi !
En 1887, l’Opéra-Comique donne une représentation de l’opéra Mignon d’Ambroise Thomas : au cours du premier acte, un défaut dans l’éclairage au gaz provoque un incendie qui dévaste la salle Favart et provoque la mort d’une centaine de personnes de l’équipe et du public.
Quelques mois plus tard, la ville de Paris élève un monument dédié aux victimes de l’incendie dans la 96e division du cimetière du Père-Lachaise, avant de rendre l’éclairage à l’électricité obligatoire dans les salles de spectacles.
En 2011, Julie Fuchs, révélation lyrique de l’année aux dernières Victoires de la musique, chantait un air issu de Mignon aux Chorégies d’Orange. Intitulé “Je suis Titania la blonde”, l’air se réfère au moment où le personnage de Philine répète la pièce Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare où elle doit interpréter le rôle de Titania.
Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez la regarder ici sur YouTube.
Si je parle de Julie Fuchs, c’est parce qu’elle donnera samedi à 20h un concert gratuit à l’Athénée dans le cadre de Tous à l’Opéra.
Tous à l’opéra, c’est un événement créé il y a six ans pour ouvrir gratuitement les portes des maisons d’opéra durant un week-end.
En offrant des concerts gratuits, des visites guidées ou des ateliers, l’idée est de faciliter la découverte de l’opéra sans la contrainte des places à prendre (cher1) très en avance pour un spectacle qu’on ne sait pas comment choisir.
L’Athénée y participe cette année pour la première fois en proposant un concert gratuit samedi soir à 20h, précédé d’une répétition générale à 16h ouverte au public.
Julie Fuchs y chantera des airs d’opéras accompagnée du ténor Julien Behr et du pianiste Mathieu Lamboley. L’Ensemble le Balcon jouera également.
Je précise par ailleurs aux friands d’avant-premières que l’Athénée retrouvera Julie Fuchs et Le Balcon dans l’opéra Ariane à Naxos de Strauss l’année prochaine.
N’hésitez donc pas à pousser la porte de l’Athénée samedi à 16h ou 20h!
Ce soir et demain, le théâtre accueille les dernières représentations de Nietzsche/Wagner - Le Ring.
Bon jeudi
1 le prix, souvent invoqué comme frein essentiel, est en fait souvent beaucoup plus bas que ce que l’on imagine, en particulier hors de Paris ou à l’Athénée, sans vouloir prêcher pour ma paroisse.